
f actions ordinaires de la fociété , où tes prêteurs
& les emprunteurs , égaux par leurs rapports 8c
par leur nombre, traitent enfemble du prix de
l'argent, & font ituiiftinélement fournis à l'effet
des eonfidérations univerfelles qui déterminent là
mefure de l’intérêt.
L’ ufure ne s’applique jamais qu’ à des lîtuations
particulières i c’eft un abus de la force envers la
foibleffe } c’eft un empire exercé par l’avarice 8c
la cupidité fur une claffe d’hommes à qui le délire
des pallions ôte les moyens de fe défendre >
c ’eft un piège préparé contre les jeunes gens, les
joueurs & tous ceux qui , emportés par le moment,
détournent leurs yeux dè l’avenir 5 àinfî,
de même qu’on ne permet point à un mineur ou
à un homme interdit j de contracter des engage-
mens, on doit pareillement condamner les marchés
ufuraires , puifque ces conventions indiquent
prefque toujours qu’ une des parties contrariantes
eft affoiblie par fon aveuglement ou par fon dé-
fordre. Il feroit donc abfolument contraire aux
bonnes moeurs de tolérer , dans une fociété policée
, ces hommes endurcis & méprifables , qui
attendent dans l’obfcurité 3 que l’imprudence ou
les égaremens leur amènent des vi&imes.
Mais les loix contre l’ufure , les punitions infligées
à ceux qui s’en rendoient coupables , n’a*
voient point arrêté fes progrès dans la capitale ,
& l’on ne pouvoit plus fe diffimuler les difficultés
infurmontables d’une pareille reforme } car à mefure
que la furveillance de l’adminiftration fe ré-
veilloit , les ufuriers redoubloient de précautions
pour cacher leur trafic criminel fous des formes
légales en apparence. Il étoit donc devenu nécef-
faire d’oppofer à cette dépravation un obllacle
d’ un nouveau genre j & Tinllitution d’un Montée
Piété déterminée au mois de décembre 17 7 7 ,
parut véritablement indiquée par les circonftan-
ces -• c’eft’ un établiffement mêlé d’inconvéniens
fanS- doute ; mais les négociations tenèbreufes
dont il a tari la fource , entraînoient des abus
d’une tout autre importance.
Les conditions auxquelles le Mont-de-Piété
prête fur gage 3 font équivalentes , à->peu-près,
à un intérêt de dix pour cent par an ; c'eft 3 on
en convient, un facrifice confidérable pour les
emprunteurs ; cependant fi la certitude & la facilité
d’une pareille reffource ont délivré du joug
des ufuriers, q u i, non-feulement exigeoient vingt
ou trente pour cent, mais qui enfeignoient encore
aux jeunes gens l’art de cacher leur inconduite ;
le Mont-de-Piété 3 fous ce rapport, a procuré de
grands avantages. On eft forcé quelquefois de tran-
figer avec les erreurs & les pallions des hommes 5
& cette inftitution , fufçeptible de critique ,
quand on en confidère les effets d’une manière
ifolée i doit être jugée différemment * lorsqu’ on
examine la nature & l’ étendue des inconvénient
dont ce même établiffement eft devenu la fauve-
garde.
On demandera cependant pourquoi l’on n’a
pas affuje.ti le Mont-de-Piété à faire des avances
à un intérêt plus modéré ; l’ éclairciffement eft facile
à donner : e’eft qu’alors le nombre des per-
fonnes qui auroient eu recours à de pareilles facilités,
n’eût plus été proportionné à la mefure des
reffources qu’on pouvoit procurer à cet établiffement.
On ne doit pas , avec des moyens limités, fe
procurer un but indéfini. Il faudroit, à Paris, des
capitaux immenfes pour prêter fur gages à des
conditions qui fe rapprocheroient du cours habituel
de l’intérêt. Le Mont-de-Piété n’avoit point
été deftiné à une entreprife de cette, étendue j on
vouloit feulement pourvoir, par fa médiation *
à ces befoins imprévus 8c preffans qui mettoient
dans la néceffité de recourir à des expédiens ex-
ceffiffs & fufceptibles d’une infinité d'abus.
Auref te, les frais qu’exige une manutention
vafte & compliquée , comme celle d’un Mont-de-
Piété , font néceffairement très - confidérables >
auffi, quoique la fomme des avances faites pat
cet établiffement, dans le cours d’ un année^, fe
montent aujourd’hui ( en 1784),à environ quinze
millions , le bénéfice au-delà de l’intérêt du fonds
capital , ne s’élève pas à cinquante mille écus.
C e bénéfice eft dévolu à l’ffôpital général : difpo-
fition qui'diminué encore' les inconvéniens attachés
à la fondàtion d’un Mont dë-Tiéïé. jj
Je ne crois pas, cependant, qu’il con vienne d’ étendre
ces établiffemens aux villes de province. Il
faut confidérer dè pareilles précautions , comme
un adouciffement apporté aux abus qu’on ne peut
empêcher,} mais .dans tous lçs lieux,ou le reffort
de la police 11’ eft pas trop confidéràblè y il êft aifé
de détruire la profeffion des ufuriers | ou de contenir
du moins leur trafic dans des bornes connues.
\
C e n’eft auffi que dans le tourbillon d’une
grande capitale, que la dépravation des moeurs
oblige à des menagemens, 8c à une forte de''conciliation
avec les vices , dont la deftruélion eft
impraticable. Ailleurs le remède donneroit l’idée
du mal, & en voulant prévenir à l’avance les inconvéniens
d’un défordre encore dans fa naiflànce ,
on y donneroit peut-être une extenfion dangereufe.
Les hommes fous le regard de l’adminiftration générale
, font de véritables enfans , & le$ principes
d’une fage éducation paroiffent fouvent applicables
aux rapports qui exiftent, entre un fou-
verain & les fujets confiés à fa tutelle.
MORTE-CHARGE. Terme de commerce &
de
de douane pour lignifier qu’un vaiffeau n*a pas fa
charge entière. On a vu , au mot F r e t , que 3 fui-
vant l’ordonnance > le droit de fret eft dû fuivant
la continence des navires jaugés à morte-charge ,
c ’eft-à-dire, foit qu’ils aient une cargaifon com-
plette ou partielle. Voye% F r e t , p°Se ^9^
fécond volume.
' M O R A L E , f. f. qui lignifie en général la
fcience de bien vivre , de diriger fes aélions vers
le bonheur & la perfection. La morale expofe les
yrais principes des devoirs, 8c montre les moyens
de les remplir en enfaifant çonnoître le motif &
la fin; D ’après cette définition de la morale 3 ©n
fent qu’ il en eft aine générale conforme à^ la loi
naturelle qui eft proprement la morale de l’homme
} viennent enfuite la morale des focietes, la
morale des législateurs 3 la morale du citoyen , la I
morale des Etats , la morale des princes , la mtr-
raie des magiftrats, la morale des militaires, la
morale enfin de toutes les conditions 3 parce que
chacune a des devoirs particuliers.
' C ’eft dans cette acception que nous c o n f é rons
ce mot,3 lorfque nous nous propofonsde donner
ici la morale des finances , c’ eft-à-dire dejeur
adminiftratiôn & des adminiftrateurs. Cette tache
feroit affurément impoflible à remplir par quiconque
n’auroit pas joint les penfées d’une profond^
méditation fur les finances , aux leçons que
donne l’expérience, de leur adminiftratiôn j mais.
Heureufement un homme de génie qui a reçu.cette
double, inftruâiôn y.a tjteri. voulu publier , pour
celle de fes fuccéffeurs , & même de tous les,
hommes publics , les principes ‘qu'il a mis lui-
même en pratique, & les réflexions qu’il a eu
occafion de faire dans la place d’adminiftrateur général
des finances. Empruntons fon propre langage
, en raflemblant ici tout ce_qui fe rapporte
à notre but.
L ’adminiftratiort des finances en France , fur-
tout depuis que l’accroiffement des impôts , &
l’augmentation de la dette publique en ont étendu
les rapports, eft néceffairement devenue l ’une
des fonctions les plus importantes dont un homme
puiffe être chargé. Cette adminiftratiôn s’ entre*
mêle & s’unit à tout : elle atteint les hommes
par le plus aftif & le plus immuable de tous les
refforts } l’efprit d’intérêt & l’ attachement à la
fortune. Dans cette adminiftratiôn l’on apperçoit
à chaque inftant les difficultés qui naiffent de la
diverfîté des intérêts, dont toutes les claffes de
la fôciété-font préoccupées.
Les propriétai'res de terre, les créanciers de
l’E ta t, les négocians, les nobles & les roturiers,
les hommes de travail & d’induftrie, dominés les
uns & les autres par l’habitude continuelle des
mêmes réflexions , confidèrent, fans y penfer ,
là plupart des aétes de 1 adminiftratioti des^ fiilan»
Tome J IL Finances*
ces d’une manière particulière à leur é ta t , 8c
à la nature de leur fortune.
A cette diverfité d’intérêts fe joint encore une
grande variété d’opinions fur les queftions generales
de l ’adminiftration } & leur abftraéhon fà-
vorifaut tous les fyftêmes, c’eft un champ vatte
ou chacun peut s’étendre, 8c fe trouver continuellement
en oppofition ayec tout ce qu on fait
ou ce qu’on projette.
C e genre de contrariété n’étoit pas autrefois
compté parmi les difficultés de l’adminiftration j
mais depuis que- le progrès des lumières a rapproché
les hommes qui font gouvernes, de ceux
qui gouvernent, les minillres font devenus les acteurs
du théâtre du monde dont on s’occupe davantage,
& dont on obferve le plus féveremeat
la condnitè > & tandis que l’ancienne îndiffçrence
aux objets d’adminiftration laiffoit un libre cours
aux' erreurs de tout genre, l’ attentron qu on y
porte aujourd’h u i, contraint les hommes les plus
confians a une forte de circonfpefluon , falutaue
fans doute , mais qui tend toutes les admimitia-
tions, & celle des finances en particulier, infiniment
plus difficiles & plus labotieufes.
Une multitude d’obltacles nailTent encote de
cette variété de formes 3 .d ufages & de privilèges
qui s’opèrent & diftinguent les provinces
du royaume les unes des autres : enfin une longue
: expérience de la vafcillation continuelle du gouvernement
dans fes plans & dans fes fyftemes ,
! décourage les caufes fécondés, & entretient les
oppofitions de tous ceux qui ont entre leurs mains
quelques moyens de réfiftance..
C ’ eft à travers toutes ces difficultés que Vadmi-
nifiracion des finances en France doit fe développer
• il faut à la fois quelle éclaire 5 qu elle calme
& qu’elle guide lesefptits : il faut que par une
^ conduite conftamment jufté & bienfaifante 3 elle
tempère l’aftion des intérêts particuliers , en les
ramenant infenfiblemen^ à l’efpnt de fociete &
aux idées d’ordre publicl
Il faut fur-tout, que par une inquiétude adive
& continuelle j elle excite la confiance : ce fenti-
ment précieux qui unit l’avenir au prefent , qui
donne l’idée de la durée des biens & du terme
des peines a & qui devient le plus fûr fondement
du bonheur des peuples. C ’eft alors que chacun
envifage les contributions qui lui font demandées,
comme un jufte concours au befom de 1 Etat , 8c
comme le prix en quelque maniéré 3 & de 1 ordre
qui l’environne, & de la fûreté dont il jouit.
C ’ eft alors que les peuples prêtent l’oreîlle à
la parole des rois & qu’ils s’y fieut. Si un Soulagement
leur eft promis , ils en jouiflent a 1 a-
I vance, 8c fi le tetme d’ un impôt leur eft annon-
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