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C H A P I T R E X Ir
Du ficelé de Zoroaftres.
S a n s la réforme de la chronologie ;h!V'
tienne, il étoit impollible de découvrir le lieds
de Zoroaftres. L’hiftôire de ce légiflateur religieux
étoit trop étroitement liée a celle des
Rois de Ninive, pour que l’on dut établir d une
manière indépendante des tems qui lont les
mêmes.
L 'un des problèmes eft - il ré lolu, l’autre
le (bit fans effort Si comme une conféquence
naturelle : & tel eft l'avantage de leur complication
que les preuves particulières a chacun le
réfléchiiïant fur l’autre , accufent par leur accord
la vérité qui leur eft commune. Le développement
de ces rapports va completter 1 e-
vidence de ce que j’ai avancé.
Quand on confulte les Ecrivains qui paroif-
Tent avoir eu les meilleurs moyens d inftruaion
fur cette madère , on en recueille un (uft age
unanime, qui place Zoroaftres dans le premier
âge de l'empire aflyrien. Plufieuts meme on
defigné fon époque d'une manière precife : tel
entr’autres Céphalion , qui i, lut l'autor.te des
livres anciens de l’Afie, attelle que Zoroaftres
fut contemporain de Sémiramis ( i) . M oy.e de
Chorène , qui a compofé fon hiftoire d Arménie
fur des monumens auffi authentiques , dit
pofuivement la même choie vi ) . l rogue Pompée
n’a point un fentiment d ifferent lorlqu il
lubftitue à Sémiramis Ninus, fon epoux. (])
Enfin un hiftorien des plus anciens , & que
fes fragmens me font juger avoir puife profondément
dans les antiquités, a réuni dans un pa(-
fage la double combinaifon Si des témoignages
cires Si de l’ordre que je réclame. Depuis Zoroaftres
jufqnaupaffage d tX e u e s eu G r e c e ,.
dit Xantus de L y d ie , i l s écoula f i x cents
( ,1 Tum Semiramed’u & Zoroaftris Magt natalia
fubjungit ( Cephalio. ) Syncel, p. i<7 -
(»1 Mol', choren. p. 47. & 48-
Apud. Juft. p-1 -
ans 4) ; par c e ca lcu l, Zoroaftres fe trouve
placé dans le fiècle de David, Si d e là teulte
cet enchaînement de fynchronifmés, Zoroaftres,
contemporain de Sémiramis , contemporaine de
Sanchoniaton fs d'Abibal , contemporains de
David.
Un tel accord fuffit fans doute pour démontrer
que la réforme que j’ai faite, toute étrange
quelle peut paroître, eft autorifee par les
preuves les plus décifives. Mais en ce moment
l’Afie moderne nous fournit des éclairciuemens
trop intéreflans pour les négliger.
Les livres des Parles fur to u t , apportés depuis
quelques années de l’Inde, & publiés par
M. Anquetil du Perron-, en révélant fur la per-
fonne & l’hiftoïre de Zoroaftres des details inconnus,
nous prêtent de> moyens déclins de
porter l’évidence à fon comble (5).
Voici en peu de mots ce que les traditions
des orienta ix offrent actuellement de plus clair
5c de plus inftruétif.
« Au tems deZoroaftres, toute la vafteéten-
» due des pays compris entre 1 Indus, le Gihon
» Si YEuphrates, s’anpelfoit d'un noni com-
» muti Si généra', Iran ou Eériéné( '). C e pays
» ,étoit divifë en un nombre indéterminé de
» provinces 8c de royaumes diftingués chacun
„ par des noms propres. Parmi ces^ royaumes
„ ( dont l’état géographique eft très confus 1,
» l’on en démêle un qui comprenoit lpeciale-
„ ment le Koràflan , 8c avoir pour capitale la
,, ville de Baik. Il étoit gouverné P'-r des Lois
» indigènes ( dont l’origine fe perd avec celie
,, de la nation, dans les ténèbres de la Mytho-
» logie 1 C e fut dans ce pays que Zoroaftres
„ promulgua une religion nouvelle ( ou plutôt
(4) Diog. laert. in præmio. •
(< ) Toy. le Zend-Avelta imprimé à Paris g w / î '
in-4°. trois volumes- ; ouvrage dont il paroit qu
n’a point allez fenti l’importance.
(*) .Vie de Zoroaftres. Zeid-Avefta. Tom. II* ^
» une modification de l’ancienne ). Le Roi
59 d’alors nommé Guftasp , reçut avidemmenr
99 cette innovation , & bientôt devenu profé
93 lyre enthouliafte , apôtre perféeuteur, il ré
99 folur d étendre, par les armes, le fyftême ar
99 bicraire de fa croyance ; en conféquence , il
99 fit la guerre à plufieurs princes voifin*, &
99 entr’autres à Ardjasp, Roi du Touran. Ce
» Royaume, fitué au couchant du Koraflan ,
99 étoit un des plus puiflans de ces contrées.
99 Afrajiab, l’un de fes Rois, & ayeul d' Ardjafp,
99 avoitfait des guerres longues &c fanglantes,
99 aux Iraniens de Balle ( il paraît même qu’il
« les avoir rendus tributaires ). Ces guerres re-
99 commencèrent fous Ardjasp , qui battu d’a-
99 bord vainquit enfuite les Irdnians, leur em-
» porta d aflaut la ville de Balle 6c la réduifit
9» en cendres ».
On de mande toit vainement aux Parles de
daller ces faits-dans la 1ère des tems: depuis
long-tems ils en ©nt perdu le fil : tout ce qu’ils
lavent, c’eft que ces événemens appartiennent
à la plus haute antiquité', il faut chercher ailleurs
des éclairciffemens & des complémens à ces
connoilîances imparfaites.
Ce queles 'ivres modernes de l’Àfie appellent
Balk & Korojfan. les Grecs l’ont connu fous le
nom de Baclre 6c Baclriane. Recherchons dans
ce qu’ils nous en apprennent ce qu’ils peuvent
avoir d’analogue.
« lefys & d’Arbaces , marcha contre eux avec
» les troupes des nations qui lui reftoïent fi-
» dèles......ôc il en manda de nouvelles de
» toutes parts..... Or Arbaces ayant appris
» qu’une armée envoyée de Baclriane au fe-
» cours du Roi, s’appfochoit à grandes jour-
» nées, il alla au-devant , 6c conjura les Géné-
» raux de s’unir à lui dans une caufe qui leur
» étoit commune .... Et les Baclriens, féduits
» par l’appât delà liberté, s’unirent aux confé-
» dérés (4)
L’état d’indépendance dont parlent les livres
orientaux eft donc antérieur même à Sardana-
pale.
« Or Ninus fit la guerre aux Baéhiens, &
» alors régnoirchez eux Oxy-Artes (5).
Nous voici déformais arrive au tems desRo!s
indigènes en queftion -, la petite note de l’anonyme
, Arias , petit fils de N in u s, acheva de
dompter les Baclriens , nous donne l’époque de
la deftruébon de ce royaume & de fa réduction
en province •, en forre que par cetappointe-
ment des orientaux & des Grecs, nous formons
une chaîne continue de rems dont ceux ci fourni
ffent la partie inférieure, & ceux-là la fupé-
rieure ^ que fi l’on confronte attentivement les
détails de l’ancien & du moderne , on y trouvera
une identité complette de faits, de perfon-
nages & même de noms, & l’on demeurera
convaincu qu’ils ont puifé aux mêmes fources.
Dès le tems de Darius, fils d'Hyftapes , la
Baclriane étoit réduire en province , 5c formoit
l ’une des vingt,fatrapies de l’empire , 1 ). C etoit
C.yrus qui en avoit fait la conquête comme
nous l’apprend Créfias (2) : 6c l’on induit bien
d.’un paffage d’H irodote que ce fut peu après
la guerre de L ydie (3).
Sous les Mèdes, l ’état de la Baxftriane peut
être équivoque 3 mais il ne l ’eft po nt ;ous le
Afïynens3 elle fut province de leur empire,
comme le prouvent ces palfages de Ctèfias en
Diodore. Lib. IL p. 13 8 ôc 119.
« SarJanapal ayant appris la révolte de Be-
(1) Herod, lib. III. p. 243 & 145, & tel fat fon état
jufqu’au tems d’Alexandre.
(1) Frag. de Ctefias à la fin de l’Hérodote. p. 813.
(3) Herod, lib. I. p. 74. CaptoCræfo . . . . . Reverfus
eft Cyrus agbatana . . . -. quandoquidem ei o b f ia c u lo
e r a t Babylon, & Bairiana gens,. & Sacæ, &Ægy.ptii,
Antiquités , Çh ronologie. Tome I I I .
Le tableau fuivant rend cette vérité très*
fenfible.
Récit de Mirkond &
des livres Tarfes.
Afrafiab , Roi du
Tour-an ou Tur-
queftan , fit plufieurs
expéditions contre le
royaume de Balk.
L’un des Rois qu’il
combattit demeuroit
en cette ville.......
Récit de Diodore 9
lib. IL
Ninus, Roi d’Afïy-
-rie, ( appellée aufiî
Atourie ) fit deux expéditions
contre les
Baiftriens... Oxyartes
régnoit alors à Baélre.
Il fut attendre l’ennemi
dans des défilés.....
...- (4) Il eft donc probable que les Baélriens furent
indépendaus fous les Mèdes ; auffi Xénophon leur
donne-t-il un Roi au tems de Cyrus. Cyroped. p. 114«
Cependant Gtélias n’indique rien de femblable. Frag.
Cité.
, (5) Diod. lib. IL p. 1x7