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parfaite qu'elle fu t, leur aürôit rtui en effet$ elle
auroit détruit leur jeu, & leur auroit fait trop
perdre de leur beauté,naturelle. Du relie <Jn rencontre
tous les jours des gravures fur des anié1-
thyftes, des faphirs, des topazes, des chrifolithes
ou péridots, des hyacinthes & des grenats. On
en voit fur des bérils ou aigues-marines, des
primes d'émeraudes & d'amethyfte , des opales,
des turquoifes, des malachites , des cornalines,
des fardoines, des calcédoines, des ^gathes de
toutes couleurs, des lapis ou cyanées, des cailloüs
d'Egypte, & des hématites en quantité. Les jafpes
rouges, jaunes, Verds, de diverfes autres couleurs
, & en particulier les jafpes fanguins, le
jade, le criftal de roche ont aufli fervi de matière,
pour la gravure, & je me fouviens d'avoir vu*
d'aflëz belles émeraudes, & même des rubis,
qui étoient pareillement gravés. Mais de toutes
les efpèces de pierres, celles qu'on a toujours
employées plus volontiers pour la gravure en
creux font les agathes, les cornalines , les far-4
doines, & les calcédoines 5 tandis que les différentes
efpèces d'agathe onyx femblent avoir été
réfervées pour les reliefs. ».
Les anciens ont employé même de ces pierres
tares , appellées hydropkanes, que l'on ne connoit
que depuis peu de temps , & dont le caractère
«hftinétif eft de perdre leur demi-tranfparence,
ou d'en"acquérir une ( fi elles n'en avoient pas)
par leur féjour dans un fluide. Wînckelman écri-
voit dans un temps ou la minéralogie étoit encore
imparfaite > c'eft pourquoi il parle dans fa
defcription des pierres du baron de Stofch ( I I e
dajfey n 1 12 3 .) de ce phénomène, fans en
propofer d’explication. «On vo it, d it- il, fur
une fardoine de trois couleurs, Apollon debout,
tenant de la main droite une branche de laurier ,
& d e la gauche une lyre. Une étoile eft placée
devant lui. La pierre eft particulière en ce que le
lit de deflous, qui eft blanc, devient noir , en
portant la bague au doigt, & que, dès qu'on ne
la porte plus, il reprend mfenfibJement fa blancheur
ordinaire ». Voici l'explication de ce phénomène
: lorfque l’on porte la bague au doigt,
elle eft pénétrée par les particules aqueufes de la
tranfpiration, & elle perd alors fa tranfparence,
comme certaines pierres hydropkanes. Eloignée du
d oigt, la pierre fèche & reprend fa tranfparence
par T évaporation du fluide.
Non-feulement les artiües anciens n’employoient
pour la gravure que des pierres d'une belle pâte ,
que nos ouvriers appellent de vieille roche ; mais
encore ils cherchoient à trouver des fujets qui fiflent
valoir & reflortir la couleur , ou les diverfes couleurs,
les accidens j ou en fît enfin les différentes
couleurs des pierres.
La tête du n*. 1 6 , du duc d'Orléans, porte
tous les caractères de Proferpine, & fur'tour la
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nature dé la pierre fur laquelle elle eft gravée;
Gette pierre eft une agathe noire , comme celle
dü caoinet du ro i, qui préfente une femblable
tête. Le motif de préférence dans le choix des
pierres n'eft pas toujours fans fondement > on
fait que les anciens en choififtoient fouvent dont
la nature fut analogue aux divinités ou aux per-
fonnes qu'ils vouloient repréfentér. Ainfi-, Ton
voit des Neptunes & des Leandres fur des aigues-
marines, des Bacchus & des Silènes fur des
améthyftes , Apollon ou le Soleil fur des jafpes-
héliotropes > or , le noir étant très-convenable à
une divinité qu'on a confondue avec Diane &
Hécate, à une divinité enfin enlevée par Pluton,
il ne fèroit pas étonnant que l'on eût choifî une
agaàthe noire pour y graver une tête de Proferpine.
L'Aurore, du même cabinët, eft terminée par des
courfiers qui font exprimés fur l'agatbe par un lit
de couleur noirâtre j fon char & fa ftatüe font
tirés du même lit. Cette couleur rembrunie eft
analogue à celle que les poètes donnent, dans
leurs delcriptions, à cette divinité & à fes cour-
fiers. De même le Marfyas du. palais royal, prêt
à être écorché, eft fur un jafpe rouge , ainfi que
plusieurs autres- Marfyas de différens cabinets.
On a fouvent deftiandé de' quelles carrières les
anciens tiroient ces pierres fines, remarquables
non-feulement par leur beauté , leur fineffe &
leur pureté, mais encore par leur grandeur : qualités
qui fe rencontrent fur-tout dans les camées.
Si nous n'avons plus de ces pierres, ce n'eft pas
Qu'une fouille trop fiiivie, dit M. Eckel.,. ait
épuifé les carrières : il faut donc qu'elles aient
été fîtuées dans des contrées qui ne font plus fréquentées
par les européens.. Rien de moins prouvé
que l’opinion de Joannon de Saint-Laurent (. Saggi
di Cort. t. Vi p. 59. ) , qui fuppofe que ces carrières
fe trouvoient fur le territoire fournis de nos
jours à la domination des turcs. Je croirois qu'il
faut les chercher plus vers l’Orient & dans l'Inde
même. C'eft là que Ctéfias place ces hautes
montagnes, d'oïl l’on tïroit les fardoines, les
onyx, & d'autres pierres fines ( Apud Photium
cod. LXXII. pag. m. 6j . ). Il ajoute peu après
( Pag> 69* ) ,que des montagnes fîtuées dans le
même pays, fous un ciel brûlant, fournîfloient la
fardoine. Pline vante aufli les fardoines de l’Inde
diftinguées par leur grandeur (L. X X X V I I.Ç . 23.)*
Or il eft certain que l'Inde, dans' fa partie qui
ouvre,le paffage par terre , eft moins connue de
nos jours qu'elle ne l'étoit autrefois j fur-tout
quand après l'expédition d'Alexandre-le Grand ,
ce prince eut établi dans les contrées voifines ,
telles que l'Hyrcanie, la Baélriane, la Perfe ,
grand nombre de colonies grecques qui joignoient
au goût des arts la recherche des matières fur lef-
quelles on exerçoit les arts. Ce commerce des
pierres fines une fois établi, comme elles étoient
recherchées avec avidité pour des cachets» des
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eamées. des coupes» des patères, ou d'autres
' „fages, elles devinrent communes chez les grecs,
enfuite chez les romains, Sc meme dans 1 empire
d'Ocient; car fous les premiers empereur de
Conftantinople, la communication avec 1 Orlent,
par terre , étoit encore ouverte & sure. Mais les
I farvazins s'étant rendus maîtres de ces contrées, «
[ tout commerce avec l'Inde ayant ete interromp ,
par une fuite néceffaire. les carrières de pierres
fines commencèrent à êtie négligées, le petit
nombre de voyageurs, négocians, miffionnaires,
ou autres, ne s'occupant que de leurs aftaires p
i ticulières, ou n'ofant s'écarter de leur route pour
viliter les carrières qui s'en trouvoient éloignées.
De nos jours cette voie pour palier dans 1 Inde
I eft abandonnée I fur-tout depuis qu on a decou-
1 vert une route plus sûre pat le ÇJP dc Bonne-Ei-
pérance. Mais cette partie de 1 Inde que les eu-
[ ropéens fréquentent aujourd hui, fituee vers le
M id i, & dans le voifmage de là mer, eft très-
[ éloignée de celle où j'ai dit q a il falloit chercher
[ les carrières des anciens. Je propofe cette con-
[ ieélure pour invitée, à des recherches plus pro-
I fondés fur les carrières de pierres fines des an-
I ciens, les favans qui ont des fecours particu-
| liers.
Le Comte de Caylus ( Rec. d‘Ant. i i .p l . 4°
I h°. i. ) fait remarquer avec foin une tête de Ju-
I piter Sérapis gravie en creux fur un grenat furien
I ornée du boilfeau accompagné de deux rayons |
j comme on en voit fur plufîeurs médailles t ou
| peut- être de deux cornes, différentes a la vérité de
[ celles qui caradlérifent Jupiter Ammon. Mais ce
I qui mérite une attention particulière, c eft la
t beauté du travail, & la vérité avec laquelle cet
[ ouvrage eft rendu. L'exécution d’une tete de face
eft fi difficile au touret, qu'on ne peut s'empe-
| cher d'admirer dans cette occafîon le talent des
I grecs | quelque bien établie que foit leur fupérto-
! Tité dans les arts.
Il en eft des ouvrages qui reflbrtjfleftt du deflin,
t comme de tout ce qui émane de l'efprit. Chaque
I production eft marquée à un coin diftinCtif & par-
I ticulier qui la fait reconnoître. Il eft auffi facile,
[ pour quelqu'un qui y eft préparé , de difeerner fi
I un tableau eft italien ou flamand, que de faifir la
I différence qui exifte entre une pierre gravée an- I tique & une moderne. Les deux jnanieres font
K abfolument oppofées , on ne fàuroit s y mepren-
I dre. C e font , félon Enéas V i c o , des façons I différentes de prononcer les plis des draperies j
! les cheveux, -les oreilles , les mains , toutes les
I extrémités ont un caractère, qui dans 1 une &
K dans l'autre manière ne fe refîemblent point. Les
j attitudes, les compofitions ne font plus les memes,
[ les figures ont d'autres mouvêmens. Certaines
r grâces , une certaine délicatefle dans le faire ,
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Uliw Lwllaïuv. — J v
font le propre de l ’antique, de le modetne en eft
flpiAnnrvu
« Je ne doute point > dit Mariette, que les
anciens ne fuffent très-bien diftinguer les ouvrages
de chacun de leurs graveurs 3 ainfi que nous dif-
tinguons ceux de nos artiftes mpdernes. Mais c«
oùe nous pouvons faire par rapport a ceux-ci, il
y auroit de la~ témérité à prétendre 1 executer fur
les produéliôns des anciens. L'éloignement des
temps y met un obftacle invincible. Je penfe donc
qu'il nous doit fuffirc de favoir faire en gros la
difcuflion des manières qu'ont eues chez les. anciens
les différentes nations , comme nous faifons
celles des ma-mères générales de chacune de nos
écoles ; & nous devons regarder comme un con-
noiffeur parfait & délicat celui qui ayant déji
une idée complette du beau , fera parvenu, pat
fes réflexions & par une affidue contemplât.on des
ouvrages, à favoir, ainfi dîleerner les maniérés.
On ne doit pas craindre de fe tromper avec un
tel connoiffeur, car quoiqu'il foit vrai qu'l! puifie
fe méprendre quelquefois, fur-tout quand il elt
queftion de juger des copies, qui fouvent approchent
de bien près des originaux \ on ne le verra
point tomber dans des écarts auffi frequens, que
celui qui fe contente de ces obfervanons generales
, dont quelques curieux ( Bauoelot entre-
autres ) , ont fait des règles, & qui, tout in-
certaines qu'elles font, méritent cependant d être
rapportées. »
» Ils commencent par examiner l'efpèce de la
pierre. Si elle eft orientale, fi elle eft parfaite
dans fa qualité, fi c'eft quelque pierre dont la
carrière foit perdue, telle que les cornalines de
la vieille roche ; c 'e ft , félon eux , un préjugé
favorable pour l'antiquité de la gravure. Il eft vrai
que les anciens faifoient choix des pierres les plus
parfaites , quand ils en deftinoient quelques imes-
pour être gravées. M^ais Ion a vu plus d une fois
nos graveurs effacer d'anciennes mauvaifes gravures
, pour profiter d une matière precieufe Ss
rare, ou retoucher des antiques dont le travail
trop négligé ne repondoit ni au fujet qui offoit
quelque chofe de picquant, ni à la fingularité de
la matière ; & comme il fe rencontre auffi fort
fouvent de très-belles pierres toutes préparées,
qui ont reçu la taille anciennement, oc qui n ont
pas encore paffé fous le touret, il eft aife de
fentir combien ce raifonnement eft frivole & peu
concluant. Cette façon de juger fe rapporte pré-
cifément à celle d'un homme , qui pour décider
de la bonté d'un tableau , & du pays où il.a été
fa it, confulteroit le derrière de la toile, ou qui,
pour s'afiurerde l'originalité d un deflin,s atrete-
roit à confidérer le papier qui y a été employé.»
O Je me garderai bien néanmoins de^ dite que
l'examen de ta qualité d'une pierre gravée foit une
chofe indifférente. Pour l’avoir négligé, ou l'avoir
fait trop précipitamment, des curieux qui etoient,
à les entendre, fort expérimentés, ont pris quel-
r r i . n n , , . nï/=*rrf»« fines.