
Mais il eft des faits encore plus précis.
Dans l'ouvrage que l’on attribue i Diclys de
C rè te , & q u i, de quelque main qu’il vienne,
a puifé les iirftruâions dans des monumens très*
anciens-, dans cet ouvrage, dis-^e» jS eft^aeux
paffages qui nous indiquent au doigt & a l oeil
l’époque de ce célèbre événement. O n y tait
mention d’un roi de Sidon, qui régnoit dans
la première année de la guerre, & 1 on y donne
fon nom , qui eft Phalis ( i ). S i, comme je le
prétends, la guerre d eT ro y e fut pofterieure a
David ^les rois de Sidon étant les mêmes que
ceux de T y r , nous devons reconneître celui-
ci dans notre lifte, 6c cela fe trouve ainfi : per-
fonne ne niera que le Phalis de Diclys ne foit le
même nom que le Phélès de Ménandre i 6c le
détail des faits confirme l’identite de perfonne \
le même Diclys rapporte que Paris, après le
rapt d’Hélène, fut pouffé par des vents contraire
â Sidon, 6c fon récit, attefté en ceci par Hérodote
6c par Homère ( 2. ) , prouve qu il a puité
aux mêmes fources qu’eux. Il ajoute que par
une perfidie atroce, Paris affaffina te roi de
S id o n , qui lui avoit donné 1 hofpitalite. O r , il
fe trouve qu’Aferyme, prédeceffèur de Phéhs,
mourut ajfafjirié ; il eft vrai que Ménandre attribue
ce meurtre à Phélès même fon frere. Mais
Diétys porte une circonftance, qui ^ loin de
contrarier ce récit, s’y rapporte parfaitement-,
car il dit que, Paris rendit la famille même du
roi complice de fo n crime (3). D après cette complicité
, on peut bien avoir lls regardé à T y r , Phé- comme le meurtrier d’Aféryme, & l ’on voit
ici une concordance qui certifie ce que j’ai
avancé. O r , difpofant la guerre de T r o y e en
conféquence de ces indications, nous en placerons
le commencement dans l’année duregne
Philiftus (4}, au même temps que la fondation
de Carthage. O n a cru que Philiftus indiquoit
une autre fondation que celle de Did on, parce
qu'il i’attribue à Eçor 6c Karchedon ; mais 1 auteur
de Phélès, e’eft à dire, en 8$. Mais fi l ’on fe
rappelle que nous avons fept ans en lacune , &
qu’on peut les fuppofer antérieurs à Phélès*,
a1 ors elle fe retardera jufqu’à l’an 90, & le fiége
de la ville ayant duré dix ans, la ruine d’ilium
tombera l’an 100. Dans tous les cas , elle ap-
. partient à la fin du premier ficelé du temple, &
voilàlàns doute pourquoi le Syncelle dans fes
époques vagues, la place fur le témoignage de
grec > comme l’a très-bien prouve Bo-
chart, n’a pas entendu la phrafe phénicienne \
& il a pris pour des noms d ’homme ceux des
villes de Tyr (É-tfour en phénicien) 6c de
Carthage même.
C ec i p o f é i l fe trouve que Virgile a très-
bien connu ces faits : touc ce qu’il dit y corref-
p o n d , 6c dans les détails qu’il d onne , il devient
en quelque forte la continuation de n o toire.
Examinons fon récit.
Atque equidem teucrum memini Sidona venirty &c.
c« j e me fouviens,. fait-il dire a D id on , je
« me fouviens d’avoir vu T eu c e t a Sidon,
» quand, chaffé de la patrie, il vint chercher
» de nouveaux états par le fecours de Belus
» mon père. Belus ( 5 ) al ° rs portoit (es armes
53 viétorieufes dans l’opulente C h yp re , 6c la
» foumettoiit à fes loix. Des-lors je connus la
funefte cataftrophe £ Ilium, Sec. «
Suppofons la ruine de T r o y e arrivée fan
100, luppofons que Didon parle a En e e lan
148. Selon les marbres, Teuce r aborda à
Sidon fept ans après 1» prife de Troye*, il y
auroit donc eu 3 8 ans que Didon avoit pu voir
Tloeruscer^ 6c ces paroles, je me fouviens, dès- indiquent un temps affez lointain. Il eft
vrai que l’arrivée d’Enée en Afrique eft trop retardée
: mais elle ne paffe point une certaine
vraifemblance, fur-tout ft l ’on obferve que
V irg ile , qui a pris en tout Homère pour fon
mod è le, a pu fuppofer à fon héros vingt ans
de voyag e comme à Uiy ffe. Il eft encore vrai
que, prenant Matgen pour père de Didon ,
elle ne pouvoit alors être née *, mais aum le
poete a pu prendre quelques licences*, & , certes
, elles ne font point déraifonnables comme
cet énorme .anachroriifme de 300 ans, dont on
l’inculpe aujourd’hui contre toute vérité.. Ce
n’eft point par pure gentilleffe d’efprit qu il a
tait Enée 6c Didon contemporains, mais en
conféquence d ’un fyftême encore en vigueur
( 1 i Dïays Cretenfis de Bello Trojano.p. 10. m-40.
( 1 ) Herod, p. 1 * 6 il cite Homère.
/ 3 ) ipfiufquc domaminpToprium fcélus convertit, p. 7,
' 4 ) Syncelle. p. 172.
'< ) Ce nôm de Belus fembleroit mieux convenir*
iobal qu’à Matgen , mais il paroit avoir ère commun
ous les Rois de Tyr. Abi-bal. Bal-eafar, ocç.,
de fon temps, 6c qui tênoit les efprits en balance
contre celui qui depuis a prévalu (1). En
effet, il feroit incroyable que V irgile , qui fliit
en tout la trace des traditions homériques, que
Virgile, qui étoit très-verfé dans les antiquités,
comme le prouve fa géographie de l’Iralie &
de l’ancien Occident, eût fabriqué de fon chef
une fable auffr révoltante. D ’autres détails nous
prouvent qu’il étoit bien inftruit fur les rois
T y r ie n s ( i ) *, & il nous apprend une circonf-
tance neuve 6c intéreffante, quand il dit que le
père de Didon conquit l’ifle de Chypre. C e fut
en conféquence de cette conquête, que P y g malion
lapofféda, comme l’atteftent Néanthe
( 1 ) » Les f’entimens des plus anciens Hiftoriens fur la
» fondation de Rome , dit Denys d’Halicarnaflè, font
*> très-variés : les uns l’attribuent à Romuîus , &
» comptant quinze générations depuis la guerre de
» Troye, la placent dans la feptième Olympiade ;
» d’autres, comme Cephalon.de Gergithe, l’attribuent
» à Enée ou à fbn fils Remus , deux ans après le fac de
» Troye. ( & Ariftote la place à cette date. Voyez Syn-
» celle , p. 191. ) EnfinTimée de Sicile, fuivantdes calai)
culs dont je ne connois point les fources, aft'ure
■c qu'elle fut fondée en même-tems que Carthage.
Pion. Hal. Liv. I.p. $7*
Or cette dernière époque forme un fynchronifme avec
Céphalon : & il eft remarquable que Timée eft un des
plus anciens & des meilleurs Chronologiftes de l’Oc-
cident, comme nous aurons d’autres occaiions de le
voir.
( 1 ) Servius puifoit également dans de bonnes
fources , quand il a dit que Belus étoit fÿnonime à
Mithras.
de Cynique 6c Afclépiade, cité par Porphyre (3);
qu’il y bâtir la ville de Carpajia, comme nous
l’apprend Etienne de Byzance : c’étoit encore
plualre uusnye fuite de cette même domination, c\\TEu- roi de T y r , fàifoit, du temps de Sal-
manâzàr, la guerre aux Kithiens qui s’étoient révoltés contre lui (4).
Par tous ces faits fe trouvent juftlfiées 6c
l’époque que nous avons affignée à la guerre
de T r o y e , 6c l’application que nous avons
donnée au paffage de Philon. Il eft remarquable
que les témoignages allégués font tous
phéniciens ou de fource phénicienne : à ce titre
ils font du plus grand poids, parce que les
mPhoénntoicirie navse ecu creonntt idneus iatén dnaanless u, nde oanntt.liaq uféitréi étr rèes
reculée; avantage que n’ont point celles des
Grecs. Aufïï, lors même que les affertions de
-celles-ci feroient toutes contraires, l’ordre
que nous rétabliffons n’en fubfifteroic pas?
moins par l’autorité de celles-là. Mais les Grecs
eux-mêmes, dans la confufion de leurs récits „
! nous fourniffent des preuves tout à fait analo-
I gués, comme nous l ’allons voir dans les arti-
; clés fuivans.
( 3 )°V. Samuel Bochart. Phaleg. in*fol. p. 3*3.
( 4 ) Menandre apui Jofeph. Ant. Jud. Lib. IX. c. 14*.
& Conor. App. Lib. I.
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