
fut la terre & la mer, & dans le cie1. Elle accorde
la prééminence dans les aiVemblées du peuple ,
la victoire aux guerriers, & le pin aux athlètes.
Elle eft affile à côté des rois, lorsqu'ils rendent
la juftice. Elle exauce les prières des cavaliers,
des chaflëùrs, 6c des navigateurs. Enfin, difpen-
iatrice des richelfes , elle multiplie ou diminue les
troupeaux a fon gré ( Hefiod. Tkeog. v. 416-50. ).
Tels font les principaux traits dont le pcëte fe
Sert pour caraCtérifer la déeffe : on conviendra
fans peine qu'ils ont peu de rapport avec les attributs
de celle des enfers. Il paroît même ne donner
à Hécate que l ’intendance fur les habitans de la
terre.
Cet ancien poëte ajoute que Jupirer ne priva
Hécate d'aucunes des prérogatives dont elle jouif-
foit fous le règne des titans, c'elt-à-dire des Pé-
lafges , adorateurs du ciel & de la terre. Peut-être
n'a-t-il voulu défign^r par-là autre chofe que la
perpétuité du dogme des peines à venir, Sachez
les grecs barbares, & chez les grecs civilifés.
Quoi qu'il en foit de cette conjecture, l’ancienne
Hécate n’en eft pas moins différente de la nouvelle
5 ce qui n'a pas empêché quelques écrivains
de donner à celle-ci une généalogie qui n’appartient
qu'à la première. Valérius Flaccus, adoptant
cette opinion erronee, défigne tiès-improprement,
par l'épithète de Perfeia , la nouvelle Hécate
(Argon. I. VI. v. 495,.), que Diodore a faite,
fuivant les principes d’Evhémère, fille de Perfée,
..qui règnoit'en Tauride, & femme d'A étés, roi
de Coîchide , dont elle eut Gircé & Médée.
( Diod. I. IV . §. 45. ).
L ’ancienne Hécate étoit repréfentée avec un
feul vifage & un feul corps. Alcamène, qui flo-
riffoit vers l’an 440 avant Jéfus C h r ift, fut le
premier, félon Paufanias , qui s'a-vifa de faire une
ftatue de cette déeffe , à trois vifages & à trois
corps ( Corintk. c. XXX . '), adoffés les uns contre
les autres. On y mit en fuite fix mains qui tenoient
un glaive, des poignards , des fouets , des cordes,
.des torches, une couronne de laurier & une clef.
On voyoit quelquefois fur fa tête un dragon
( Porph. ap. Eufeb. PrAp. I. V. p. 20 1 .), & à
fes pieds un chien, dont elle prenoit la figure.
C e t animal domeftique étoit principalement con-
facré à Hécate, préfidente des carrefours , & a
laquelle Lycophren donna le furnom de cunophage,
mangeufe-de-cfyiens ( Cajfand.v. 77. ) . On lés lui
facrifioit ( Euftath. ad Homer. Odijf. lib. III. p.
1461. Tftçetç. ad Lycophr. L C .) , & on errpluyoit
à Rome les emr,ailles de ces animaux à des purifications
en fon honneur ( Ovid fafi. 1. 1. v. 309. ). <
Le mulet & le mena étoient les poiffons dont
l’ufage étoit commun dans les facrifices de cette
déelfe , furnommée Trigtene , parce que les grecs
appelloient le premier poiffon trigle. ( Atken, l. V.
f • j 1/ ->
Les ftatues d’Hécate étoient placées aux carrefours
& aux portes des maifons ( Hefych. in vv
EKUTcci ee. Arifiophan. Vefpr. v. 798 ) , parce qu'elle
étoit regardée comme la déeffe des luftrutions
( Schol. Tkeocr. ad Idyli. II. v. 36. ). D'autres
étoient élevées fur les grands chemins, & dans
de petites cellules , conformement à l'ufage 'général
( Vid. Valçken. ad Ammon. I. II. c. XIX. ).
A chaque néoménie, les citoyens opulens expo-
foient le foir un repas ( Schol. Arifiophan. P Lut.
v. 594.), eu une offrande- de différents mets à
Hécate, qui paffoit pour les avoir mangés j quoiqu'on
sûttiès-bien qu il avoit été la rdfource des
indigens ( Schol. Arijl. I. C. Plut. fymp. tom. II.
pag. -708. \ Il n'étoit pas peimis à ceux qui
prépaioient ces repas d'en goûter dans leurs maifons
( Plut. I. C, ). Outre le pain & plufieurs
autres corne ftibles (feuidas inv. en offroit
encore à la déeffe des sèches crues , & des oeufs
auxquels on fuppofoit la vertu expiatoire^ Lucien
nous repréfente un Cynique dévorant avec avidité
toutes ces efpêces de mets ( Catapl. §. 7. ) ,
à l'exception vraisemblablement des petits chiens
qui en faifoient partie ( Plfit. çu a J I . Rom. tam.II.
pag. 280. ). Le jour de ce fingulîer féftin etoit
appelle triakas ( Harpocr. in v. t^ukus. Atken.
lib. VII.pag, 325. ) y & tout ce qu’on y pratiquoit
n'étoit qu’une efpèce expiation, fuivant la re~
marque du favant Hemfterhuis ( Not. ad Lucian.
tom. 1. pag. 230-31.).
Les hommes ont toujours fait venir les fpeCtres
des enfers ; il étoit donc naturel qu ‘Hécate eut le
pouvoir d’en faire paroître.Oncroyoit qu'ils étoient
d’une grandeur prodigieufe, .& qu’ils avoient la
tête de dragon ( Suid. in v. Exumv'. ). Us portoîerit
en général le nom àékècatéens ( Schol. Apoll. I. III»
860. ) , & le plus remarquable prenoit celui d’Em-
poufe. Ariftophane en fait mention, & dit qu'il
avoit le vifage ’éclatant de lumière, & une cuiffe
d’airain ( Ran. v. 296 97 .}. Selon d'autres, ïl
n'avoit qu'un pied d'airain, & il changeoît de
-forme. Comme enfant des ténèbres il paffoit
.pour être de mauvais augure, & s'appelloit Ono-
pole , dit Yetymologicon magnum fui le mot EIgmgæfa
La figure triforme de la déeffe fuffifoit feule pour
diffiper ces fpcCires , ou arrêter leur prétendue
fureur ( Apul. metam. lib. XI. pag. 224. ), Au rapport
de Sophron, cet effet pouvoir être encore
produit par les hurlemens de petits chiens , qui
redoutent, dit Théocrite , la préfence de la
fouterreine Hécàtey lorfqu’elle marche au milieu
des tombeaux , & parmi les flots d’un fang noir.
( Idill. IL v. 1 2 - 1 3 .) ’
Cet te déeffe apparoiffoit en fonge à ceux qui l’in-
voquoient ( Porph. ap. Eufeb. prAp. lib. V. p. 20G.) ,
&fe trçuvoitforcée, par des paroles myflérieufes,
à venir fur la terre. ( Ibid, p a g 1 .Attirée
par les évocations de Médée, c«tte déeffe nous
eft repréfentée la tête courpnnée de ferpents,
avec des branches de chêne , répandant autour
d'elle une vive lumière, & faifant tout retentir
des aboiemens des chiens infernaux, & des cris
affreux des nymphes du Phafe< ( Apoll. argon. hb.
IV . v. 1213-1219.) Phèdre implore, dansSene-
que le tragique, cette déeffe trifonns (Hippol. v.
4 1 1 . ) , qui eft toujours armée d'une torche ardente
, d'un fouet & d’un glaive > q-uand elle eu
forcée de fe rendre vifible par la vertu des évocations
magiques. ( Porph. ap, Eufeb. PrAp. liv. V.
pag. 2©2.) .
Lorfqu'elles avoient pour objet de ramener un
amant infidèle , ou de s'en venger , on fefervoit
d’un cerclé chargé de figures & de caraéferes ,
myftérieux , lequel portoit le nom d‘Hécate. Doit-
on ènfuite être étonné fi cette déeffe étoit fup-
pofée prêter fon mimftère aux amours honteux &
illicites ( Porph. ap. Eufeb, PrAp. I. IV . p. 174.) ,
attributs qu'eile devoit à lfis ? Eudoxe demandoit
pourquoi les chofes érotiques étoient du reifort
de cette dernière, & non de celui de Cérès.
( Plut, de Ifi. & Ofir. §. 64. ) Plutarque , quijap-
porté cette queftion, n'y répond point. L'idée
d'un pareil pouvoir abroit été affez incompatible
avec celle qu’on avoit de la chafteté de la déeffe
grecque. C'eft pourquoi on préféra de donner à
Hécate le département relatif aux amours qui
avoient befoin du voile des ténèbres auxquelles
cette divinité préfidoit. Par la même raifon elle
avoit fous fa protection les plus célèbres magiciennes
, entr’àutres celles de Theffahe. Le déréglement
de leurs moeurs étoit prefque toujours
le motif qui les déterminoit à prendre cetteprô-
feflion odieufe & illufoire.
Lorfqu'un breuvage contenoit tin poifon mortel
, il étoit confacré à Prôferpine, ou Hécate
(Apul. I. X. p. 214. ) j par le nom de laquelle
les magiciennes, juroient. ( Schol. Apoll. ad l. IV .
v. 1020. ) Dans la belle Idylle' de Théocrite ,
intitulée Y Enchanter ejfe y Simaîthe prie’ cette déeffe
de né point rendre fes enchantemens inférieurs
à ceux de G r c é & de Médée. ( Théocr. Idyli.
IL v. 14-1 y. ) Hécate avoit donné la connoiffance
de toutes les plantes de la terre & de la mer à
cette dernière., qui s'en fervoit pour appaifer la
violence des flammes , arrêter le cours des fleuves,
& retarder celui des affres. ( Apoll. Argon.
I. III. v. 529 33« ) Tibulle voulant exalter le fa-
voir d’une magicienne , affure qu'elle feule avoit
en fon pouvoir toutes les plantes véninoeufes de
Médée, & qu’elle paffoit pour avoir dompté la
férocité des chiens d’Hécate. ( Tibull. lib. L
eleg. II. )
La lune ctoit invoquée dans les enchantemens,
conjoincemént avec Hécate, à caufe des prétendues
influences de cer aftre fur nos aérions j mais
encore parce que lés anciens le regardoiènt conarne
le partage d Hécate, célcfte & infernale. Diane
étoit confondue avec elle par cette raifon 5 ce qui
engage le poète Stace, en parlant d'Aulis>con-
facrée à Diane, de donner à cette ville l’épithète
d’Hécatêe. ( Achill, 1. 1. v. 447. )
Tous les détails dans lefquels on vient d’entrer,
nous découvrent fuffifamment pourquoi les nouveaux
platoniciens confidéroient à la fois Hécate
& Sérapis , comme les premiers d'entre les mauvais
génies .Enconféquence on donnoit l’épithète
de contraire ( Etym. magn. m v. A’tnet ) a cette
, déelfe , qui fe plâifoit à être invoquée fous les
noms de taureau , de chienne & de lionne. ( Porph.
de abfi. lib, III. §. 17. J. L’ancienne Hécate,
dont parle Héfiode , étoit bien différente : c'étoit
une divinité bienfaifante, chargée par Jupiter^ du
foin de conferver le jour aux enfans qui venoien*
de naître, & de pourvoir à leur nourriture. ( Theog.
p. 264- ed. Heinfe ) Ellç fut remplacée dans cet
emploi par la déeffe GenetyJIis, à qui les chiens
étoient confacrés., comme ils continuèrent de
l’être à la nouvelle Hécate. Ainfi, quoique k s
idées d'un peuple civilifé, en fe multipliant , four-
niffent, fi j'ofe le d ire, la matière de plufieurs
divinités, cependant il arrive qu'une portion ,
plus ou moins confidérable des attributs des anciennes,
palfe aux nouvelles, pour formera celle-
ci un département féparé ; autrement, fans ceffe
^confondues avec les premières, elles n’auroient
e u , ai un crédit affiné, ni une exiftence durab'e.
( article extrait des Recherches fur les myfteres
du paganifme de M. le baron de Ste. Croix). Voye^
Diane.
H E C A T É E , mefure attique î c’eft la fîxième
partie du médimne, qui contenoit 72 fextiers.
H E C ATES1ES , fêtes & facrifices en l’honneur
d’Hécate. On les célébroit? tous les mois à
Athènes , qui étoit la ville de Grèce, où l’on
avoit le plus de vénération pour cetre déeffe : les
Athéniens la regardoient comme la protectrice de
leurs familles & de leurs enfans. En couféquence
de cette idée, ils célébroient régulièrement fa
fête avec un grand concours de peuple, & lui
dreffoient devant leurs maifons des ftatues ap-
pellèes e'xutcu». A chaque nouvelle lune , les
gens riches donnoienr un repas public dans les
carrefours où la divinité étoit oenfée préfider, &
ce repas fe nommoit le repas d’Hécate , E’xârfe
ée{7Tïoy (Arifioph. in Pluto.)
Ces repas publics étoienr fur-tout deftinés
pour les pauvres, & même dans, les facrifices à
Hécate 3 il y avoir toujours un certain nombre
de pains & d’autres provifions, que; leur diftri-
buoient lejs facrificateurs ; c'étoit de-là principalement
que les malheureux tir oient leur fubfîf-
tance, au rapport du fchdliafte d'Ariltophanç,