
» M. de Forbonnais , qui nous fournit ces détails ,
m tome I I , in-11 ,pag. 182 , il n’ étoit pas moins
v important d’en aflurer la fidélité. C'eft de la
v confufion des recettes que partoient principa-
» lement les pertes de l’Etat. Chaque receveur dé-
à guifoit, à Ton gré, l ’état de fa caifle. Le mi-
» niftre préfle, avoit recours aux emprunts , aux
» traités ruineux ; & ces mêmes receveurs pre-
» toient au roi Tes propres deniers , à un quart
*> & un tiers de profit.
» Souvent c’étoit furies porteurs d’affignation
» que romboient leurs ufuresj ils les faifoient
» languir jufqu’ à ce que le befoin en arrachât
» un efcofripte très-avantageux Enfin , tous les
v défordres que Sully avoit bannis s’ étoient re-
» produits pendant la licence des tems.
»» Colbert rappella les anciennes ordonnances
» qui avoient été négligées. Tout comptable fut
» allreint à fournir, au confeil, des états au vrai
9 de fa recette & de fa dépenfe * trois mois
*> après fon exercice , & à faire recevoir fon
s> compte à la chambre 3 dans farinée fuivante :
» méthode excellente, qui faifoit jouir l’Etat des
v fonds confidérables qui reftoient entre les mains
» des receveurs généraux jufqu’à la reddition de
» leurs comptes 3 & dont le roi payoir cepen-
*» dant l’intérêt, puisqu’ ils fervoient aux avances 9 dont il avoit befoin.
« En réformant cet abus, qui fera toujours
» plus grand , à mefure que les comptes feront
v plus retardés , il obligea les "receveurs généraux
» à ligner des réfultats, pour fixer le payement
*> des tailles dans dix-huit mois , & depuis, dans
» quinze mois , lorfque' les campagnes furent
*>'un peu rétablies. En, 1669 , il ajouta à ces
» précautions celle d’obliger les receveurs à tenir
» un journal très-détaillé.
» C ’eft à la faveur de ces réfultats 3 qu’on a
»3 attaché aux cburgzs dts receveurs généraux une
33 idée de befoin j mais a t-on bien examiné fi
» ces réfultats ne pourroient pas être faits avec
33 la même sûreté, & avec plus d’économie, par
33 les receveurs particuliers ? La bàifle commune
33 des recettes générales ne pourroit-elle pas
» former , fans inconvénient , une des cailfes
39 du tréfor royal , où l’ori ne fauroit montrer 9 trop d’abondance ? Eft-il bien néceflairé qu’il
33 y ait des charges dont l’ intérêt rapporte neuf
33 à dix pour cent, pendant la paix, pour une
33 régie fort fimple , fi la tenue des règiftres eft 9 en bel ordre ? Ces neuf à dix pour cent, ne
» font ils pas une diminution de la recette du
33 prince , ou un accroiffement de charges fur le
33 peuple?
90 On dira fans doute que le principal objet d’u-
33 tilité dé cet arrangement, confifte dans l’ufitgé
33 du crédit des rectveurs-généraux. 11 ne s’agiroit
33 plus alors que d’approfondir la caufe de leur
33 crédit, & la nature de celui de l’Etat, lorfqu’il
33 voudra l’employer à droiture avec économie &
>3 fidelité. Chaque particulier, en prêtant fon ar- » gent à un receveur-général, quelque riche qu’il
» fo it , cohnoît très-bien la nature de cet enga-
33 gement $ & s’il n’avoit point de confiance dans
» l’Etat, il ne prêteroit pas, ou fe prév,audroit
33 fur les conditions, du rifque qu’il s’imagineroit
» courir. Une preuve fans réplique de ce qu’on
33 avance ic i , c ’eft que l’intérêt a haufle dans tous
» les tems critiques, vis-à vis des financiers, &
»3 eux-mêmes font intérefles à Ce qu’ il foie tou-
>» jours cher. Cette dépendance volontaire , où
*3 l’on s’eft tenu d’eux , même dans les tems d’ or-
» dre & de tranquillité , a toujours été fort coû-
»3 teufe à l’Etat, & leur a donné les moyens de la
33 rendre forcée dans d’autres circonftances, parce
33 que l’argent s’eft trouvé entre leurs mains.
»\ Lorfqu’un Etat dépenfe par anticipation , ou
» bien il prévoit un prompt remplacement, ou
33 bien il ne le prévoit qu’éloignéj dans le premier
» cas, une caifle des emprunts , des promefles du
» trefor royal, fourniront toujours promptement
33 & à bon marché , les fecours dont on peut
» avoir befoin , fi le gouvernement a de l’ordre &c
» de l ’exaélitude$ dans le fécond cas, le crédit
33 des finances eft pour l’ordinaire infuffifant.
» Toute conftitution d’Etat qui a de la ftabi-
33 li te , aura toujours un crédit national propor-
30 tionnel a 1 exactitude & à l’économie du gou-
33 vernement, à 1 étendue des reflources publiques ;
» mais tout crédit médiat, eft précaire, borné &
33 coûteux par fa nature. C e vain étalage de crédit
»3 des compagnies de finance , reflemble exaéte-
» ment a celui queferoit un grand feigneur d’une
33 multitude de domeftiques, qui s’enrichiflent des
33 débris de fa fortune. *3 V^oye^ le mot C rédit
PUBLIC, tom. 1 3 pag. 449.
vSuivons les receveurs généraux des finances jufqu’ à
nos jours, dans les révolutions qu’ont éprouvé
leurs charges.
Le compte que M. Defmarets, contrôleur général
des ^finances, à la mort de Louis X IV ,
rendit au régent, au mois d’oétobre 1715 , va nous
inftruire des fervices que ces financiers rendirent à
l’Etat, fous fon miniftère.
33 Le fâcheux état des finances, après les dépenfes
» confidérables occafiorinées parles circonftances
33 de la guerre, d’un hiver exceflîf, & delaftérilité
33 qui en avoit ete la fuite, dans les années 1708
» & * i70 9 , mettoit de grandes difficultés à trou-
»> ver des reflources pour la guerre, qui contt -
*3 nuoit avec plus de vivacité que jamais, apres
»3 la prife de Tournay. Dans cette fituation, je
»3 propofai au roi de faire faire une régie par douze
» receveurs généraux , de plufîeurs affairés extraor-
» dinaires, dont ils4 pourfuivroient le recouvre-
>3 ment.
» Us donnèrent en cette occafion des preuves
93 de bonne volonté pour le fervice, oc déclaré
,3 rent qu’en fe chargeant de cette regte, ils ne
» prétendoient aucune remife m benehee, « t e .
» contenteroient des interets des avanc.ejî
« pourroient faire, moyennant que le roi le char-
» geroit des frais de bureau, tant à Paris qu en
» province.
1 33 Cette nouvelle forme de régie prit d’autant
33 plus de faveur, que le public, qui etoit tort
» rebuté des traitans , vit que les recouvremens
v feroient faits fans frais j aufli le crédit de cette
y caifle fe fortifia tellement, qu on peut dire
« quelle a foutenu l’Etat jufquau mois davril
» 17 U*
s» Les affaires extraordinaires dont: les receveurs
» généraux furent chargés de faire la regie & le
» recouvrement, confiftoient :
v i«Y Dans le rachat du' prêt & droit annuel.
» i° . Dans un. denier d’ augmentation de re-
» mife aux receveurs généraux & aux receveurs des
. 33 tailles.
» >0. Dans de nouvelles taxations ou augmen-
ï tâtions de gages aux officiers comptables.
' » 4P. Dans l'aliénation ou engagement du con-
» trôle des aétes* des notaires.
' » c». Dans i’ affranchïflfement de la capitation
33- du clergé.
33 Tous ces fonds extraordinaires ont produit
33 près de foixante-huit millions. Les affaires ré-
93 gies par les receveurs généraux , en donnèrent
93 quarante-trois, huit cents dix-lept mille deux
93 cents quarante-fix livres, dont la remife , fur
33 le pied du fixième & des deux fols pour livre,
33 remife qui avoit été fixée précédemment, par
» M-Colbert, en faveur des traitans, auroit monte
beaucoup de difficultés. I! fallut engager les r ê veurs
à onze millions fix cent quatre-vingt-dix-huit
33 livres, qu’on a ménagés pour le roi > & pour
» les redevables. Telle eft 1 origine de cette caifle
33 de régie , qui pafla entre les mains de le Gen-
9 dre, & qui devint quelque tems le centre de
33 toutes lés opérations & la bafe du crédit na-
?» tional.
Les fonds néceflaires pour les dépenfes de 1711
& 17 12 , ne purent néanmoins fe faire quav.ee
généraux à faire l’avance de dix- huit millions
, fur le produit du .dixième, tant du quartier
d’Oftobte 1 7 10 , que de l’année entière i j “ -
Mais ce produit ne monta, dans les dix-neut ge-
nerklités taillablés, qu’à quatorze millions.
Les fonds manquant abfolument, dit M- Defmarets
„.pour la campagne de ,1715 > on cut
cours aux banquiers, pour continuer a taire des
remifes deftinées àla fubfiftance des troupes, dont
on leur paieroit, partie en affignations, lut les
fonds reftans libres, & partie par anticipations,
fur les produits de 17-4 & 17U >™is ’ is demandèrent
des efeomptes & des interets fi ««^£.1-
tans, que pour éviter cette perte, je m adreuar
auyi receveurs généraux , qui avancèrent, ur eu
recouvremens ordinaires , neuf millions fax cents
huit mille livres.
Le roi fut fi content de ces fervices, & des fecours
qu’ ils avoient fournis pour la fubfiftance
de l’année de Catalogne, qu’il fit expédier, le Jo
mai 17^3, une ordonnance decent cinquante-deux
mille livres ,ù titre de gratification , à partager
entre tous les receveurs généraux des finances.
A la mort de Louis X IV , en 1717 , les receveurs
généraux fe trouvèrent avoir fait des avances
confidérables , dont une grande partie leur avoit
été allouée pour des intérêts. Mais ils s'étoient fait
donner, pour ces avances, des quittances comptables
, non - feulement des exercices pafles, mais
même de leurs exercices à venir j enforte qu’ils
comptoient que la partie qu’ils verfoient annuellement
au tréfor royal, & qui etoir d environ
quinze cents mille livres, leur appartenoit prefqbe
en entier jufqu’ à l’année 1718.
Dans la détreffe où le régent trouva les affaires,
il jugea nécefiaire de ménager les receveurs
généraux des finances , & de les gagner par quelques
complaifances, en attendant que les ténèbres
dont on étoit environné, fuffent up peu diffipées.
A la fin de feptembre 1 7 1 * , ils lignèrent un
réfuitat , par lequel ils s’obligeoient à fournir
deux millions, pendant chacun des quatre derniers
mois de cette année ; & deux millions cinq cent
mille livrés, pendant chaque mois de 17 16 , çour
la folde des troupes. En conféquence, une déclaration
du roi , du 11 oftobre , les confirma
dans l’exercice de leurs charges, foit pour employer
leurs recettes au paiement des troupes,
foit pour le rembourfement de leurs avances.
Mais comme leur recette-n’étoit pas_ fuffifante
( pour fatisfaire à ces deux objets à la fois , dans le
courant d’une année, il fut réglé qu’à l ’échéance
de leurs billets, ils en paieroient le tiers comptant,
Sc que les deux autres tiers feroient parta-
L 1 1 ij