
tenailles qu’on a pris pour des épis de bled plutôt
que pour cet attribut fi peu commun.'Cette
J unon aura été .oppofée à une autre qui avoit .le
furnom de Placido. ( Soiffard. topogr. t. I I pag.
128. ) 5 comme il y avoit un Jupiter ( Cafaub.not.
in Spartian. p. 110. C .) Serenus. L'auteur grec
cité fe fert du mot , qui lignifie auffi-bien
des cifeaux de tailleur ( Glojf, Cyrill. ) , que de
barbier ( Poil. Onom. I. X. fett. c x l . ) d'où dérive
le verbe (paxliai 3 rafer > mais il paroît aulïi
lignifier des tenailles , comme ici. ( Poil. Onom. I.
IV . fecl. c l x x x i . ) Dans la langue latine il y a
de même peu de différence entre cifeaux & tenailles
( Ifid. orig. I. XX . c. XIII. p. 1324.) j plu*
fieurs même font d'opinion iqu’il n’y en a aucune ,
& foutiennent que le même mot ( Ckarif. inftit.
gram. I. I. p. 72. ) lignifie indifféremment l'un
& l'autre ; & en effet, les tenailles , dans la main
de Junon, ont été prifes pour des cifeaux »•
Perfonne n’ignore que pour fe venger de ce que
Jupiter avoit produit Minerve de fon cerveau,
Junon lui fit voir qu'elle pouvoit enfanter fans fon
fecours, & qu'elle conçut le dieu Mars par l'attouchement
d’une fleur que Flore luiindiqua(.Ftf/L
I. V- v,
L’épithète de Martialis peut encore convenir à
Junon fous ce rapport, de même que l’on a donné
celle de Junonius à Mars pour la même aventure
£Aufon, Eclog. ad uf. Delph. p. 412. ) :
. . . . . . . . . . . Junonie mavors ,
JJt redeas, referafque exordia prima 3 çieris.
Les femmes célébroiént avec autant de cérémo*
nie que les hommes le jour annive-faire de leur
jiaiffance en l’honneur de Junony ceux-là étoient
vêtus de blanc, & celles-ci avoîent des habits
rouges , ayant foin chacun de paroître devant leurs
dieux tutélaires vêtus du même hab ilement & d e
la même couleur qu’ris leur fuppofbient. Junon,
en cette qualité, éto:t représentée fous la forme
d’une jeune fille avec un manteau de pourpre,
comme il paroît par ces vers de Tibulle( Tibull, •
lib. JV . Eleg. dd Junonem):
JLnnue purpureaque -veni pelluçida P allai
Ter dea fit libo , ter dea çafia rnero,
Les femmes jüroîem auflî par leur Junon, comme
©n le voit dans Pétrone ( in fatyric. ) : Junonem
mçam iratam habeam f i meminerim , &ç.
. E t Tibulle donnant des préceptes pour fe garantir
des enchantemens trompeurs de certaines
femmes, dit que leurs plus tendres carefiès, leurs
^ifçowrs les plus féduifans ^ ne doivent nullement
exciter la confiance, quand même elles jureroienf.
par leurs yeux & par leur J unon :
Et f i perque fuos fallax juravit oc cil os ,
Junonemque fuam............................... .
. ( Lib. I I I . Eleg. x iv . )
L ’e'pithète caraétériftique de Junon, préfidant
au,x mariages, eft celle de Prortuba. Le mariage
étoit fenfc valide, quand on âvo’t imploré fon
affiftance , & qu’on l ’avoit prife à témoin des
engagemens que les époux vouioient ccntraéler.
« Notre union eft légitime, dit Hypfipyle à Jafon
( Ovid. epift Hypfipyl. Jafon. ) , elle a ét?é confa-
crée par la préfence de Junon, qui préfide aux
mariages ».
Non fum furtint tibi cognita : Pronuba Juno
Adfuit. . . . . . ? i . . . ..................
Le culte de Junon, furnommée Pronuba, étoit
établi à Samos , où elle étoit adorée d’une manière
particulière. La plupart des médailles de cette
ville ont pour type la déeffe debout en face, quelquefois
au milieu d’un temple à quatre colonnes
avec un grand.voile , le tutulus fur la tête, tc-nant
une patère de chacune de fes mains foutenues fur
des appuis , & ayant pour attribut un paon à fes
pieds de chaque côté.
Apulée a formé du mot grec celui de
zygia, qu’il emploie dans la prière de Pfyché à
Junon : quam çunftus oriens Zygiam veneratur. Les
latins lui donnèrent le furnom de Juga dans le
même fens : quelques auteurs ont dérivé ce mot
d’un joug que l’on mettoit | félon eux fur le Col
des nouveaux époux dans la cérémonie, du mariage
5 mais leur témoignage ne paroît pas affez,
bien fondé.
Il eft évident que l’on doit plutôt entendre çes
deux palfages métaphoriquement, que de leur donner
un fens naturel. L’épithete de Juga vient donc
plus vraisemblablement, comme le dit Feftus , à
conjunckione maris & femins. La déeffe avoit un
autel & étoit adorée fous ce titre ( 01. Borrick,
antiq. urb. Rom. Marlidn. de urb. Rom. topogr. )
dans un lieu de la ville qui donna à la rue le-nom
de viçus jugarius.
L’union des époux à laquelle Junon préfidoit,
lui a fait donner auflVpar Martianus Capel a l’épithète
de Socigena ( de nupt. Pkilo'log. ). Les grecs
lui donnèrent encore le furnom de dérivé
de yuftta , j ‘époufe. Selon Tôûrnefort ( Voyag. de
Levant, 1 .1. p. 422. ) Junon portoit une couronne
de fouchet & de ces fleurs que nous appelions
immortelles ; on en Couvroit une petite corbeille
fort légère placée fur le haut de la tête 3 c’eft peu^
être de-là, ajoute ce favant voyageur, que font
venues les couronnes que l’on mec encore dans
le Levant fur la tête des nouveaux mariés, & la
mode n'en eft pas entièrement paftee parmi nous.
T o urne fort ( Atken. I. 1 j 670. ) cite un pafLige
d'Athenée où cet auteur appelle Tluxià» la couronne
dont les peuples de Laconie ornoknt Junon. C ’eft
vraifemblablement pour cette raifon qu’elle a été
furnommée Xv6u* , épithète qui ne fe trouve que
dans Paufanias ( Corinth.) , &que l'on peut traduire
en françois par Junon couronnée de fieurs. On
voyoit fon temple dans la ville d’Argos, à la droite
& près celui de Latone.
Il fuffit de faire remarquer que la conduite de
la nouvelle époufe a dans la maifon de fon mari
futur , fe faifoit avec beaucoup de folemnité, &
c ’eft de-là que vient l'exprefïion latine uxorem
ducere, qui lignifie fe marier. On réclamoit la pro-
te&ion de Junon pour cette cérémon-e* & on in-
voquoit la déefife fous le nom d'Iterduca & dcDo-
miduca. herducam & Domiducanf mortales paella
debent in nuptias eonvocare ut earum & itinera pro~
tegas y & ni optatas domos ducas.
^ Dans l'intention d’ éviter les enchantemens magiques
& d'autres maléfices, la mariée faifoit à
la porte du mari une onétion avec de la graille
de loup. Majfurius , dit Pline ( P lin. L X X X V I II .
cap. IX. ) palmam lupino adipi dedijfe antiquos
tradit. Ideo novas nuptas illo perungere pofies foli-
tas, ne quid mali medicamenti inferretur. Junon
étoit invoquée dans cette onétion fous , un nom
qui marquoit la part que l ’on croyoit qu’elle y
prenoit, Unxia.
Il reftoit encore à faire au mari une opération
préalable, c'étok de dénouer la ceinture virginale
de fon époufe. Junon n'étoit point oubliée dans ce
moment critique, les jeunes filles qui en efpéroient
dans cette çirconftaneè une influence favorable,
l'invoquoient encore fous le nom de Çitixia. {Martian.
Capell. ibid.') Cinxiam mortales puella debent
in,nuptias eonvocare , ut cingulum ponentes in tha
lamis non relinquas.
déelfe qui préfidoit aux accouchemens au moins
chez les latins j car les grecs attribuoient cet
office à Diane, qu'ils nommoient pour cela ç><a<r
Qopoç. Mais Diane n’étoit pas la feule divinité ad-
mile par les grecs pour préfider aux accouche-
mens, ils en reconnurent encore ùne autre qu’ils
nommèrent E tXîlâvtei. ( Vid. Hejîod* .Theogony ) 3
dont on a fait quelquefois une divinité particulière,
& que l’on a d'autres fois regardée comme h
fille de Junon ; Pindare ( Nem. Ôd. VII. ) l'invoque
fous ce rapport.
Les lati-ns confondirent cette déefTe Ilÿthie ;
fille de J unon avec Junon elle-même 5 car le moi
grec iiXtiïviu eft toujours rendu par' celui de Luci-
na y & on fait que ccs peuples ne meitoient aucune
différence entre J unon & lu c :ne, & que,
feion eux, le mot, de Lucina étoir l’cp thète de
celui de Junon ( de nat. deor. lib. IL ). Itaque &
apudgracos , dit Cicéron, Dianam eamque Luci-
nam, eamque Luciferam. Sic apud nos Junonern
Lucinam in pariendo invocant. On a pu attacher
une autie idée au mot Lucine, & le confidérer
comme le nom d’une divinité particulière , à laquelle
leu'e appartenoit la fonction d’aflifter les
femmes dans les douleurs de l’enfantement; & ,
en ce cas , on auroit pris feulement le ligne poux
la chofe lignifiée.
Il peut fe faire aulfi, que fansL rien diminuer
des droits de Junon, on l ait invoquée feulement
fous le nom qui lès indiquoit.
........................... .. Magna
Lucinam ad nexos partus clamore vocabam.
Nous ccnfidérons ici Je mot Lucina comme
l’épithète & un furnom de cetre déeffe , qui lui
eft donné par plufieurs auteurs & par Térence,
qui introduit la courtifane Glycérium l’implorant
. dans les douleurs fous ce titre (. in Andr ail. I IL
feen. I . ) i
J uno Lucina fer opem, ferva me3 obfecro.
Jw/zo/z-Ilithie avbit un temple dans la ville d’A thènes
,dont parlent Platon ( de leg.), & Paufanias
I ( Pauf. in Attic. ) |
Le temple de J^/zo/z-Lucine étoit à Rome fur
les efquilies , comme il paroît par un pâffage de
Varron : Cifpius Mans- . . . . . apud adem Junonis
Lucina.
La.quantité d’ér. rofo & de monumensqurexif-
tent encore avec le titre de J uno Lucina , font
afl'ez vorr combien étoit grande la vénération que
l'on avoit pour elle en Italie. Gruter , Muratori,
Reinéfius & d'autres auteurs en ont publié une
! grande partie-
Junon-Lucine eft repréfentée fur les médailles
de la même manière à peu près que fur les mo-
■ numens chargés d’inferiptions ; c’eft ainfi qu’on
la voit fur une médaille d’or de Fauftine la jeune
( Cab. de M. Pellerin ) , où elle eft aflîfe tenant
; de la. main droite un enfant, avec un autre qui eft
devant elle- lui tendant les bras, de la gauche une
! hafte y & un marche-pied fous fes pieds.
Junon étant bien reconnue pour la déeffe qui
préfidoit aux accouchemens , il- eft aifé d’expliquer
les autres noms relatifs à cet office qui lui ont
été donnés. Le furnom de Patulcia y par exemple,
n’eft rien autre chofe qu’ une dépendance 6c une
confirmation de celui de Lucina. L ’affiftance dçj