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d'eu par une figure cubique, c’eft-à-dirô, quarrée
de tous les cotés , fans pieds, fans bras, & feulement
avec la tête. Servius rend raifon de cet
ufage par une fable j des befgers, félon lui ( Enéid.
VIII. 1 5 8 .) , ayant un jour rencontré Mercure
endormi fur une montagne , lui coupèrent les
pieds & les mains , pour fe venger de quelque
tort qu'il leur aVoit Fait > ce conte lignifie peut-
être qu'ayant trouvé quelque ftatue de ce dieu,
ils la mutilèrent de cette manière 3 & en placèrent
le tronc à la porte d'un temple. Suidas explique
moralement ( voce ) la coutume de
figurer les ftatues de Mercure quarrées, fans pieds
& fans bras, & de les placer aux veftibules des
temples & des maifonsj car, dit i l , comme on
tenoit à Athènes Mercure pour le dieu de la
parole & de la vérité, on faifoit fes ftatues quar-
,rées & cubiques, pour indiquer que la véritéeft
toujours femblable à elle-même, de quelque côté
qîi’on la regarde.
Suidas parle des kermès comme s'ils étoient
particuliers à la ville d'Athènes > c’eft qu’ils avoier.t
été inventés dans cette ville , & qu'ils s'y trou-
voient en plus grande quantité que par tout ailleurs.
On comptoit au nombre des principaux
kermès les Hipparchiens 5 Hipparchus, fils de Pi-
fiftrate, tyran d’Athènes, avoit érigé ceux-ci,
non-feulement dans la ville, mais dans tous les
bourgs & villages de l'Attique » & avoit fait graver
fur chacun différentes fentences morales, pour
porter les hommes à la vertu.
On mit auffi des kermès dans les carrefours &
les grands chemins du pays, parce que Mercure,
qui étoit le meffager des dieux , préfidoit aux
grands chemins, ce qui lui valut le furnom ,de
Trivius , du mot trivium, qui lignifie un carre-,
four, & celui de Viacus, du mot via , chemin ,
comme le prouvent quelques infcriptions copiées
dans Gruter.
Lorfqu’aulieu de la, tête de Mercure, on met-
to itla tê te d'un autre dieu, comme de Minerve,
d’Apollon, de Cupidon, d’Hercule , d'Harpo-
crate ou d'Ambis : alors le pilaftre devenoit un
compofé des deux divinités, dont on réunifloit les
noms, & qu'on appeîloit hermatkénes, hermapollon,
Jiermiros, herméracle , herm harpocrate, hermanubis.
Voyc% tous ces mots.
On ne fe contenta pas de repréfenter des dieux
fous ces formes de ftatues, on érigea des kermès
à la gloire des grands hommes, pour lefquels
Athènes étoit paffionnée; le lycée & le portique
en étaient remplis. On y voyoit entr’autres Y kermès
de Miltiade, avec ces mots Miltiade athénien,
& on lifoit au deflous deux vers.
C e t kermès ayant été depuis tranfporté à Rome,
on y grava le dilbque fuivant, qui en eft la traduction.
Qui Perfas bello vicit Maratkonis in arvis
Civibus ingratis , &patriâ interiit.
Les Athéniens ne prifoient pas moins les kermès
des hommes illuflres, que ceux des dieux mêmes;
ils les tailloieiit comme ceux de Mercure, exactement
quarrés, avec des infcriptions honorables
, qui étoient auffi gravées en lettres quarrées.
De-là vient qu’ils nommoient un homme de mérite
, un homme quarré. Nous lifons dans Pîfl-
tarque que ce fut un des principaux chef d’accu-
fation contre Alcibiade, d’avoir mutilé dans une
débauche d’autres kermès que ceux des dieux.
Cicéron, grand amateur de l’antiquité, ayant
appris par les lettres d’Atticus, qui étoit à Athènes,
qu'il y avoit trouvé de beaux kermès, dont
il le vouloir régaler, le prefle de lui tenir parole,
par la réponfe qu'il lui fait. Voici ce qu'il lui
écrit : ( Lettre 7 , liv. 1. ) « Vos kermès de marbre
» du mont Pentélicus, avec leurs têtes de bronze,
» me réjouiftent déjà d’avance} c’eft pourquoi
» vous m'obligerez beaucoup de me les envoyer
» avec les ftatues & les autres curiofités qui feront
» de votre goût, & qui mériteront votre appro-
» bation, tout autant que vous en trouverez, &
» tout auffi-tôt que votre loifir vous le permettra,
»’ fur-tout les ftatues qui pourront convenir à
» mon académie & mon portique de Tufciilum}
» car je fuis amoureux de toutes ces chofes. Me
» blâmera qui voudra, je me repofe fur vos foins
» pour fatisfaire mon goût 3». Lifez auffi les lettres
U 6 & 10.
On voit encore à Rome des kermès ou ftatues
quarrées apportées de la Grèce, qui foutiennent
les têtes de plufieurs poètes philofophes & capitaines
illuftres. On en a d’Homèrê, d'Ariftote,
de Platon, de Socrate, d'Hérodote , de Thucydide,
de Thémiftocle & de plufieurs autres. Ful-
vius Urfinus, Théodore Galle ( Gallsus ) de Henry
Canifîus,ont fait graver ces antiques dans leurs
portraits des hommes célèbres de l'antiquité. Spon
a auffi trouvé dans fes voyages de Grèce ceux du
philofophe XénotTrate, de Théon, & de quelques
autres dont il croit qu aucun auteur n'a parlé.
kermès de Mercure a des ailes à la tête} mais
ceux qui ont de la barbe font des portraits de
Priape ; les femmes ftériles d’entre le peuple , les
ornoient de fleurs aux parties que la pudeur ne
permet pas de découvrir, efpérant par-là fe procurer
la fécondité qu’elles defiroient.
Les romains empruntèrent des grecs l'ufage des
kermès qu'ils nommèrent termes, & qu'Üs plaçè-
rent fur les grands chemins dans des endroits dangereux
in trvviis & quadriviis , pour éviter aux
voyageurs l’embarras de fe troinper de route. Ces
kermès romains étoient ordinairement quarrés,
ornés fur le bas & le corps du pilaftre d’inf-
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criptions qui inftruifoient les paflans des villes ou
chaque chemin conduifoit} le haut du pilaltre étoit
terminé par quelque figure d'un des d:eux gardiens
& protecteurs des chemins, c'elt-a-dire3 «e Mercure
ou d’Apollon, de Bacchus ou d Hercule.
Plaute les appelle lares viales , | S M g
viacos. Ces figures, ainfi que les pilaftres qu on
faifoit de bois, de pierre ou de marbre, etoient
fort groffièrement taillées. Il s'en trouyoit meme
plufieurs que des villageois formoient a coups de
hache, fans art ni proportions 5 c eft ce qui a fait
dire à Virgile :
Illifalce de us oblitur, non arte politus.
De-là vint qu’on comparoit à ces ftatues informes
les gensdourds & ftupides 5 témoin ce vers
deJuvénal. *
Nil nifi cecropides , truncoque fimillimus herm&.
Une autre chofe rendoit encore la vue de ces
kermès romains très vilaine , c’eft ^ ’ordinairement
dans les endroits où ces pilaftres étpient dreffés,
les paifans portoient des pierres par religion aux
pieds de ces pilaftres, pour les confacrer aux
dieux des chemins, & obtenir leur protection dans
le cours de leurs voyages. Ces pierres font appel
lées par le Scholiafte de Nicander, pierres ajfem-
b U es a l'honneur des divinités des voyageurs.
On ne manquoir pas de pareils poteaux, non-
feulement dans les grands chemins d’Italie, mais
aufli dans toutes les provinces de l'empire. Cam-
den, parlant dç Mercure, nous dit : ejus Jlatiu
quadratA hermA diéÏA, olim ubique per vias erant
d ifp o f itA . Cela eft fi vrai que^ Surita, dans fes
commentaires fur l'itinéraire d'Antonln , nous a
confervé une infeription antique tirée de la ville
de Zamora en Efpagne, qui prouve que des particuliers
même s'obligeoient, par des voeux, a
-ériger de tels pilaftres. Voici cette infeription :
D eo Mercür. yiaco.
M. Attiluus siloms t. Quirin. silo.
E x VOTO.
Il n'eft pas mutile de remarquer à propos des
kermès, que les grecs & les romains faifoient
fouvent des ftatues dont la tête fe détachoit du
refte du corps, quoique l’une & l’autre fufient
d’une même matière } c’eft en cela que confiftoit
la mutilation dont Alcibiade fut accufé * & dont
il n'étoit que trop coupable. De cette manière,
les anciens, pour faire une nouvelle ftatue, fe
contentoient quelquefois de changer feulement la
tête , en laiflant fubfiller le corps. Nous lifons
dans Suétone, qu’au lieu de brifer les ftatues des
empereurs , dont la mémoire étoit odieufe, ôn en
ôtoit les têtes, à la place defquelles l’on mettoit
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celle da nouvel empereur. D e -là vient, fan*
doute, en partie» qu’on a trouve depuis tant de
têtes fans corps, & de corps fans tetes. Sur la
manière de changer & de fixer ces têtes thermes,
voyei Bustes.
Au refte, ce n'eft pas des romains, mais des
grecs, que nous eft venu l’ufage des termes que
nous mettons aux portes & aux balcons de nos
bâtimens, & dont nous décorons nos jardins
aublics. Il eft vrai qu'en conféquence, on devroit
ès' nommer kermès plutôt que termes, quoique
les termes que les romains appelloient terminé,
fuirent des pierres quarrées, auxquelles ils ajoutaient
quelquefois une tête, néanmoins-ils étoient
employés pour fervir de bornes, & non pour
orner des bâtimens & des jardins j mais notre langue
, par une crainte fervile pour les afpirations ,
a adopté le mot de termes, qui étoit le moins
convenable.
La plus .grande partie des têtes d’Hermès , ornées
de longues .barbes, paroifîent être des copies
d’un même original , qui ecoit un Jupiter-
Terme, & non un Platon, comme on l’a cru fauf-
fement. Dans la feule Villa Albani, on voit plus
de vingt de ces têces parfaitement femblables.
On voit dans le Muféum Pio-Clémentin, un
Hermès antique à tête double: l'une eft le portrait
d’Hérodote, St l’autre repréfente la Mufe
de l'hiûoire.
HERM-H ARPOCR A T E , ftatue de Mercure,
avec une tête d’Harpocrate. Elle a des pieds
8tdes mains, puifqu’ elle a des allés aux talons, ce
quidéfigne Mercure, & puifqu’elle metle doigqfur
. la bouche, fymbole d’Hafpocrate. Elle eft alfife fur
une fleur de lotus , tenant d’une main un caducé
& portant fur fa tête un fruit de pêcher, arbre contacté
à Harpocrate. On a peut être voulu nous
faire entendre, par cêtte figure, que Te filence
étoit quelquefois éloquent. (Spon, Rechcr.p. 98,
fig- M ) -
HERMHÈRÀCLE. Voy ei Herméracle.
HERMINIA, famille Romaine dont on n’a des
médailles que dans Goltzius.
HERMION , divnité des anciens Germains :
il avoir été un de leurs rois , & avoit mérité par
fa valeur & par fa fageffe , d’ être mis après fa
mort, au rang des Dieux de la Germanie, On
voyoit fa ftatue dans prefque tous les temples de
ces contrées. Il étoit repréfenté en homme de
guerre tout couvert de fe r , portant une lance à
fa main droite, une balance à fa main gauche,
& un lion fur fon bouclier.
H E RM IO N E , fille de Mars & de Vénus,
époufa Cadmus, rot de Thèbes. On dit que le
jour des nôces les Dieux abandonneront le ciel,