
Il faut ajouter à la lifte de Jofephe, un Eulu-
léus , qu’il dit avoir régné du téms deSalmana-
zar. Mais en outre , nous trouvons deux princes
dont il n’a pas jugé à propos de taire mention.- ,
L e premier eft Paphus , que deux auteurs an -
ciens , cités par Bochart ( i ) , nous apprennent
avoir été fils de Pygmalion, 8c avoir régné , '
après lu i, fans cependant fpécifier la durée de
Ton règne. Le fécond eft un Hiram fourni par ;
les livres hébreux. Ils rapportent que peu de :
rems après que Da vid fut devenu Roi de coûtes
les T r ib u s , (j.) Hiram, Roi de T y r , lui envoy
a des ouvriers pour conftruire ion. palais;
O r , ce fait ne pouvant guère fe defcendre au-
deffous de la douzième année de D a v id , il
èft impoflible que cet Hiram foit le même
dont il eft parlé au tems de Salomon. Ce'
ne peut être , ainfi qu’on l’a déjà penfé , qu’un
autre prince qui aura été père d’Abibal. A ce
moyen, le règne de ce dernier deviendroit i
connu -, car ce premier Hiram prenant dix à
douze ans fur le règne de D a vid , 8c le fécond
m rE il en refteroit vingt à vingt-deux pour
Abibal, qui tut intermédiaire.
Nous remarquerons que Tlthoba l de Ménandre
eft .l'A t Bal des Hébreux, beau-père
d ’A ch ab , par Jefabel ; & lesceais conviennent
.parfaitement, spuifque l’un date de Tan 94 du
temple , 8c l’autre de l ’an 84.
Mais une obfervation beaucoup plus importante
, c’eft que les Rois de T y r le furent auffi
de Sidon. Depuis' Hiram jufqua P ygm a lio n ,
on en a des preuves inconteftablës. Quand
Salomon fit demander à Hiram des ouvriers,
il voulut que Iss charpentiers 8c les menuifiers?
fuftent Sidoniensff) , donc Hiram régnoit fur
les Sidoniens.
A tb a l, père de J e fab e l, eft expreflement
appellé R oi des Sidoniens (4).
Virgile étoit donc bien inftruit, quand JJI
donnoit à Did on , arrière petiterfille d’A t -B a l,
l’épithète de Sidonicnm, & nous verrons bientôt
combien les connojflances de ce poète ont
été exaétes dans toute cette pattie.
( x ) Phaleg. p. 363,
( % ) Samuel II. c. ç. w. n . & parai. I. e. 19. v. 1.
(3 ) Reg-i.c. ,. v. 6.
(4 ) Ibid,c. 16.v. 31. y
C e fujet amène naturellement un fragment
très précieux de P orp hyre, lequel, par fes rapports
avec certains faits, va -nous conduire
d’analogie en analogie à la folution du plus
important problème de l’hiftoire grecque. Ce
philofophe, que les querelles avec les Chrétiens
uavoient engagé dans des recherches particulières
fur les antiquités des Hébreux , avoit découvert
entr’autres un ouvrage phénicien,
dont il droit des éclairciffemens finguliers lut
l’antiquité. Voici fes paroles, ou plutôt celles
de Philon de Beryte, dont il empruntoit l’autorité
(5)
« Perfonne n’a parlé avec plus d’exaélitude
» de ce qui concerne les Hébreux , qu’un nom-
« mé Sanchoniaton de Beryte. Ayant entrepris
53 d ’écrire l’hiftoire des tems anciens , il s’ap-
33 pliqua à recuei lir des inftruétions de toutes
33 parts j il’ compulfa les archivés des villes &
33’ les monumens des temples. Quant tà ce qu’il
33 dit des Hébreux , il le tint d’un certain Hié-
33 ronibal, prêtre du Dieu Y.éou : aufli les noms
33 dès lieux 8c des perfonnes qu’il rapporte,
» conviennent .exactement avec les le u r .. . . Il
» dédia dette hiftoire à Abiba l, Ro i de Beryte,
33 8c non feulement ce prince, mais tous çeux
33 au pouvoir de qui il étoit de juger par eux-
33 mêmes de la vérité des faits, domièrent leur ■
» applaudiffement à cet ouvrage. O t j'le fiècle
33, Y Abibal 8c de Sanchoniaton fe rapproche
js'beaucoup de celui de M o y fe , comme il fe
33 prouve par la chronologie des Rois phéni-
33 ciens*, 8c il eft parallèle au tems deSémitamis
33 que l’on affine avoir vécu avant la guerre de
33 T r o y e , ou tout au plus tard dans le même
J3 tems . . . . C ’eft à Philon de Béryte que nous
33 devons cet ouvrage , qu’il a traduit du phé-
33 nicien en grec. »
A ces détails, Porphyre joint un paflage du
tradu&eur qui mérite d ’être rapporté.
« Pour approfondir Thiftoire des Phéniciens
33 difoit Philon , il m’a fallu parcourir une foule
3? de livres8c de monumens, non de ceux qui
33 font entre les mains dés Grecs..........Le cahos
33 8c les contradictions de leur hiftoire, qui
33 femblent écrites plutôt par un efprit de difpute
33 fcho:a ftiqus, que par amour de la vérité»
33 n’offrent rien d ’inftruétif».
( * ). Apud Eufeb. prtep. Evang. Lib. I. p. 30.
Ceci vient à l’appui de ce que Jofephe nous
dit du grand nombre de Livres hiftoriques des
Phéniciens -, 8d ’hiftoire des Philofophes Grecs
prouve qu’ils en eurent dans toutes les fciences.
Je ne parlerai point des doutes que l’on a
élevés fur l’authenricité du fragment de Sanchoniaton
: ils conviennent à ceux qui ne font
point affez verfés dans la littérature orientale,
pour en reconnoître les caractères ; il eft d ’ailleurs
affez familier à quelques favans de traiter
d’apocryphes les ouvrages qui contrarient leurs
idées. Mais plus on pénétrera dans les antiquités
de l’A fie, plus on fendra le prix du morceau
qui nous refte, plus on regrettera la perte
du corps de l’ouvrage.
Il faut nous borner actuellement à déterminer
le temps où l’auteur a vécu.
Jufqu’à ce jour, on n’a rien entendu à l’en-
femble de temps que préfeqte Porphyre, ou
plutôt fon auteur Philon j 8c cela n’eft pas fur-
prenant ; car, pour réfoudre cet énigme, il
falioit bouleverfer toutes les idées reçues, culbuter
un édifice d ’erreur qui fubfifte paifible-
ment depuis deux mille ans : en un m o t , il falioit
reprendre la Chronologie par (es fonde-
mens, 8c perfonne ne s’eft avifé de foupçonner
le travail qu’il y avoit à faire en cette partie.
r Le récit de Porphyre porte un louche qui a
mafqué jufqu’ici les rapports & les analogies
des faits qu’il préfente. Il fembleroit à l’entendre,
què Beryte fut un royaume indépendant
8c particulier, ce qui n’eft point.
I l Abibal 9 dont il eft fait mention ic i, eft
ïéellement un roi de T y r , celui-là même qui
dans notre ifle eft le père d’Hiram j il a mérité
le titre de roi de Beryte, en ce que cette ville
etoit de la dépendance de T y r \ 8c il a été dfc
ligné- fous cettç qualité par l’équivoque d’une
phrafe originale qui a dû porter : que Sanchoniaton
de Beryte dédia fon ouvrage au roi. de fa
patrie. m
Sans doute l’on fe récriera contre cette application
: on alléguera la chronologie des A f
fyriens, q u i, plaçant Sémiramis fept ou huit
fiecles avant D a v id , rejette par'conféquent
Sanchoniaton 8c Abibal bien loin du temps où
je les place.
Mais que deviendra cet argument, fi je
prouve que Sémiramis elle-même fut contemporaine
de David ^1) ?
On invoquera Séfoftris, q u i, de l ’aveu de
tous les auteurs, fut contemporain de Sémiramis,
8c q u i, par les calculs des Chronologif-
te s , précéda Moyfe de plufieurs fiècles ; mais
je démontrerai encore que Séfoftris n’a point
précédé David.
Enfin on m’objeétera la guerre de T r o y e ,
qui, d’un commun a cco rd , eft de beaucoup
antérieure au prince hébreu.
Mais je prouverai que fur, cet article on fe
trompé d ’un commun ac co rd , 8c que la guerre
de T r o y e fut poftérieure à David.
L ’ordre des faits ne me permet point de déduire
à la fois routes ces preuves ; dans des
chofes qui fe tiennent par des rapports étroits,
il faut néceffairement accorder des données,
fauf à retirer fa croyance quand les preuves fiip-
pofées fe trouvent faulTes.
Je vais d’abord établir la guerre de T ro y e ,
8c prouver qu’étant arrivée fur la fin du premier
fiècle du Temple , elle a été poftérieure
à Da vid , 8c-par conféqu^nt à Sanchoniaton 8c
Abibal, félon le témoignage de Philon.
T rois hifloriens phéniciens,/cités dans un
fragment de Tatien , que nous a confervé Eu-
sèbe ( 2 ) , convenoient unanimement que fous
un même roi de tel pay s , èfoient arrivés#
i° . l’enlèvement d’Europe -, z°. l ’abord de Mé-
nélas en Phénicie *, j ° . l’alliance d ’Hiram avec
Salomon. O r , Méné-as eft un des principaux
auteurs de la guerre de T ro y e . V o ic i donc déjà
de grands rapprodhemens, puifque Philon fait
fon Abibal un peu antérieur', ou prefque c o n temporain
à cet événement. Tatien ajoute que
Ménandre de Pergame atteftoit la même chofe
dans fon Hifioire ; ce Ménandre me paroît le
mêmeque celui que Jofephe dit originaire d ’E-
phèfe, 8c le témoignage de cet écrivain eft du
plus grand poids.
( 1 ) D’ailleurs', on tombe dans une abfurdité : car il
eft dit que Sanchoniaton confulta un Prêtre hébreu : or il
n’en exifta. point avant Moyfe •. la phrafe de. Philon eft
de l’hébreu tout pur. Hierom-bal, ennemi de èal • eft le
nom générique que les Phéniciens donnoient aux. Prêtres
hébreux ; & Ieou eft X’Iéouê de Moyfe, dans la meilleure
prononciation poffihle. .
( a ) Eufeb. preepar, Evang. p. 493.