
» qui Te partage en deux autres petites ifles,
« dont Tune porte le nom d’Aftérius, parce
» qu’Aftérius y a Ton tombeau : il étoit fils d’Arac,
» que l’on dit avoir été fils de la Terre > le corps
» d’Aftérius n’a pas moins de dix coudées de long.
» Mais ce qui m’a encore plus étonné , c’.eft ce
» que j’ai vu dans une petite ifle de Lydie : .là
»» un tombeau s’étoit entr’ouvert par l'injure des
*» temps , & on apperçut des os d’ une fi pro-
«.digicufe grandeur, que s’ils n’avoient eu la
» figure de corps humain , on ne les auroit-ja-
» mais crus tels. Le biuit courut dans ie pays,
» que l’on avoir trouvé le corps de Géryon , &
*» l'on montroit fur une montagne une grofie
33 roche, qu’on difoit lui avoir fervi de trône 5
»» mais lur ce que je leur objectai que Géryon
» avoir demeuré- à G a dès , & que fon corps ne
33 fe tiouvoit nulle part, quelques lydiens , plus
33 favans dans les antiquités de leur pays, pré-
as tendirent que c ’étoit le corps d’Hyllus, fils
« d’Hercule & d’Omphale ». Bocace, dans la
généalogie des dieux, raconte qu’on avoit découvert,
daqs une caverne du mont Eryx, en
Sicile, le corps d’un géant aflis, qui tenoit dans
la main un bâton femblable à un mât de vaiffeaiv
& que le tout fe réduifit en pouffière lorfqu’on
y toucha, à la réfervé de trois dents, que les
magiftrats de la vi le d’Êryx confervèrent avec
une partie du crâne , contenant quelques boif-
. féaux mefure de Sicile. Fazelius croit que c’eft
le.corps d’Eryx , rué par Hercule : & il ajoute
que dé fon vivant on avoir trouvé un autre cadavre
de vingt coudéés de long , qui s’étoit pareillement
réduit en poudre, excepté les dents,
dont chacune pefoit environ cinq onces, qu’il
afflue avoir v u , ainfi que la figure du géant def-
linê fur la muraille.
De ces témoignages extraits de Thifîoire ancienne,
qui s’accordent avec la Mythologie,
quelques-uns ont conclu qu’il y a eu réellement
autrefois des géans. Mais, fans toucher au fond
de la quejlion, qui fait la matière de plufieurs
dilfertatîpns pour & contre, ne peut-on pas dire
en général, que tout ce que l’on raconte de ces
tombeaux découverts, de ces oflemensmonftrueux,
de ces cadavres d’une grandeur démeïurée 5 tout
cela n’étoit fondé que fur des rapports d’ouvriers
&: de manoeuvres , fans que jamais aucun homme
digne de foi ait pu dire avoir rien vu de pareil 5
gt n’y eût-il que la circonftance qu’on ajoutoit
à chacune de ces relations , que ces cadavres
énormes fe détruifoïent dès que l’air entrent dans
ces cavernes, c ’en fsroit allez pour nous empêcher
d’ y ajouter fo i, & pour nous les faire regarder
comme autant de relations fabuléufes. Pour
ces offemens monftrueux qu’on difoit être ou
les côtes, ou les dents de quelques géans, il y
a long-temps que d’habiles naturalises ont fait
voir, que ce pouvoient être des os de baleine,
ou de quelqu’autre grand cétacée, ou des concrétions
pierreufes, qui offrent fouvent de pareilles
reffemblances. Voyeç Cyclopes.
On fait combien les fyftêmes fur l’origine &
la nature des grands os folliles, font aujourd’hui
multipliés j mais ce qu’il y a de bien certain
au milieu de ce concours d’opinions fi différentes
& fi peu fondées, c’ eft que la découverte
de ces débris prodigieux a acciédité la
fable des géans dans les deux hémifphères de
notre globe. Les phyfîciens qui ont fait une étude
particulière de la minéralogie, favent que les
offemens de cette efpèce font ordinairement enveloppés
dans des lits ou dans des couches de
gravier, de fable ou de terre molle, qui peuvent
aifément s’ébouler, ou être entraînées par des
avalanges, ou par des chûtes d’eau, de forte
qu’ on trouve quelquefois des fquelettes entiers fans
qu’on les cherche & fans même qu’on penfe à les
chercher: auflî eft-ce par de tels „accidens que
les feuvages qui ne labouroient ni ne remuoient
jamais la terre en ont eu connoiifance.
Les torrens qui rouloient avec un bruit & une
impétuofité étonnante du haut des montagnes
de la 1 hefiàlie & de la Macédoine, ont, dans
les temps fabuleux, donné lieu aux Grecs de
croire que les géans'avoient .voulu y entaffer
l’Offa fur l’Olympe, & l’Olympe fur le Pélion,
pour y combattre de plus près les dieux j & ces
dieux mêmes n’étoient que la lueur de l’aurore
boréale.
C ’ eft par un paffage de Solin, ; qu’il conviendra
de citer ic i, que nous favons que dans la
Macédoine fur tout on découvroit fréquemment
des os foffiles de la première grandeur au fond
des ravines , que ces torrens , dont nous parlons,
y avoient creufées dans les campagnes. In Ma-
cedoniâ , - nimbis torrentes excitàntur, G* aulla
aquarum ■ pondéra , ruptis obicibus, valentius Je
in campos ruunt, eluvione ojfa etium nunc ferunt
detegi , que, funt. ad injiar çorporïs humani, fed
modo grandiore. ( cap. 14- )
Si l’on avoit examiné ce paffage avec toute
.^attention qu’ il méritoit, on fe feroît épargné
des îaifônne-mens très-futiles fur les motifs qui
ont fait placer Tafia ut ou l'efcalade des géans
plutôt au Nord de la Grèce que dans fa partie
méridionale. A u . refte le Bathos de l’Arcadie,
dont parle Paufanias dans fes arcadiqu.es, a pu
être une vallée étroite _ & profonde , ce que ce
terme grec paroît bien défigner, & où l’on fai-
foit de temps en temps lés mêmes découvertes
qu’au pied de l’Olympe 8c des’autres montagnes
de la Macédoine. Il faut obferver encore ici que
le terrein, fur lequel les Macédoniens bâtirent
la ville de Phlegra, paroît avoir été une fouf-
frière , ; ou un Yeftige de volcan éteint? & l’on
verra par la fuite de quelle conséquence peut
être une telle obfervation.
C ’étoit une efpèce de fureur parmi les anciens,
de vouloir que tous les os foftiles qu’on leur
montroit, fulfent des reftes de corps humains, \
Saint-Auguftin vit à Utique une dent molaire ,
cent fois plus grande que la dent d’un homme :
mais au lieu d’affurer qu’elle avoit appartenu a
un hippopotame, il affura qu’elle avoit appartenu
à un géant. Et ce qu’ il y a de bien ridicule,
c’eft que V ivè s , le commentateur de Saint-Auguftin
, eft tombé dans des erreurs auflî greffier«
à l'occafîon d’un os exaftement femblab.le , qu’ il
vit à Valence dans l’églife de Saint Criftophe ;
car en ce temps c’étoit la coutume d’expofer a
la dévotion du peuple toutes les raretés de cette
efpèce j ici nous nous fouvenons d’en avoir enco e
trouvé quelques-urres à l’entrée d’une églfe de
C ologne, qui nous parurent être des-fragmens
d’une carcaffe de baleine. Les Romains allaient ’
auffi chercher très-loin tous les grands os qu’ils
pouvoient découvrir , pour en orner leur capitale*,
& ce fut Scaurus qui l ’embellit d’un fque-
lette célèbre pris dans la Toparchie d e jo p p é ,
& dont nous ne négligerons pas de parler plus
amplement. On dit, à la vérité, que l’empereur
Tibère refufa les o{Terriens prodigieux qu’on
lui offrit & qui avoient probablement été déterrés
en Sicile où l’ on en déterre encore beaucoup
de nos jours 5 comme dans plufieurs îles de la
Méditerrannée où il y a eu des volcans ; mais
nous doutons* que Tibère ait craint de faire parla
contrafter fa taille avec celle des anciens héros
auxquels on attribuait ces débris. Il faudroit en
ce cas que fa vanité eût été très-oppofée à celle
d’ Augufte 5 cependant Phlégon l’afTure (
%-av{6cicriûà!) jce<p. IA. )
Mais comme l’on connoît bien Timbécillité de
cet écrivain & fon ardeur à mentir , on ne fau-
roit faire aucun fond fur ce qu’il rapporte encore
de la découverte de plufieurs fquelettes énormes
jéttés par la mer fur le rivage , ou trouvés dans
des crevaffes faites par des tremblemens de terre.
Au refte ce feroit fe tromper que de prendre
Abidène & Eupolène cités par Eufèbe, pour des
hiftoriens plus judicieux 8c plus fincères que
Phlégon.
C e qu’ il y a de bien certain, c’ eft que les
orientaux o n t, de ce temps immémorial , per-
fonnîfié des météores : ils ont changé en géans
les exploitons des montagnes ardentes, les vents ,
les tourbillons , les orages, & nos mariniers
donnent encore aujourd’hui le nom du géantTy-
phon à la trombe, d'u tornados , phénomène
que tout le monde connoît, parce qu’ il eft très-
fréquent dans la méditerrannée 8c l’océan. Mais
il ne- faut pas croire que le Typhon d’Egypte
ait été envifagé comme la caufe immédiate de
cet élancement des eaux, que les Egyptiens,
ou connoiiToïent peu, ou craignoient peu, puif-,
qu’ils ne naviguoient jamah. Le météore qu’ils
ont perfonnifié dans leurs fables facerdotales ,
eft un vent qui fouffle a fiez régulièrement après
d’équinoxe du printemps j & avant le folftice
d’hiver, ou direéfement du fud, ou d’un rumb,
qui approche de celui. de T-eft. Tous les voyageurs
qui on^ été en Egypte , parlent de ce fléau ,
car c’en eft un ; 8c pour en avoir quelque idée,
il fuffira de confulter le journal de Thévenot
qui en a lui même effuyé les effets , tant fur
l’ifthme de Sués, que dans l’endroit où a été
fituée Héliopolis hors du De lta, qu’on ne confondra
point avec une autre ville de ce nom,
qui paroît avoir été^ entre les bras du Nil. Lorfque
ce vent eft violent, il remplit l’atmofphère d’un
fable brûlant, qui bleffe la rétine, de ceux, qui
le reçoivent au vifage, & étouffent quelquefois^
deux ou trois mille hommes 8c autant de chameaux
de la caravane de la Mecque, comme
feroit un coup de foudre.
C e font là les véritables vents typhoniques ,
qu’on nomme auffi çhampjin : nous avons* trouve
dans Profper Alpin ( Rev., Egyp. Lib. I. ) que
cette appellation dérive du nom de i’ ufurpateur
Cambyfe , dont l’armée fur en partie détruite
par un orage femblable, mais cette étymologie
n’ eft affurément point heureufe, puifqu’il y a
bien apparence que long-temps avant la conquête
des Perfans, les Egyptiens employaient de'jx
dans un fens figuré le mot de champfak ( il y
avoit différens dialeéles en Egypte, puifqu’on
. trouve même dans les livres coptes amfah & pam-
fap , pour défigner le crocodile. Temfach eft un
mot arabe qu’il ne faut pas introduire dans le
: texte d’H érodote, au Jieu du terme qu’on y l i t ,
comme quelques favans l’ont voulu) qui dans
I fon propre fens défigne le crocodile, animal
qu’on fait avoir été plus qu’aucun autre l’emblème
du Typhon, qui étoit, généralement parlant
, le mauvais principe $ mais lorfqu’on le per-
fonnifioit, lorfqu’on.le repréfentoit fous la forme
I gigantefque, foufflant comme un dragon le feu
| de fa gueuleTur toute la terre d’Egypte, a’ors
l on le qualifioit plus particuliérement par l’ épi-
1 thète, d’aphoph. ( Jablonski Panth. Egyp. Lib. V~.
L cap. 1. ) Quoique les dieux l’euffent jadis fou-
! droyé, il n’en refpiroit pas moins dans le lac
Sirbon, ou plutôt dans les eaux bitumineufes de
ce bourbier qu’en connoît aujourd’hui fous le
nom de Sebaket Bardoil'. de-là il envoyo't des
brouillards étouffans fur la ville de Péîufe, au
point que beaucoup de Pélufiotes en croyaient
etre pouédés j & il n’étoit plus rare , comm^l’ on
fait, de trouver auflî des pofiedés autour du lac
Afphaltite en Judée, parce que les vapeurs qui
çn fortent font à peu près de la même nature
f que les émanations du Sirbon. Par une allégorie