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toient point admis à la participation des myftères,
ne pouvoient prétendre aux avantages qu’él'e
procuroit, & conféquemment étoient exclus à
jamais de l’élyfée;
Comme les efpérances de Y initié & celles du
oifciple de Pythagore étoient les mêmes, les pratiques
religieufes qui dévoient les conduire à ce
but n etoient point non plus différentes 5 telles que
1 *r**i5*,W j ^ ]e$ne & 1? continence, que la phir
lofophie croyoit fi propre à dégager famé de la
matière, & a la décharger d’un poids incommode,
qui pouvoit mettre obilacle à fon retour vers fon
principe. L initié étoit obligé d'affirmer qu'il avoit
jeune ? & qu'il avoit bu du cycéon. Vraifemblable-
ment il s'agit de^ quelque liqueur propre à affoi-
olir la faculté génératrice : au moins eit-il certain
que les Iérophantes fe frottaient avec du jus de
ciguë, pour amortir le feu de l'amour, & rendre
plus facile à garder la chafteté dont ils faifoient
yoeu. On étoit perfuadé que l'initiation fero t
inutile, fî l ’on ne s'y étoit préparé par la .chafteté, j
où par quelques jours de continence. Tous ces
rapports nous autorifent à conclure que le dernier
raffinement de là myfticité,foit des initiations,
foit de la philofophie pythagoricienne , étoit de
rendre à lame fa liberté, en la dégageant de la
matière, le plus qu’il étoit poflibls 5 8ç de faciliter
fon retour vers les dieux, & fa réunion à la fiib-
ftance lunrneufe dont elle eft émanée. C'étoit ainfi
qu'elle paflbit de l’empire des ténèbres à celui de
la lumière ^ par une régénération .-myftérieufe.
C ’étoit- là cette lumière divine , qi/on faifoit
briller aux yeux de Y initié , après l'avoir fait trâ-
verfer l’obfcprité la plus profonde, cetaffpnchiflè-
ment & cette liberté qu'on regardojt comme le
plus grand fruit de Y initiation. •
D ’après tout ce que nous venons de dire, il eft
ailé de voir que l'efprit des myftères ne fe borne
pas toujours à la fimple morale, ni aux premiers
befoins d’une bonne légiflation ; mais qu'on voulut
aller plus loin, & que le raffinement de la méta-
phyfîque fur la nature de l'ame & fur fes rapports
avec la divinité , firent partie des leçons de perfection
qu'on donna à ceux des initiés qui étoient
fufceptibles d’une éducation plus relevée ; car nous
ne croyons pas que ces lumières puffent être communiquées
au fimple peuple & aux hommes greffiers
qu’Qrphéë entreprit de civilifer. Pour eux, le
dogme des peines 8c des réconipenfes à venir, ou
la fable de l’élyfée & dp taj-tare, étoit fuffifjnte.
Mais on fait qu'il y avoit plufieurs degrés de perfection
dans Y initiation, 8c H eft à préfumer que
chacun é toit: fervi fuivapt fon goût, & proportionnellement
à fon intelligence. L 'initiation étoit
uue féconde éducation plus parfaite, une éducation
religieufe, qui avoit é té , comme le dit Arrien,
imaginée par les anciens, pour former l'homme, &
fs s moeurs. T el a etc fon premier but, &
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fon but le plus général > mais, entre la morale or*
dinaire d’une foeiété bien réglée, & la myfticité
rafinpe, il y a un intervalle immenfe j l'une eft
avouée par la rai fon , dont elle eft l'ouvrage 5 8c
1.autre ne mérite ,q,ue le mépris, comme étant
l’ effet d'un délire religieux
L'art téleftique ne contribua pas plus à guérir
les pallions de l'ame, que l'ait télefmatique ne
guérip celles du corps i l’un & l’auire étoient un
véritable charUtanifme en morale & en médecine.
Car les ablutjons & les purifications, & les expiations
étoient comme les talifmans de la médecine
Ipirifuelle ; elles n’avoient de vertu que celle que
Içpr attribuoit une ayeugfe crédulité. On promet-
toit i Yinitiï3 fans garantie il eft y ra i, que fon
aine ferpit préfervée du trouble & dp défordre
des paflîons j qu’ij obtiendroit la rémjflion de fes
fautes j qu'il feroit pprifîé de fes anciennes fouiK
lures, & même exempt des grands malheurs. Le?
purifications du Koës de Samothrace, aux pied?
duquel l ’initié alloit faire l’aveu de fes fautes ,
n’avoient d'autre effet que de débarraffer un cou»
pable du poids de fes remords, 8c ne le rendoient
pas meilleur. Comment en*effet redouter un mal
à coté duquel eft toujours placé le remède ! On
donna trop d’efpérance au crime, par la crainte
de jetter le coupable dans le défefpoîr, & la morale
fe perdit par les moyens mêmes qu'on avoit
imaginés pour la maintenir & la perfectionner.
Ces cérémonies purificatoires dont les livres d’Or?
phée & de Mufée contenoient les rits & les
régies, ayant la propriété prétendue de purger
■ 'l'ame, de délivrer des crimes pendant k vie 8c
des fuppiiees après la mort, multiplièrent fans
doute le nombre des initiés que leur confidence
tourmentoit, & qui cherchoient dans la religion
un moyen d'étouffer ce ver jrongeur que la-nature
place dans le coeur .du coupable ; mais elles ne
les rendaient pas plus vertueux pour l’avenir.
Cgtte doétrjne enleignée non-feulement à de$
particuliers, .mais à dès villes entières , devqit
nécefTairemënt tourner au détriment de la morale
publique , puTqu'elle affoibliftbit la crainte de la
juftice des dieux, que la doctrine de l'élyfée &
du tartare s’étoit propofée d’établir. Cette conséquence
a été parfaitement bien fentie par Socrate
( P lato, de Rcpub. lib. 2. pag; 364. $66. ) y
lorlqu’il fait pailer 1 homrr.e injufte, qui fe flatté
de trouver, dans les initiations& les facrifices,
un moyen d’echaper à la vengeance des dieux
que lès injuftices avoient provoquée. On nous
effrayera, dit-ilI, par la crainte des' fuppüces de
l’enfer j mais Cjui ne fait que nous trouvons un
remède à cette crainte dans les initiations ; qu’elles
font pour pous d’une reffource merveilleufe, 8c
qu’on y apprend qu il y a des dieux qui r.ousaffranr
chiffent des peines dues au crime. Nous avons
commis l’injuftice , oui ; mais nous y avons gagnç
de l ’aj-gent, & avec çét argept nous ferons lés
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frais des facrifices & . des offrandes deftinées^ à
appaifer les dieux. Cette confluence n’a été
malheureufement que trop de fois tirée par- ceux
qui ont cru qu’ils pouvoient s’acquitter envers la
juftice divine, en rendant à Dieu une partie de
ce qu’ils avoient pris aux gommes.
Les orphéotéleftes qui alloient mendier à la porte
des grands , & trafiquer des faveurs de l’élyfée,
s’engageoient à purifier les coupables de toutes
fouillures, & à les affranchir de toutes les fuites
des crimes commis , foit par eux , foit par leurs
pères , & cela à très-bon compte j ils s’engà-
geoienc auffi à faire tomber fur leurs ennemis la !
vengeance des dieux, qui étoit toujours à leurs
ordres. La mère d’Efchine vivoit en partie de ce
métier. Ces mifçrables charlatans effrayoiënt le
peuple en menaçant du noir bourbier les âmes
de ceux qui n'auroient pas fait les frais de Y initiation
t & qui ne fe feroient point fait purifier.
Ils faifoient en .petit ce qu'on faifoit plus en
grand 8c d'une manière plus triomphante à Eleufis.
Il eft vrai que les anciens voulurent parer aux
inconvéniens qui pouvoient réfulter de l’abus de ,
ces remèdes , en écartant des fandhiairés une cer- i
taine clafie de coupables , & en n'accordant pas ;
l’expiation à toutes fortes de crimes. Ils enfei-
gnèrent qu’il y a des hommes qu'il faut livrer à
d'éternels remords, & à qui la religion ne doit t
point offrir de reffource contre les reproches de
la confcience. Nous en avons.un exemple dans
Conftaritin, fi on en croit Zozime ( Zo^mo , ;
liv. 2. ) Ce prince féroce, fouillé du fang de fa ;
famille, fe préfente aux prêtres pour fe. faire purifier
, 8c pour calmer les agitations d'une confcience
déchirée par les remords } bn lui répond
jqu'il n'exirte point d'expiation pour d'aufli énor- 1
mes forfaits. Un flatteur du palais, témoin de fon
défefpoir, lui apprend que la religion des chrétiens
expie tous les crimes i & qu’ en l’embraffant
fes forfaits feroient effacés. Conftantin raffuré fe
déclare le prote&eur d’une religion qui ne rejet-
toit pas de fon fein les plus grands criminels, &
qui leur rendoit, par le baptême , le privilège de
l'innocence. Nous tirerons de ce paffage cette
feule coriféquence , que les anciennes initiations \
«'avoient pas imaginé d’expiations pour tous les 1
crimes, qu’il y avoit certains forfaits qui fer- i
moient à jamais l’entrée des fanétuaires, & qu’on 1
aima mieux livrer à l ’horreur des remords les ,
grands coupables, que d’encourager le crime
par la faculté d’expier. On crut devoir donner
d p bornes à la clémence comme à la juftice des
(d^eux.
INJURE, Les anciens en firent une déeffe, .
A u . Les grecs la nommoient A te , de écrou 3 «r»,
nOceo 3 i&do. Kéfiode, dans fa Théogonie ( v. 2$o.)
h fait fille d Éride, c'eft-à-dire, de la querelle ou
Antiquités, Tom$ u t
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de la chicane, & dit qu’elle étoît feeur delà Dyf-
nomie, c’eft-à dire, de la defobéiffance aux loix,
& d e même génie , de. même moeurs qu'elle. Homère
( lliad. ou L XX. v. 19.) dit qu'elle étoit
fille de Jupiter j qu'elle nuifoic à tous les hommes,
qu'elle avoit nui à fon propre père, le grand
Jupiter ; qu'elle avoit les pieds fort tendres, fore
légers j qu’elle marchoit fur la tête des hommes
fans toucher jamais la terre.
INO', fille de Cadmus & d’Hermione, époufii
Athamas, roi de Thèbes, en fécondés noces,
après la mort de Thémifto. Les uns difent que
celle-ci mourut fans enfans, & quT/zo n’époufa
Athamas qu’après fon veuvage.- D ’autres difent
que Thémifto ne fut que la foconde femme d’Atha-
! mas ; qu’il l’époufa après avoir répudié Ino y qu’ il
en eut deux fils, qu‘Ino fit périr de la maniéré
I qu’on le dira au mot Thémifto. A ce compte , A llu mas
auroit eu trois femmes.. D’autres ne lui en
donnent que deux, Ino 8c Néphélé , 8c difent
.qu’ il répudia Ino pour époufer Néphélé j qu’ayant
enfuite repris Ino, celle-ci perfécuta Phrixus &
Hellé , fils de fa rivale , & qu’ils fe garantirent
de la mort qu’elle vouloir leur donner, comme on
le dira au moi Néphélé. Quoi qu’il en foit, elle
eut deux fils d’Athamas , Léarque & Mélicerte.
Elle traita les enfans de Néphélé en vraie marâtre
, 8c chercha à les faire périr, parce que ,
par leur droit de primogénîture, ils dévoient fuc-
céder à leur père, à Texclufion des enfans dTno.
Pour réuflir plus sûrement dans fon entrepHfe,
elle la couvrit du voile de la religion. La ville de
Thèbes étoit défolée par une cruelle famine , dont
on prétend qu’elle étoit elle-même la caufc, ayant
empoifonné le grain qui avoit été femé l’année
précédente j ou , félon Hygin, l’ayant fait
mettre dans de l’eau bouillante pour en brûler le
germe. On ne manquoit jamais dans les calamités
publiques de confulter l’oracle; les prêtres étoient
gagnés par la reine 5 & leur réponfe fut que, pour
faire ceffer la défojatipn, il falloit immoler aux
dieux les enfans de Néphélé : ceux-ci évitèrent,
par une prompte fuite , le barbare facrifice que
l’on vouloit foire de leurs perfonnes. Voye^N éphélé
, Ph rixu s .
Athamas ayant découvert les cruels artifices de
fa femme , fut fî fort tranfporté de colère contre
e lle, qu’ il tua Léarque, un de fes fils , 8c pour-
fuivit la mère jufqu’à la mer, où elle fe précipita
ave.c Mélicerte , Ion autre fils.
Ovide a charité cette fable dans fes métamor-
phpfes. Junon, dit-il, irritée de ce qu’après la
mort de Semçlé , Ino, fa foeur , avoit ofé fe charger
de l?éducation du petit Bacchus, jura de s’en
venger. Elle defcendic aux enfers, engagea les Fu-
! riqs à s'emparer d'Athaçias ; elles lui troublèrent
j tellement le fens, qu’il prit fon palais pour une
i forêt, fa femme & fes enfans pour des bêtes
M m