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à un être fuprême , pour l’engager à fe porter
vengeur des injures dont fa prôte&ion n’a pas
garanti , & dont on eft hors d’état de fe venger.
Rien n’ert plus naturel à la foibleffe accablée ,
-que d’implorer l’affidance d’un pouvoir fupérieur
. à ceux- qui l’oppriment. Les hommes s dans tous
les temps , ont adrelfé leurs voeux aux dieux protecteurs
dé l’humanité. L ’idée de tirer vengeance
des maux qu’on a foufferts par la malice ou la
violence des autres, eft une idée pleine de douceur
& de confolation. I.es malheureux ne défirent
guères moins la vengeance de leurs calamités
que la protection des dieux pour la confervation
de leur repos. Ils fe font toujours, adreffés à la
juft'ce divine, pour la punition des offenfes dont
ils ne peuvent fe flatter d’obtenir la fatisfa&ion
d’une autre manière. Les voeux commencent où
l’efpoir vient à cefifer.
- Il eft beaucoup parlé, dans l’antiquité, des
imprécations célèbres dont l’effet a rempli également
de terreur & de pitié > les théâtres de la
G rèce, & quelquefois les nôtres. Il eft vrai que
c ’eft par le canal des poètes que la connoiffance
de ccs imprécations eft parvenue jufqu’à nous 3
mais il «’ eft pas moins vrai que les poètes font
les hiftoriens des temps les plus éloignés, & les
témoins d’une vieille tradition dont le fou venir ,
quand ils écrivoient, n’çtoit pas encore effacé de
la mémoire des hommes.
O r , de toutes les imprécations dont fes écrits
des poètes font remplis , les plus remarquables
ont été celles que les pères irrités ont faites contre
leurs enfans.
11 faut d’abord obferver que foit qu’ elles euffent
leur fondement légitime dans quelque grand outra-'
g e , foit qu’elles ne fuffent que le produit d’un
efprit troublé par des foupçons injuftes , l’événement
n’en- étoit pas'moins funelte à ceux qui
çn. étoient frappés.
Pour découvrir la caufe de cette opinion reçue j
chez les anciens , il faut remonter aux temps du
monde qui ont précédé-l’établiffement des états.
Alors un père de famille, maître, abfolu de la
deftinée de fes enfans , ne voyoit rien au-deffus
de lui que les dieux. 11 en étoit en quelque forte
l’image vivantes & comme les pères, par leur
fegeffe, s’attiroient de leurs enfans l’admiration
& le refpeét qui en eft inféparabîe , de même ,
par leur tendreffe & par leurs foins , ils en avoient
le coeur & l’attachement. Les enfans ne voyoient
donc, après les dieux, rien qui fut-fi bon ni fi
grand que les auteurs de leur naiiTance j aufli,
de toute ancienneté, le refpeél dû aux pères
par Jeurs enfans , marche à côté du culte des
dieux.;
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Les Furies nées félon Héfiode, du faûg d’un
"père outragé par fon fils , de Célus mutilé par
Saturne , étoient les mimftrts infatigables des
vengeances paternelles. 'C ’étoit à elles que les
pères , dans l’excès de leur colèie, adreffoient les
imprécations contre leur propre fang*, & s’ils "appel-*
1 oient quelque autre "divinité à leur vengeance ,
les Furies étoient toujours prêtes à fe joindre à
elles, pour exécuter leurs ordres. Althée, dit
Homère, frappoit à genoux la terre avec les
; mains lôrfqu’elte proféroit fon imprécation contre
fon fils Méléagre, & demandoit aux dieux
des enfers & à Proferpine la mort de cet infortuné
} la Furie, qui erre dans les ténèbres, ent'en-*
dit du fond du Tartare fa funefte prière.
L ’effet même des imprécations paternelles fur
des enfans innocens , ne fe révoquoit point en
- doute, parce que le père étoit regardé comme lè
fouverain feigneur de fa famille. La politique fortifia
dans l’ efprit des hommes une opinion d’où
dépendoitlè repos de l’ordre public.
Entre les imprécations prononcées par un père
avec juftice, perfonne ne peut oublier celle d’CE-
dipe contre xEtéocle & Polinice, qui leur fut fi
fatale. C ’eft le principal point de vue des phéniciennes
d’Eurypide , & de la tragédie d’Efchvle. i
intitulée les jept devant Thebes.
On ne fe reffouvienl pas moins des imprécations
de Théfée qui, tout injuftes qu’elles étoient,
donnèrent la mort à Hippolite fon fils vertueux ,
& à lui une douleur mortelle. C ’eft encore le
fiijet de la tragédie d’Euripide, qui a pour titre
Hippolite.
En général, les romains croyoient que les int-
précations avoient une telle force, qu’aucun de
ceux contre qui elles avoient été fgjtes , n’en
pouvoit éviter l’effet. C ’eft en profitant de cette
opinion fuperftitieufe , qu’Horace , dans une ode
fatyrique contre la magicienne Canidie, lui dit :
ce vos maléfices ne changeront point le cours de
,1a juftice des dieux 5 mais mes imprécations vont
attirer fur vous la colère du c ie l, & nul facrÊ-
fice "n’en pourra détourner l’ accompliffement, »
Dira detefiatio
Huila expiatur viciimâ. Ode V. lib. V .
Je ne dois pas oublier de remarquer que les
anciens, à la prife & à la deftruétion des villes
qui leur avoient coûté beaucoup de fang, prononcèrent
quelquefois des imprécations contre
quiconque oferoft les rétablir,
Quelques-uns croient que ce fut la principale
raifon pour laquelle Troie ne put jamais fe relever
de fes-çendres j les Grecs l’ayant dévouée a une
chute éternelle 8c irréparable.
Mais
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Mais tous les peuples s’accordèrent à lancer
des im p r é ca t io n s contre les violateurs des fépiil-
cres, qui par-tout étoient des lieux réputés facrés."
On chargeoit les tombeaux de diverfes formules
terribles : que le violateur meure le dernier de' fa
race, qu’ il attire l’indignation des dieux, qu’il
foit privé de la fépulture, qu’ il foit précipité dans
le tartare, qu’il voie les offemens des fiens déterrés
& difperfés , que les myftères d’Ifis troublent
à jamais fon repos, que fés defeendans foient
réduits au même état qu’il éprouve.
Enfin, les im p r é c a t io n s furent en ufage chez
les Gaulois, mais il n’appartenoit qu’ aux druides
de les prononcer, & la défobéiffance" à leurs dé-
cifions étoit, ail rapport de Céfar, de b e llo G a l -
l i c o , lib. VL p. 1x0, e d it. v a r io rum .} le cas le
plus ordinaire où ils*les employaffent. On en peut
croire Céfar fur fa parole, il avoit vu ce qu’ il
avançoit, & s’il ne l’avoit pas v u , on ppurroit
l’en croire encore. ( D. J. )
En voici quelques-unes prifes de Gruter :
M it em is id e m i r a t a m HABEAT
SVORVM OSSA ERVTA ATQVE DISPERSA
VI DE AT.
( P a g . ç c c i v . i . )
LAESERIS HVNC TVMYLVM SI QVISQVTS IN
TARTARA PERGAS.
ATQVE EXPÉRS TVMVLI LAESERIS IIVNC
TVMYLVM.
( P a g . D C L X I I . I <0. )
QVISQViS EVM LAESIT SIC CVM SVIS VALEAT.
' ( P a g . o c e x . I Q . )
ILLI DEOS IRATOS QYOS OMNES COLVNT.
( P a g . D C C C X V I . 7 . J
HABEBIT SACRA ISIDIS ILXIVS QVIETATE
IRATA.
( P a g . d c c c ç x v j i . 1 . )
-MANES IRATOS HABEAT.
( P a g . D c c ç c x x i i . 3. )
MANIVM NVMINA IRATA SVNTO.
( Ex B o i j fa r d o T om . I I I . P a r t . V.p. 5$. )
Mabillon recueillit dans fon voyage d’Italie plu-
fieurs inferiptions antiques qui renferment des
im p r é c a t io n s . En voici trois , dont les deux premières
font payennes, & la troisième appartient
aux chrétiens.
Antiquités. Tome I I I
C, T U L L I U S. C. L.
B A R N Æ U S
O L L A. E J U S. S I QU I
O U V I O L A R I T. A D.
I N F E R O S. NON. R E C I P I A T U R.
■ Cette infeription fut découverte à Rome , hors
la porte Aurélienne, qu’on nomme aujourd’hui la
porte de S. Pancrace.
L. C Æ C I L I U S. L.
E T 3a L. F LO RUS.
V I X I T ANN OS. XV M
ET ME NS I BUS . V I I . QUI
HI Ç MI X E R I T . AUT
C A C A R I T. HABEAT.
D E O S S U P E R OS. ET*
I NF E R O S. I RATOS.
Le marbre fur lequel on lit cette infeription, fut
trouvé au même endroit en 1603. Le c. tourné à
gauche fîgnifie Caia.
M A LE. PERÈAT. INSEPULTUS.
J A C E A T. NON. R E S U R G A T.
CUM J U DA. PARTEM HABEAT,
S ,1 Q U I ,S. S E P U L C R U M
H U N C. V I O L A R I T.
Cette infeription a été trouvée à Rome fur le
chemin de Nomento,
Imprécations , f. f. plur. dira, cefont les
déeffes impitoyables que l’on nommoit Furies
fur la terre 5 Euménides aux enfers» & Imprécations
dans le c ie l, dit Servius fur le quatrième
livre de l’Enéide.
Quelques-uns croient que leur nom latin dira.
vient du grec é'uvut, qui fignifie terribles•
Incinttét igni
Incedunt cum ardentibus tsdis.
On les invoquoit toujours dans toutes les prières
qu’on faifoit contre fes ennemis , ou contre
les fcélérats.
Ces prétendues déeffes vengereffes avoient,
outre leurs temples & leurs bois facrés, des libations
qui leur étoient propres, & dans Iefquelles
on n’employoit que l’ eau & le miel, fans aucun
mélange de vin. On ne parloir qu’ avec une horreur
religieufe de ces divinités infernales & cé