
CHRONOLOGI E ilv j
que le Roi de N in iv e , connu fous le nom d’A -
iâr-Adon , fils de Sennachérib. Les preuves en
font nombreufes,
i° . Le nom même, Afar Adon étoit ûe la
famille de Phoul ou Pliai, Roi d A ify t ie , qui le
premier, vers l’an deux eent trente tro is , fit
connoître & redouter en deçà de 1 Euphrates, ’
les armes de cet empire ( r \ Suivant une coutume
orientale, les defcendans de ce prince portèrent
Ion nom ; on le retrouve dans Teglat-
Pkal-Afar. Afar-Adon l’ajouta en définence,
& fut appelle Afàr-Adonphal ; pour peu qu’on
fuit verfé dans ia connoiflance des langues, on
fait quelepA des orientaux alans celle été rendu
parp chez les occidentaux ; mais fi le ph des
Alfyriens futle p dur ©u afpiré des Arméniens,
comme j’ai lieu de le c roire, la confufion dans
le cas préfent fut inévitable & les Grecs dûrent
prononcer aSAR -aDAN àPAL os.
î ° , P a su n feu l des livres hébreux donc la
compofition foit antérieure à Afar Adon ne
parle de Médis ni de Babyloniens. C ’eit toujours
des Affyriins de Ninive qu’il eft fait mention
, encore n’eft-ce que depuis que Phal eût
paffé l’Euphrates. Après lui, Teglat-Phal Afar,
Salman-AJ'ar, Sennacherib, fils f i ) de Salma-
na^ar, Afar-Adon , fils ( j ) de Sennacherib , fe
fuccèdent fans lacune probable dans un efpace
de foixante- dix ans, & fans lailfer entrevoir la
plus légère indication de révolution. Mais depuis
ce dernier, on ne pajle plus des Alïyriens
de Ninive , Sc l’on voit après un affez long fi-
lence, les Nabulcodonofor Rois particuliers de
B ab y lon e, développer tout à coup une puif-
fance dont il n’avoit point encore été queftien.
Plufieurs années après l’avénement d’Afar-
A d o n .T o b ie , qui habitoit parmi les Mèdes,
gl qui voyoit de près les caufes préparer les
effets, diloit : la ruine de Ninive ejl proche.
( T o b i e , c. 14 , v. 6.)
Dans le même tems paraît ’ à Jérufalem une
députation venant. de Babylone, pour féliciter
Ezékias. fur fa convalefcence , Si lui offrir des
préfens Si une lettre de la part de Mérodak-
BaladaniQuel motif peut on fuppofer à cette
(1) Il impofa entr’autres un tribut à Manahem , Roi
de Samarië. Reg. II. c. 13. v. 19.
(a) Tob c. 1. v. 18.
(g) Id.ibid. v. 24-Reg. II. c. 19. v. 37*.
démarche, finon lî'n intérêt fecret, comme d&
demander des fecours pour quelqu’entreprifeî
Sous ce point de vue , ceci a un rapport marqué
avec ce que Ctéfias rapporte de Béléfÿs ;
1®. le nom eft le même 3 car Belefys &c Baladait
ne diffèrent que de Dialede -, 20. Ctéfias dit que
Belefys ayant formé avec Arbaces le plan de
leur révolte , envoya des députés en Arabie pour
faire part dt.fes dejfeins au R o i , qui étoit fort
ami &fon hôte (4) Or fi i on obferve que la po-
fition géographique des Hébreux convient infiniment
3 que dans les anciens hiftoriens on les
trouve toujours confondus avec les nations
voifines plus connues (5 ) , on ne pourra douter
(4) Belefys} midis in Arabiam nuntiis , terræ princi-
pemeui cutn necelfitudo ipfi &jus hofpitiiintercedebat
participem confiliorum fecit. C t é f ia s a p u d . D i o d o r .
lib. II. p. 13 8.
C’eft ainfi qu’Hérodote les appellent Syriens»
dans trois partages que nous avons cités (chap.IV).
Mais ce qui eft plus remarquable, & qili paroît avoir
été moins remarqué , c’eft eux qu’il défigne en deux
autres endroits, qu’il faut rapporter tels qu’ils font :
i» lôrfqu’au début de fon hiftoire iLdit :
« Les plus favans des Perfes aflurent que les premiers
» auteurs des guerres furent les P h é n i c i e n s , q u i a y a n t
» ja d i s ém ig r é d e s b o r d s d e l a m e r R o u g e , vinrent s’é-
» tablir fur la Méditerranée , dans le pays ;qu’ils ha-
» bitent encore. Us s’adonnèrent aum-tôt à la navi-
» gation , & fe formèrent en peu de tems un com-
» merce immenfe. Ce fut à ce titre qu’ils abordèrent
* en Grèce , où régnoit alors Inachus, &c. Lib. I. p. 1.
Et Hérodote continue de s’expliquer au feptième
livre c. 89, quand faifant l’énumération dés peuples
& des troupes qui compofoient l’armée navale de
Xercès il dit :
a Les Phéniciens, conjointement avec Ues Syriens
» qui habitent la P a l e j i i n e , fournirent trois cents Tri-
». rèmes . . . . . Or ces Phéniciens, comme ils le ra-
» content eux-mêmes , habitèrent jadis fur la mer
» Rouge, d’où ils vinrent enfuice s’établir fur la côte
» maritime de S y r i e ; or ce canton de la Syrie, &
» tout ce qui s’étend vers l’Egypte, s’appelle P a t-
*» l e j i in e . »
Il eft inconcevable qu'on ait prefqu’à ce jour méconnu
dans ces paflagës les Hébreux & leur émigration
au tems ‘de Moyfe : Eft-ce parce qu’Hérodote
les appelle Phéniciens ? Mais les Hébreux n’en avoient-
ils pas la langue, les moeurs , les ufages , en un mot
tous les caraâères 1 N’étoient-ilspas une nation phénicienne
comme lesEtoliens une nation g r e c q u e ,' comme
les Albains un peuple L a t in . Eft-ce parce qu’on en
fait des navigateurs "? Mais n’eft-il pas évident qu’Hérodote
ou les Perfes, fës auteurs, ayant envifagé toutes
les hordes phéniciennes comme un peuple de lamême
efpèce, ont attribué aux Hébreux un fait propre aux
Kananéens 1 La relation d’ailleurs eft exaâe , en ce
que l’entrée des Hébreux en Paleftine fut pour la plupart
des habitans le fignal d’une émigration fubite »
qui fait une des grandes époques de l’niftoire d’Occi-
dent. D’ailleurs, cette défignation fpéciale de la Paleftine,
comme pays de ces Phéniciens., exclut tout
équivoque. Enfin que l’on examine le plan général d®
DES D O UZ E S I ECLES . xlvi
que Ctéfias ne les ait ici défignés fous le nom
d-Arabes, & que l ’ambaflade de Belefys & Bala-
dan ne foit le même fait. Nous prouverons ailleurs
Ja convenance exa&e des tems. Toutes
les autres circonftancës font analogues v ces
lettres, çes préfens , cette Félicitation fur la
convalefcence, font des marques d ’amitié 3
aufïi Ezékias donne t il aux envoyés de fon
ami un témoignage de fa confiance, en leur
faifant voir tous fe s tréfors. Enfin la réflexion d’I-
faïc à ce fujet quadre avec notre fentimenr. Un
jour, d i t - i l, un jouir vient que tout cet o r , toutes
ces richeffes feront trânfportées à Babylone. Or
ce preffentiment, Ifaïe le dût à la connoiflance
quil a voit de l’état des affaires qui lui préfen-
roit Babylone prête à devenir indépendante,
& fiége d ’un empire nouveau. ( I fa ïe , c.
L a ruine de l'empire aflyrien arriva donc fur
la fin du règne d’Ezékias 3 auffi Jofephe qui
avoit fous les yeux Berofe , le meilleur hifto-
rien de l’A fie, y avoit-il apperçu l ’enfemble que
je rétablis car après avoir parlé de la fuite de
Sennacherib, de la maladie d’Ezékias , ôc de
la députation des Babyloniens , il ajoute : vers
ce tems arriva la fubverfion de l'Empire ajjyrien
l’hiftoire d’Hérodote, tout y eft analogue à notre acception.
Immédiatement après cet événement vient
I n a c h u s , & dans les traditions grecques, rapportées par
Appion, Polémon, (1] & le prêtre Egyptien Ptolomée,
Inachus, eft placé vingt générations avant la guerre
de Troye. Or , dans les-calculs des Hébreux, je trouve
50© ans. entre Moyfe & cette guerre ; & çoo ans font
jufte vingt générations de a $ ans. Après I n a c h u s , Hérodote
place un intervalle indéfini, puis l ’expédition
des Argonautes & la guerre de Troye chez les Grecs :
un peu'au-deflus , chez les Egyptiens, c’eft Séfoftris :
chez les Afl’yriens l’origine de leur empire ; en un
mot, c’eft le même plan que je rétablis & qui fait ma
confiance, parce que comme je le dirai plus1 bas, Hé-
rqdote eft le féul hiftorien ancien qui ait fait un extrait
digéré dé la Chronologie. La feule différence entre Ion
plan & le mien confifte dans les proportions qui font
plus grandes chez lui, plus rapprochées chez moi. Mais
cette différence dérive de la nature des cliofes : n’ayant
pas de terme fixe ni de mefüre certaine des tems,
les anciens les ont diftendus par leur eftimation vague
& vicieufe des générations. Il en eft , pour ainfi dire,
des faits" en hiftoire comme-des. objets en phyfique,
Quand les'ims & les autres prénnent un trop grand
cleignement, alors il n’eft plus poffible à l’oeil d’affigner
leur diftance exaéle, parce qu’il n’y a plus de terme de
comparaifon ; & les erreurs deviennent faciles & im-
menfes comme l’efpace des lieux & des tems où le jugement
s’élance. L’expérience même femble artefter que
dans ces cas l’erreur eft toujours en excès. Nous en
avons un exemple frappant dans la Géographie des an-
ciens, danslaquelle à mëfure que l’on a mieux connu
les gdemens, il a fallu rapprocher les pofitions.
h ) Inachus. y. Eufcb, Evan. p. 87, ’
par les Mèdes (1). Et plus bas il cîit : La dernière
année de Jojias (3 8 4 ) 9Nechao , Roi d'Egypte,
porta la guerre vers VEuphrates contre les Babyloniens
& les Mèdes , qui avaient détruit l'empire
ajjyrien (2).
Enfin Moyfe de C h orèn e , qui a compofé
une hiftoire d’Arménie fur-des monumens d o -
rigine kaldéenne, & de la plus haute antiquité,
dit clairement la même chofe : Quand Sentia-
cherimfut tué par J es enfans, Scoeordius régnoit
en Arménie : or Parerus , jils & fuccejfeur immédiat
de Scoeordius, entra dans la ligue d’Arbaces
contre Sardanapale (3).
T o u t prouve donc quAfaradon eft réellement
le Sardanapale des G re c s , ainfi que l’a
penfé Newton.-Il a reçu encore d’autres noms
qui n’ont fervi qu’à le faire méconnoîcre. C ’eft
le Tonos ConcoUros des chroniques grecques :
les Paralipomènes l’appellent Afar Hddon , aspiration
qui a donaé lieu à ï Afar a Koddas de
J o fep h e , c’eft encore lui qu’Alexandre P o ly -
hiftor appelle Sarak dans un fragment rapporté
par le Syncelle (4) : & ceci explique un pafiage
d’Ifaïe (ÿ ) , où il eft dit , que Sarag-on , Ro i
d'AJfyrie , envoya une armée contre A\ot,fous la
^conduite de Tartan. Or ce Tartan eil le même
Généra! qui vint de la part de Sennachérib,
fominsr Ezékias de fe rendre (c).
: L ’époque de Sardanapale ne fera pas déformais
difficile à déterminer. Sennacherib ayant
fui de Judée l’an quatorze d’Ezékias (d c ix c en t
quatre-vingt un du Temple ) , il fut aflaffiné à
Ninive quarante-cinq jours après, & Sardanapale
, le plusjeune de fes enfans, luifuccéda (7).
O n peut donc affigner fon avènement à l’an
deux cent quatre-vingt-deux. Les hiftoriens varient
fur la durée de fon règne -, j’adopte les
vingt années queluidonnenties liftes grecques 3
& nous verrons quHérodote a dit énigmatiquement
la même chofe 3 c’eft donc à { an.
trois cent un qu’il faut rapporter la prife de N i nive
, & à l’an trois cent deux l’origine des empires
Mède & Babylonien.
(1) Ant. jud. Lib. X. c. a.
(a) Ibid. c. 5. Ce Nechao eft leNechos d’Hérodote.
(3) Mofes charenenfis. Hift. Armenica. p. 55. & 60.
(4^ Syncelle. p.no.
U ) Reg. II. e. i8. v. 17.
- ( 6 ) Ilâïe. c. 20. v. 1.
(7), Reg. II, c. 19. y. 37, & Ifaiç, c. 37. v. 38. & Tob.
c. I.V. 24