
ïurnt, dit Nonius, & terrifieationes imaginé 4* 1
b efil arum. Mais le nom de mânes paroiiioît être
de l'ufage le plus général , & nous apprenons
d'Apulée qu'on s'en fervoit dans l’incertitude du
deftin heureux qu'avoir Aibi un mort. Ces êtres
fantaftiques , félon lu*, n'étoient appellés dieux ,
que par les fupplians qui cherchoient à fe concilier
leur bienveillance en multipliant les dénominations
fl itteufes.
C'éto it là fans doute la doctrine fecrette d’A pulée
j car nous fa von s qu* les philofophes anciens
âvoient une doctrine publique pour le vulgaire
, & une doéîrme particulière rêfervée à
leurs feuls amis. On connoît les plaintes d 'A lexandre
^ lorfqu’Ariftote rendit publique fâ doctrine
fecrette. Le héros macédonien , qui y avoit
été initié par ce célèbre inftituteur, & qui am-
bitionnoic tous les genres de gloire , fut bîeffé
de n'être pas le feul dépofîtaire des lumières du
philofophe. Sans doute que la doétrine fecrette
d’Apulée lui eft échappée, lorfqu’il a dégradé
les dieux mânes. Il n’eft en effet aucun dogme
de la mythologie mieux prouvé & plus expref-
fément énoncé dans les auteurs grecs & roma ns,
que leur divinité. Nous avons commencé cet article
par les autorités de tous les genres qui la
démontrent, nous l'acheverons par 1’ . xamen lu
culte rendu aux mânes, & des facrificcs qu'on
leur offioit. Ce fera une réponfe à laquelle le
philofophe de Madaure n’aurait pu répliquer, s’il
eut été de bonne foi.
L e culte des mânes étoic de la première antiquité
ch- z les grecs , puifque Orphée auquel
on attribue la plus grande- partie des dogmes
fabuleux rap ortés de les voyages en Egypte, le
trouva établi* il y avoit dans la Thefprotie à
Aorne un temp'e & un bois confacrés à ces divinités
(Paufanias). C ’étoit U qu'on les évoqf oit
par des ènchantemens & des fannfices, 6c c’eft îà
que le chantre delaThrace fe rendit pour trouver-
quelque foulagemènt à fa douleur. Il venoit de
perdre fon époufe Eurydice, & il efpéroit que le
plaifir de voir cette ombre chérie , de s'entretenir
avec elle, ap.paife.roit fa douleur. Son attente fut
trompée, la vue du Fantôme que les artifices des
prêtres firent paroître à fes yeux le frappa de
mort félon les uns, & félon d’autres lui caula une
mélancolie noire à laquelle il fucconiba après avoir
erré feul long tems au milieu du bois. On imagina
depuis la fable de fa defcence aux enfers; elle
n'eut d’autre fondement que ce voyage dans la
Thefprotie.
C e mauvais fuccès ne décrédita pas l'oracle des
lianes. Plufieurs fiècles apres Périandre tyran de
Corinthe alla chez les thefprotes pour confulter
fur un dépôt l’ombre de fa femme Melyffe qu'il
avoit fait périr fur de faux rapports. Le refpeét
pour ces dieux fît établir une fête en leur hotv
neur appellée Ntfemet. Suidas en parle d'après
Démofthène dans fa harangue contre Spudias.
témoignage d'Homère & des plus anciens p êtes
vient à l'appui de notre fentiment, & prouve qUe
le culte des mânes étoit établi ch z les ptlafges
long-tems avant leur communication avec les
Egyptiens.
Ils le tenoient peut-être des peuples du nord avec
qui ils a voient pu communiquer de proche en
proche au travers de la Thrace. Le culte des
morts, la divinité des ombres , leur retour fur
la terre, leur féjour auprès des tombeaux & leur
préfence dans les combats , font la bafe de toutes
les théologies feptentrionales. Tous les écrivains
grecs parlent des myftères de la Samothrace &
de fes prêtres rois. C ’eft là fans doute le canal
par lequel ces fables - fi douces , fi confolantes
auront pénétrées dans la Grèce. Il n'eft au relie
aucune-nation fauvage chez qui-ce dogme ne foit
en faveur. Car on a retrouvé chez toutes , &
même chez les othaïciens , qu’il eft de l ’dTence
de la douleur de divinifer l’objet de fes regrets
& de fa tendre (Te. Nous ne recourrons donc ni
aux egyp-Tns ni 'aux conftellations , ni aux tra- .
dirions h ftonques, ma s au coeur humain feul,
pour trouver l’origine du culte des mânes.
Homère nous a coufervé dans l'OdyflTée \lib.x.)
lès cérémonies qui étoient employées d'ans leurs
évocation'. Uiyfl'e veut confulter le devin Tiré-
fias avant de defeendre aux enfers, & i l .lent
offre un facrificr. Ce héros cre.de d'abord une
foffe avec fon épée, y fa t enfuite en 1 honneur
des mânes des libarims de miel, de vin & d’eau,
& y jette de la farine. Il fait voeu de leur la*
crifier une vache ft.érile loriqu’il fera de retour à
( Ira que dans fon royaume , fit d’immoler alors à
Tiréfias un mouton noir j mais il égorge fur le
champ pmnsürs vifitirnè.s d< m le fan g coule dans
. la -foflV. Attirées par ce fang , les ombres fortent
de l’enfer & fe preffehr autour des cadavres.
Elles fe difpofoâent. à le boire- U !y(Te fachan!
que les ombres n’annoncent l’avenir qu’ après s’en
être raffafiées, s'oppofe à leur avidlvé jufqu'à
ce que Tiréfias par cette boiffon fe foit mis en
état de lui répondre. Il les effraie avec fon épée
& le devin ayant bu de ce fan g faefé remplît
fon attente. Vbgile a imité t rès-he nr eu Cernent
cet endroit de l’Odyflve, & il s’en eft fervipoj.lt
le facrifiee qu'offre, fon héros dans la même, or-
conftance où s'etoit trouvé Ulyfle; ( Ænêid. lé.
; y- )-
Quatuor Kic primum nigr an tes terga j aveu cos
Conflitait ; fromique invergit yina facerdos :
Et fummas carpens media inter eornua fêtas
îgnibus imponit facris libamina primai
yocevocans kecatett tceloque ereboque pottntem•
Supponunt alii cultros , tepidumque cruorem
Sufcipiunt pateris : ipfe atri vèlleris agnam
Æneas matri Eumenidum , magn&que forori
Enfeferit, fierilemque dbi3 Proferpina3 vaccam ;
Tum fiigio régi no61 urnas inchoat aras ,
Et folida imponit taurorum vifeera flammis
Vingue faperque oleum fundens ardentibus extis,.
Stace a délayé le même tableau dans vingt-
trois' vers ( lib. 4. ) de fa Thébaide.
Les romains obfervèrent fideliement la loi des
douze tables qui concernoic le culte des mânes.
Numa leur confiera le fécond mois de l’année
•qui reçut le nom de février de februare , lufirare}
à caufe.des luftrations & des facrifices aux morts.
Ovide a chanté dans le fécond livre des faites
ces -fêtes appellées feralia. On s’abftenoit alors
de la célébration des mariages , de crainte qu'étant
contractés fous des aufpices funeltcs, ils p.e
devinffent malheureux. L s temples des dieux
étoient fermés ; celui. de P uton & des divinités
infernales au contraire ne s'ouvroi-nr que dan-,
ces triftcS folemnicé-;. On croyoit alors les tombeaux
ouverts» & les morts en ans dans les rues
&. les maifons. De femblabiés appa irions avoient
fait reconnoître aux premiers habitans de Rome
une négligence funefte dans, leur culte. Les mânes
avaient été oubliées. On chercha à réparer cette
offenfe en leur consacrant le mois de février. Ces
fêtes n’occafîonnoient que de foibles dépenfes.
Ovide s'en explique ainfi :
Parya petunt Mânes 3 pi et as pro dlvite grata ejl
Munere » non avides fiyx habet ima de os,
Régula porreStis faüs eft velata coronis ,
E t fparfa fruges , parvaque tn 'ca falis ;
Snque mero mollira. Ceres , viol s. que folutA,
Hec habeat media tçfta reliÛa via.
Les fécondes fêtes des Mânes célébrées le 9
du -mois de mai , furent appelle s d ab rd ik
maria s du malheureux f rère de Romuiu«, parce
qu elles dévoient fervir à e>picr ce fratricide
toyal. Mais elles furent anffi négligées comme
les .premières , & rétablies fous le nom plus
general de Lemuria. On s^occop it pendant leur
célébration à chaffer les -mauvais génies , Sç l'on
croyoit y réuflîr en jettant derrière foi des fèves
îiôires quils ramaifoient avidement, félon i’opinion
Commune. ( Varro de vita pop. Romani,
lib. 1 , ) Chaque père de famille pratiquoit cec
exorcifme. ( 5»faft. Voye^ 479. )„ .
Et canis & varie conticuiftis aves,
llle memor veteris ritus , timidufque Deorum
Surgit y habent gemini vincula nuLla pedes*
Signaque dat digitis medio eum ppllice junßis /
Occurrat taeïto nt levis umbra fibi.
Tèrque manus puras fontana produit unda ,
Vertitur , & nigras accipit ore fabas ,
Averfufque jacit : fed dum jacit, hec ego mitto »
x His , inquit , redimo meque meofque fabis-.
H se novies dicit, rue refpuit, umbra putatur
Colligere, & nullo terga vidente fequi.
Rurfus aquam tangit , temefoeaque concrepat eerâ^
Et rogat ut teüis exeat umbra fuis3
Cnm dixit novies, Mânes exite p a t e r n i .
Refpicit, & pure facra perafta putat.
Cette cérémonie paroiffoit avoir rendu les
fèves de mauvais augure ; aufli écoit-il expref-
fément défendu au flamine de Jupiter (fefius ) de
les toucher ou même de les nommer. Quelques
auteurs latins en ont donné pour raifon qu’on
apperçevoit dans leurs fleurs desLrtres lugubres.
On fent le ridicule d’une pareille exp ic-tion : Sc
c’eft ainfi que les latins ont travefts l’ancienne
mythologie déjà altérée par les grecs, il faut
donc les abandonner & en rechercher une autre
dans des monumens plus reculés. L’abftinenee
des fèves étoit un dogme fondamental des pythagoriciens.
C ’eft un grand fujet de controverfe,
'dit l ’abbé Ladvocat, parmi les favans pourquoi
il ne vouloit point manger de fèves, & défendoit
à fes difciples d’en manger, opinion quail avoit
puifée chez les égyptiens. (Dtâ. hift. Pythagore
Cette dernière réflexion anroit démettre les favans
fur la 'vo ie ; & nous ignorons pourquoi ils
n’ont pas fait devant nous un rapprochement qui
eft fi naturel & fi Ihnpie. Les égyptiens dévoient
être pénétrés du plus grand refpeâ pour les
plantes légumine-ufes. Le lotos que l’on a enfin
reconnu flans-ce fiècle ( mém. Infcrip. tom. 3^
p. 181. ) , pour appartenir à cette nombreufe
fatnille,i fervoit de coëffure à la plupart de leurs
divinités, 3c de fiège,à Harpocrate , le fymbole
du- foled renaiilant avec farmée zodiacale; la fu-
rerlbtion regarda dès lots ces plantes comme
privilégiées & confacrées aux dieux ; & la lève
d’Egypte fut exclue <ks repas. On s ’abilint 4e