
fes préfentoient le miroir à Junon. Que de'fo’ns ! |
que de détails à la fois ! A .ces fatigues joignons
la néceflîcé où elle fe vit réduite de perfeçuter les
maitreffes & les enfans de fon mari, pour chercher
du fouiagement à la jaloufîe qui la dévoroit,
Sa fervfibilité, à cet égard, rendort fon tourment
plus infupportable , & l’obligçoi-t à remuer fans
cefîe la mer & la terre pour fe procurer le plaifir 1
de la vengeance. Elle n’;y oubliait rien, : ne fe
donnoic aucun repos; mais, elle ne goutoit jamais1
la ûtisfaûiftn d’avoir réulii pleinement. Tous les .
; foins qu’elle prit -pour punir Io , toutes les fatigues;
qu’ elle fe donna, aboutirent à famé une
déeffe de cette concubine de Jupiter. Calyfto eut
le même fort ; & toute la vengeance que Junon
en pu: tirer , fut d’e.mpêçher que ce nouvel altre
’ n’ allât avec les autres fe couchtr dans la mer ;
encore fallut-il * pour eèla , que cetie fouveraine
des dieux fuppliât l’Océan & Thétis. Pour punir
• une des files de Cadmiïs, e lle. eft obligée de
defc-cndre aux enfers., ’& de s’abaiffer jufqu’à:
implorer le fecours des furies. I no.
Elle prit à tâche deqerfécuter Hercule ; qu’y
gagna-t-ede ? Des fatigues, 8c l’a honte de voir;
fqn -ennemi placé au nombre des dieüx.
L-ifatisfa&ionde v dr;périr Troye fut une très-
petite cpnfojation des tourmens qu’elle avoit fouf-
. fertS;, •& des mortifications qu’elle avoit elFuyées
pendant la longue réfî fiance des Troyens, & elle
fe vît bientôt obligée à s’agiter de nouveau pour
perfécuter Enée & l’empêcher d’aborder en Italie. ~
"Elle n’y épargna rien , elle'alla5 s'humilier devant
cEolè pour lui 'deiTicinder Une tempère’ : une autre
fois elle fe plaça'fur une nu.ee très froide, & s’éx-
p :Vfe à l’inclémence de1 l’air 3 .pendant un combat
du parti qu’ elle protégèoit, contre lè'parti qu’ elle
haiffoit, & tout cela aboutit à voit placer Enée
au rang des dieux , & fa poftérité régner fur;tout
l ’univers. S,relie eut un moment de fatisfâélion
ce fut quand elle perfécûta la nymphe Thâlie,
-maîtrelfe de Jupiter. Le féal moyen -d’échapper
/■ qurteftât à cette nymphe , fut d’être i engloutie
•'dans ;lçs' entraides de la terre ; mais quand1 le
'terme fut y'ëj.ü., elle nié Iaifla pas d’aCcoucher des
dè.iix’errfân^ dont éllé etoit.en'ceinte , qui devinrent
erifuitedéux divinités fametifes. ( V oy.P à l -ices ).
rïl ^ne faut.pas mettre au nombre des moindres
difgraçes dont la -.vie -âe.Jmon fut traverfée y-le
.'malhsur. quelle ^ent\ de.'.perdre fa caufe dans une
difpute de -beauté,, » dont :1a décifion jétoitcommife
à un fimple mortel, & qui exigea même qu’ elle;
rfe.montrât -fàn$c voile devant lui1; .car le sjreflen—.
liment qu’ elle;en témoigna contre Paris fon juge,:
& contre toute, fa parenté fut .très-violent, fiii.vi
de mille fatigues & - de raorcifiçaîaàins.-pour: elle.
.C e fut fans doute ,une bleffure plus cuifanteque
celle qu’elle reçut^d’Hercule au,-cÔtéjdr osit du■ fe 10 ;
el’e y fut .d’autant ;pl us Jenfibl.e.qu’eHe éioit femme;
& tffentielternetu belle..( Voy.T a r i s ). C e n’eft
là qu’un échantillon de rhiftoire de cette détffe,
mais il fuffit pour faire voir que Junon étoit une
des plus malheureufes perfonnesqui fufient dans
l’univers, &: qu’elle pouvoit auflî bien fournir
l’image d’une extrême infortune, que les Promé-
thées, les Sifyphes, les ïxions, les Tantales,
les D anaï.les, & les autres fameux fcélérats livrés
aux fupplices infernaux. Le titre pompeux de reine
dû ciel, un beau trône, le feeptre, le diadème,
tout cela ne la garantiffoit pas d’un fupphce continuel.
Au refte fon culte étoit extrêmement répandu ; _
elle fut fort honorée à Carthage, où elle tenoit
en dépôt fon char & fes,aimes. Elle l’étoit encore
beaucoup à ûlym.pie : feize femmes de cette ville
étoient prépofées aux jeux que l’on ’célébroit tous
les ans eh l’ho 11 ne ur d e J u non » ’1 r o 1 s c li 0>c s de
jeunes filles y dVfputoient le prix de la çourfe ,
d efeendoi en t dans la carrière desjeux olympiques, la
fijurniffoient ptrefque toute entière : les viélorieules
recèvoient une couronne d’oliyier. Les mêmes
femmes brodoient une . efpèce de voile ou de
robbe nommée peplus qu olle^.confacroient à Junon
tous les ans. Voici.comment .Paufaïuas décrit la
ftatue de Junon. En entrant dans le temple an
voit la ftat,ue de cette déeffe d aine-grandeur extraordinaire
toute d’or & d’ivoire; elle a fur la tête
une couronne au-deffus de laquelle font les grâces
& “les heures ; elle tient d’ une main une grenade ,
& de l’autre un feeptre au bout duquel elf tin
coucou. On voyait dans le temple l’hill-oire de
Cléobis 8c Biton. Voy. BlTô-N, (Zl Éo-BIS.~Junon
ne fut d’abord repréfentée à Argos que par une
.fimple colonne ; car toutes -tes premières ftatues
des dieux n’éto;ent que d£-s.'pierres informes. î l
n’y avoit rien de plus refpeélé dans la.Grèce que
les prêtrefles de la Junon d'Argos; & leur facer-
doce fervic a marquer les principales époques, de
i’hiftoifë grecque. Ces prêtreffes avoient foin de lui
faire des couronnes d’ une cértairie herbe qui. ve-
■ noit ‘dans de fleuve Aflérion fur lès bords duquel
étoit le :temple; elles couvroient auflî-fon autel dés
; mêmes hèrbes. L’ eau dont elles fe' fervoient pour
les facrifices & les ;myftères fecrers i' f e ‘puifoit
; dans la fontaine Eleuthérie, qui étoit peu éloignée
| du temple , & il n’éroit pas permis d’en puiTer
aillquns. Stace parlant -de la Junon d’Argois, dit
qu’elkilançoit de tonnerre, -mais il e-ll leLeul des
anciens qui ait donné le-tonnérre à "ce-tte déeflè.
La Junon de Samos.,parpi(ldir d i.ns,Cqn. temple avec
un «voile fur .la tête : .au:$ .£toj.t .elle appellée Junop
la reine. .Du refte elle étoit couverte d’un grand
' yqile depuis la tê:e jufqu'aux pxjds.Voy. A dmète,
: 'fille .d’E.uryibée.
La vénéraison des : romains - pour • cette déeffe
îétoit ifi grande.qu’il y aivoit-des femmes qui honfi-
. TOtent Juno'n ;en faifant akiublant-de -la peigner &
.en
en lui ttmnt le miroir : mais il y en avoit d'autres
qui la refpeitoient fort peu ; car elles ailoienr
s aneoir dans le Capitole auprès de fon mari dont
elles s'ifhaginoient êne les m.ii'tieffes. Junon p.r-
tageoit lès honneurs du capitole avec Jupiter &
Minerve, & el.e y étoit adorée fous l'cpthète
de Moneta. Pendant la guerre des Arunces il Tur-
vint un grand trcmhlem; nt dé terre, & Junon
avertit les romains qu’il fjlloit immoler une rruie
pleine : on fit voeu de lui ériger un temple dans
le lieu meme, ou avoit été la maifon de Manirus
ce qui tut exécuté que'q.re temps après. On for
noinmi cecté Junon M.oneta> de monere, à caufe
de 1 avis qu elle avoir donné. Cicéron obferve que
depuis cet avertiirement elle n'avoic jamais plus
averti de rien. Outre ce temple qui étoit au capi
ta e , elle en avoir un fur le.mqht Aventin. Ca
« B ,fe préparant à donner l’affaut aux Véïens,
offrir la dtxme du butin à Apollon, & pria Junon
la proreélnee des aiiiegés, de les quitter pour fe
ren.lre à Rome, ou on lui bâtuoit un temple
digne d elle. Apres le pillage on travailla à la
tra illation des dieux. Quelqu’un demanda à la
itatue de- Junon fi elle vouloit venir à Rome; elle
ht un ligne affirmatif 5'on prétend même qu'elle
prononça oui. Elle fut tranfportée fans aucune
peine, on eut dit qu’elle fe donnoit du mouve-
ment pour fuivre les vainqueurs. Camille lui érigea
& lui Confacra un temple fur le mont Aventin,
comme il 1 avoir promis ; & c ’efi a cette époque
que plufieurs auteurs fixent la proteâion que
Innon ne ceffa d accorder aux romains. Elle avoir
encore un autre temple à Rome, au marché aux
nerbes. 11 fut confacré par Caïus Cornélius Cé-
thegus, en quahte de cenfeur. Elle étoit encore'
adoree a Rome fous le furnom de Caprotme.
^ oy. ce mot. r
j H l B H dans la Grèce &
S M B W ^es B i des chapelles ou des
M M a cette deeffe ; & dans les lieux con-
B B y fen 3m Pluheuis-5 Son culte ne etort p.s1 renferme dans l’Europe feule: on a
dans l’Afie d 5x'dolt a Carthage j il avoit pénétré
M l i n i dans la Syrie & dans l’Egypte,
avoir nieS. dlvî" lc“ du paganifme il n’y en
plus EPéné"ral nt I e -CUl[er fut plus fole™nel &
l ’ h ' l t S , ' rep' ” <lB qU= celui' de Junon.
venaealc« P™dlS« qu elle avoit opérés & dés
b s w ü M S e H m p - fo"nes qui
à elle H M ou meme fe -comparer
au-on’ J I tant-de «ainte & de refpeét
fléchir quand on n en H Ü I B B & Pou r *a
convien? nas h" I W ‘> VOIr offenf&’ 1
lui en donne ofnrn°mcbre P" Ife,s„ e.nfa,’ s' HéEod«
eine , & Vuîcain0 ’ pa' ° lr ’ He-be ' Vénus ’ Ltl'
Typhon On Bi d autres y joignent Mars &
Voyez c e sm o f s^ T " encor|;, I1!i‘hye & Argé.
fur .fes enfans. '' & qUC on a dlt Plus hjut
■4 /iti^uitis , Tome UJ,
Voici la plupart des furnoms donnés a Junon
par les anciens écrivains. .Leur ex, h cation tirée,
d’une djjertation de M. Leblond ( cou onnée h
l Academie des Inscriptions en 1771 ) , fournira tous
les détails necejfàires pour rendre complet te Ihiftoire
de cette divinité,
II ne devoît point paroître indécent aux anciens
de donner une femme à Jupicer, & fur-
tout une déeffe qui jouiffoit de l’immcrtalité,
après avoir prêté à ce dieu des foibleffes honteu-
fes p >ur des femmes mortelles. Auflî celle qu’ils
k i choifirent étoit-elle digne de lu i , fon origine
étoit auflî relevée que la lienne, puifqu’elle étoile
fa propre foeur. C ’étoit-Ià du moins l’opinion du
peuplctfur la divinité, ou plutôt furie Jupiter >
dont ils fe formoient une idée qu’il leur auroit
ete difficile d’ analyfer, &' fur Junon fa prétendue
femme, qu’ils ne connoiffoienc pas davantage.
Mais les ftoiciens & les myftiques parmi les
payens , ceux enfin quiprétendoient avoir une plus
jnile idée de la divinité, voyoient en celaun-myf-
tere 8d une allégorie tout à-fait ingénieufe félon
eux. Jupiter étoit le ciel fupérieur, la région du
feu , 1 éther, une fubftance fubtüe répandue dans
toute la nature, & qui Lanimoit. La proximité de
1 air avec l’éther leur fit imaginer que Tair étoit
fon époufe ; d’où quelques-uns ont cru que Junon
fut appellée H p<* à caufe de la conformité de ce
nom avec celui dA^. En effet, nous avons beaucoup
d’exemples qui prouvent que cette opinion
avoir été adoptée par les poètes. Orphée , dans un
hymne en 1 honneur de Junon, identifie cette déeffè '
avec 1 air; il lui donne l’empire fur les vents 8c
fur la pluie; il dit que les mortels tiennent d’tlle
. feule là faculté de refpirer, & il rapporte à Ta
pu fiance &-a fa bienfaifjnce comme à une caufe
premièie tous les effets de l ’air. C ’ eft Junon +
dans l’Enéide, qui excite,Eole & qui lui don; e,
des ordres pour perdre la flotte troyenne C ’eft elle
qui envoie Iris vers Didon , pour diminuer la violence
de fes douleurs en avançant la mort de cette
princeff'è infortunée.
Plufieurs autres écrivains donnent à JunonYépi-,
thète d’aérienne ( Marti an. CapelL&c. ) , aéria}
C ’eft peut-être pour certe raifon qu’on la voit fur
des médailles, portée au milieu dès airs fur un char
tiré par d.s paons. ( Triftan. t. I. p. r f9. ) C ’eft
auffi, fans doute, ce qui a fourni à l'Alban.- l’idée
de repréfenrer Tair par l’allégorie de cette déeffe
^ les quatre élémens ) portée aii.fi dans un chai tiré
par des paons.
Quelle, que foie l'étymologie du nom de Junon, il
eft certain , f-'on la.rr.yth -logre, eue crtt. déefte
ét-it fi-le deS,tu-ne & de Rhée, foeur & époufo
de Jupiter ; elle échappa, a nfi que lui, â !a cruauté'
de Saturne leu; père. En cette qualité de fiile de
Z z