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bougies, comme nous , mais des lampes de differentes
grandeurs, formes & matières, d'où vient
le proverbe latin , tempus s6> oleum perdidi, pour
dire, fai perdu ma peine. Dans les premiers temps
de Rome, ces lampes croient la plupart très fïmples,
de terré cuite, ou de bronze} mais par l'intro-
duélion du luxe, on en fit d'airain de Corinthe,
d’o r , d'argent, & à plufieurs mèches} enfin,
Ton en difpofa par étages , qu’on pliçoit fur des
luftres , des candélabres à plufieurs branches, &
qui formoient une véritable illumination.
En fecÔnd lieu, Tubage de ces lampes fut très-
commun dans les maiDns aux jours de réjoujffance,
& de noces & de feftins qui fe faifoient feulement
la nuit. On ns voit, dit Virgi'e dans fa deferip-
tîon d’une brillante fête, que lampes pendues aux
lambris dorés , qui étouffent là nuit par leur lu-
piiçre :
........... Dépendent lychni laquearibus aureis ,
Jncenji & noBem flammis funalia vincunt.
En tro ifièm e l ie u , l ’ u fag e des lampes s’in tro -
duifît p o u r le s fe p u lc re s . O h en mit d ans les
tom b e a u x , mais raremen t en ferm ée s dans- le cer-
’ c u e i l , & c e s lampes prirent le nom de lampes fe-
pulchrales , q u e qu e lq u es mode rne s o n t p ré ten d u
brû ler é tern e llem en t. - JTo.ye^_ L a m p e s INEXTINGUIBLES
»
Lorfqu’on enterroît vive une veftale qui avoit
enfreint fon voeu de chafteté, on mettait dans
fon tombeau une grande lampe qui brûloit jufqu’à
ce que l ’huile fût confumée.
Enfin, les romains, ainfi que les grecs , avoient
des lampes de veille , c’eftrà-dire , deslampespai-,
ticulières, qu’ ils n’éteignoient jamais pendant la
nuit, & qui étoient à l’ufage de tous ceux de la
niaifon. Çet établiffement régnoit par un principe
d’humanité} c a r , dit Plutarque ( dans fes quef-
tions romaines fur cette coutume, quefi. 75. ) , il
n’ell pas honnête d'éteindre une lampe par avarice}
mais il faut la laiffer brûle? pour que chacun
puiffe jouir à toute heure de fa clarté : en
effet, ajoute t-il, s’il étoitpoffible, quand on va
fe coucher, que quelqu’un fe fervît alors de notre
propre vue pour fes beioms , il ne faqdroit pas
Jui en refufer l’yfage, ( D. J. )
. Clément Alexandrin ( Strom. i f n° 16. ) , &
Eusèbe ( Prsf. Evangel. lib. X. cap. IJ. ) attribuent
aux égyptiens l’invention des lampes. On
n’en çonnoiffoit point encore 1 ufage au temps du
fiège de Troye. Les pourfuivans de Pénélope,
dans rôd y ffé e , placèrent dans la falle,trois br a f i ers
pour éclairer 3 & les remplirent d‘un bois odoriférant...........
ils allumèrent etéfpace» en efpace des
torches y & les femmes du palais d'Ulyjfe | éclai-
rpftnf tçurà tour. Télémaque monte à fa çham*
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bre, conduit par Euriclée , qui portoît deux torches
allumées devant lui. Ces br a fi ers dans lef-
quels on brûloit du boisf étoient pofés fur des
trépieds, comme les lampes le furent fur des
candélabres.
Il y a des idées communes à tous les peuples.
L ’inconftance, lé changement & la variété font
conftamment de ce nombre } & les nations les plus
fages -ont été fourni (es à ces idées darts'plufieurs
de leurs ufages. Nous ne jugeons ordinairement de
la façon de penfer des anciens à cet égard , que
fur des objets de culte , toujours mo;ns fujets aux
influences du changement. Je fuis donc perfuadé,
ditCaylus, que fi nous étions plus inftruts des
détails de la vie domeftiqUe de ces mêmes anciens
, cette conje&ure feroit bientôt convertie
en une réalité confolante pour la nation
fran ço ifeque l’on, accufe de légéreté dans les
modes. Quelques objets connus autorifent ce foup-
çon. Les lampes, 'par exemple, prouvent que les
romains ont épui.fé à leur égard prefque toutes les
combinaifons que leur ufage peut fournir : auffi je
crois qu’il eft poffible d’avancer, que tous les
cor^s dont l’épaiffeur a pu contenir une certaine
quantité d 'h ule , & permettre un lumignon
d’une manière à peu près vraifemblable, ont été
employés dans la forme deslamj0 s. La multiplicité
& la folidité de ce meuble nous mettent tous les
jours en état d’en juger : mais combien de bagatelles
plus légères, conduites par le même efprit de
changement, ont été perdues, & nous empechent;
de porter le même jugement ?
Non feulement tous les cabinets font remplis de
lampes de terre cuire & de cuivré } mais tous les
recueils gravés confervent la forme & les drnemens
d’un nombre infini d’autres qui ne fubfiftent plus.
« Je mettrai, dit Winckelmann ^ au nombre
des uftenfiles les plus curieux trouvés à Hercula-
lanum , les. lampes dans Iefquel!e> les anciens cher-
choient à faire voir de l’élégance, & même de la
magnificence : les chandelles moulées , ou à baguettes
, n’ étoient point alors d’un ufage général.
On trouve de ces lampes de toutes les efpèces
dans le cabinet de Portici, foit en terre cuite,
fbit en bronze, mais principalement de ces dernières}
& comme les ornemens des anciens font
ordinairement relatifs à quelque objet, on y rencontre
fouvent des fujets finguliers. Dans le nom»
bre de celles qui font de terre cuite, la plus grande
repréfente une barque avec fept becs de chaque
cô té , pour placer un pareil nombre de mèches.
L«e vafe dont on fe fervoit pour verfer de l’huile
dans ces lampes de terre, relfemble à une petite
barque ronde, dont le pont feroit feimé ; fon bec
eft pointu ; & au bout oppofé, il y a une petite
affiette concave, percée au milieu d’un trou, par
lequel on faifoit couler, dans la petite barque,
l’huile dont on remplilToit enfuite h lampe. Parmi
celle«
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celles qui font de bronze, on voit fur le bout de
»derrière de l’une des plus grandes une chauve-
fouris, dont les ailes font étendues, ce qu’on peut
regarder comme un emblème de la nuit : le tiffu
délicat des ailes de cet animal, les tendons; les
veines & la pellicule qui les recouvre , font travaillés
d’un art admirable* Sur une autre de ces
lampes on voit une fouris qui paroît épier le moment
où elle pourra lécher l’huile; & fur. une autre
lampe eft un lapin qui broute des herbes. Rien
ne montre mieux la magnificence des anciens dans
la conftruéfion de leurs lampes, qu’un piédeftal de
bronze, présentant une bafe quarrée, fur laquelle
on voit un enfant nud de la hauteur de deux
palmes. D ’une main , cet enfant tient une lampe
fufpendue à. trois chaînes entrelacées quatre fois}
& de l’autre , il foulève une autre chaîne formée
comme les premières, à laquelle eft attaché le
crochet qui fervoit à arranger la mèche. On voit
auprès de l’enfant une colonne avec des cannelures
tournées en fpirales ; & à la place du chapiteau,
il y a un mafque qui fert auffi de lampe.
La mèche fortoit par la bouche, & l’on verfoit
l’huile par une ouverture pratiquée fur le fommet
de la tête ; cette ouverture fe fermoit par Le
moyen d’une petite plaque ou foupape à charnière
».
« J’ai rarement trouvé des lampes étrufques. Il
eft donc à préfumer qu’elles font peu communes}
c’eft pourquoi j’ en vais décrire une. Elle eft formée
par une tête , ou plutôt par.un mafque de
théâtre, dont le travail eft fec. & auftèré, ainfi
que les pans & les ornemens, dont le corps de la
lampe èft orné. Cette lampe eft de la plus parfaite
confervation , à la réferve de l’anneau qui fervoit
à la porter. Il faut cependant convenir, qu’on voit
au bas d’une des planches du mufeum etrufeum,
un petit vafe que l’on pourroit regarder comme
ufie lampe. Mais l’auteur place cë morceau parmi
les va lès funéraires } ainfi il eft toujours vrai de
dire, que ces fortes de monumens font très-
tares».
Lampes inextinguibles. Plufieurs écrivains
ont foutenu, que les lampes perpétuelles & inextinguibles
ont exifté., & ils rapportent des exemples
de lampes anciennes qui ont été trouvées dans ces
derniers temps encore allumées} mais qui s’etei-
gnoient dès que l’air venoit à entrer dans les lieux ;
fouterreins où on les avoit mi fes.Entre les exemples
qu’ on rapporte pour prouver cette op’nion ,
le plus fameux eft celui de Tulliola , fille de Ci- ,
ceron , dont le fépulcre fut découvert à Rome,
en 1 £40. On y trouva, dit-on, une lampe allumée,
-qui s éteign t dès que l’air y entra. Paufanias rap-
,cllle Calhmaque confacra une 'lampe d’o r , à
Athènes, devant la ftatue de Diane. On emplif- ]
foit cette lampe d’huile au commencement de
1 année , fit. elle étoit allumée jour & nuit pendant
Antiquités, Tome III,
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un an, fans qu’il fût befoin d’y toucher davantage.
Solin parle d’une lampe femblable, qui étoit
dans un temple d’Angleterre. On cite beaucoup
d’autres exemples de ces lampes perpétuelles trouvées
dans des fepulcres. Un feul fuffiroit (s ’il étoi^
bien prouvé ) pour .perfuader que la chofe eft poffible,
quand tous les philofophes enfemblè s’obf-
tmeroient à démontrer l’impoffibilité de trouve^
ou une huile qui ne fe confumerôit point en bi û*
lant, ou une mèche qui brûleroit perpétuellement
fans huile & fans nourriture. Mais des auteurs fen-
fés nient tous les exemples allégués, parce qu’ils
ne font fondés que fur des ouï-dires, fur le rapport
des manoeuvres qui auront vu quelque fumée
ou de l’air inflammable s’allumer à leurs flambeaux
, fortir des monumens, & qui trouvant en-
fuite une lampe, auront cru qu’elle s’étoitiiteinte,
8e que de là venoit la fumée. Ceque Paufanias Sc
Solin rapportent à ce fujet, n’étoit appuyé tout
au plus que fur le témoignage de .prêtres imposteurs
qui y mettoient fecrettement de l’huile. Plutarque
dit auffi, que Ciéombratus, lacédémo-
nien , vifîtant le temple de Jupiter- Ammon,
vit une lampe, que les prêtres de ce temple di-
foient brûler perpétuellement avec la même huile.'
ïLne rapporte pas cela comme une chofe quife
faifoit par art humain, mais comme un prodige
qui n’étant attefté que par ces prêtres intéreffés
à attirer les peuples à leur temple par cette merveille
, ne mérite aucune créance.
La plus légère teinture de phyfique fuffit pour
réfuter toutes les chimères de cette efpèce. Il n’efl
point d’huile^qui ne fe confume en brûlant, ni
de mèche qui brûle long-temps fans nourriture. Il
eft vrai que celle d’amiante éclaire fans déperdition
de fubftance', & fans qu’il foit befoin de là
moucher, mais non pas-fans affinent & après la
confommation dé fon aliment ; c’eft un merveilleux
impoffible. La mèche de lin pouvoir brûler un an
dans la lampe d’or ,• confacrée par Callimaque;
au temple de Minerve, parce qu’on ne laiffoit
point l'huile de cette lampe tarir , & qu’on la
renouvelloit fecrettement:
La lampe de Cardan nous montre de quelle nature
étoit la tromperie des prêtrés d’Ammon.
Cette lampe , qui porte le nom de fon inventeur
fe fournit elle-même fon huile. G’eft une petite
colonne de cuivre ou de verre bien bouchée partout,
à la réferve d’un petit trou par en bas au
milieu d’un petit goulot où fe met la mèche}
l’huile ne' peut fortir qu’à mefure qu’elle fe
confume, & qu’elle fait découvrir cette petite
ouverture.
Les lampes de Cardan pourroient s’appeller lampes
de Cafliodore} car les lampes que ce favant homme
inventa pour l’iifage des moines du monaflère '
qu’il avoit bâti pics de Squillace en Calabre ,
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