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fe fervoit pour dompter les dieux & les hommes.
cc Je vas , dit-elle , trouver KOcéan & T h é ty s ,
» qui , dans leur palais, m'ont nourrie &r élevée
sy avec tint de foin, & je vas les trouver pour
» faire ceffer le différend qui, les tient brouillés
» depuis long-temps ». Quand elle eut obtenu
ce qu'elle fouhaitoit, elle fe rendit fur le mont
Ida auprès de fon mari, qui, furpris de tant d'éc
lat, lui en demanda la raifon: elle lui donna le
meme prétexte qu'elle avoit allégué à Vénus;
mais le dieu, épris de tant de charmes, l'arrêta,
& pour dérober fes tranfports aux yeux des dieux
& des hommes il s'enveloppa, avec fa femme,
d un nuage fi épais que le foleil même ne pouvoir
pas le pénétrer. La rerre de fon coté, pour
rendre le lieu plus agréable & plus commode,
pouffa des herbes & des fleurs. Elle devoir donc,,
fui van t elle-même, fon éducation à l'Océan & à
Thétys. Les argiens de leur côté foutehoient que
les trois filles du fleuve Aflérion avoient nourri
Junon: elles fe nommoient Eubéa, Porfynna, &
Aeréa ou Aerona. Le nom d'Eubea fut donné à
roontagne fur laquelle le temple de Junon étoit
bâti. Eupoiême fut l'arc hit e â e de ce temple, &
Phoronée, fils du fleuve Inachus , en fut le fondateur.
On voyoit dans le veflibule les ftatues de
tous les prerres de la deeffe : c’étoît à Argos une
dignité très-confidérable ( Voy. C h r y s is ). Enfin
il y en a qui prétendent que le foin de fon éducation
fut confié aux heures. ( Voy. H eu r e s ),
Ori n'eft pas. plus d'accord fur les circonflances
de l'uniorj de Junon avec Jupiter, que fur le lieu
de fon éducation, tes uns difent qu'elle aima Jupiter
avant d'êrre fa femme , & qu'ils avoient
eu enfemble de grandes privautés avant le mariage,
& à l'infçu de leurs parens. D ’autres affurent
qu'elle réfîfta long-temps aux importunités de ce
dieu, fon frère ; & qu’un jour qu'il la pourfui-
voit avec beaucoup d'ardeur elle fe réfugia dans
l'antre d'un certain Achille , dont les difcours
l'attendrirent tellement en faveur de Jupitfer
qu'elle fe rendit fur le champ. ( Voy. A chille/..
D ’autres racontent qu’un jour Junon 3 après une
longue promenade, s'éloigna de fes compagnes
& fe coucha fur l'herbe, en un bel endroit de la
montagneThomax dans le Péîoponèfe. Jupiter qui
la vit dans cette fituation, en fut épris; il fe dé-
guifa en coucou, & ftifcitant un froid extrême dans
l'air, tout tremblant & tout gelé il s’alla jetter
ertre les bras de la déeffe, qui par pitié le réchauffa.
Il reprit alors fa forme ordinaire, lui promit
de l’époufer, & en obtint ce qu’il voulut:’
de-li vint que les argiens firent pofer , fur le
fcgptre de la déeffe, la figure d'un coucou en or,-
Juplter époufa enfuite la déelTe dans les formes,
& leurs noces furent célébrées fur le territoire
des Gnoffiens, près du fleuve Thérènç, où , du
temps de Diodore, on voyoit encore un temple
entretenu par des prêtres du pays. Pour rendre ces
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noces plus folennelles, Jupiter ordonna à Mercure
d y inviter tous les dieux, tous les hommes &
tous les animaux. Tout s'y rendit, excepté la
nymphe Chelonée qui en fut punie. ( Voy. C hé-
T o r t u e ) . Le lendemain de fon mariage
elle s alla J a ver dans une fontaine qui eft entre le
Tigre & 1 Euphrate, dont les eaux eurent depuis
une odeur fl agréable que l’air d'alentour étoit
embaumé.,
Jupiter & Junon ne s'accordèrent prefque jamais
: cette déeffe étoit une prude acariâtre,
hautaine , jaloufe > & vindicative ; c’étoient des
querelles & des guerres perpétuelles. Son mari,
qui lui donnoit de fréquens fia jets de jalon fie ,
la battoir & la maltraitait de toutes les manières.
Homere raconte que quand Jupiter fe fut apperçti
du préjudice que les troyens avoient foutfert de
la diftraétion que Junon lui avoit caufée pendant
que^ Neptune fe battoit contre eux, & ayant de-
v né le motif qui .avo t engagé fa femme à redoubler
fes ch a rm e sla menaça du fouet, & lui demanda
fl elle avoit oublié le tems où il lui avoit
attaché une enclume à chaque pied , & l’avoir
laiffé pendre entre le ciel & la terre, à la vue
de tous lès dieux qui s’efforcèrent en vain de la
délivrer ; car il précipitoit du ciel en terre tout
ceux qu il faiflffoir. Junon reçut la réprimande avec
foumiffion, fe difculpa par de faux fermens, &
promit de fe conformer aux défirs de fon mari.
On raconte diverfement la punition que Jupiter
rappelle ici a fa femme. On dit que Vulcain .voulant
connoitre ceux à qui il devoit la v ie , & que
Junon s'obftinoit à lui cacher, fabriqua un fiège
conftruic de façon que, quand on y étoit une foii
aflis, on ne pouvoit plus s’en détacher. Junon en
fit l’effai, & Vulcain refufa de l’en tirer, iufqu'à
; ce qu on lui eût révélé le fecret de fa naiffance >
& qu on l’eût admis au nombre des dieux. D'autrej
difent que Vulcain voulant fe venger de Junon, lui
envoya^ un trône d'or, auquel elle fe trouva liée
^ aS cl^ e^e SV ^ut placée. Bacchus fut le feul qui
pût réfoudre Vulcain à retourner dans le ciel > encore
falIut-T qu'il l'errivrât pour l'engager à ce
voyage. On voyoit à Athènes un tableau qui re*
préfentoit Bacchus ramenant Vulcain au ciel; &
à Lacédémone un ouvrage de fculpture qui repré-
fentoit le même Vulcain déliant Junon. Voyez
V u l c a in . g *
Enfin, d’autres racontent la difgrace de cette
reine des dieux de la manière dont on vient de
voir, pue Jupiter la lui rappella, & difent que
la chaîne dont il lui lia les mains étoit d'or. Il
alla enfin jufqu'à la répudier & à la chaffer du
ciel. Elle fe retira à Stymphale. Jupiter voulut fe
raccommoder avec elle, mais elle réfifta longtemps.
Enfin, il fit courir le bruit qu’il alloit fe
marier avec Platée, fille d'Afope; & cette nouvelle
fit plus d'imptefifion fur le coe u r de là dée#e B
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<que wutes les prières de Jupiter : elle retourna au
plus vite prendre fa place. Cette réconciliation fe
fit par les confeils & par l'entremife du mont
Cythéron; d'où Junon fut nommée Cythéronia»i
Voyei C ythéron, Platée.
Le penchant que Jupiter avoit pour les belles
déelfes & pour les belles mortelles , excita fou-
vent là jaloufie & la haine de Junon : mais aufli'
elle donnoit fouvent occafion à la colère de fon
'mari par fa mauvaife humeur, par fa méchanceté, ;
& par fes intrigues galantes. Le dépit qu’elle eut I
de voir Epaphus, fils de fon mari& d'Iô, gra-'
tifié d'un royaume, la porta à confpirer contre i
fon mari, & à lui fufciter la guerre des titans*;
Une autrefois elle confpira avec d'autres dieux,!
pour détrôner fon mari & le charger de liens ; !
mais Thétis ;,la Néréide amena au fecours de Ju-:
piter le formidable Briarée, dont'la feule préfence
arrêta les pernicieux deffems de Junon & de fes
adhéréns. Quant à fes intrigues amourèufes , elle
avoit eu dès compIaifanCes pour le géant Eurymé- ;
don, avant même d'être époufè de Jupiter. Le
dieu s apperçut apres les noces, que dans peu de
jours elle alloit être mère d’un enfant qui ne feroit
pas de lui. Junon jura qu’elle avoit conçu d'elle-
même : il le crut ; niais il ne laiffapas dé déchar-
ger fa colere fur 1 enfant, fous d’autres prétextas
{ voye^ Promethee ) , & de précip.ter le géant
dans les enfers.
entans, Mars, Vulcain & Hébé. On a dit qu’ils
etoient venus naturellement; mais d'autres alfu-
" jra j Jupiter n’eut aucune part à leur naiffance.
Elle lui fit aceroire qu'elle avoit conçu Mars par
Je/impie attouchement d'une fleur que Flore lui
avoit indiquée. Foye^ Mars. ,
Elle devint enceinte de Vulcain, fahs autre fecours
que celui du vent. Elle devint mère d'Hébé
Amplement pour avoir' mangé des laitues avec
beaucoup d’appétit. Voye£ Hébé. ’
Fachee de .ee queifon anari a voit , enfanté Mi-
nerve fans aucun fecours de fa femme..elleinvo-
cjuale ciel , la terre & tous les dieux infernaux
pour,a voir un fils fans l'aide, de Jupiter ; el le frappa
ia terre^ la fit trembler jDiit.ce tremblement pour
un bon augure ..fe tint féparée de fon mari pendant
Un an, au bouc duquel elle. ut un fils qui ne reflem-i
bloit m aux hommes, ni aux dieux : ce dut Tv-
phorî. Voye^ T yphon. , ; , . J !
Elle eut encore une fille don t on ignore le père : ■
ce tu- llythie. Ces conceptions mvllérieufes n'em-
pethereiit pas qu’elle cù- du lait ftiiva-.t le cours:
ordinaire de la nature ; elle donna même le fein
a 1 un des fils naturels de Jupiter. fC'H ïRcuiX . 1
v; 9 ,n ar dit »“ * cette déeffe dégniféé en
Vieille, fe trouva arrereepar fin fort mauvais rems:
aupaflage d une riviete:; ,,que Jàfon fia prit furffes
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épaules, & la p>ffa ; qu’il perdît même'un de Es fou*
liefs en rendant ce bon office ; que pour le féeoVn-
penfer, elle Jui accorda fes faveurs : on a ajoute
-que Jàfon ne s’apperçut qu’il avoit eu les bonnes
grâces de Junon, qu’à la frayeur dont elle fut faifle
au bruit du tonnerre, qui étoit la voix de Jupiter
qui la rappelloit : d’autres ont dit que Jafon ne
devoit uniquement fa bonne fortune qu'aux charmes
dont là nature l'a voit pourvu, & auxquels Junon
ne put rélifier. Enfin , plufièurs auteurs difent que
l’ifle de Samos étoit fameufe' par'les débauches de
-cette déeffe > qui s’y retiroit pour fe livrer à la
proftitutio'n. Il faut avouer cependant qu’elle fe
tira avec honneur de l’aventure d’Ixion. Voye%
■ IxiON.
On né voit pas que Jupiter fe Toit plaint des infidélités
de fa femme, quoiqu'il effuyât fouvent
■ des reproches de fa part fur fçs fréquentes galanteries
avec des mortelles. Junon étoit fans doute
plus adroite que lui à cacher fes intrigues ; d'ailleurs
elle avoit un fecret admirable pour en déguî-
fer lés effets ; il lui fuffifoit de fe laver dans la
fontaine de Canathe, auprès deNauplie, que l’on •
appelle aujourd'hui Napolie de Romanie, pour
recouvrer fa virginité : avec ce beau fe c re t, elle
pouvoit trômpér fori mari autant qu'elle jugedit à
propos. Avec tout cela, on dit qu’elle haïffoit
en général toutes l’es femmes galantes ; & c'efl peur
cette raifon, ajoutç-t-on:, qùe Numa leur défendit
à toutes, fans exception, de paroître jamais
dans les temples de Junon: ■
S i, comme le croyoient les anciens , la vie heu-
reufe & tranquille,étoit l'appanage de la divinité ,
ÿ ,Peut que Jurton3 la plus grande des déeffes,
étoit celle qui y avoir le moins de part ; fes emplois
fon caractère Jui donnoient fans ceffe les occupations
lesNplus fatigantes 8e les plus défagréables.
Elle préfidoit aux mariages, à toutes les cérémonies
& à tous les événement .qui les précédoient, les
' acço.mpagnQÎent & les fuivoient. Elle s ’appdloit
, Inter duc a 3 Iterduca, ou Domiduca 3 parce qu'elle
^a^çompagpoit la mariée, |arfqu’e]le fe reodoit à la
mai (on dë fon mari. ,Elle s appejloit Vnxiw, parce
qu'eljç préfldoit à ja -cërémon'e.quèfaifoit la femme
en graiffantla porte de la maifon dé fos} mari.avant
que d y entrer. Mais Junon ne s'arrêtoit pas à la
porte de la chambre nuptiale ; Torf fecours étoit
encore néceflaire dansflejic nuptial ; elle y entroit
fous le nom de De a mater prenia , dé Deapertunda
accompagnée du dieu pùter fubigus. Cette déeffe
préfldoit encore aux accouchemens.
Elle préfldoit encore aux empires faux royaumes
& aux richeflës : c'eft àufii ce qu'elle'offrit à Paris
s;’il vouloit ’ lui adjuger le-prix de la beauté. Elle
prehéir mn foin particulier des ornemens des fem-
mes ; c'eft pour' cela que dans fes portraits fes
chéveux paroiffoient élégamment ajufiés. On difoir,
comme une efpècede proveibe , que les ccétëu^