
figner-tout le monument, l'a emporté fur celui de
hembine, que les auteurs lui ont donné quelquefois
a caufe du cardinal Bembo , fon premier pof-
ieffeur moderne ».
» C e m o n u m e n t n e m e p a r o î t p a s r em o n t e r f o r t
h a u t c h e z l e s é g y p t i e n s . / L a r é p a r a t io n d e s b r a s 8 ç
d e s j a m b e s , & p a r c o n f é q u e n t l 'a u g m e n t a t io n d e
m o u v e m e n t & d a c t io n e n f o n t la p r e u v e . C 'e fV
d o n c u n m o n u m e n t d e s t em p s p o f t é r ie u r s , m a is
q u i c o n f e r v e l a m ém o i r e d e s a n c ie n s u fa g e s a u x q
u e l s le s é g y p t i e n s o n t t o u j o u r s é t é f o r t a t t a c
h e s » .
« La defeription que je donne ici eft d'après la
gravure d Ænéas Vicus. -Quelque reconnue que
puifle etreTexaébtude de cet artifte, qui rravail-
loit fous les yeux du cardinal Bembo,on fent aifé-
ment qu'il y a plufîeurs points fur Itfquels je ne
puis rien affirmer ».
** Ç ette ^certitude raifonnable ne m’empêche
pas d'être perfuadé que cette table , conftamment
fabriquée en Egypte , a été portée, en Italie lorf-
cjue les romains admirent cet ancien culte, e'eft-
a-dire, vers la fin de la république. C e tranfport
avoir, félon les apparences , l'objet de fixer les
cérémonies religieufes qu’on vouloit pratiquer, &
celui de prévenir leur altération ».
Nous avouons, difoit Montfaucon, que nous n'en
pouvons pas pénétrer les fens myttérieux i nous
ne comprenons pas ee qu’exprime chaque action
oiMcene particul ère , encore moins les rapports
qu une fcène peut avoir avec l'autre. Pignorius
homme habile &fenfé „ avoue qu'il ne peut com
prendre le de/fein général de cette table, ni pénétrer
dans les myfteres ; & que s'il vouloir hafarder
quelques conjeftures là-deffus, on pourroit fort
bien lui mer qu'il lût entré dans la penfée de celui
qui l'a compoféé, peut-être depuis plufieurs milliers
d années* Il s'ell contenté de dire fur chaque
figure ce que l'antiquité nous en apprend. Et com-
me mms l'avions déjà fait dans l'hiftoire des dieux
de I.Egypte, où l’on trouvera bien'des chofes qui
avoient échappé à Pignorius, nous avons pafifé
legerement fur cette table , nous contentant de j
rapporter Amplement ce qu'elle repréfente. C'é-
toient des myftères qu'on ne pénétroit qu'après
avoir ete long-temps initié par les prêtres égyp-
Kirker, plus hardi, a tout expliqué; il a crii
avoir trouve les fens lés plus cachés de la table •
ce font, d.t-,1, les véritables; il n'en faut poini
chercher d autres apres ceux -là. C ’eft ce qu'il
exprime ainfi dans fon titre, p. 89. Véritable &
naturelle interprétation de la table ifiaque. Voici le
plan de fon commentaire : Les égyptiens, dit-il
confideroient la divinité en deux manièrej, ou
comme un entendement éternel regardé en lui-
meme, & féparé de tout commerce avec les chofes
mate'rielles, jouiifant dans fa divinité d'un bon-
heur ineffable ; ou comme ayant rapport aux chofes
créées qu'il gouverne, fe tenant toujours dans fon
centre d'ou, par le miniftère des génies & des
^?k/Hnces fécondés, il anime & donne la fécon-
diié aux chofes de ce monde , qu’ii foutient de fa
puiffance. Ils admettaient une triple puiffiince en
Dieu, & une divinité triforme en uue fubftance ,
comme ils l’avoient appris de Mercure Trifmé-
giue, de laquelle dépendoient toutes chores ; elle
croit conime un fceau imprimé-fur les différentes
clafles des chofes de ce mon le, tant fenlïbles qu'in-
fenfibles. C 'eft fur ce plan qn’i ’s firent cette table ,
dit Kirker ; & C’eft fur le même plan qu'i! a fait un
commentaiie d’une grande longueur, d'un détail
prodigieux, & d une obfcurité qui ne cède guèrfe
à celle de la table même. Ceux qui voudront fe
donner la peine de le lire, le trouveront peut-être
tout-à-fait original , & douteront infailliblement
que jafoais égyptien ait penfé comme lui.
Shuckdord, dans fon h'ftoire du monde , la juge
des premiers temps, & croit qu'elle a été gravée
avant que les égyptiens adoralfent des figures
d hommes 01* de femmes.
Warburthon penfe , au contraire, que cette
table a été faite pour les perfonnes .attachées à Ro-
^ culte d'Ifîs. Il eft perfuadé que l’ouvrier a
délîgné le culte rendu au* animaux , qui étoit fi
peu connu des etrangers , par la pofture la plus
îemarquable d adoration , tandis qu'il n'a marqué
que par des aéles d'offrandes & de facrific.es, le
culte que les égyptiens rendoient à leurs grands
dieux héroïques , & qui n'étoit pas différent de
celui des romains. En un mot, il regarde la table
■ ifiaque comme le plus modertie des monumens
egyPtiens; ce qu’il croit qu’on peut juftifier parle
mélange que I on y trouve de toutes les efpèces de
caraéteres hiéroglyphiques.
Je ne puis m'empêcher,dit Winckelmann (Hifi.
1 m rî’, ^v' Wmr’. *• )* combattre une opinion
de Warburthon (EJfai fur les kiérogl. p. 294. ). 11
c^.°it In fameufe table ifiaque eft un ouvtage
fait à Rome. Cette opinion eft tout-à-fait deftituée
de fondement, & il paroît ne l'avoir adoptée que
parce qu'elle cadre avec fon fyftême. Quoiqu’il
en foit, ce monument a tous les caractères de l'an-
ciep ftyle. Les hiéroglyphes qui s'y trouvent, 8c
qui ne fe rencontrent fur auciin des ouvrages imités
par les romains, fourniffent des raifons pour fouïxTlr.^
on S i & P°ur réfuter l'opinion de
Warburthon.
» Pline attribue, dît Paw , aux égyptiens une
maniéré particulière de peindre fur l’argent fî
1 on prenoit fes expreffions à la rigueur, il feroit
fort difficile de les bien développer. Auffi a-t-on
cru qu'il s’agiffbit d’une efpèce d’émail, ou bien
d'une efpèce de vernis qu’on répandoft fur les va-
fes de ce métal, à peu-près comme cette pâte noirâtre
dont eft enduite la table ifiaque, où on a en-
fuite incrufté des lames d'argent fur un fond de
cuivre. Mais la table ifiaque eft un ouvrage exécuté
en Italie , qui n'eft égyptien que par le fujet qu’il
renferme, & qui eft du deuxième fiècie ».
Jablonski, fi favant dans les antiquités égyptiennes
, a donné une explication nouvelle & ingé-
nieufe de ce monument. Il affine qu’il eft du ttmps
de Caracalla ou des Antonins. Ç ’eft félon lui, un
calendrier de fêtes égyptiennes, ajufté à l'année
romaine. Les égyptiens établis à Rome l'ont fabriqué
pour ne pas perdre l'ordre établi par leur ancienne
religion. On peut voir fes conjectures dans
Xts Mélanges de Berlin ( tom. 6. pag. 139. & tom.
7 >Paë- 373; )
Je(me réfère , fur l’antiquité de la table ifiaque ,
au fentiment de Winckelmann, & je ne ferai, fur
ce précieux monument, que des réflexions généra-
les.D'abord ony voit beaucoup plus de figures avec
des formes humaines, qu'avec des têtes d'animaux.
Enfuite on n'y remarque qu’un feu! filtre; encore
eft-il placé fur la bordure. Enfin trois feuls perfon-
nages y portent, fixée fur le menton, la plante Per-
féa. Voye% Isiaques.
ISIAQUES ( Mystères & Prêtres ). Le
peuple d'Egypte, preffé par la tyrannie des Ptolémées
, fe vit contraint , fous leur règne , d’admettre
des divinités étrangères & d'altérer fon ancien
culte ( Macrob. /. 1. c. 7 .). Il eut alors des
myftères nouveaux 5 auxquels on nepouvoit fe faire
initier que chargé de chaînes , avec des anneaux
aux narines, h barbe longue & des habits craffeux.
Confacrées à Saturne^ 5 . Epipk. L. III. c. X L p.
1092. ) ces cérémonies faifoient allufion aux moeurs
des premiers-hommes , avant l’établiffement de la
fociécé. Non feulement toutes les fureurs & l’indécence
des bacchanales & des fêtes de Cotytto
s’intioduifirent à Memphis & à Héliopolis; mais
elles pénétrèrent encore jufques dans les fanduai
res d’Horus & d'Harpocrate ( Ibid. ). Le defpo-
tifme extravagant des empereurs romains n'épargna
pas davantage la religion des égyptiens , qui
furent forcés dé recevoir Antinoüs comme un.
dieu, & d’inventer en fon honneur des. myftères
( S. Epipk. L. C . ) , dans lefquels'on devoit fans
doute être inftruit fi cet infâme & malheureux favori
d’Hïdrien s’étoit noyé dans le N i l , ou s’il
etoit mort ViCtime de la fuperftition de ce prince. I
(Dion. Cajf. L .L 1X. $. 2. ) •
Quoique les égyptiens, pour ne pas confondre
enfemble l’ancien & le nouveau culte , euffent.
d abord relégué toutes les divinités de celui-ci hors
des villes ( Macrob. Satura. L. I. c. VII. ) , ils ne
purent néanmoins dans la fuite réfifter à la féduc-
tion de l'exemple, & à l'autorité de leürs rois.
Leur féjour à Alexandrie fit donner aux .rits mélangés
le nom & Alexandrins /lefquels fe répandirent
bientôt dans tout l'empire romain. Corinthe ,
qui en faifoit alors partie, les adopta ; &: il eft im-
poffible de les méconnoître dans les détails qu’A -
pulée nous a donnés des myftères d’ Ifis Pélagique
ou Maritime. Elle avoît un temple dans cette ville
( Paufan; Corinth. c. IV . ) , où l’on céiébroit, au
printemps , fa fête avec beaucoup de pompe.
Elle commençoit par une purification générale,
où l’on fe lavoit dans la mer, en y plongeant fept
fois la tête ( Apul. Metamorph. L. XI. t. I.,Op. p.
223. Ed. Altenburg.'). Il paroît qu'enfuite on faifoit
une invocation à la deefle repréfentée comme
la lune, avec un cercle lurffineux, une robe de
couleur changeante, une mante ou grand voile noir
parftmé d’étoiles, qui envjronnoit cet aftre dans
ion plein. Ifis ayant à la main droite un fiftre d'airain
, à fa gauche un vafe d'or dont un afpîc for-
moit Kanfe, étoit encore couronnée de fleurs , &
couverte de fruits. A fes côtés l'on voyoit deux
ferpens, repréfenrant affez bien les fiilons fur lef-
quels setendoient quelques épis de bled. ,
L'ablution dont je viens de parler, cérémoffie
préparatoire & eflfentielle à ces myftères ( Ttrtull.
de bapt. c. V . p. 216. ) , fe pratiquoit avant le
lever du foleil ; &dès que cet aftre étoit fur l'horizon
(Apul. Metam. L . XI. p. 227. ) , la ftatue
delà déeffe, & tout fon cortège, fe mettoit en
marche dans l'ordre fuivant. D ’abord paroifioit
une multitude de perfonnes, les unes en habits de
foldat & de gladiateur, en équipage de chafleur,
d'oifeleur, de pêcheur; d’autres avec l'appareil de
la magiftrature ; celui-ci repréfentoit, par fon ajuf-
te.ment & fa démarche, une femme ; celui-là s'en-
veloppoit du manteau de philofophe, il en avoit
les fandales & la barbe, qu'Apulée compare à
celle d'un bouc. L'attention des fpedateurs fe por-
toit enfuite fur un ours, accoutré comme une matrone
, & affis fur une efpèce de chaife. Un finge
vêtu d'une robe, coëffé d'un bonnet phrygien, &
tenant une coupe d’o r , paflo;t pour Ganimède ;
un âne avec des ailes, accompagné d’un vieillard,
annonçoit Pégafe & Beilérophon. Tout cela fer-^
voit d'amufement au peuple, pendant que là pompe
facrée de la deefle s'avançoit.-
Elle étoit précédée d'une troupe de femmes ,
les unes couronnées de fleurs, & les autres occupées
du foin d’en parfemer le chemin par où devoit
palfer la ftatue tfîfis. Quelques- unes portoient des
miroirs attachés'fur leurs épaules, & deftinés à
faire appercevqir à la déeffe tous ceux qui la fui-
voient. C ’étoient des perfonnes des deux fexes,
avec des flambeaux de cire ou de poix-réfine 8c des