
xxxviîj .2 C H R O N
T e lle eft cette chronique tant vantée, 8c que
l’on préfère aujourd’hui au fyftême des anciens
prêtres de Vulcain ou d'Hérodote leur inter»
prête.
O n obfervera avant tout qu* Africain 8c Eu-
febe, tous deux copiftes de Manéthon, ont des-
différences énormes, continuelles, fur la fuc-
cellion, le nombre des rois, fiir leurs années,
fur l’ordre des dynafties, 8cç. ; 8c ees contradictions
ne préviennent pas en faveur de leur ouvrage,
ni de celui qu’ils ont calqué. C ’eft donc à
la XIIe dynaftie que fe trouve le Séfoftris d’Hé*
dote •, & certes la file immenfe de rois qui fui-
v ent, détruit bien complettement ce que nous
av ancé, fi elle eft vraie : mais il faut prouver
cette condition, 8c un.examen critique ne lui
eft pas favorable.
Je reprends cette lifte dès fon commencement.
A la IIe. dynaftie fe préfente un Sefochris,
haut de cinq coudées & large de trois. Voilà une
fingulière circonftance 1 Mais il eft bien fingu-
lier que^ce foit prefque la même qui eft ajoutée
au Séfoftris de la X IIe. N e feroit-ce point le
même prince ? L e temps de leur règne appuie
cette idée. T o u s deux régnent 48 ans : le titre
de leur dynaftip ne la détruit pas ; car Séfoftris
ayant régné fur Thèbes & fur Tanis1, peutêtïe
appellé Tanite & T h éb a in ; mais la fujte.aehève
de confirmer cet apperçu.
Quarante ans après Séfochris, les Lybiens fe
révoltent. O r Séfoftris fut le premier qui les fournit
; il paroît même qu!on doit entendre ici les
Ethiopiens de Thèbes : alors il fe trouve que c’eft
en conféquence de cet événement que Zarhâ9
roi de ce p a y s , paroît en Paleftine fur ia fii^
d’A fa , après avoir fecoué le jo u g , 8c même
avoir fait fans doute la conquête du royaume
de Memphis,
Dans la dynaftie fuivante, on vo it un roi
dont Manéthon recennoît l ’identité avec le
Cheops d’Hérodote,
Après ce la , le prêtre égyptien fe perd dans
un cahos de rois de différens pay's, tels qü’Hé-
raclée, Eléphantine, Memphis, & c .
A la XIIe. dynaftie, il rentre dans le fentier
) I O G I E
qu’il-a déjà parcouru, mais il ne s’y reconnoîc
point. Il nous donne pour rois de Thèbes les
aïeux de Séfoftris qui n’y régnèrent point, puif.
qu’il n’y régna lui-même que par droit de conquête.
bien plus, non content de doubler les
liftes, il double aufli, les noms; car Séfoftris eft
certainement le même que Sefoncho-ris% ayant
également Un Ammanémès pour père : o r , le
nom deSéfoncho-ris eft le même que Séfoch ris,
dans lequel on reconnoit évidemment le Sefak
deà Hébreux, avec la finale ris ou ras, qui
veut dire roi.
L e même prince reparoît à laX IX e dynaftie;
car Sethos eft le nom fous lequel Diodore a
connu Séfoftris, en y ajoutant la définence
dîàle&ique i s , il a fait Sejto-ofis ; auffi la guerre
de T ro y e fe trouve-1-elle placée peu après ce
S.éthoSé .
Enfin notre aveugle le ramène, encore à la
XXIIe. dynaftie, fous le nom de Sefonch-is
(toujours Sefac-is.;N Nous l’avons vuT h éb a in ,
Memphite, T an ite , le voici Bubaftite. L ’Op*
roth qui le fuit eft le Zarhâ des Hébreux. Viennent
enfui te comme dans Hérodote Sabbaco 8c
Sevechus, qui femblent n’être qu’un ; puis Tac-
c u s , le Tarakah des Hébreux fuit immédiatement.
Enfin il termine par les autres rois qui
nous font connus, mais tellement altérés, qu’il
ne parie point des douze .rois!, & que Nechao
ou N echos ne règne que l’an 3 9o , fix ans après
la bataille de Mageddo.
Voilà comme Manéthon défiguré par A fri-
canus, fe perd dans un cahos d’abfurdités. Errant
dans le labyrinthe de fes dynafties, il v a ,
il vient, il fort, il rentre, il tourne fans fe re-
connoître. Il joint bout à bout des liftes qui
font les mêmes, 8c de quatre il n ’en fait qu’une.
Il falloit avoir auflî-peu de critique qu’Eufebe
8C le S yn ce ile , pour ne pas faifir ces répétitions
bien plus fenfibles encore par les détails
qu’ils avoient en main ; mais i|s étoient accoutumés
à eh dévorer bien d’autres *, c’eft fur le
même plan qu’eft bâtie la lifte de Diodore (1 ),
^ ou plutôt d’Eratofthènes.
(1) Diodore, lib. I. pag. és.
XXX JX
D E S D O U Z E
S e f t o o f î s . 5ans. conquit 1» Thracè, la
Scythiej EAfie, l'Inde.,
&c.
5 onfilsSeftoofîs.. .o
Après lui une lacune immenfe de rois, (interpolés) *
Amafîs..................... o vaincu par A&ifanes
l’Ethiopien.
Marus ouMendès. .o
Cinq générations en anarchie.
protée.....................o De fon temps la guerre
de Troye.
Sept générations.
C h e m b è s . .3
Cephrène............
Mycerine.................d .
Bocchoris.. . . . . . .o
Après plufieurs générations i
Sabacon l’Ethiopien.o
Interrègne.. . . . . . . i
X II Rois.... ...........iy
Pfammitik......... .. . . Q •
Quatre générations après.
Apriès...............11
Amafîs...........• • ‘ •55
Pfamménit, 6 mois, &c.
Ainfi que Manéthon, 8c fans doute fur fes
traces, Diodore fe perd dans un dédale de d y nafties
apocryphes, quand il fuppofe cette férié
immenfe de rois ignorés.
Son Achfanes paroît être Sabacon.
A Marus femble commencer une fécondé
lifte ; car le nom de ce roi répond au Mceris
d’Hérodote, 8c Protée ne différé que d’une ij
génération de la place qu’il occupe chez cet
écrivain.
Entre Sabacon 8c les douze rois, il y a une
lacune manifefte , 8c les temps qui fuivent,
quoique les plus faciles à connoître, font abfo-
liiment tronqués.
D e telles erreurs furpendront fans doute ( i) :
(i) Elles ne le devroient pas dans Eratofthènes
S I E C L E S.
mais il faut s’y accoutumer. Elles fe retrouvent
dans prefque toutes les parties de la chronologie
ancienne : nous verrons de pareils double-
mens chez les Mèdes, les Babyloniens, Jes
Afiyriens (2) : c ’eft eux q u i, mafquant jufquici
les rapports des temps des nations, en ont fait
manquer l-’enlemble. Par un cas fingulier , il fe
trouve qu’Hérodote a par-tout évité ce défaut,
parce que, comme nous l’avons dir, fon ouvrage
eft le réfumé des notions des favans indigènes.
Les autres écrivains ont bien recueilli
des monumens originaux 8c authentiques ; niais
on .s’eft trompé en regardant leurs chroniques
comme des ouvrages digérés : ce ne font que
des compilations où Ion a entafife fans ordre
: des monumens de différentes mains, qui fou-
: vent font les mêmes. T e l eft le recueil de Ma-
néthbn, où l’on trouve répétée jufqu’à quatre
fois la même lifte, la. même férié de princes.
Mais il eft encore en cette partie un motif
particulier d’erreur auquel on n a point fait allez
d’attention. Jufquici l’on a voulu prendre cette
foule de dynafties pour des familles qui fe feraient
fuccédées dans le gouvernement de
l’E gypte, confédérée comme ne formant qu un
feul 8c même état. Cependant il eft incontefta-
bie qu’elles ne font que des liftes de rais de
différens états, qui régnèrent de front & dans
des temps parallèles. lVîarsham, dans 1 etude
particulière qu’il avoit fait de eétte hiftoire,
avoit fenti cette vérité ; mais les érudits l’ont
réjettée, .parce qu’il n’y avoit pas de palïage
grec ou latin qui le dît en termes formels. C e pendant
n’eft il pas abfurde d’imaginer qu’une
étendue de pays de plus de deux cents lieues
de longueur, ait été de tout temps réunie fous
un même prince? N ’eft-ce pas aller contre
toutes les règles de la nature? N ’eft-il pas dans
les loix de cette nature, que tout pays Toit d’abord
habité par des fauvages chafieurs 8c p ê cheurs
? Dans cet état l’homme vit ifolé, parce
qui n’a pas entendu l’égyptien , comme il eft clair par
un paflage. Il dit dans fa lifte des rois de Thèbes,
qu’Apappus le Grand vécut cent ans moins une h e u r e ;
il a pris cette h e u r e pçurla vingt-quatrième partie du
jour ; mais il eût dû l’avoir que jadis les Egyptiens appelaient
h o r c e les faifons, Sc qu’ils comptoient par
faifons avant décompter par années.
(i) Ils exiftent dans les premiers Rois d’Athènes , où
l’on compte deux Cécrops, deux Pandion , deux
Ere&hée.