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à ce char, parce qu'il favoit le temps que la
déeffe qu’on y adoroit venoit dans ce lieu 5 quand
il fentoit la préfence de cette divinité , il atteloit
des buffles à ce char, 8e le fuivoit avec grande
vénération 3 tout le temps que duroit cette cérémonie,
étoient des jours de fête, 8e par-tout où
le char alloit, on le reccvoit avec beaucoup de
folemnité ; toute guerre ceffoit,■ toutes les armes
fe reufermoient 5 on ne réfpiroit que la paix &
le reposjufques à ce que le prêtre eût reconduit
dans fon temple la déeffe raffafiée de la converfa-
tion des hommes. Alors on lavoit le char dans un
lieu fecret, 8e les étoffes qui le couvroient, & la
déeffe elle même 5 on fe fervoit pour cela d’ ef-
çlaves , qui étoient auffi-tôt après jettes 8c engloutis
dans un lac voifin.
Voffius conjecture que cette déeffe, Hertus 3
■ doit être C yb è le } mais il eft plus vraifemblable
que c’ eft la Terre ; au moins le nom y répond-il
parfaitement. Les allemands emploient,encore le
mothertk, pour lignifier la terre, 8e lés anglois
ont toujours dit. earth dans le même fens. La plupart
des peuples s'étant imaginés n'avoir point
d'autre origine que Ja terre, les germains pourraient
bien l'avoir adorée, & plufieurs raiforts
concourent à le perfuader.
Il y a dans la plaine dû comté de Salisbury, en
Angleterre, des amas de pierres circulaires, .que
plufieurs favans croient avoir été un temple delà
déeffe Herte ; on nomme ces pierres ftone kènges,
c'eiLà-dire, pierres fufpendues 3 parce qu’ elles font
mifes les unes fur les autres , de manière quelles
paroiffent être en lV r telles qu’on fuppofe qu'c-
toit le temple de Herte. Mais cette fuppofition
n'eft au fond qu’un fruit de l'imagination, defti-
tué de preuve»
On ignore parfaitement quel étoit l’ufage de
cette efpècé de monument, que les anciens appel-
loient, en latin , chorea gigantum. Les curieux qui
n’ont pas vu les ftone henges de Salisbury, peuvent
confulter fur leur nature & leur ancienne
deftination apparente les antiquités britann. de
Cambdenj ils en trouveront le deffin' dans cet
auteur.
HÉSIODE.
Le poète Héfiode eft un des plus anciens qui
nous foit parvenu : il étoit du bourg d'Afcra, en
Béotie. Il fut berger & enfuite prêtre des mufes-
Paufanias rapporte que de fon temps on voyoit
encore fes poéfies fur des tables de plomb dans
le temple des mufes, qu’il avoitdeffervi. Quelques-
uns font Héfiode plus ancien qu’Homère 3 d’autres
difent qu’ils étoient contemporains , mais Héfiode
un peu plus jeune. Yelléius le place 120 ans apres
le prince des poètes-.
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HESIONE, fille de Laomédon, toi de Troy e;
ayant été expofée à un monftre marin, fut délivrée
pal- Hercule. Cet événement fait le fujet d’une
belle mofaïque de la villa Albani, où l’on voit Hercule
rendant Héfione à fon fiancé Télamon, après
avoir tué le moniire. Voyeç Laomédon 8e T e-
LAMON.
HESPER. Voyei H espérus.
HESPÉRIDES , filles d’Hcfpérus félon les uns,
& d’Atlas félon les autres.
Voici le récit de Paléphate : Hefpérus étoit
un riche Milëfien qui vint s’établir dans la Carie.
11 eut deux filles nommées Hefpérides, qui avoient
de nombreux troupeaux de brebis, qu’on appelloit
brebis d’or, à caufe de leur beauté, ou plus vrai-
femblablement, à caufe du produit qu’ elles (en
tiroient.' C es nymphes confièrent la garde de
leur troupeau à un berger nommé Draeon; mais
Hercule paffant par le pays qu'habitoient ces
filles d’Hefperus, enleva Se le berger 8e le troupeau.
Varon 8e Servius ont adopté ce récit fimple ôc
naturel.
D'autres écrivains en grand nombre, changent le
berger des Hefpérides Se leur troupeau, en fruits
nommés pommes d’onpzr les grecs, foit à caufe de
leur couleur, de leur goût excellent, ou de leur rapport.
Cette fécondé opinion n’a pas moins de par-
tifans que la première:} & il femble même que
dans la fuite des temps elle foit devenue, fur-tout
parmi les modernes, l’opinion dominante 5 en
forte que les uns ont entendu par ces pommes
d’or des coings, d'autres des oranges, 8e d'autres
des citrons.
Diodore ne 'prend point de parti fur ce dernier
article, parce que, ( lib. 5 .) dit-il, le mot
grec 3 dont les anciens1 auteurs fe font fer-
vis , peut fignifier également des pommes ou des
brebis 3 mais il entre dans des détails fur l'hif-
toire même des Hefpérides. Si nous l'en croyons^
Hefperus 8e Atlas étoient deux frères qui poffé-
doient de grandes richeffes dans la partie la plus
occidentale de l’Afrique. Hefpérus eut une .fille
appelle Hefpérie } qui donna fon nom à toute- la
contrée ; elle époufa fon oncle Atlas , & de ce mariage
fortirent fept filles y qu'on appella tantôt
Hefpérides du nom de leur mère, 8c de leur ayeul
maternel, tantôt Atlantides , du nom de leur
père.
Elles faifoient valoir foigneufement ou des troupeaux
ou des fruits, dont elles tiroient de bons
revenus. Gomme elles étoient auffubelles que (âges,
leur mérite fit beaucoup de bruit dans le monde*
Bufifis., roi d'Egypte , devint amoureux d’elles
fur leur réputation 3 8c jugeant bien que fur la
fienne il ne réuflfiroit .pas dans La recherche ,/ il
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envoya der pirates pour les enlever. C eu x - ci
épièrent le temps où elles fe rejouiffoient en-
tr elles dans un jardin, 8e executerent 1 ordre du
tyran. Au moment qu’ils s'en retournaient tout
fiers de leur proie, Hercule qui revenoit de quel-
ciu’une de fes expéditions,, les rencontra fur le ;
rivage , où ils étoient defeendus pour prendre un ;
-repas. Il apprit de ces aimables filles- leur aven- ;
tare , tua les corfaires , mit les belles^ captives |
en liberté, 8e les ramena chez leur pere.
Atlas charmé de revoir fes filles , fit pré- \
font à leur libérateur de ces troupeaux ou de
ces fruits , qui faifoient leurs richeffes. Hercule \
fort content de la .réceptiond'Atlas, qui 1 avoir -
même initié, pour fûreroit dereconnoiffance, dans j
les myftères de raftron.o.mie, revint.dans la Grèce ,
& y porta les préfons donc font hôte l'avoit comblé. ,
Pline embraffe /opinion de ceux qui donnent
des fruits & non des troupeaux aux Hefpérides ,
'êcparoît vouloir placer leurs jardins a Lixé , ville
de Mauritanie : un bras de mer, dit-il, ferpente
autour de cette ville, 8e c’eft ce bras de.mer, !
qui a donné aux poètes l’idée de leur affreux
' dragon-. " Sf/îOt • ' . ' , !
Si l'on fuit lés autres hiftoriens, on trouvera^
que ce qu’il y a d’incônteftable touchant les Hef- [
pèrides, fe réduit à ces trois 0.11 quatre articles t
qu’elles étoient foeurs ; qu’elles poffédoient une
forte de bien , dont elles étoient redevables a |
leurs foins Ôtù la bonté de leur terroir qu’elles j
cuitivoient} que leur demeuré étoit bien gardée 5 1
& qu’enfîn Hercule, étant allé chez elles , il rem-j
porta dans la , Grèce de ces fruits , ou de ces ;
troupeaux qui étoient d'un bon revenu.
Mais il faut voir ce que les poètes ont fait de
ce peu de matière, 8c quelle forme ils ont fu |
lui donner. Ils changent le lieu qu'habitoient j
les Hefpérides en un jardin magnifique & déli- 1
cieux } l’or y brille de toutes parts 5 les fruits,
les feuilles &les rameaux que portent ces arbres ,
font de ce précieux métal 3 Ovide nous en allure.
( M.étam. IV . ): ' ; -
Arbores, frondes , auro radiante nitentes,
Ex auro ramos 3 ex auro ponia ferebant. _
Ces richeffes font gardées par un horrible dra- ■
gon qui a cent têtes , & qui pouffe cent différentes
fortes de fifflemens 5 aufli les pommes fur
lefquelles il tient fans ceffe les yeux ouverts, charment
la vue par leur, beauté , & font fur les coeurs
des impreliions dont il eft impofiable de fe défendre.
Lorfque Jupiter époufa Junpij, ce.tte déeflè, lui ;
porta décès pommes en mariage, Ôc né crut pas |
pouvoir lui payer fa dot plus mugnifiquémenrJ Ce
fut avec une de ces pommes que là difeorde mit
la divifion entré trois des plus grandes- divinités du
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c iel, Junon, Vénus & Pallas ; & par cette feule
pomme , elle jetta le trouble dans tout 1 olympe.
C e fut avec ces mêmes pommes qu Hippomene
adoucit la fière Atalante, la rendit fenfible a fes
voeux , 8c lui fit éprouver toutes les fureurs de
l’amour.
Tandis que ces mêmes poètes font de ces jan-
dins un féjour raviffant, ils font de celles qiu
rhabiî.erit autant' d'enchantereffes 3 elles ont des
voix admirables 5 elles tempèrent leurs travaux
par des concerts divins 3 elles aiment à prendre
toutes fortes de figures & à étonner les yeux des
fpedateurs par des métamorphoses également fou-
daines & merveilleufes. Les argonautes aniv,ent-ils
auprès d'elles/ Hefpéra devient un peuplier , bry-
théis eft un ormeau, Eglé fe change en Taule.
Il ne reftoit plus aux poètes, pour rendre les
Hefpérides.vùfpdlabks de tout point, qu- de les
marquer au coin de la religion , 8c que 4 en creej:
des divinités dans toutes les formes. Ces beaux
génies n’y ont pas manqué 3 ils je u r ont donne
un temple.; ils y ont joint une prêtreffe , redoutable
par l’empire fouverain qu'elle exerce fur toute
la nature. C'eft ;cette prêtreffe qui garde elle-
même les rameaux facrés , Sc qui nourrit le dragon
de miel 8e de pavots. Elle commande aux nous
chagrins, & fait à fon gré'"les envoyer dans les
coeurs des mortels , ou les chaffer de leur ame
a\ec la même facilité} elle .arrête le cours des
fleures ; ■ elle forci Ifcs alkes à ^retourner en ai-
rière} elle contraint les morts à Sortir de leurs
tombes } 011 entend la terre mugir fous fes pieds,
& à fon ordre on voit les ormeaux defeendre
des montagnes. Loin d’exâgerer, je ne fais que
rendre en mauvàife profe la peinture qu en fait
Virgile en de très-beaux vers :
Hefperidum templi eufios , epulafque draconi
' Qus dabat, '& facros fervabat in arbore ramos 3
Spargens humida mella , foporiferumquepapa-ver ,
HoZc fe carminibus prorfiittit folvere mentes ,
Quas y élit, a fi aliis duras immittere curas :
Sifiere aquam fluviis , & vertere fidera rétro ,
Nociurn’pfque ciet mânes ; mugire videbis
Subpedibus terrant, & defeendere montibus ornos.
C'eft airtfi que lés poètes peuvent tout embellir,
& que, grâce à leurs talens, ils trouvent
dans les fujets les plus ltériles des fources iné-
puifablès de merveilïes.
Peu nous doit importer , fi Ton remarque dans
ïeufs eiiibèfliffeméns ,une infinité de différences.
Ce fon t des chofes in féparables des fi étions de
l’éfprit humain, & cîe feroit une entreprife ridicule
de vouloir les .concilier. Ç ’eft allez que les