
Cependant cela ne demandoit que des yeux uft '
peu attentifs. Le verre eft une .matière poreufe„ !
& , fans.qu'il foit befoiri du fecours de la loupe,
la fur-face des pierres factices paroîc toujours par-,
femée de petits points qui forment des inégalités,
quelque foin qu'on ait pris à les polir. Le fond de
la gravure eft encore moins uni, attendu que
l ’outil qui a fervi à donner le poliment extérieur,,
n'a -pu y atteindre. »,
■ » Le beau poli d'une pierre gravée eft d’une
plus grande importance qu'on ne fe l'imagine. Il
peut être quelquefois une preuve fuffifante de 1 antiquité
d'une gravure. Il ne faut pas croire que
cette opération demande feulement de la patience}
il eft befoin d'y apporter une dextérité dont peu
de gens font capables. En général les anciens ont
beaucoup mieux fu donner le poliment que les
modernes, En poliffant la fuperficie extérieure de
leurs pierres , . ils ont eu l ’adrefle d'y conferver
certains travaux fins & peu enfoncés, qui deviennent
précieux, & qui pouvoient très-aifément
difparoître dans .l'opération. Le fond de leurs
gravures eft outre cela d'un lifte furprenant 5 il
paroît 'même prefque inconcevable comblent' ,ils
ont pu promener ain(i l'outil jufque dans'lesEnuo-
Etés les plus profondes & les plus entortillées de
tes'gravures , & y mettre le poli fans en émbuffer
les vives arrêtes. De-là vient aufli que les empreintes
de leurs pierres gravées font tout-à-fait
brillantes, tandis que celles des gravures m o -'
dernes ont prefque toujours quelque chofç de
-terne & de mat.
| « On peut juger qu'une pierre gravée eft an- j
'tiqué , lorfque le fond de \i'gravure eft pâr-tout
d'un poli bien égal & bien 1 infant : mais ce fe-
roit > à mon avis, iine preuve encore plus ’certaine
de1 Ton antiquité , lï la furface extérieure !
d’une telle pierre étoit dépolie par le frottement}
■ car les anciens gravoiènt pour l’ùfage , & toute ,
pierre qui a fervi doit s’en refferitir. Les pierres ’
gravées , qui font les mieux1 confervéès1,méritent
affurément une préférence diftinguée} mais fe-
aroit-il jufte de rejetter, comme le voudroient
quelques curieux trop délicats, toutes celles qui
font rayées ? Je penfe bien différemment , ’& .
■ j'eftime qu’on doit faire plus de cas d'une pierre
gravée 3 où le temps aura trace quelque raie, que
deces autres gravures antiques,“qui ayant foüffert
le dépoliraient par vétufté ,■ ont été repolies ré- '
cetnment, pour leur rendre en apparence leur
premier éclat. C e nouveau travail, qui ne. fe peut
faire qu'en diminuant l'épaiffeur dé la pierre, a
dû néceffairement altérer les contours de la gra-
vure, qui venoient fe terminer & mourir fu,r le
champ , ou la furface extérieure de cette pierre ;
ces contours font affamés, & ne tranchent point
avec la même vivacité ; les traits les plus légers
font même prefque toujours effacés, & par con- ;
.féquent le relief, lorfqu’on tire l'empreinte d'une |
telle gravure, n’ eft plus ce qu'il étoit autrefois f
il a moins de faillie . & l'ouvrage demeure imparfait
en plus d'un endroit. N'eft-il pas défolant
, qu une infinité de beaux morceaux aient été la
; viéfime de cette mtdheureufe opération ? On peut
| comparer ces pierres gravées repolies , à un vieux
; tableau que des brocanteurs ont écuré & frotté,
& qu.ils ont .enfuite* verni, pour trouver plus fa-
1 cilement des acheteurs & des dupes. ».
. “ Au refte., fi je n‘ai pq retenir mon indignation
^contre ceux qui repoliffent ainfi les pierres
gravées je dois rendre auifi juftice â tin graveur
Intelligent, qui ayant rencontré le fragment d’une
pierre gravée, y ajoute ou y efface avec difcré-
tion quelque, chofe, pour en former un fujet
complet qui, par exemple, fait un bulle d’un
refte de figure qui étoit autrefois entière, ainfi
qu'il s'en voit quelques-uns. C e n’ eft point vouloir
en. impofer, c'eft chercher à préfenter fous
un point de vue plusifatisfaiTant un objet, qui,
quoique beau en lui r même, cauferoit quelqüê
peine, fi on le confidéroit dans fon état de
ruine. ».
" Les pierres gravées de relief, font celles qui
offrent plus fréquemment des ocçafions de faire
ces relhutations.' Il ell rare d’én trouver de bien
entières î mais il ne l'eft pas moins d’en rencontrer
qui rempliffent toutes'les conditions qu’exige
un camée parfait. Une dés principales , c’eft que
les couleurs foient diftinâes ; que celle qui peint
un. objet ne s'étende'point fur l'objet voifin , &
qurl n y'air dans Cette diftribution des' couleurs
aucune confufion. ll f a ü t de plus s’affurer fi la
couleur qui fert de fond eft 'véritablement celle
de 1 agathe. I! fe fait fur cela bien des fuperche-
■ rlef ; ™ des camées dont le champ étoit peint
artificiellement, & d'autres qui, étant confidé-
rablement amincis, n'avoient de couleur que celle
que leur donnoit la feuille appliquée deffous i &
quiconque n'en eftipras. prévenu peut aifément s'y
3 a T1. jI.rP1-e^ re > d autant;plus que cette couleur
d'art 6 6 'ordinairement mife ayec beaucoup
« D ’autres fois:les parties de relief du camée ont
ete enlevees de deffus leur fond, cernées exa&e-
ment tout autour côllces fur un nouveau fond
d agathe , & c ’eft de. cette façon qu'ont été rétablis,
meme anciennes , quantité , de camées
qui étoïent écornés , & qui par-là ont beaucoup
perdu de leur prix. Il eft aifé de difcerner les
çamees ainfi rêftaur.é's, lors même qu'ils l'ont été
avec le plus de foin ; car dans les-camées qui font
Purs & entiers,, le fond eft toujours un peu inégal &
unpeuondé, il n'eft pas poffible de l'unir davantage
a J. outil} dans les autres, au contraire, ce même
rond eft très-lifte , & extrêmement bien dreffé ,
parçç que 1 agathe ^ fur laquelle on a rapporté hj
relief, a paffé auparavant fur la^ roue du lapidaire.
*>.1
«Quelques curieux ont prétendu que les anciens
n'ont jamais gravé que fur des pierres de figure
ovale ou ronde } & lorfqu'on leur en montre quelques
unes d'une autre forme, telles que font
des pierres quarrées , ou à pans, ils ne balancent
pas à dire que la gravure en eft moderne, ce qui
n'eft pas toujours exactement vrai. »». 1
« Je trouverois qu'il y auroit encore moins de
raifon de foupçonner une gravure de n'etre pas
antique, parce qu'au milieu des plus grandes
beautés on y remarqueroit quelques négligences
qui fe feroient gliflées dans des: parties acceftoires}
je ne fais même fi l'on n'en devroit pas conclure
tout lé contraire, d'autant que les gravures modernes
font en général affez fuivies , & que
celles des anciens ont affez fouvent le défaut qu'on
vient de remarquer. Entre plufieurs exemples , je
m'arrêterai à celui que me fournit l'enlèvement
du palladium, gravé par Diofcoride. Le diomède,
qui eft la maîtreffe figure, réunit toi.ites les perfections
} prefque tout le refte eft d'un travail fi
peu foigné, qu'à peine feroît-il avoué par un
ouvrier médiocre. Et qu'on ne s'imagine pas que
ce foient feulement dans leurs gravures que les anciens
paroiffent s'être ainfi négligés, c'eft jufque
dans les ftatues les plus accomplies. Les deux
petits amours montés fur un Dauphin , qui aexom-
pagnént la vénus de Médicis, font groftièrement
travaillés, tandis que la ftatue paffe , avec raifon,
pour un chef-d’oeuvre de l'art. Ces habiles gens
•aur.oient-ils prétendu relever: l'excellence de leurs
productions par ces contraftes, ou auroient-ils
craint que l’oeiL, s'arrêtant fur des objets, étrangers,
ne Te portât pas allez entièrement fur la
principale figure ? ». . v
« A l'égard des fujets , il y en a certainement
quelques uns qui dénotent à peu près le temps &
j le pays où les pierres, fur lefquelles ils ont été
repréfentés, ont été gravées:. Un antiquaire peut
s'en fervir avec avantage , pour prouver l'anti-
qüité d’une gravure ^ ou faire voir qu'elle eft moderne
} mais’ on conviendra qu’ il y a bien encore
de l’incertitude dans ce genre de difcufiion , qui
d'ailleurs ne' décide rien fur le dégré de mérite
d'une gravure 3 & n’apprend point fi c'eft un
original, ou une copie. *>.
« Une pierre gravée, qui feroit encore enchâffée
[ dans fon ancienne monture, une autre que je
! faurois, à n'en point douter, avoir été trouvée
! depuis peu à l'ouverture d'un tombeau, ou fous
d’anciens décombres qui n’avoient jamais éré
I fouillés, mériteroietît, félon moi, toute une autre
f créance, & je les recevrons fans difficulté pour
antiques. Je n'xftimeroîs pas moins une pierie
[ gravée qui viendroit de ées pays , oii les arts ne
j fe fout point relevés1 depuis leur chute} & peutêtre
pi'énd'rois je , avec^ encore plus de confiance ,
celles qui auroient pafle fuccefîivément etitrè les1
raains des bons connoiffeurs. Ce n’eft pas que
j'ajoute beaucoup de foi aux hiftoires qu'on débite
dans le commerce, & fur-tout à ces prétendues
filiations de certaines. pierres gravées,
qu'on voudroit prouver comme la généalogie d'une
famille illuftré : j'en connois le faux. Mais c'eft:
que les pierres gravées, qui font apportées du
levant, né Ton t pas fufceptibles d’altération, par
Je défaut d’ouvriers j comme, le font celles que
l’on découyre en Europe} & qu’ il ne me paroît
pas non plus vraifemblable, que des hommes qui
ont paffé pour d'excellens connoiffeurs, aient pu
Te tromper fucceflivement l’un après l’autre fur
ce qui a fait l'objet de leur cùriofité, & qui a
décidé de leur réputatioh. SV .
ce On voit bien, quand je parle ainfi, qu'outre
la certitude dé l'antiquité, je demande que .la
chofe à laquelle je dois donner mon eftime foie
réellement belle. En un mot la çonnoiffance du
deffin., .jointe à celle des manières & du travail,
eft le moyen le plus efficace, & fans doute le,
feul, pour fe former le goût & pour devenir un
bon juge. •( Baudelot. )
Winckélmânn, ce favant antiquaire qui a rendu
juftics aux connoiffances de Mariette &• à la juf-
teffe de fes obférvations fur ,l'art de graver les
pierres, ne penfoit cependant pas comme lui fur
; le poli des pierres gravées. Mariette, comme on
l'a vu plus H a ùt i le croÿoit inimitable, & il en
a fait un caraéVèfé ■ aftlirë péur diftinguer l’antique
du mpdernè; mais Winckélmânn afiure que nos
bons graveurs modernes entendent aujfi bien que les
anciens la manière de polir leurs ouvrages.
1 Les pierres gravées offrent quelquefois plufieurs
gravures fur leurs différentes faces. On voit allez
fouvent fur une même pierre des gravures d e fièçles
bien différens. Le cardinal Albani pofîedoit un
beau camée avec deux têtes , fur le revers duquel
on avoir tracé de mife'rables caractères d’Abraxas.
La belle Ifis des pierres du baron de Stofch étoit
■ dans le même cas. On y voyoit au revers une
pyramide & des caractères qui étoient du temps
des Bafîlidiens , c’eft-à-dire , fous le règne d'Ha-
; drien. L'envie de convertir en amulettes ces chefs-
d’oeuvre de la G rèce, les portoit à les couvrir
de leurs ridicules caractères talismaniques & in-
fignifians. •'
Les pierres qui font gravées des deux côtés pa-
roiffoient très - fufpeCtes à Mariette, ce II nf eft,
dit-il, plus d’une fois paffe par les mains des
agâthes, qui d^un côté préfentoient un re.ief, &
de l’autre une gravure en creux } mais je fais que
l'examen de cés àgathes demande bien :de la cir-
confpeCtion : le plus fouvent l’une des deux gravures
eft de. travail moderne., 8c ç'eft affez ordinairement
celle en creux. Crozat en poffédoit