
de. l’arène tnêlée avec de la chaux , •arenatum ;
& fi cJétoit du marbre battu & pulvérifé , mar-
moratum : c’eft de telles incruftations(\ut Pline
parle liv. X X V 3 ckup. X X I I I 3 quand il dit :-
Teélorium 3 nifi ter arenato , & bis marmorato in-
duBum eft 3 non fatis fplendoris kabet. Voij-à la
feule incrufiation connue dans le fiècle des Cur-
tius & des Fabricius ; mais cette fimplicicé ne
dura pas long-temps.
La fécondé efpèce A’incrufiation-qui fuivit de
près, s’exécutoït avec des feuilles de marbre appliquées
fur la furface des murs. Les maifons des
grands en furent parées fur la fin de la république-
Cornélius Nepos veut que Mamurra, chevalier
romain , furintendànt des archite&es de Jules -
Géfar dans les Gaules , feit le premier qui revêtit
fa maifon du mont Coelius de feuilles de marbre
fciees en grandes & minces tables. Lépide & Lu-
cullus l’ayant imité , cette invention s’accrut mer-
veilleufement par d’autres citoyens egalement
riches & curieux, & fur-tout par les empereurs.
Qn ne fe contenta plus d’expofer à lajvue le
marbre en oeuvre > on commença fous Claude a
le peindre ou à le teindre , & fous Néron à le
couvrir d’or & à le mettre en compartimens de
couleurs, qu’on diveififio:t , pommelôit, mou-
chetoit, & fur lefquels on faifoit des figures de
toutes fortes de fleurs , de plantes & d’animaux.
C ’eft ce que Pline .,, liv. X X X V 3 chap,1 3 nous
apprend dans fon ftyle pittorefque : Jamvcrb pic-.
tara iniotum marmoribus pulfa jam quidem & aurol
ncc tantum ut paiietes- loti opcriantur, yerîim &
interrafo marmore „ ycrmïculatis ad effigies rcrum
& animalium crufiis. Non placent jam abacl ; non
fpatia montis in cubiculo del'tentia. Coepimus &
lapident pingére. Hoc Clauiii principatu inycnmm ,
Neronis verà , maculas , que. non ejfent ,m oru/lis
inferendo , unitptem variare : ut ovatus effet Numi-
dicus , lit purpura difmgucrctur Synnadicus-, qua-
liter illos nàfci optaient delicil : montium huic Jub-
Jidii deficientium.
Pline veut dire dans ce bel endroit. que les
erprits des romains de ce temps-là étoient tellement
portés par le luxe à ce genre de recherches „
qu' ls ne goûtoiertt plus les-grandes tables de marbre
qua rées (abacos ) , ni celles qui décoroient
leurs aj-partemens 3 fi elles n'étoient peintes ou
t outes de couleurs étrangères. Les marbres de
Numil'i-- & de Synnade en Phrygie, qui étoient
les plus précieux de tous1, ne leur paroifioiént
p us affez beaux . à caufe de leur {implicite. 11
failüit marqueter , diaprer , jalper de plufieurs
couleurs ceux que la n-ture avoir produits d’une
feule. Il falloit que le marbre nuinidien fût chargé
d 'o r , & le fynnadien teint en pourpre : ut ovatus
effet numidicus , ut purpurâ diflihgaeretiir fynnadz-
cus i'on fous-entend lapis-, qui précède un peu
plus haut. Du Pinet transformant, comme un
autre Deucalion, des pierres en des hommes, a
pris les deux mots numidicus & fynnadicus pour
deux citoyens romains , l’un décoré du triomphe
qu’on appelloit ovatio , & l’autre revêtu de
pourpre.
Les marbres numidien & fynnadien font J les
mêmes que Stace appelle lybicum.3 phrygiumque
filicem , dont la maifon de Stella Violantilla étoit
toute incrufiée, ainfi que de marbre vert de Lacédémone.
Hic lybicus pkrygiufque ftlex y hic dura Laco/ium
S axa virent.
BHB - - v
Le marbre de Numidie, ovatus , fignifie aura-
tus 3 chargé d’o r , parce qu’on doroitle marbre
avec du blanc-d’oe uf , comme on dore le bois
avec de l’ or en couleur.
Pour ce qui eft de la teinture des marbreS , cet
art étoit déjà monté à une telle perfection, que
les ouvriers de T y r & de. Lacédémone, fi fupt-
rieurs dans la teinture de la pourpre , portoient
envie à la beauté & à l’ éclat de la couleur purpurine
qu’on donnoir aux marbres. C ’eft Stace qui
nous en afïure encore.
Rupefque nitent , queis purpura f&pe
Oebâlis 3 &’ Tyrii moderator livet'aheni.
Le troifième genre d'incrufiation dont les romains
décoroient leurs bâtimens en dedans & en
dehors , s’ exécutoit avec de l’or ou. de l’argent
pur. Cette forte d‘ incrufiation fe pratiquoit en
deux manières ; favoir , ou par fimples feuilles
d’or ou d’argent battu, du par lames folides de
l’un & de l’ autre métal. Les romains firent des
dépenfes incroyables en ce genre.
La dorure en feuilles du temple de Jupiter capitolin
; par Domit'en , coûta feule plus de douze
mille talens, c’eft-à-dire, pius de ttente-fix millions^
de nos livres. Plutarque, après avoir parlé
de cetre dorure fomptueufe du capitole, ajoute :
fi quelqu’un s’en étonne, qu'il vifite les galeries,
les bafiliques , les bains des concubines de Domi-
tien , il trouvera bien de quoi s’émerveiller davantage.
La mode s’ établit chez les particuliers de faire
dc/rer les murs,, les planchers & les chapiteaux
des colonnes de leurs maifons. Laquearia , que,
nunc 3 & in privatis domibus aura teguntur3 e tem-
plo capitoline , trànjiere in caméras , in parietes
quoque , qui jam & ipfi, tanquam vafa inaurantur,
nous dit Pline , lib. X X X V 3 cap. I I I .
C ’ étoit une chofe ordinaire à Rome du temps
de Properce, de bâtir avec le marbre de Ténare, &
d’avoir des planchers d’ivoire Jur des poutres
dorées; Les deux vers fuivans l’indiquent :
Quoi non T&nariis domus eft mihi fulca metallis,
Nec caméra, auratas inter eburna trabes.
P r o p e r t . Eleg. ƒ.
L ’autre incrufiation d’or confiftoit en lames fondes
de ce métal, paffées par les mains des orfèvres
& appliquées aux poutres, lambris, folives
des maifons, portes des temples, & maçonnerie
d’amphithéâtres. Ces lames d’or font défigpées
dans les auteurs par ces mots, crajfum vcl folidum
aurum, pour les diftinguer des feuilles d’or battu,
qu’ils nommoient brafteae, & qui fervoient aux
fimples dorures : il faut bien que cet ufage d‘ in-
cruflation de lames d’or fût commun fous l’empire
de D-mitien, puifque Stace parlant du temps où
l’ancienne frugalité régnoit encore, dit dans fa
Thébaïde , liv. I.
Et nondiim crajfo laquearia fulta métallo , <
Montibus aut late Graiis e fu it a nitebant
Atria.
Lucain nous aflfure que les poutres du palais
de Cléopâtre avoient été couvertes de ces incrufi
tâtions de lames d’or i ce qu’ il met au rang-des
fuperfluités des fiècles les plus corrompus , qui
les eulfent à peine fouffertes dans un temple.
Ipfe locus templi ( quod vix corruptior &tas
Éxftruat ) inftar erat 3 laqueataque tefta ferebant
Vivitias , craffumque trabes abfonderat aurum.
Toutefois rien ne reffemble en ce genre à h
magnificence prefque incroyable que déploya Néron
, en faifant revêtir -intérieurement de lames
d’or tout le théâtre de Pompée, lorfque Tiridate,
roi d’Arménie,, vint le voir à Rome , & même
pour n’y demeurer qu’un feul jour : aufïi ce jour, :
tant à caufe de la dorure de ce théâtre, que pour
la fomptuoficé de toys les vafes & autres orne-
mens dont on l’enrichit, fut appelle le jour d’or.
Claudii Jucceffor Nero , Pompeii theatrum operuit
auro in unum diem\ quod Tiridati , régi Arme nia
oftenderet, dit Pline , lib. X X X I I I , cap. III. Ce
n’eft donc pas ridiculement que le poète Afco^
nius , parlant de la ville de Rome, la caraétérife
en-ces termes :
Prima urbs inter divum domos, aurea Roma.
Quant aux lames d’argent, Sénèque nous ra-
,conte que les femmes de fon fiècle avoient leurs
bains pavés d’argent pur, enforte que le métal
employé pour la table, leur fervoitsuffi demarche
pied. Argento femina lavantur, & nifi argente a
fint folia , faftidiunt, eademqüe materid 6* probris
ferviat, & cibis.
On en étoit venu jufqu’ à enchâffer, dans le
parquetage des appartenons, des perles &c des
pierres précieufes. Eb deliciarum ptrvenimus , ut
nifi gemmas calcare nolimus. Et Pline dit à ce
fujet qu’il ne s’agifToit plus de vanter des vafes 8c
des coupes enrichies de pierreries, puifque l’on
marchoit fur des bijoux que l’on portoit auparavant
feulement aux doigts.
Stace n’a point oublié ce trait de luxe effréné,'
lorfque décrivant une maifon de campagne appartenante
à Manlius Vopifcus, il ajoute :
Vidi artes , veterumque manus , variifque metaùa
Viva modis : labor eft , auri memorare figuras :
Aut ebur, aut digtias digitis contingere gemmas.
Dum vdgor afpettu, vifufque per omnia duco f
Calcabam, nec opimus opes.
Lib. fylvar. Manlii Vopifci.
Le quatrième genre d’ incruftations 3 fur lequel
je ferai court, confiftoit en ouvrages de marqueterie
& de mofaïque , opera tejfellata , mufiva -,
lithoftrata , & ceroftrata , dont on décoroit aufïi
• les palais & les maifons particulières. Dans ces
fortes à’ incruftations, différentes en forme & en
matière , on employoit aux ouvrages deux fortes
d’émaux, les uns & les autres faits fur tables d’or,
-de cuivre ou autre métal, propres à recevoir cou-
: leurs & figures par le feu. Quand ces émaux
étoient de pièces ou tables quarrées , 'on les ap-
i pelloît abacos , quand elles étoient rondes, on
lés nommoit fpecula & orbes.
Un homme fe croyoît pauvre fi tous les appar*
temens de fa maifon, chambres & cabinets, ne
reluifoient d’émaux rónds ou quarrés, d’un travail
exquis, fi les marbres d’Alexandrie ne bril—
loient à’incruftations numidiennes, & fi la marqueterie
ri’ étoit fi parfaite qu’on la prît pour une
vraie peinture.
Mais que Sénèque avoit raifon d’apprécier en
fage toutes ces fortes d’ornemens à leur 'valeur
‘réelle S c’ eft un beau morceau que c. lui dé Yépitre
1 1 5 , dans laquelle il fait la réflexion fuivante :
«Semblables, dit i l , 'à dès en fans ,& plus îid cales
qu’eux , nous nous laiffons entraîner à des recherches
de fantaifie, avec une paffion aufïi coûteufe
qu’extravagante. Les enfans fe plaifent à amaffer,
à manier de petits cailloux polis qu’ ils trouvent fur
le bord de la mer; nous, hommes fa t s , nous
fommes fous de taches & de variétés de couleurs
artificielles , que nous formons fur des colonnesde
-marbre, amenées à grands frais des h eux r.rides de
l’Egypte, ou des deferts d'Afrique , pour foutenù?