
briques , & fe fervoient de matières dures fc folides
pour conferver les opérations des arts. Aremneftus,
fils de Py thagore , félon le témoignage de Porphyre,
dédia au temple de Junon, une lame d'airain, fur
laquelle il avoit gravé les principes des Fciences
qu'il avoit cultivées. Ce monument, dit Malchus,
avoit deux coudées de diamètre, & contenoit
fept fciences écrites. Pythagore, félon l'opinion
de plufîeurs favans , apprit la philofophie_ des inscriptions
gravées en Egypte fur des colonnes de
marbre. Il eft d it , dans le dialogue de Platon ,
intitulé Hipparque, que le fils de Pifîftrate fit graver
fur des colonnes de pierres des préceptes utiles
aux laboureurs.
Numa , fécond roi de Rome, écrivit les cérémonies
de fa religion fur des tables de chêne. Quand
Tarquin révoqua les loix de Tullius, il fit ôter du
forum toutes les tables fur lefquelles elles avoient
été écrites. On gravoit fur de pareilles tables, &
quelquefois fur des colonnes, les traités & le s alliances.
Romulus montra l'exemple 5 il avoit fait
graver fur une colonne le traité d'alliance qù il
contraria avec les Véiensj Tullius, celui qu'il
fit avec les fabins, & Tarquin , celui qu'il eutle
bonheur de négocier avec les latins.
Sous les empereurs, on formoit les monumens
publics de lames de plomb gravées , dont on com-
pofoit des volumes en les roulant. L ’aéte de pacification
, conclu entre les romains & les juifs, fut
écrit fur des lames de cuivre, afin, dit Pline , que ;
le peuple eût chez lui de quoi le faire fouvenir
de la. paix qu’il venoit d'obtenir. Tite-Live rapporte
qu'Anhibal dédia un autel fur lequel il fit
graver , en langues punique & grecque, la def*
cription de fes heureux exploits.
Thucydide ne parle que des colonnes de Grèce,
qui fe trouvoient dans les plaines d'Olinthe, dans
l’Ifthme , dans l’Attique , dans Athènes,dans la
Laconie, dans Ampélie , & par-tout ailleurs, fur
lefquelles colonnes les traités de paix & d'alliance
étoient gravés. Les Mefléniens, dans les contef-
tations qu'ils eutent avec les lacédémôniens touchant
le temple de Diane-Liménitide, produifïrent
l'ancien partage du Péloponnèfe, ftipulé entre les
defeendans d'Hercule, & prouvèrent par des mo-
numens encore gravés fur les pierres & fur l'airain,
que le champ dans lequel le temple avoit été bâti,
étoit échu à leur roi. Que dis-je, toute l’hiftoire ,
toutes lés révolutions delà Grèce, étoient gravées
fur des pierres ou des colonnes | témoin les plus
anciennes & les plus importantes époques des grecs j
monument incomparable, & dont rien n’égale le
prix.
En un mot, le nombre des inferiptions de la
Grèce & de Rome, fur des pierre s-fur des marbres
, fur des médailles, fur des naonnoies à fur
des tables de bois & d’airain, eft pfefque infini f
& l'o n ne peut douter que ce ne foient les plus
certains & ies plus fidèles monumens. de leur hif-
toire. Auffi, parmi toutes les inferiptions qui font
parvenues jufqu'à nous, ce Font celles de ces deux
peuples qui nousintérelfent davantage, & qui Font
les plus^dignes de nos regards. Les grecs cherchant
eux-mêmes toutes Fortes de moyens pour mettre
leurs inferiptions à l'abri des injures du temps, en
écrivirent quelquefois les cara&ères Fur la furface
inférieure d'un marbre, & fe fervirent' d'autres
blocs de marbre qu'ils avançoient par-deffus pour
le couvrir & le conferver.
Mais outre que les inferiptions de ces deux peuples
font autant de monumens qui répandent la
plus grande lumière fur leur hiftoire, la nobleffe
des penfées, la pureté du ftyle, la briévçté, la
fimp.icité, la clarté qui y régnent, concourent
encoieà nous les rendre précieufes, car c'eft
dans ce goût là que les inferiptions roient être
faites. La pompé & la multitude des paroles y
feroient employées ridiculement. Il eft abfurdede
faire une déclamation fur une ftatue & autour d'une
médaille , lorfqu'il s'agit d’aétions, qui étant grandes
en elles-mêmes, & dignes de paffer à la pofté-
rité, n'ont pas befoin d'être exagérées.
Quand Alexandre, après la bataille du Grani-
que, eut confacréune partie des dépouilles de fa
|yi<ftoire au temple de Minerve à Athènes, oh y
‘mit en grec peur toute infeription : Alexander
Philippi filius , & gr&ci , prêter lacedemonios , de
barbaris AJiatieis,
Au bas du tableau de Polygnote, qui repréfen-
toït la ville de Troie, il y avoit feulement deux
vers de Simonide, qui difoient : ec Polygnote de
ThaFe, fils d’Aglaophon, a fait ce tableau , qui
repréFente la prife de Troie». Voilà quelles étoient
les inferiptions des grecs. On n'y cherchoitm allu-
fions, ni jeux dé mots, ni brillans d’aucune eFpèce.
Lé poète ne s'amuFe pas ici à vanter l'ouvrage
de Polygnote 5 cet ouvrage Fe recommandoit allez
par lui-même. II Fe contente de nous apprendre le
nom du peintre , le nom de la v ile d'où il étoit,
& celui de fon père , pour faire Honneur à ce père
d’avoir eu un tel fils , & à la ville d'avoir eu ua
tel citoyen.
Les romains élevèrent une ftatue de bronze à
Cornelie , fur laquelle étoit cette infeription :
» Cornélie, mèfè desGracques». On ne pouvoit
pas faire ni plus noblement, ni en moins de termes,
l’éloge de Cornélie & l'éloge desgracques.
Cette brièveté à!inferiptions fe portoit également
fur les médailles , ou l'on ne mettoit que la
date de l'aébon figurée, l’archontat, le confulat
fous lequel elle avoit été frappée, ou en deus
mots, le fujet de la -médaille.
TVaîïleurs les langues grecque & latine Ofit une 1
énergie qu’il eft difficile d’imiter dans nos langues
vivantes, du moins dans la langue françoife, quoi
qu'en dife Charpentier. La langue latine fem-
ble faite pour les inferiptions , à caufe de Fes ablatifs
abfolus } au-lieuque la langue françoife traîne
& languit par fes gérondifs incommodes , & par
Fes verbes auxiliaires auxquels elle eft indifpénfa--
blement aflujettie, & qui Font toujours les mêmes.
Ajoutez , qu’ayant befoin pour plaire, d'être fou-
tenue, elle n'admet point la lîmplicité majeftueufe
du grec & du latin.
Leurs épitaphes, efpèces à'inferiptions, fe ref-
fentoient de cette noble fimplicité de penfées &
d'expreffions dont on vient de faire l’éloge. Après
quelque grande bataille, l'ufage d'Athènes étoit
de graver une épitaphe générale pour tous ceux
qui y avoient péri. On connoît celle qu'Eurypide
mit flir la tombe des athéniens tués en Sicile :
« Ici giflent ces braves foldats qui ont battu huit
fois les fyraeufeins , autant de fois que lés dieux
ont été neutres ».
De là vient que depuis la renaiffance des lettres
, les favans n'ont ceffé de Jes ralTembler de
toutes parts. Le recueil qu'ils en ont donné, contient
déjà quelques centaines de volumes de prix,
& fait une des principales branches de la profonde
érudition.
En e ffe t, de tous temps les inferiptions ont été
précieufes aux peuples éclairés. Lors du renouvellement
des Fciences dans la Grèce, Acafîlaus ,
natif d'Argos , publia avant la guerre des Perfes,
un grand ouvrage , pour expliquer les inferiptions
qu'on avoit trouvées fur de vieilles tables d'airain
en creufant la terre. Nos antiquaires imitent cet
illuftre grec, & tâchent de deviner le Fer.s des
-inferiptions qu'ils découvrent, & dont la vérité
n'eft pas fufpedte. Je m'exprime ainfi , parce que
toutes les inferiptions qu'on Jk dans plufîeurs ouvrages
, ne Font, ni,du même titre , ni de la même ’
valeur.
Cependant, puifque bien des gens les regardent
encore comme des monumens hifloriques, 1
rii îe temps oû on les a trouvées ; & enfin, qui ne
Font venues à nous que de copie en copie, Fans
qu'il y en ait qu’on puiffe dire avoir été prifes
fur l'original.
On fait"que vers la fin du X V e. fiècle, & au
commencement du X V I e, il y eut des favans qui,
pour s’amufer aux dépens des curieux d’antiquités,
Fe divertirent à compofer des inferiptions en ftyle
lapidaire, & en firent courir les copies, comme
s’ils les avoient tirées des monumens antiques,
qu'on déeouvroit alors encore plus fréquemment
qu’aujourd’hui.
Un peu de critique auroit bientôt dévoilé la
tromperie j car nous voyons par un des dialogues
:d'Antonio Augultino, & par une épigramine de
Sannazar, que tous les favans n'en furent pas la
dupej mais .ils ne furent pas non plus tous en garde
contre cette eFpèce de fraude, & un grand nombre
de ces fauffes inferiptions ont eu malheureufement
place dans les différens recueils qu'on a publiés
depuis.
dont l’autorité doit aller de pair avec celle des
médailles qu'on pofsède, il eft important de difeuter
jufqu’où ce fientiment peut être vrai.
Un de nos antiquaires, M. ie baron de la Baftie, \
qui eft entré dans cet examen, a prouvé judi- !
cieufement qu'on doit mettre une très-grande 1
différence entre les inferiptions qui exiftent & j;
celles qu'on ne fauroit retrouver j entre les 'inf- 1
criptions que les auteurs éclairés ont copiées fidel-
lement eux-mêmes Fur l ’original en marbre & en
bronze, & celles qui ont été extraites de plufîeurs
collections manuferites, qui n’indiquent ni le lieu,
Mazocchi & Smétius ont cité plufîeurs de ces
inferiptions fidiives fans Fe douter de leur faufTeté.
Fulvio Urfini, quoique fort habile d'ailleurs, en
a fouvent fourni à Gruter, qui étoient entièrement
fauffes, & qu'il luidonnoit pour avoir été trouvées
à Rome même. Antonio Auguftino, que je
citois tout à J'heure, favant& habile critique , en
eft convenu de bonne fo i, & à eu l'honhêtete
d'en avenir le public. Cependant le P. André
Schott, Jéfuire d'Anvers, avoit ramafle fans choix
& fans difeernement toutes celles qu'on lui avoit
xommuniquéesd'Efpagne, & il eft prefque le feul
garant que Gruter ait cité pour les inferiptions de
ce pays-là , qui font dans fon ouvrage. J
Outre les inferiptions abfolument faufïes & fartes
a plaifir, il s’en trouve un gi;and nombre dans
les recueils, qui ont été défigurées par l’ignorance ,
ou par la précipitation de ceux qui les ont copiées :
de fécondés coptes, comme il arrive tous les jours,
ont multiplié Jes fautes des premières, & les troi-
fièmes copies en ont comblé la mefure.
Cés réflexions ne doivent cependant pas nous
porter ;à rejetter légèrement & fans de bonnes rai-
forsT'autoiité des inferiptions en général, mais
Feulement à ne la recevoir cette autorité, qu'a-
près Un mûr examen, lorfqu'il eft queftion de conf-
tater un fait hiftoirque Fur lequel lesfentirhens Font
partagés. Les règles d'une critique exaéfe & judi—
cieufe doivent toujours nous fervir de flambeau
dans les difeuffions littéraires. ( D. J. )
Inscriptions. Adrien Auzout rétablit l’inf-
cription de l’arc de triomphe de Septime-Sévère,
pofé Fur la pente du capitoîe., par l’infpe&i©»