
biîfoin d’inftruétion. Une année 0« deux fuffîroiçnt
pour acquérir les lumières néceffaires à la pro-
feffion qu'ils voudroient embrafler. Les pères de
famille ne. feroient plus privés, pendant un lî longtempsy
du travail de leurs enfans. Ils pourroient
les faire inftruire.à moins de frais , & recueillir
des fruits moins tardifs de leurs dépenfes. Le
nombre des enfans , loin d’être alors une charge
pefante 8c fans aucun fecours pour le chef § de-
viendroit un moyen de plus pour fa fubfiftance,
& un foulagement dans fes travaux. La population
augmenteroit, les mariages feroient moins
rares & moins ftériles, parce qne le peuple ne
- craindroit plus d'avoir une trop nombreufe famille.
v
Laconfommation intérieure 8c extérieure feroit
plus grande , & réagiroitfur le principe j c’eft-à-
dire j fur la culture des terres. Nous n’inviterions
pas nos propres fujets à foi tir de nos provinces
, pour porter leurs connpiffances chez les
nations où l'induftrie n’ eft point captive. Les
etrangers , attirés par la douceur 8c l'urbanité de
nos moeurs, pourroient réparer nos anciennes
pertes, 8c fixer dans nos bourgs 8c dans nos v illes,
des talens qu'on ne contraindroit plus par de,s
loix injuftes.
La fuppreffion des corporations privilégiées ,
nous offre encore d'autres avantages. Le prix, des
ouvrages feroit plus modique ; la concurrence &
l'exemption dés frais de maitrife procureroient
cette diminution. Les étrangers trouveroient plus
d'utilité à employer notre înduftrie. Les marchands
8c les artifans , guidés feulement par le
goût du confommateür, n'auroient plus pour barrières,
des loix inflexibles Sc immuablesi leur intérêt
, d’accord en ce point avec celui de l'état, les
conduiroit versTobjet le plus favorable à la concurrence.
Nos marchandifes n’auroient plus une
perfection pofîtive 8c limitée , mais une perfection
rélative au goût & au prix le plus avantageux
à la çonfommation.
L'ouvrier dégagé des entraves du réglement 3
imiteroit aufïi promptement que l'utilité l'exige-
roit. L'efprit inventeur auroit plus de carrière ; il
parcoureroit un plus grand efpace ; la liberté râl-
lumeroit l’émulation eteinte par les obftacles 5 chacun
pourroit moiffonner dans le champ de l’in-
duftrie. On ne verroit pas nos provinces inondées
d’étoffes étrangères que nous fourniffent les .An-
glois 3 les Suiffes , les Hollandois,. parce qu’ils
font les maîtres de tenter & de fatisfaire notre
goût inconftant & volage, & qu’ils nous déterminent
par le bon marché.
Nous croyons devoir ajouter que. la partition
que nous ayons faite du corps de l’induftrie en
une infinité, de branches fubdivifées, auxquelles
nous avons donné des privilèges exclufifs, eft une
fource intariffable de divisons 8c de procès. Chacüne
de ces branches peut être conçue comme
un efpace circulaire infcrit dans l’aire générale:
ces cercles fe touchent néceffairement en un point.
C ’eft cette tangence funefte qui fait naître les con-
teftations dont nos tribunaux retentiffent tous les
jours. La communauté voifine d’une autre, dif-
pute fans ceffe fur des objets.indivis 8c. communs
qui n’ont pas été 8c qui n’ont pu être marqués
avec allez de précifîon. C e point de difcorde eft
un impôt considérable fur nos ouvrages. Combien
de frais n'a-t-il pas occafionnés ? Combien de fois
n'a t-il pas employé la plume & l’organe de ces
hommes qui ne vivent que de nos fottifes 8c de
nos difputes ? Les corps empruntent pour foute-
nir leurs droits ; 6e comme l’ilfue d’un procès eft
prefque auffi fatale , dans la vi&oire, que dans la
défaite 3 ces corps relient toujours chargés d’emprunts
accumulés qui les endettent. La rente de
ces fonds eft payée annuellement par- les ouvriers
qui compofent ces communautés : c’eft un fardeau
pour l’induftrie, qui fera d’autant plus pefant que
l'argent fera plus haut 8c le corps moins nombreux.
C e double mal exifte , l’intérêt eft haut,
& nos réglemens s’oppofent à la population des
communautés.
La fuppreffion de tous les privilèges exclufifs
des corps de métiers tariroit donc la fource de ces
dépenfes onéreufes. Il en réfulteroit un autre
avantage pour l’etat ; la circulation feroit plus active.
Nous n'entendons pas feulement par circulation
, celle des matières premières , des matières
fabriquées, ou celle de fargent qui les repréfente.
Il y a une autre circulation auffi néceflaire à une
nation commerçante ; c ’eft: celle des talens.
Il eftutile que tous les membres de la fociété
des hommes deftinés au travail, puiffent circuler
avec la plus grandeJacilité .dans tous les .genres de
profeffion 5 c’eft-à-dire , que le fils d’ un maître
d’un tel art 3 doit avoir la liberté d’entrer avec
les moindres frais poffibles dans un autre * fi la
nature , le goût 6c l’aptitude l ’y invitent. C ’eft la
liberté de cépaffage d’une profeffion à une autre;
c’eft la faculté libre donnée aux fils d,es artifans
de fe croifer dans toutes les profeffions 8c de choi-
fir le métier qui lui plaît le plus , qui procure le
plus d’çmulation & de concurrence. Or nos communautés
s’oppofent à l ’avantage de cette circulation.
Un fils de maître pourra , il eft vrai, profeffer
l’art de fon père fans être aflujetti à une grande
dépenfe ; mais il ne peut pas pafler dans une autre
communauté, fans fe Soumettre à un long ef-
clavâge, fans faire perdre à fe$ parens, fept ou huit
ans de fon travail^* & fans l’obliger à de grofles
avances pour fa réception. Cependant un père
chargé d’une nombreufe famille, doit chercher à
leur donner des profeffions différentes; fpit pour'
éviter les jaloufies 8c les querelles, foie pour leur
procurer une fubfiftance plus facile. Souvent l’art
qu’il pro;effe n’eft pas propre au tempérament ou
à l’inclination d’une partie de fes enfans : celui-là
fera peu adroit dans telle profeffion, qui eût ete
habile dans une autre. On ne fauroit trop favori-
fer la nature , & le penchant qu’ elle nous a donne
en naiflant, pour l’efpèce de travail qui nous convient
lle; mieux. Çecte confidération nous par'011
importante, 8c doit être mife au rang des plus •
grands obftacles qué les maitrifes ou corps de me-;
tiers -oppofent aux progrès de 1 induftrie. Leur
fuppreffion leveroit ces obftacles , & procureroit
par conféquent un grand avantage a l’état.
- On croit avoir expofé les effets que les privilèges,
des communautés produifent fur les arts 8c
fur le commerce, 8c l’utilité que l’état retireroit
de leur fuppreffion. Il refte à confîdérer quelle feroit
la meilleure méthode d’y procéder , & à examiner
«, fi les fecours que les corps de métiers ont
fournis à la nation , ont été nuifible« ou avantageux.
Nous commencerohs par l’examen de ce
dernier point, parce que nous ne pouvons pas
donner les. moyens de fuppreffion , que nous
njayons expofé les obftacles qu’il faut lever, 8c
ces.fecours font aujourd’hui les obftacles les plus
grands qui s’y oppofent.
S e c 6 ,n d e q u e s t 1 o n.
Les fecours. que les corps de métiers ont
donnés à l’état, ont-ils été ïiuifibles ou avantageux
?
. Quelle feroit la meilleure méthode de pro-
céder à la fuppreffion de ces corps ?.
Depuis qu’on a envifagé les corps de métiers
comme une reffource de finance , on s’eft écarté
fies véritables principes qui encouragent les arts ,
animent les talens, & enrichiffent l’état. Le plus
folide & ,1e plus fécond fans doute , eft de ne pas
changer l’induftrie , d’exempter d’impôts les matières
premières , les matières fabriquées, 8c le
fabricant confidéré comme tel ; ou du moins de
n’exiger que des droits légers & toujours moindres
que ceux qu’on leve fur les mêmes objets
dans lés états concurrens : mais comme il faut que
la nation trouve les moyens de pourvoir à fes be-
foins & à,fa fureté, on pourroit faire tomber la
plus grande partie des.impôts, fur la confomma-
tion 8c fur les objets purement de luxe. Cette
augmentation feroit répartie fur tous les ordres de
.l’état, 8c Pinduftrie ne feroit chargée qu’en raifon
de ce qu’elle confomme. Telle a toujours été l’attention
du légiflateur, chez les peuples qui ont
. voulu s’agrandir par le commerce ; 8c l’avantage
que la France en retireroit nous paroît tellement
• évident, que nous croyons qu’il n’a pas befoin, de
preuves. Si on en demandoit une, nous apporterions
pour garans de ce que nous avançons, les
fuccès des Nations qui ont adopté ce fy-ftême. En
effet, les arts & le commerce ne peuvent s’accroîtr
e , qu’autant que ceux qui les ont cm b rafles recueilleront
des fruits plus abondans de leurs travaux.
La contrainte 8c les taxes font les obftacles
les plus grands qu’on puiffe oppofer à leurs efforts.
Que dirions-nous du poflefleur d’une terre, qui
ne permettrait à fes. fermiers de la cultiver, qu’en
leur vendant ce privilège à prix d’ argent,, qui exi-
geroit d’eux des avances confidérables , lèveroit
des taxes fur leur moiffon, 8c n’en permettroit la
fortie qu’à prix d’ argent ? Croyons-nous qu’il ga-
i gneroit beaucoup , 8c que ces claufes augmente-
| roient fon revenu? Non , fans doute; fes fermiers
calculeroîent, 8c n’offriroient qu’ un prix proportionné
aux charges qu’il leur impoferoit. Sa terre
diminueroit de valeur ; 8c peut-être féroit-elle
bien-tôt fans cultivateurs. S’il vouloît les contraindre
, il les verroit fe réfugiée chez ceux qui
leur feroient des conditions plus favorables : l’application
n’eft pas difficile à faire.,
Les arts , le commerce , font une terre dont le
prince doit encourager là culture ; il ne pourra l’améliorer
.qu’aut.ant que fes loix ne s’oppoferonr
pas aux efforts & à l’utilité des,marchands , des
artifans 8c des fabricans qui en font les cultivateurs
^plus ils feront libres, plus ils trouveront
d’intétêt à travailler, & plus ils feront animés à
faire valoir le fonds qui leur eft confié. Leur ai-
fance fera celle du propriétaire ; il fera plus riche
en hommes 8c en revenu. Si au contraire il gêne
par des fervitudes ; V il exige des fubfîdes trop
prompts & trop onéreux:, il découragera ceux
qui cultivent, & les invitera àpafterdans les pays
où ils feront affranchis de ces contraintes.
Quoique la France n’ait pas confidéré, jufqu’ à
préfent, la propagation des arts £c du commerce ,
comme le*principal moyen d’agrandir fa puiflance;
cependant elle n’auroît pas tant chargé l’induftrie ,
fi des béfoins urgens ne l’y avoit forcée fur la fin
du dernier règne. Les finances épuifées par des
guerres malheureufes avoient fait tomber le crédit
de Tétât. Le gouvernement ne trouva d’autre ref-
fourçe que de fe fervir de celui des communautés-
Quelques édits antérieurs les avoient multipliées :
celui de i% i , Jes fubdivifa prefqu’à l ’infini pour
favorifer le fyftême d’impôts qu’on méditoit. On
partagea alors les divèrfes profeffions en tant de
branchés, qu’on fit à Paris un corps de jurande
des crieurs de vieux fers. Cette communauté feule
paya alors trois mille livres pour l ’incorporation
des charges créées.
Depuis cette époque jufqu’en 1707, 011 vit un
grand nombre d’édits fe fuccéder rapidement, les
uns fupprimaot des corps entiers, avec injon&ion
aux naaîtres qui les compofoient, de fermer leurs
boutiques,eréoient en leur place, des charges hé-
i redftaires que le traitant affermoit 8c revendoit à