
Ixviij
C H A P I T R E X I I .
Supplément à la Chronologie des Hébreux.
J ’AVOis d’abord compté terminer ici .ces re
cherches chronologiques 5 mais un heureux
hafard m'ayant procuré des rapprochemens
nouveaux, je me fuis vu en état de compléter
la partie des Hébreux -, c’eft pourquoi je vais la
reprendie, 6c ac.hever d ’établir les temps qui
précédèrent David , autant qu’ils en font fuf-
ceptibles.
t e règne de Saiil fe préfente d’ab ord , & il
donne idée des difficultés dont eft hériffée cette
partie.
Saiil, dit le texte hébreu,quand il régna étoit âgé d'un an , & fon règne dura deux ans (1).
L ’erreur de ce pafîàge eft fi manifefte, que
les commentateurs même n’ont pu le la diffi-
muler. Pour la pallier , ils ont luppofé que l’éccorimvamien
uanv aogitn evauo udl'uu nd airne quqauned Sila iriél géntao ;it pur mais
de pareilles interprétations ne font bonnes que
pour des paraphrases myftiquès.
Il eft également impoffible que Saiil n’ait
régné que deux ans. T ou te fon hiftoire dépofe
contre cette duréej il eft un fait entr’autres qui
la dément avec une évidence qu’on ne peut
éluder. Il eft dit que David étoit jeune lorfquil
fut préfenté à Saiil : on ne peut lui donner alors
plus de dix-huit à 20 ans j 6c l’on rapporte en-
luite quil en avoit 3 © quand il lui fuccéda. On
doit donc reconnoître que le texte a été altéré
en cet endroit, ainfi qu’en beaucoup d’autres.
Le s chiffres ont diiparu dans les rédactions qui
fe firent des monumens originaux j il s’agit de
reftituer cette lacune.
Nous admettrons dabord avec Origènes 30
ans pour l’âge de Saiil quand il régnai & corn-
me ce point n’eft pas important, nous n’entrer
xons pas en preuve.
Q u a n ta fon règne, nous trouvons qu’il fut
de 20 ans;, c’eft l’opinion des plus anciens écrivains
, qui fans doute ont eu pour garant quelque
manuferit. Les Rois, dit l’hiftoritn J o fe -
plehse (2 ), régnèrent (tant) d’ années, y compris 10 de Saiil. Ailleurs il répète ( } ) , que Saiil
régna 18 ans du vivant de Samuel, ik dmx ans
après la mort de ce prophète. Il eft vrai que les
imprimés portent 22 au lieu de mais norre
leéiure eft celle de plufieurs manulcrits très—
eftimés, 6c de divers anciens qui ont fuivi Jo-.
fephe (4 ) . .
Il eft remarquable que le rédacteur des actes
des Apôtres a lu comme nos imprimés (5') ? car
il fait dire à Saint P a u l, que Saiil régna 40 ans.
C et écrivain auroit il fuivi les manuferirs de
Jofephe , repréfentés aujourd’hui dans les imprimés?
ou bien cette erreur appartient-elle à
un auteur antérieur, même à Jofephe? C ’eft
ce qu’il eft difficile de décider. Q u o ’. qu’il en
fo it , ces vingt-deux ans font une erreur qui pa-
1 roît venir d’une note, mife d’abord à la marge,
où l ’on réfumoit les vingt ans de Saiil, & qui
depuis, paffant dans le texte, a doublé la fom-
me. Les anciens fournifTent bien des exemples
de ces accidens.
Notre le<tur,e eft autorifée d ’Eupolème, écrivain
grec très-ancien -, & le Suffrage de cet
hiftorien a beaucoup de p o id s , parce qu’il
avoit travaillé immédiatement fur les livres hébreux
, 6c qu’il étoit très-bien inftrnit fur leurs
antiquités, comme le prouve ce fragment (S),
Movfe g o u v e r n a . . . . . . . , . . . . .4 9 ans.
J efus , fils de N a v é .............................. 30
Saiil mourut vers f a ................... . 2 1 e
D a v id .......... .. ..............................................4 0 , &c.’
(а) Ant. Jud. lib. X. c. 8. n°. 4.
(3) Tbid. lib. 6. c. 14. n°. 9.
(4) V o y . k ce fujet la note d’Havercamp. U l t im o
l o c o c i t a t o .
, (5) C. 13. v. ai. ,
f») V. S a m u i l , .lib. I. (б) Apud Eufeb. praep, evang.p. 447*
Ainfi nous donnerons vingt ans de règne à
Saülgi).
Les rédacteurs fe font épargnés la peine de
fe tromper fur le temps de Samuel : i s n’en ont
rien dit directement. Seulement ils nous apprennent
qu’il jugea plufieurs années •, &: qu’ayant
commencé de vieillir, le peuple le contraignit
de nommer un Roi. Mais il leur eft échappé
une petite ‘diffraction qui va encore réparer
cette lacune.
Il eft d it , qu’après la mort d ’H é li, l’arebe.
qui avoit été prife à la bataille d'Aphec, puis
rendue fept mois apres, fut transférées G a-
baa. Or, elley rejla long-temps dépofée, & il s'écoula
vingt ans, pendant lefquels Ifra'él vécut en
paix(i).
O n ne peut entendre ces vingt ans de tout le
temps q 1e l’arche demeura à G ab a a , jufqua
ce que David l’en retira ( 3 ). Ils ne peuvent fe
prendre que pour celui qui s’écoula depuis la
mort d’H é li, jufqu’au règne de Saiil, c’eft a-
dire, pour la judicature de Samuel •, 6c cela eft
clairement indiqué par ces m ots:Il s’écoula 20 ans, pendant lef quels IJraël vécut en paix. Car
cette paix n’a pu avoir lieu que tous Samuel,
qui paroît en effet avoir gouverné paifible
ment. Saiil au côntraire, fitôt qu’il fut facré,
commença la gueire, 6c la fit toute fa vie (4 )
Ces vingt ans feront donc le temps de Samuel-,
p lu s , les fept mois que l’arche refta chez les
Philiftins depuis la mort d’Héli.
■ (i) En général, le livre- de Samuel n’eft pas fort
exact en chronologie. On y trouve deux autres a b fu r -
d i t é s révoltantes; 1®. Il eft dit qu’Isbôfeth avoit 40 ans
quand Saiil fon père mourut ( a ) . Après avoir dit que
Saiil régna un an , & en vécut deux, comment ofe-t on
dire qu’Isbdfeth fon fils en avoit 40? D’ailleurs , lors
même que Saiil eût vécu 60 aas, ces 40 .ans d’Isbofeth
feraient faux, puifque Jonathas , fon frère aîné, à
cette époque , n’étoit que de l’âge de David, qui avoit
36 âns.
a«. Il eft dit ( ibid) qu’Isbofeth régna deux ans; ce
qui eft encore faux; car on a {tiareailleurs que la mai-
fon de Saiil régna 7 ans et demie fur Ifraël , tandis
que David régnoît fur Juda ; & Isbofeth ne périt qu’â
la huitième année. C. j &4-
(a) Samuel, lib. I. c. 7. v. 2»
(3) Ibid. lib. II. c. 6•
I4) Samuel !, c. 14. v. 2.
■ U) Lib. n. e. z. v. io.
Au-deffus de Samuel, il iféft plus poffible
de faire un pas féparément. T o u te la période
des juges fe rient par un noeud ind iilo l.ble de
difficultés, dont la férié fe prolonge jufqu’à
l’origine première. Pour entreprendre de les
léfoudre, il faut en reprendre la chaîne par les
premiers anneaux : nous ne remonterons point
au-delfus d’Abraham par des raifons qui feront
expliquées dans la fuite.
A cette hauteur, il fe préfente une difficulté
d’une efpèce étrangère à tout ce que nous avons
vu jufqu’ici. C ’eft la durée de la vie. O n ne voit
point {ans étonnement les âges prodigieux des
hommes d’alors, 6c le terme commun de leur
vie excéder du double celui de nos fiècles.
Q uoi ! les loix de la nature étoient-elies jadis
différentes de ce qu elles font aujourd hui ?
Exiftoit il donc lin autre ordre phyfique: O n
feroit tenté de le croire , d ’après les récits que
tous les peuples font de la haute antiquité. Ea
effet, Egyptiens-, Kaldéens , Indiens, Chin
o is , Bactriens, tous- s’accordent à nous re-
' préfenter un état abfolument contraire à i ’érat
actuel, ce ne font que proliges de toute efpèce
-, mais quand on y regarde de plus près ,
on s’apperçoit que tous les monftres des traditions
n’ont eu qu’une exiftence apparente ;
n on , ce n’eft point dans l’ordre immuable des
êtres qu’eft leur fiége, c’eft dans re cerveau de
l’homme-, c’eft dans fon imagination, dont la
glace infidelie ne réfléchit point les objets tels
qu’ils font : 6c dans les tableaux extravagant
qu’elle affemble, ce n’eft point le défordre de
la nature qu’elle peint, c’eft le fien propre. D e
bons efprits l’ont déjà fen t i, 6c l’on, ne fauroit
trop le répéter, tous les prodiges de l’antiquité
ont leur raifon dans l’entendement de l’homme
, 6c prennent leur folution dans le fyftême
intelle<ftu,el. Letfujet préfent en eft un exemple.
On fe trompe quand ôn imagine que les
âges prodigieux des anciens furent en effet ce
qu’ils ont l’apparence d’être : la caufe de cette
erreur gît dans l’équivoque d’un mot. Dès longtmeomisp
sà ll’'aurfmagéee ;s ’eft enraciné de donner douçe 6c l’empire de l’habitude a tellement
prévalu, que ce mot d’année empoire
urelque néceffairement aujourd’hui l ’idée de douçe mois. Cependant il eft très certain qu'elle
ne fut point ainfi compofée dans tous les rems.
Avant ce jour, ceci eût demandé une longue
differtarion \ mais déformais que cette vérité
commence à s’établir , nous n’aurons pas fre