lampes 3 un choeur de mulîciens & de jeunes-gens
qui chantoient des hymnes relatifs à la fête, enfin
la foule des initiés. Les hommes , avec la tête rafe,
y etoient habillés de lin ties-blanc , & les femmes
a voient leurs cheveux pliés dans un bonnet. Les
prêtres en robe longue, & chargés de figures fym-
boiiques, marchoient tous au fon de la flûte facrée
& du fiftre.
j Le premier de ces miniftres portoit une lampe
d or. faite en forme de barque ; le fécond foutenoît
avec fes deux mains de petits autels appellés des
J e c o u r s , & regardés comme les fymboles de la providence
5 le troifième tenoit le caducée de Mercure,
avec une palme à feuilles d'or 5 le quatrième
montroit au peuple l'emblème de la juftice , une
main gauche avec les doigts étendus, & étoit encore
chargé d'un vafe en forme de mammelle, d'où
decouloit du lait 5 le cinquième & le fixièmeétoient
obliges de porter , l'un le van myllique d’or , &
rempli de rameaux du même métal, & l’autre une
ctuche»
Des miniflres inférieurs 3facrorum geruli ( Apul.
L . XI. p. 234.) repréfentant les hiéraphores de
I ancienne Egypte , & même de Amples initiés qui
dévoient repréfenter les partages d’Éieufis, s’ avançaient
avec les figures bizarres des divinités égyp- ]
tiennes. Ici c’étoit une tête de chien 3 là ufie tête
droite, ayant une partie du vifage dorée, & l'autre ]
moitié de couleur noire ; fuivoit immédiatement
un prêtre traînant, par les pieds de devant, une
vache,fymbole de ladéefle qui nourrit tout. Bientôt
après on appercevoit la cille myftique, près de
laquelle une perfonne portoit dans fon fcin , dit
Apulée , 1'adorablc image de la dlvinitéTuprême,
dont la forme n’avoit rien de refiemblant, foit aux
hommes, fok aux oifeaux, mais étoit-digne de ref-
pe& & d'admiration, par fa Angularité & l'art avec
lequel on l'avoit faite. C'étoit félon lui, k marque
ineffable des profonds & fublimes myAères. Cette
manière de s’exprimer me paroit défigner 1 e phallus
renfermé dans une petite urne, dont cet écrivain
donne tout de fuite la defcriprîon , comme s'il
vouloit éviter de parler de ce qu'el'e contenoit.
L ’orifice de ce vafe d or & orné d'hyéroglyphes
formoit un tuyau qui fe recourbait à l'entour,
& l’anfe étoit couverte d'un dragon, dont la
tête écaibée, ftmbloit s’élancer en avant.
Apulée fe garde bien encore de faire mention
de la cérémonie du pin, par-ce quelle étoit très- 1
myftérieufe : elle confîftoit à couper le milieu de
cet arbre , & à lui donner la forme d’une flâtue
d’Ofiris , qu'on enterroit enfuite avec pompe.
( Arnob. con.tr. gent. p. 17 ). Quoiqu'on en ignore
le jour, il eft néanmoins vraifemblable qu’il pré-
cédoit celui de la proeeffion dont il- faut achever
la defeription.
Elle arrivoit dans l'ordre qu'on vient de rapporter,
au bord de la mer, où fe faifoit la principale
cérémonie, celle de la confécration d'un
navue artiftement conflruit avec du bois de citronnier
( notre cyprès blanc) & purifié fuivant l’ufage.
De toutes parts on y voyoit des cara&ères hiéroglyphiques
, & fur les Voiles, le fujet des voeux
des navigateurs.. La pouppe en étoit remarquable
par une.oie qu’on y avoir fculptée. Les profanes
comme les initiés, avec des vans remplis d’aromates,
& d’autres chofes nécefla'res aux facrifices,
s'avançoient à l'envi & les veifoient dans ce bâtiment,
qui, chargé de toutes les offrandes profi-
toit d’un vent favorable pour s'éloigner du rivage.
Dès^qu'on avoit perdu de vue ce vaiffeau facré,
les prêtres & leur fuite revenoient au temple
dans le même ordre quauparavant, & les initiés
entroient dans le fanétuaire où les ftatues des.
dieux étoient rerai fes à leur place. Le gramma-
; tifte ou hiérogrammatifte qui tenoit le troifième
| rang dans l ’ordre facerdotal, ayant autour de lui
les m niftres inférieurs , les paftophores, & s'étant
mis dans un endroit élevé du temple, prenoit à
la main un livre, & récitoit tout haut les prières
pour la profpérité de l'empereur, pour le fénàt,
les chevaliers & le peuple romain 3 elles éroient
terminées par des. voeux en faveur de tous les
navigateurs. Après cela, l'affemblée étoit renvoyée
par la formule ordinaire.
Comme dans tous les autres, myftères. les cérémonies
de l'initiation fe pratiquoient la nuitî quand
quelqu'un vouloit y participer, il falloit qu’il en
obtînt la permîflion du grand-prêtre. Enfuite il
choififloit un autre membre de l'ordre facerdotal
pour fon myftagogue, & fixoit la fomme qu'il
étoit réfolu d'employer aux frais de fa réception.
Les prêtres ne manquoient pas d'en profiter 3 &
outre cela leur chef exigeoit des préfens particuliers.
L'initié obfervoit d’abord pendant dix
j >urs une continepce rigoureufe, & s’abftenoit
alors du vin & de la chai'« Avant qu'il fît fon
farr.fice, l'hiérophante, ou prophète, tiroit du
fanétuaire certains livres en caractères hiéroglyphiques
, & où étoient encore des lignes tracées
en différentes manières, & formant des noeuds
ou des roues. Sans doute que ces objets four-
niffoknt une ample matière à diverfes interprétations
, & aux leçons qu'on donnoit au récipien?
•daire. Je crois aufli qu’en lui expliquoit une partie
de la famé 11 fe table ifiaqie . qui nous'repréfente
non les and n-es fêtes d'ifis, mais celles qu'on
célébrok en fon honneur dans l'Italie, où ce
monument a. été découvert. Peut-être étoit-elle
expoféedans les temp'es de cette déefTe, comme
les bas-reliefs mithriaques l’étoient dans l ’antre
confacré à Mithra. Un examen réfle’chi de cette
table , montre que tout n'y eft pas conforme à
l 'a n c ie n
l’ancien égyptianifme ; elle n’appartient donc qu’aux
nouveaux r t.-s ijiaques.
Après le facrifice le récipiendaire étoit purifié
& lavé dans des bains particuliers; on le plaçoit.
enfuite, vêtu d’une robe neuve de lin, devant
l ’ima.ge de la dé elfe > & dans l’intérieur du fanc-
tuaire. G'eft là où il entendoit des chofes qu’il,
ne lui étoit plus permis de révéler. 11 y avoit
encore d'autres cérémonies ; mais Apulée ne nous
les défigne que d'une manière ôbfcure & énigmatique.
« Je me fuis approché, dit il, des confins
03 de la mort. Ayant foulé aux pieds le feuil de
33 Proferpine, j'en fuis revenu à travers tous les
03 élémens. Au milieu de la nuit, le fdleil .me
•3 parut briller d’une lumière .éclatante. J'ai
33 été en préfehee des dieux fupérieuis & infé-
33 rieurs, & je les ai adorés de fort près ». {Apul.
rnétam. L IX 3 p. 240.)
Le lendemain au point du jour, l’initié for toit du
fan&uaire, vêtu de douze robes facrées, & venoit
s'affeoir fur un fiège élevé au milieu du temple
& en face de la ftatue d'ifis 3r il y preno'it un magnifique
manteau traînant jufqu’ à terre, & par-
femé de figures de. dragons , de griffons & d’autres
animaux. Les prêtres donnoient à çet.habillement
le nom d’olympique, parce qu’ il étoit le ligne des
épreUves auxquelles o n s ’étoit fournis avec courage,
& fans y fuccombtr. Le nouvel adepte tenait
à la main dn ite un grand flambeau, & avdit
une couronne de palmier dont les feuilles for-
moiefic une efpèce de gloire -autour de fa tête. Le
refte de la. journée fe paffoit dans la joie & en
feltins, ceux-ci même duroient trois jours confe-
cutifs -j. fé terminoient toujours par des facrifices
&: des allions de grâces.
Apulée n’a pas manqué de nous rapporter la 1
prière de ce genre qu’ il fit , fous le nom de Lucius,
à lfis. On ne peut douter qu il ne s'y foit conformé
aux formules ufitées en pareilcas. Il s’adreffe
^infi à cette dé elfe : « Toi que les dieux célelles ,
99 honorent, que les divinités infernales redoutent;
33 déeffe qui imprimes le mouvement à notre globe,
33 qui éclaires le foleil, gouvernes l’universy~&
» foules akx pieds le tartare , les aftres t'obéiftents
=° réjouis tous les dieux 3 tu règles l’ordre des
» failons ; les élémens te font affervis j les vet)ts i
9» ne fouffleat & les nuages ne s'affemblent qu'a I
” ton gré 5 les fémences me peuvent germer ni
» croître fans toi, & c . . . . » Ifis avoit dit elle-
meme en apparoiffant à Lucius: «me voici, la
»> nature, mère de toutes chofes, fouveraine de
53 tous les élémens, l’origine desfiècles, la pre-
99 mière des divinités, la reine des mânes, la plus
99 ancienne habitante des cieux, l'image uniforme
99 des dieux & des déeffes. Les voûtes .éclatantes
» du ciel, les vents falutaires de la mer, & le dé-
•» plorable fi'ence des enfers , recbnnoifTent mon
v pouvoir abfoiu. Je fuis la feule divinité révérée
Antiquités. Tome 111
»» dans Tunivers fous p’ufieurs formes, avec di-
» verfes cérémonies, & fous diffère ns noms. Les
» phrygiens .m’appellent la mère des dieux 5 les
■ >3 cypriotes, Vénuspjphienn'ej les athéniens, Mi-
-» nerve cécropienne; les habitans cfEleufis , l’an-
3» cienne.Cerès. . . . Les égyptiens, recomman-
» dables par l’antiquité de leur doélrine, font les
33 feuls qui m'honorent d’un véritable culte, &qui
>3 me donnent mon vrai nom : la-reine Isis >3.
( Apul. métam. I. X I t p. z i6 ). Dans ce langage
d’un polythéifme rafiné, on ne peut méconnoître
le .panthéifme, la nature déifiée , le fyftême de
j'ame du monde, en un mot le fpinofifme. Si
l ’on y cherchoit- le dogme de l'unité de dieu, en
prenant à la lettre quelques, expreflions ifolées.,
ce feroit vouloir s’ éloigner du véritable fens d’un
texte très-clair. Quoique les principes de la feéte
de l’auteur, l’écledtifme , femble en général y
répugner, cependant il étoit trop conforme à l'ancienne
doctrine égyptienne, pour qu'on n'ofâr s'en
écarter dans les myllèrçs ijiaques. Tout le difeours
d‘ Ifis n’eft en effet qu'une explication ou fîmple
commentaire de ces mots : je fuis tout ce qui,a
été3 efl & fera, de la fàmeufe inscription gravée
en caractères hiéroglyphiques fur la porte du
temple de la déefîe à Sais ( Jambl. de myft. §.
V I I I , c. v ) , & diont nous avons deux traductions
grecques. ( Ap. Plut, de IJ\ & OJir. Procl.
, in Tim. Plat. p. 30). D ’ailleurs ceux qui ont prétendu
qu'Apulée fait erfeigner ici aux initiés le
dogme de l’unité, n’ont pas fans doute remarqué
un autre paflage du uiême 01/v âge de cet écrivain
où -Ofîris eft m:s fort au-defîus de routes
les divinités..Conféquemment Ifis ne pouvoit-être
la première , encore moins la feule.
On enfeignoit dans les myftères ijiaques une
•autre doctrine, celle qui concernait la vie future.
Lorfque Lucius dit qu'il arriva aux confins de la
mort, & foula aux pieds le feuil de JProferpine,
n’eft-ce' pas une allégorie affez claire, fur les
craintes dont .il s’imaginoit être débarraflé par fon
initiation ? Mais toute difficulté s'évanouit par ces
promeffesque lui fait Ifis : « T u vivras heureux,
»3 tu feras plein de gloire fous ma proteélion.
33 Quand ayant atteint le terme ordinaire de k vie£
33 tu defeendras aux enfers, là tu habiteras les
» champs-élyfées.. . . Si’, par ton zèle pour mon
» culte, & par une chafteté inviolable, tu mé-
» rites mes faveurs, tu faüras qu’il eft en mon
3s pouvoir de prolonger tes jours au-delà du te ms
» que le deftin a preferit »3. ( Ibid. p. 227). A
l'efpoir de jouir après la mort d’une félicité affu-
ré e , fe joignoit donc celui d'une vie lon?ue &
heureufe , fur lequel il n'eft jamais difficile de
tromper les hommes , parce que leur bonheur con**
fifte à céder à la force de cette ilîufion.
Non-feulement Ifis étoit regardée comme ayant
le pouvoir d’ arrêter ^exécution des arrêts des