Examinons les autres ufages que les anciens ’
faifoiènc des mafques. ;
L ’ufage des mafques fut très-fréquent* dans les
cérémonies reltg eul'es 8c les fêtes de certaines
divinités. Sans parler des Saturnales, temps ou
l’on don.mit une grande licence^ aux efclaves , &
où ii leur étoit permis de paroître dans les rues
avec le vil âge bar Bouille de fuie , il eft confiant
qu’on ne celébroit point de têtes de Bacchus fans
fe couronner de lierre & le fervir des maj'ques.
I! y en a une rnult rude d’exemples dins les au-
tr tirs anciens; mais Ovide. ( Met am. VI. ) »Virgile
( Gtorgie. 11.) y l’attellent de la manière la
ptv^s précité.
On ne finiront pas fi l’on voulort faire l’énumé-
ration de toutes les fêtes inftituées en l’honneur
de Bacchus. Il n’ y avoit prefque point de ville ni
de pays où on ne les célébrât avec folemnité,
fous une dénomination particul.ère , quoiqu'elles
fuiTent défi g nées chez les grecs par le nom générique
de Atovûcrtety & par celui d’ Orgia chez les
latins.
Les vr.onomens confirment à cet égard & .'les
récits des hiftoriens & L s deferiptions des poètes.
Da^s une 1ère de Bacchus, représentée fur un bas-
relief gravé dans l* Antiquité expliquée (t. U. pl 89.),
on voit des perfonnages mafqués & quatie mafques
potes fur une table, autour de laquelle font un
homme & une femme. Le même fujet eft répété
dans un ouvrage du AoCtsm Spon ( Mifcellan. ).
Ihie pierre, gravée dans le recueil du maiqttis
M f ie l, offre un arbre auquel font fufpendus plu-
fiea-S pi tirsmafques (Gemme antiçhe III. fav. 64.),
fujet qui a rapport à un des vers dans lefquels
Virgile décrit les têtes de Bacchus ( Géorgie III.
588.). Il faut obferver en paflant-que plufieurs
traducteurs ont rendu affez improprement par le
mot d’ escarpolettes ou brantoircs celui d'ofcilla ,
par lequel le poète avoir défigné ces petits tnaf-
ques. Le foperbe vafe de Saint-Denis etl orné de
difiérens mafques & de plufieurs autres acceffoires
relatifs -à Bacchus ou aux fêtes de ce dieu. Enfin
Us mafques étoient tellement cenfés appartenir à
Bacchus & à fon culte » que ceux qui^ s’ en fér-
voirnt par état lui étoient confacrés ; c ’eft ce qui
réfulte d’une des Qu citions romaines de Plutarque
( Quitß. rom. C V. ).
L’ufaae qu’on fa-ifoit des mafques dans les fêtes
de Bacchus paffa b'entôt à telles de plufieurs autres
divinités. Ovide (Faß. lib. VI. 6 p . ) & Cenforin
(cap. 11. ) nous diferrt que , pendant les fêtes de
Minerve: , nommées les Quinquatres , on eouroit
les rues avec un mafque fur le vifage.
Valère Maxime parle' d’une compagnie de
joueurs de flûte qui, dans certaines fêtes publiques
& particulières , fe montroient avec des
habits de différentes couleurs & le vifage mafqué
(lib. IL cap. j . ) r On lit dans Hérodien (in
Commod. p. 16. ) .qu’aux fêtes de Cybèle chacun
avo t la liberté de fe déguifer comme il lui plai-
foit ; qu’il n’ y avoit perfonne dont il ne fût permis
de prendre la reffemblance , ni aucune dignité
dont on ne pût emprunter le coftume ^ & que ce
fut au moyen d'un pareil déguifement qu’on attenta
à la vie de l’emp. reur Commod.. Les mafques
étoient auffi en ufage dans les fêtes d’Ilïs & dans
celles de la déeffe de Syrie, fi l'on en croit Apulée
{ Mctarn. lib. V I I I Cf IX. ). ■
C ’ eft à des fêtes fembla'bles, & principalement
à celles de Bacchus, qu’il faut rapporter les maf
ques reprefentés fur pîufi -urs médailles de Néa-
polis en Macédoine, de Populonium en Eirurie,
d’Abydus enTr«nde, de Parium en Myfie (&
non de l’île de Paros ) , de Camarina & de.Ma-
zara en Sicile, & particulièrement fur celles^ de
la Thrace & de la Macédoine , où ces fêtes
étoient célébrées avec plus de folemnité que partout
ailleurs. Ces mafques font pour la plupart
effrayans & tels que les dépeint Virgile. Ceux
qui font repréfentes fur les médailles de la famille
Vibia, ont trait aux jeux que C . Vibius Panfa fit
célébrer à Rome en l’honneur de Bacchus & de
Cérès , pendant qu’ il étoit édile-curule.
On peut confulter Panvinius fur l’ufage qu’on
faifo t des mafques dans les jeux , les ceremonies
religieures , & même dans les pompes funèbres ;
nous remarquerons feulement que quelques uns
de ces mafques $r de ceux qui lesponoient avonnt
le nom -de manduci ou de manducones , terme que
Plaute a employé & que le grammairien Fellus a
défini.
On fe fervoit encore de mafques dans les triomphes
, &c cet ufage étoit une fuite de la liberté
qu’ on avoit accordée aux foldats de chanfonnet
le triomphateur. On prétend que le mot triomphe,
formé du mot grec ^iuuQu, tire fon étymologie
de S-p /«» & d ’/«p«»«)?, parce qu’avant qu’on fe fervit
de mafques, on fe couvroit le vifage avec des
feuilles de figuier, en chantant des vers ïambiques
en l’honneur de Bacchus. C ’eft Zonare qui fait
cette obfervadon , en parlant du triomphe de
Dioclétien. Cet hillorien ne laide pas d’afligner
au mot triomphe une autre étymologie. DenyS
d'Halycarnafle , Démoilhène, Ulpien fon feho-
liafte, & plufieurs auteurs, fourniffent des preuves
de l ’ ufage qu’ on faifoït des mafques dans les
triomphes & les pompes publiques.
On s’en fervoit auffi quelquefois dans les feftins.
Athénée nous apprend qu’Alexandre-le-GramL
dans certains repas d'appareil , fe préfentoit de-
guifé tantôt en J u pi ter-R a mm on , tantôt en Mercure
ou en Hercule , & même en Diane ; & nous
lifons dans Suétone (lib. X I I ) qu’Augufte parut
en Apollon dans un repas qu'il donna à tes amis»
& où ceux-ci étoient habillés eux-mêmes en divinités.
-
Pour prouver que les romains faifoient quelquefois
ufage des mafqués dans les fellins, quelques
auteurs ont allégué un paffage de Pétrone 5
mais ils fe font trompés dans l’ acception du mot
larva, lequel, à la vérité , ,eil quelquefois fyno-
ryme de celui de perfona 3 mais qui ne fauroit
l’être dans le paffage en quellion. C e paffage,
tiré du Souper de Trimalcion 3 porte qu’au milieu
du repas un efclave apporta une larve dont les
jointures & les vertèbres étoient flexibles & fe
mouvoient en tous-fens; & qu’après qu’on eut
fait prendre à cette efpèce de mannequin différentes
attitudes, Trimalcion s’écria: O que tout
lhomme neft rien! Voila donc ce que nous ferons
"apres notre mort ! Il eft évident qu’ici le mot larva
ne défigne point un mafque, mais bien une figure
entière , qui repréfencoic un fquelette ; on fait
que chez les égyptiens on avoit coutume d expofer
au milieu du banquet un fquelette véritable. C ’eft
ainfi qu’au milieu des piaifirs, &c fur-tout de ceux
de la table, les anciens aimoient à fe rappeller
l’idée de la mort, pour fe livrer avec plus d’ardeur
à-toutes les jju ffances de la vie. La penfée
de la mort fait oublier de vivre , a dit Vauve-
nargues : la penfée de la mort avertit de vivre ,
difoient Anacréon & Horace.
Pour ne rien omettre de ce qui concerne la
matière que nous traitons , nous remarquerons
qu’il y avoit,des mafques figurés fur des pierres
fépulchrales, & qu’on en a même trouvé de réels,
renfermés dan» des tombeaux , tel que celui d’un
petit enfant conferyé dans la galerie de S. Ignace
à Rome. Wi.ickelmann obferve à ce fujet que les
anciens prenoient avec de l ’argile des empreintes
fur le vifage des morts, & qu’ ils mettoient cts
fortes de mafques clans les tombeaux à côté des
cadavres.
On montre aujourd’hui, dans plufieurs églifes,
des mafques de faints , tel , par exemple, que
celui d’un théatin , expofé à la dévotion du peuple .
dans une égiife de Naples , félon Pacichelli. On
voit auflî dans le cabinet de Sainte-Geneviève u 1
ntafque de plâtre , moulé fur le vifage d’un fameux
crimmel après fon fupplice. Mais les mafques
figurés fur des tombeaux avoient fans doute un
tout autre objet : quelques auteurs ont penfécjue
ces tombeaux appartenaient à des comédiens, &
que les mafques dont on les avoit ornés dévoient
etie confidérés comme les attributs de leur pro-
feffion. Cette remarque, doit diminuer notre étonnement
fur la prodigieufe quantité de pierres antiques
qui re pré Tentent des mafques 3 ne feroit on
pas fondé à croire que ces pierres étoient portées
au doigt par des comédiens , qui y avoient firit
graver le mafque du rôle où ils fe tüftinguoient le
.plusî
On trouve des mafques de femme de la plus
haute beauté, & même fur des ouvrages d’une
exécution médiocre , tel que celui de la villa
Albani, qui repréfente une marche dé Bacchus.
Ce marbre offre deux mafques: de femme , que
Winckdmann ne fe iaffoic point é admir-er. Il |«s
citoic, pour faire revenir ae leur erreur ceux qui
fe repréfentoient tous les mafques antiques foqs
une forme hideufe. Caylus en cite ujf autre , qqi
repréfente une aétrice jeune & agréable , avec les
grandes boucles de cheveux pendantes fur le cou,
pour cacher fans doute la liai fon du mafqué avec
ies épaules ( Caylus , I . 14^. ).
Les mafques trag.icmes font fouvent d’une grande
beauté. Ceux qui repréfentoient de jeunes per-
fonnes , étoient ornés d’une chevelure blpn Je.
On donnoit une chevelure éparfe & flottante aux
mafques des aétrices qui apportoient des nouvelles
fâcheufes. Ils étoient diftingués des mafques comiques
par la bouche plus ouverte & par la che-
velure. Voye% C fîE V tu x .
On v o it , dans un tableau d’Hercülanum, nue
figure de femme qui tourne le dos à un poète
tragique. Elle a un genou en terre 8c le pie i droit
pofé en avant, vis a - vis un mafqjie tragique ,
placé fur un piédeftal, dont le front eft*garni d’un
haut toupet de cheveux appelle ( Toupet
de cheveux qui s’élevoit au-deffus du front dû
mafque tragique des deux fexes. ).
Que les mafques antiques fuffent formés de deux
vifages, ou d’un feul, ils enveloppoient toujours
la tête entière. De forte qu’un aéleur voulant fe-
rafraîchir le vifage , relevoit fon mafque fur le
fommet de la tête. Quelques antiquaires ont pris
des têtes ainfi ajultées pour'des têtes doubles
ou des Janus.
«c C e beau camée ,d it Caylus ( 1. i4 f . ) , dont
la matière eft une agathe onyx de trois couleurs,
ne laiffe rien à defiter fur fa confervation. Nous
y voyons un ordonnateur des fpèèhcles, ou plutôt
un auteur donnant le ton d’une fcène difficile,
avant de commencer la pièce, à deux adteurs dont
les mafques relevés !a;flent voir le vifage a dé ouvert.
Le lieu de la fcène eft placé entre deux
gaines, fur lefqaefesJe culte & les attributs de
l’ancienne comédie font po-fés. On y voit auffi
l’autel qui fe trouvoi-t prefque toujours placé fur
le théâtre ; les fpedhcles, félon tous les auteurs,
étant confacrés à quelque divinité & faifant parue
des fêtes religieufes ».
et II eft à préfumer , dit Caylus ( Rec. d'Antiq.
1. 145. ) , que ces forces de petits mafques fe pla-
•çoieiir fur le vifage des dieux .lares pendant !gs'
Sauvrnale-s , ou d’autres fêtes femblables. C.-îui-fi
peut donc avoir fervi ap dieu domeftiqne du comédien
même qui le por.toit au théâtre, & qu’il
avoit fait réduire en petit pour cet yfage 5