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fois , ni étendre fur ceux dont il feroît pofïîble
de douter. Il feroit peut-être avantageux d'étudier
jufqu aux Abraxas 3 quelque modernes qu'ils
foient ; car les Syriens étoient plus inftruits que
nous de ce qui concerne les égyptiens : & le parri
qu'on peut tirer du Cophte, tout corrompu qu'il
eli , autorile cette opinion ; d'ailleurs les caractères
phéniciens , ceux des anciens grecs, ceux
meme des arabes, & par conféquent des fyriens j
enfin toutes les écritures des trois parties du monde
anciennement connu , dérivent en général de
celle des Egyptiens : cette propofition peut pa-
roitre troP étendue 5 mais on conviendra que
i'écriture eft la plus importante recherche à l'égard
de Egypte ^ & qu'on ne peut percer l'obfcurité
dont fon écriture eft voilee , que par la repré- i
Tentation multipliée des caractères ». ( Caylus IV } \
page 36. ).
Plufîeurs anciens,dit le chevalier de Jaucourt,
& prefque tous les modernes ont cru que les prêtres
d Égypte inventèrent les hiéroglyphes , afin de
cacher au peuple les profonds fecrets de leur
fcience. Kircher en particulier a fait de cette erreur
les fondemens de fon grand théâtre hiéroglyphique,
ouvrage dans lequel il n'a ceffé de couiir après
I ombre d'un fonge. Tant s’en faut que les hiéroglyphes
aient été imaginés par les prêtres égyptiens
dans des vues myfiérieufes, qu'au contraire
c elt la pure néceflité qui leur a donné naiffance
pour 1 utilité publique; Warburthon l'a démontré
par^ des preuves évidentes , où l'érudition & la
philofophie marchent d'un pas égal.
Les hiéroglyphes ont été d'ufage chez toutes les
nations pour conferver les penfées par des figures,
& leur donner un être qui les tranfmît à la pofté-
rité. Un concours univerfel ne peut jamais être
regardé que comme une fuite foie de l'imitation,
foit du hafard ou de quelqu'évènement imprévu.
II doit être, fans doute, confidéré comme la voix
uniforme de la nature parlant aux conceptions
groffières des humains.
Les chinois dans l’orient, les mexiquains dans
l ’occident, les feythes dans le nord, les indiens,
les phéniciens, les éthiopiens, les étruriens ont
tous fuivi la même manière d’écrire, par peintures
& par hiéroglyphes ; & les égyptiens n’ont
pas eu vraifemblablement une pratique différente
des autres peuples.
En effet, ils employèrent leurs hiéroglyphes à
dévoiler nuement leurs loix , leurs réglemens ,
leurs ufages, leur hiftoirej en un mot, tout ce
qui avoir^du rapport aux matières civiles. C'eft ce
qui paroît par les obélifques, par le témoignage
de Proclus, & par îë détail qu’en fait Tacite
dans fes annales (liv. II. ch. lx.) au fujet du voyage
de Gerpanicus en Egypte. C e f t "ce que prouve j 1
encore la fameufe infeription du temple de Mï*
nerve à Sais , dont il eft tant parlé dans l’antiquité
, rapportée plus haut. Un enfant, un
vieillard , un faucon, un poiffon, un cheval marin
fervoient à exprimer cette lentence morale : « vous
» tous qui entrez dans le monde & qui en fortez,
H fâchez que les dieux haïffent l'impudence ». Ce
hiéroglyphe étoit dans un temple public; tout le
monde le lifoit, & l'entendoit à merveille.
Il nous refte quelques monumens de ces premiers
effais grofliers des caractères égyptiens dans
les hiéroglyphes d'Horapollo. Cet auteur nous dit
entr'autres faits, que ce peuple peignoit les deux
pieds d'un homme dans l'eau, pour lignifier un
foulon, & une fumée qui s'élevoit dans les airs x
pour défigner du feu.
Ainfi, les befoins fécondés de l'induftrie imaginèrent
l’ art de s’exprimer : ils prirent en main
le crayon ou le cifeau, &: traçant fur le bois ou
les pierres des figures auxquelles furent attachées
des fignifications particulières, ils donnèrent, en
quelque façon , la vie à ce bois, à ces pierres,
& parurent les' avoir doué du don de la parole.
La repréfentation d'un enfant , d'un vieillard,
d’un animal d’une plante, de la fumée, un
ferpent replié en cercle, un oe i l , une main,
queiqu’autre partie du cor’ps , un infiniment propre
à la guerre ou aux arts, devinrent autant
d’expreflions, d'images, ou, fi l'on veut, autant
de mots qui, mis à la fuite l'un de l'autre , formèrent
un difeours fuivi.
Bientôt les égyptiens prodiguèrent pir-tout les
hiéroglyphes : leurs colonnes, leurs obélifques, les
murs de leurs temples, de leurs palais & de leurs
fépultures en furent furchargés. S'ils érigeoient
une ftatue à un homme illu ft r e d e s fymboles
tels que nous les avons indiqués, ou qui leur
étoient analogues , taillés fur la ftatue même, en
traçoient l'hiftoire. Defemblables caraélères peints
fur les momies, mettoiqnt chaque famille en état
de reconnoître le corps de fes ancêtres ; tant de
monumens^ devinrent les dépofitaires des connoif-
fances des égyptiens.
Ils employèrent la méthode hiéroglyphique de
deux façons, ou en mettant la partie pour le tout,
ou en fubftituant une chofe qui avoit des qualités
femblables i la place d'un autre. La première
elpèce forma Vhiéroglyphe curiologique, & la fécondé
'ihiéroglyphe tropique : la lune, par exemple,
étoit quelquefois repréfentée par un demi-cercle,
& quelquefois par un cynocéphale. Le premier
hiéroglyphe eft curiologique, & le fécond tropique;
ces fortes à’ hiéroglyphes étoient d'ufage pour
avertir ; prefque tout le monde en connoiffoit la
lignification dès la tendre enfance.
La méthode d'exprimer les hiéroglyphes tropique*
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cardes propriétés limitâmes, produit des hiéroglyphes
pymbotiques , qui devinrent à la longue plus
ou moins cachés, & plus ou moins difficiles a
comprendre: Ainfi . l'on reprefenta 1 Egypte par
un crocodile 8c par un encenfotr allume, avec
un coeur deffus. La fimplicité de la première re-
préfentation donne un hiéroglyphe fymbolique anez.
clair ; 8c le rafinement de la derniere offre un hiéroglyphe
fymbolique vraiement énigmatique.
Mais aulfi-tôt que par de nouvelles recherches,
on s’avifa de compofer les hiéroglyphes d’un myf-
térieux affemblage de chofes différentes, ou de
leurs propriétés les moins connues, alors l'énigme
devint inintelligible a la plus grande partie de la
nation. Auffi quand on eut invente 1 art de l e-
criture, l’ufage des hiéroglyphes fe perdit dans la
fociété, au point que le public en oublia la lignification.
Cependant les prêtres en cultivèrent pre-
cieufement la connoiffance, parce que; toute la
fcience des égyptiens fe trouvoit confiée à cette
forte d'écriture. Les favans n'eurent pas de peine
à la faire regarder comme propre à embellir les
monumens publics, où l'on continua de Remployer j
& les prêtres virent avec plaifir , qu'infenfitne-
raent ils refteroient fculs dépofitaires d[une écriture
qui confervoit les fecrets de la religion.
Voilà comment les hiéroglyphes, qui dévoient
leur naiffance à h néceffité, & dont tout le monde
avoit l ’intelligence dans les commencemens, fe
changèrent en une étude pénible, que le peuple
abandonna pour l'écriture ; tandis que les pretres
la cultivèrent avec foin , 8c finirent par la rendre
facrée. Voye^ Ecriture des égyptiens.
Mais je n’ ai pas tout dit : les hiéroglyphes furent
la fource du culte que les égyptiens rendirent aux
animaux, & cette fource jetta le peuple dans une
efpèce d’idolâtrie. L'hiftoire de leurs grandes divinités
, celle de leurs rois & de leurs lëgiflateurs ,
fe trouvoient peintes en hiéroglyphes, par des figures
d’animaux & autres repréfentations ; le fym-
bole de chaque dieu étoit bien connu par les peintures
& les.fculptures que l'on voyoit dans les
temples, & fur les monumens confacrés à la religion.
Un pareil fymbole préfentant donc à l’efprit
l'idée du dieu, & cette idée excitant des fenti-
mens religieux, il falloit naturellement que les
égyptiens, dans leurs prières, fe tournaffent du
côte de la marque qui fervoit à le repréfenter.
Cela dut fur-tout arriver depuis que les prêtres
égyptiens firent attribuer aux caractères hiéroglyphiques
une origine divine, afin de les rendre encore
plus refpeCtables# C e préjugé qu'ils^ inculquèrent
dans les âmes, introduifit néceffairement
une dévotion relative pour ces figures fymboli-
ques; & cette dévotion ne manqua pas de fe
changer en adoration directe, aulfi-tôt que le
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culte tle l'animal vivant eut été reçm N e cloutons
pas que les prêtres n'aient eux-mêmes favorilé
cette idolâtrie.
Enfin, quand les caraélères hiéroglyphiques furent
devenus facrés, les gens fuperftitieux les
firent graver fur des pierres précieufes, & les
portèrent en façon d'atnulete 8c de charmes. C e t
abus n'ell guères plus ancien que le culte du dieu
Scrapis, établi fous les Ptolémées. Certains chrétiens,
natifs d'Egypte,qui avoient mêlé plufieurs
fuperftitïons payennes avec le chriftianifme, font
les premiers qui firent principalement connoître
ces fortes de pierres qu’on appelle abraxas ; fi s'en
trouve dans les cabinets des curieux, 8c l'on y
voit toutes fortes de caraélères hiéroglyphiques.
Aux abraxas ont fuccédé les talifmans, efpèce
de charmes, auxquels on attribue la même énergie,
& pour lefquels on a aujourd'hui la plus grande
eftime dans tous les pays fournis à l'empire du
grand-feigneur, parce qu’on y a joint, comme aux
abraxas , les rêveries de l’aftrologie judiciaire.
Nous venons de parqpurir avec rapidité tous
lès changèmens arrivés aux hiéroglyphes depuis
leur origine jufqu'à leur dernier emploi ; c'eft un
fujet bien intéreffant pour un philofophe. Du
fubftantif hiéroglyphe, on a fait 1 adjeétif hiéroglyphique.
( D. J. )
C e n’eft point ici le lieu de dire ce qu'il faut
raifonnablement penfer des inferiptions gravées
: fur quelques obélifques : on la it , dit M. Paw ,
que Kircher a fait tous fes efforts pour perfuader
qu'elles ne renferment point des faits hiftorjgues ,
ni la narration de quelqu’évenement. Mais Kircher
a ignoré que ces inferiptions font des chofes
très-indifférentes, par rapport à ce qui devoir
conftituer un obélifque proprement dit ; puif-
qu’on en connoîc jufqu’à trois de la première
grandeur, qui étoient purs ; c'eft-à-dire , fans
aucune apparence de caraélères fur les quatre
faces. Cependant nous favons indubitablement,
qu'un de ces obélifques purs a été dre (Té, pen-
. «tant plufieurs lîècles, devant le temple du fo-
’ le il, fans qu'on puifie acculer les prêtres , 8c les
fculpteurs d’avoir été trop ignorans pour y graver
des caraélères hiéroglyphiques , comme Hardouin
l'infinue fi adroitement au fujet d’une de ces aiguilles
muettes , taillées par ordre du Pharaon
Neétanebus. ( InPlin.Lib. 36, cap. X IV . ) .
HIEROG RAMMATÉ E , fubf. male. Nom
que les anciens Egyptiens donnoient aux prêtres
qui préfidoient à l'explication des myftères de la
religion 8c aux cérémonies.
Les hiérogrammutées inventoient 8c écrivoient
des hiéroglyphes 8c les livres hiéroglyphiques ,
Si ils les expliquoient, ainfi que toute la doétrins