
qu’obfervoient encore les romains du temps de
Denis d’Haîicarnaffe. Cependant l’époque de l’entière
nudité des athlètes , que cet auteur met à
la quinzième olympiade, elt démentie par Thu-
c y d iie , qui prétend qu’el!e ne s’etoit introduite
que quelques années avant le temps où il écrivoit
l'hiftoire de la guerre du Péloponèfe : or , l’on fait
que le commencement de cette guerre tombe vers
le.commencement de la 87e. olympiade.
Quoiqu’il en foit , la nudité des athlètes n’étoit
d’ ufage que dans certains ex e rc ice s te ls que la
lutte, le pugilat | le pancrace ‘3 & la courfe à pied ;
car il eft prouvé par d’anciens monumens , que
dans l’exercice du difque , les difcoboles portoient
des tUniques 5 on ne fe dépouilloit point pour la
courfe des chars, non plus que pour l’exercice
du jaVelot j & c’eft pour cette raifon 3 comme le
remarque Euftuthe 3 qu’Homère, grand obferva-
teur des bienféances, ne fait paroître Agamemnon
aux jeux Funèbres de Patrocle, que dans cette dernière
efpêce de combat 3 où ce prince n’étoit
point obligé de déroger en quelque forte à fa
dignité 3 en quittant fes habits.
Cependant , comme dans les gymnafes deftinés
à former la jeunefleaux combats gymniques 3 les
jeunes gens paroifïoient d’ordinaire prefque nuds 5
il y avoit des infpe&eurs, appelles fophroniftes s
prépofés pour veiller fur eux 3 8c les maintenir
dans la pudeur.
Lycon , félon Pline 3 inftitua les jeux gymniques
en Arcadie , d’où ils fe répandirent par- tout j firent
fucceflivément les délices des grecs * & des
romains, & accompagnèrent prefque toujours la
célébration des grandes têtes3 fur-tout celles des
bacchanales.
Ces jeux fe donnoient avec magnificence quatre
fois l’année, fa voir-, i°. à Olympia-, province
d Elide, & par cette raifon, ils furent appelles
jeux olympiques 3 établis en l’honneur de Jupicer-
Olympienj. i° . dans l’Ilthme de Corinthe, d’oùj
ils prirent le nom de jeux ifihmiens, & furent
dédiés à Neptune, 30. dans la forêt de Ncmée,
à la gloire d’Hercule , & furent appellés jeux né- :
miens. 40. On les connut aufli fous le nom de
jeux pythiens , en l’honneur d’Apollon , qui avoit
tué le ferpent Python. ( Voye^ ces mots. )
On y difpùtoit le prix du pugilat, de la lutté,
de la courfe à pied , de la courfe des chars , de
l ’exercice du difque & du javelot. Lucien nous a
laifïe de ces divers combats tin tableau plaifant,
mais très-inftruètif, dans un de fes dialogues , ou:
il f.it parler .infî Anacharfis & Solon.
Anacharfis. « A qui en veulent ces jeunes gens,
.» de fe mettre fi peu en colère, & de fe.donner
»» le croc en. jambe., .de fè rouler . dans la boue
comme des pourceaux .,, fâchant de fe fufFoq.uerj
« jls s’huiloieut, fe ■ rafoiefit pâifiblement l’un
« l’autre : mais tout à coup baillant: la tê te , ils
.»» fe font entrechoqués comme des béliers 5 puis
« l’un élevant en l ’air fon compagnon , le laifïe
« tomber à terre par une fecoufte violente > &
» fe jettant fur lu i , l’empêche de fe relever, lui
preflant la gorge avec le coude , & le ferrant
>» fi fort avec les jambes, que j’ai peur qu’il ne
» l’étouffe, quoique l’autre lui frappe fur l’épaule,
»» pour le prier de le lâcher, comme fe recon-
?» noilfant vaincu. Il me fernble qu’ ils ne devroient
»» point s’enduire ainfi de boue, après s’être huilés,
»» & je ne puis m’empêcher de rire , quand je vois
»» qu’ils efquivent les mains de leurs compagnons
»> comme des anguilles que l’on prefle j en voilà
»» qui fe roulent dans le fable avant que de venir
>® au combat, afin que leur adverfahe ait plus de
»» prife, & que la main ne coule pas. fur l’ huile
•»> & fur la fueur »».
Solon. « La difficulté qui fe trouve à colleter un
>»- adverfairé', lorfque l’huile & la fueur font glifier
»» la main fur la peau, met en état d’emporter
>» fans peine, dans l’occafion , un blefle hors du
»» combat, ou d’enlever ïin prifonnier. Quant au
»> fable & à la pouflière dont on fe frotte, on le
»» fait pour une raifon toute différente, c’eft-à-
» dire , pour donner plus de prife, afin de s’ac-
»» coutumer à efquivcr les mains d’ un antagonifte
>3 malgré cet obftaclej outre que cela fert non-
.33 feulement à effuyer la fuéu,r.& à décraffer, mais
33 encore à foutenir les forces, en s’oppofant à la
>3 diffipation des efprits, & à fermer l’entrée à
*3 l’a ir, en bouchant les pores qui font ouverts par
>3 la chaleur».
Anacharfis. » Q.ue veulest dire ces autres qui
» font aufli couverts de pouflière ? Ils s’embraflent
» & fe frappent l’un l’autre à coups de pied ôrde
» poing , fins eflfayer de fe renverfer comme les
» premiers, mais l’un crache fes dents avec le
» fable & le fang , d’un coup qu’il a reçû dans
» la mâchoire , fans que cet homme vêtu de pour-
» pre, qui préfide à ces exercices, fe mette en
» peine de les féparer ; ceux-ci font voler la poijfi»
» fière en fautant en l’air , comme ceux qui difpU”
» teni le prix de la courfe.
Solon. »»Ceux que tu vois dans la boue ou dans
» la pouflière, combattent à la lutte > tes autres
» qui fe frappent à coup de pied &de poing, au
;» pancrace , il y a encore d’autres exercices que
» tu verras , comme le palet, le pugilat, & tu
» fauras que partout le vainqueur eft couronné ».
Mais avant que de parler de la couronne qu’ob-
tenoit l’Athlete vainqueur, il importe d’expofer
avec quelque détail, la police , les lois , & les
..formalités qu’on ob'fervoit dans la célébration des
jeux folemnels , qui intérefloient fi fort & des
villes fameufes à tous égards , & des peuples
entiers.
! ne f.iffifoit .pas aux athlètes pour être admis 1
à concourir dans ces jeux , d avoir foïgneu.ement
cultivé les divers exercices du corps, des leur-
plus tendre jeunefle , & de s'être diftingués dans
fes gymnafes parmi leurs camarades . il falloit en-_
core^ du moins parmi les grecs, qu’ ils fubiflent
d’autres épreuves par rapport à la naiffance , aux
moeurs , 8c à la condition 3 car les efclaves etoi.*nt
exclus des combats gymniques $ les agonothetes ,
autrement dit les kellanodiques , prépofés à l’examen
des athlètes , écrivoient fur un regillre le
nom & le pays de ceux qui s’enrôloient pour le
gymnaftique.
A l’ouverture des jeux, un héraut proclamoit
publiquement les athlètes qui dévoient paroître
dans chaque forte de combats > Ai les iaifoit
palier en revue devant ie peuple, en publiant
leurs noms à hautfe voix. On travailloit enfuite a
régler par le fort les rangs de ceux qui dévoient
combattre dar s chaque efpèce de jeu , dans ceux
où plus de deux concurrens pou\ oient difputer en
même tems le prix prépofé, tels que la courfe
a pied, la courfe des chars , &c. Les champions
fe rangeoient dans l’ordre ielon lequel on avoit
tiré leurs noms j mais dans la lutte , le pugilat &
le pancrace , où les athlètes ne pouvoient combattre
que deux à deux , on apparioit les combat-
tans en les tirant au fort d’une manière différentes
çe ft Lucien qui nous apprend encore toutes ces
particularités.
Après avoir tiré les athlètes au fo r t , & les
avoir animés à bien faire, on donnoit le fignal
des divers combats, dont l’ affemblée formoit les
jeux gymniques. C ’étoit alors que les athlètes entroient
en lice, 8i qu’ils mettoient en oeuvre pour
remporter le prix , toute la force & la dextérité
qu iis avoient acquifes dans leurs exercices. Il 11e
faut pas çroiie cependant qu’affranchis de toute
fervitude , ils fuflent en droit de tout entreprendre
pour fe procurer la viétoires les hellanodi-
ques Ai les autres magiûrats, travailloient par des
lois fagemenc établies, à réfréner la licence des
combattans , en banilfant de ces fortes de jeux la
fraude ,- 1 artifice , & la violence outrée. Toutes
les lois athlétiques, & toutes celles de la police
des jeux , étoient obfervées d’autant plus exactement
, que l ’on puniifoit avec févérité ceux qui
refufoient d’y obéir. C ’étoit-là d’ordinaire la
fouéh n des mattigophores. Voye^ Ma .st igo-
pho r es.
Il étoit défendu de gagner fes juges & fes an-
tagoniftes par des préfens j la violation de cette
loi fe puniifoit par des amendes , dont on em-
ployoit l’argent à ériger des ftatues en l’honneur
des dieux.
Enfin, ces hommes dévoués au divertîflement
public, ‘ après avoir pafle par diyerfes épreuves
laborieufes & rebutantes, avant & pendant la
célébration des jeux , recevoient à la fin les ré-
compenfes qu’ ils fe propofoient pour but , &
dont l’attente étoit capable de les foutenir dans
une carrière aufli pénible.
Ces récompenfes étoient de plus d’une efpèce ;
les fpeélateurs célébroient d abord la vi&oire des
athlètes, par des applaudiffemens & des acclamations
reitérés j on fai foit proclamer par un
héraut le nom des vainqueurs j on leur diflribuoit
les prix qu'ils avoient mérités , des efclaves , des
chevaux, des vafes, d’airain avec leurs trépieds,
des coupes d'argent, des vê cerne ns, des armes,
de l’argent monnoyé 5 mais les prix les plus elti-
més confiftoient en palmes & en couronnes qu’on
plaçoit fur leurs têtes , aux yeux des fpeétateurs 5
& qu’on gardoîc pour ces occafions dans les tré-
fôrs des villes de la Grèce.
On les conduifoit enfuite en triomphe, vêtus
d’une étoffe à fleurs dans tout le flade , & ce
triomphe n’étoit que le préliminaire d’un autre
encore plus glorieux , qui les attendoit dans leur
patrie. Le vainqueur en y arrivant ,■ étoit reçu
aux acclamations de fes concitoyens , qui accou-
roient fur fes pas j décoré des marques de fa vie*
toire, & monté fur un char à quatre chevaux ,
il entroit dans la ville par une brèche qu'on fai-
foit exprès au rempart} on oortoit des flambeaux
devant lui , 8c il étoit fuivi d'un nombreux
cortège qui honoroit cette pompe. Le triomphe
de Néron à fon retour de Grèce , tel que le décrivent
Suétone & Xiphilin nous préfente une
image complette de tout ce qui compofoit la
pompe de ces fortes de triomphes athlétiques. La
cérémonie fe terminort prefque toujours par des
fefiins dont les uns fe faifoient aux dépens du
public, les autres aux dépens des particuliers
connus du vainqueur j enfuite ce vainqueur, réga-
L>it à fon tour fes parens & fes amis. Alcibiade
pouffa plus loin la magnificence lorfqu’il remporta
le premier, le fécond , & le quatrième prix de la
courfe des chars aux jeux olympiques ; car après
s’être acquitté des facrifices dus à Jupiter olympien
, il traita toute l'aflemblée. L ’athléte Léo-
phron en ufa de même, au rapport d’Athénce. Ern-
pédocle d’Agrigente ayant vaincu aux mêmes
jeux', & ne‘ pouvant comme Pythagoricien, régaler
le peuple , ni en viande , ni en poiflon *
il fit faire un boeuf avec une pâte compofée de
myrrhe , d’encens, & de toutes fortes d’aromates
, & le diltribua par morceaux à tous ceux
qui fe préfentèrent. Le feftin donné par Scopas >
vainqueur dans un des jeux gymniques , eft devenu
célébré par l’accident qui le termina, & donc
■ Simonide fut miraculeufement préfervé j cette
hjftoire nous a été tranfmife par C icéron, Phèdre
, & Quintilien en particulier qui la raconte
dans toute fon étendue.