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Ttinon envers les femmes enceintes étant bien
conltatee , on la chargea de tous les foins qui pou-
voienr en dépendre ; on crut qu'elle, ne négligeoit
rien de tout ce qui tenoit à la difpofition phyfique
des femmes pour la formation du fétus, fa nutrition
& fa production ; c’eft cette production à la-
que,ie on s imaginoit qu'elle préparoit les voies en
accélérant 1 accouchement, & en diminuant les
douleurs, qui la fait appeller Patulcia , furnom
dont 1 étymologie .n’eft pas bien connue ; mais qui
a la meme lignification que s’il venoit du verbe
P andere : a pandendo genitales meatus.
C eft toujours par une fuite desflcours que 7k-
non procuroit aux femmes, quelle a été' furnom-
mee Egeriày a partu egerendo , félon Feftus: &
Qpigena y quod opempr&beret, félon le même auteur.
Les accouchemens étant quelquefois fuivis d’ac-
cidens fâcheux, on eut encore recours à l’alfif'
tance de Junon , & les femmes l imploroient dans
ces circonstances fous un titre qui marquent le
fl:cours qu elles en artendoient, c’eft celui de
Fluonia y Feftus en donne la raifon : Fluoniam
Junonem mulieres célébrant , quod cam fanguinis
fiuorem in conceptu retinere putabant. C e qui ne
fouffre point d’autre interprétation.
Junon reçut les furnoms de Menfalis, de Ka~
lendarîs&i de Novella-pom d’autresTaifons tout-à-
rait d ftertntes. Elle fut furr.ommée Kalendaris
dans la plus haute antiquité par les laurentes avant
la fondation d’Albe, parce que ces peuples lui
îi voient confacré les calendes de chaque mois ,
depuis le mois de m.rs jufqu’à celui de décembre
inclufivement, d^ meme qu’ils avoient confacré
les ides à Jupiter : idus omnes Jovi 3 ditMacrobe
( Saturn, lib. I . cap. X V . ) , ita kalendas Junoni
tri but as , & Varronis & Pontificals affirmât autlo-
ntas ; quod ttiam laurentes patriis religionibus ferven
t I qui & cognomen des. ex csremoniis addiderunt,
Kalendarem Junonem vocantes,fed & omnibus kalen-
dis à menfe martis ad decembrem kuic desfupplicant.
* Ovide fait aufli mention de cet ufage dans fes
faites ( Ovid.fafi. I . ) :
Vendicat Aufonias Junonis cura kalendas,
L Je n infifterai pas davantage fur quelques autres
tpithetes de Junon , qui ont rapport aux mariages
«■ à leurs fuites. Celles de Matrona & de Popu-
lonia lui font données par plufieurs auteurs ( Mar-
t'ian. Capell. Senec. Tryphiod. >, & elle eft fur-
nommée (pctielfcfSpoToçj parce qu’elle étoit- cenfée
donner la vie aux hommes , & Februalis en tant
qu’elle préfidoit à la cérémonie de la purification
des femmes accouchées.
Voici la raifon qui a fait donner le paon pour
attribut à Junon , ainfi que l’aigle à Jupiter. L ’ille
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de Samos eft le premier pays où l’on ait découvert
des paons félon le témoignage d’Athénée ( Atken*
lib. X I V . p. 6yy. Jul. Pollux ) & d’autres auteurs,
& c eft de cette ifle qu’ils furent tranfportés dans
d autres pays j de même que les coqs le furent de
a / rfe‘ O’eft pourquoi Antiphane, cité par
Athenée, dit qu’Héliopolis fournit des phénix ,
Athènes, des chouettes, Tille deCypre, debel-
les colombes, & que Ton trouve à Samos des
paons, efpèce d’oifeau qui l ’emporte fur tous les
autres par la variété de fes couleurs, &• par l’or
qui eft répandu fur lès plumes. Il n’ eft donc pas
étonnant que les famiens aient confacré cet oifeau
a Junon , qu’ ils prétendoient avoir pris naiftance
chez eux , qu’ ris. l’aient donné pour attribut à
la reine des deux, déeffe des rïtheffes, & qu’ ils
1 aient figuré fur leurs monnoies. Le paon n’eft
pas le fa i oifeau qui ait été donné pour attribut à
cette de^fife félon M. de Buffon (Hift. des.oifeaux,
in 12°. tom. II. p.vg. 120.) : « les prêtes, dit
» ce favant natural.ftc, ont dédié l’aigle à Jupiter,
» & le due à Junoni c’eft en tffet l’aigle de la
» nuit, &- le roi de cette tribu d’oifeaux qui crai-
» gisent la lumière du jour, & ne volent que quand
» elle s étçjnt ».
L ’ifle de Samos pafloit, comme nous l’avons vu,
pour le lieu de la nailfance de Junon. L’itinéraire
d’Antonin le marque pofitivement à cet article,
on y lit :
INS V L A SAMOS IN MARI AEGEO
IN H A C IV N O N A T A EST* .
Il n eft pas fi aifé de concilier ce que dit Pau-
fanias de la naiffance de Junon dans l’île de Samos
, avec ce que le même auteur rapporte ailleurs
de fon éducation dans la ville de Stymphale en
Arcadie. ( Pauf. Arcad. ) C ’étoit une tradition
parnd les peuples de ce pays que Temenus habi-
toit l’ancienne ville de Stymphale, qu’il y éleva
^Ux°,n 3 ^ <lu ^ bâtit enfuite trois temples fous
differens noms'fluivant les trois états où il Tavoit
vue : le premier étoit appelle le temple de Junon
vierge, n«pS-evo?; le fécond le temple de Junon
mariée, ittelci-, Jbt le troifième le temple de
Junon veuve , Le dernier lui fut élevé lorf-
qu elle demeura à Stymphale où elle s’étoit retirée
après fon divorce. ( Paufan, Beot.) Selon le même
auteur Junon etoit aufli honorée fous les noms de
TéXeU & de Nü^ipÉi^gy* à Platée én Boeotie.
On raconte qu un jour Junon étant irritée contre
Jupiter, fans que Ton fâche pourquoi, s’étoit
retirée en Eubee, & que Jupiter n’ayant pu la
fléchir d’aucune manière vint trouver Cithéron
qui regnoit alprs a Platée. C’étoit l’homme le plus
fage de fon temps; il confeilla au d eu de faire
faire une ftatue de bois, de l’habiller en femm?,:
de
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#e la promener fur un char dans la ville, & de
répandre le bruit que c ’étoit Platcca, fille d'Afo-
pus qu’il alloit époufer. Jupiter fuivit ce^ confeil.
AuflitôtJ^o« en étant informée fe rend à Platée,
s’approche du char » 8ç dans fa colère i voulant
déchirer les habits de la mariée, elle s’apperçoit
que c’eft une ftatue. Elle pardonna aifément à
Jupiter cette petite tromperie & elle fe reconcilia
avec lui-. En mémoire de cet évènement on célé-
broit dans le pays une fête appelée les dédales y
parce qu’anciênnement toutes les ftatues de bois
étoient nommées dédales. t
Le culte de Junon dans l’Eubée n’eft vraifem-
blablement fondé fur d’autres principes que fur
.la retraite de la déefle dans cette ifle;
encore les auteurs en parlent-ils rarement.
Il n’y a aucune v ille, non-feulement dans la
Grèce, miis encore dans le refte du monde qui
fe foit fignalée par le culte qu'elle rendoit à Junon
d'une manière plus particulière'que celle d’Argos-
Homère ne fait point mention de Samos parmi
les villes qu’il dit être chéries préférablement
par Junom il en cite frois autres principales dont
la première eft Argos. ( Iliad. S. v. yi.)*
Les argiens prétendoient que la déefle avoit
pris naiftance chi-z eUk, que les trois filles de la
rivière Aftérion l’avoient nourrie , & que ce fut
une d’elle nommée Eubée qui donna fon nom à
la montagne fur laquelle fut bâti je temple.de
Junon dont Eupolème , natif d’Argos, fut l’archi-
teéte. C e temple nommé Hpdïov étoit fitué au.pied
du mont Eubée, à peu près à égale diftance d’Ar-^
•gos de Mycènes, & les peuplés de Tune & de
l’autre ville s’y rendoient en commun pour célébrer
les^ fêtes de Junon,
Paufanias ( Corinth. ) fait la defeription de la
ftatue de la déeffe telle qu’on la voyoit dans fon
^temple. En y,entrant, dit-il, on y voit fur fon
trône" la ftatue de Junon toute d’or êt d’iypiré,
& d’une grandeur extraordinaire ; elle porte une
couronne fur laquelle on voit en relief les grâces
& les heures'. D’ une ma n Junon tient une grenade,
& de l’autre un feeptre furmonté d’un
coucou. Quant à la grenade c’eft un myftère que
je paffe fous filence , continue Thiftôrien; mais
•pour le coucou qui'eft au haut de fon feeptre,
on dit que c’eft le fymboîe de la métamorphofe
‘de Jupiter qui étant amoureux de la jeune déefle,
prit la figure de cet oifeau afin qu’elle s’en amufâr.
Cet ouvrage étoit de la main de Polyclète, fa
Æneux fculpreur d’Argcfe. Mycènès" étoit sufli chérie
de Junon y néanmoins Argos avoit la piéémi-
nence , & c’^ft pour cela que les auteurs latins
ont donné à Junon le furnom d“ Argiva & quelquefois
celui d‘Argolioa comme Sénèque : & tè foro
rem cuntta pollcntis viri Argolicci Juno. Muratori
a publié une infeription fur laquelle on lit celui
êiArgeia qui fign;fie ja même chofe :
/Antiquités. Tome JIJ,
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IXJNONI ARGEIAE
C.. BLANDUS PROCOS.
( Muratori y infeript. tom. 7 , 'p% X I V , n°, y. )
On a plufieurs médailles fur lefqueiles ôn lit,
APrEmN HPA, ou HPA APFEÎA j mais la déeffe
n’y elt point du tout repréfentée fuivant la def-
cription de Paufanias.
Entre les villes qui étoient fous la protection
immédiate de Junon ( Iliad. S. v. yi ) Homère
compte aufli celle de Sparte. Les lacédémoniens
avoient pour cette déeffe une vénération particulière
, & nous lifons dans Paufanias ( Eliac. i )
l’épithète de lacédémonienne donnée à Junon H'pee
A*%eJûit/>iovlc6. Ils étoient. les feuls des grecs qui
l’honoraffent (bus le titre d’AV/a(payas, furnom
qui venoit du facrifice de chèvres qu’ils faifoient.
Ce fut Hercule, dit Paufanias, qui lui éleva lui
temple, & qui le premier lui immola des chèvres,
parce qu’il n’avoit trouvé aucun obftacle de la part
de la déeffe dans fon combat contre Hippocooit
& fes enfans. Le héros , en reconnoiffançe de ce
qu’elle ne s’étoit point oppofée. à fl s deffeins,
comme elle avoit coutume de le faire, lui offrit
un facrifice des premiers animaux qu'il trouva fous
fa main, & c’étoit des chèvres.
Le culte de Jupiter Ammon fut tranfporté de
Lrbye.dans differens pays de -la Grccè & particulièrement
à Olympie, les éléens faifoient des libations
en fon honneur, & il étoit invoqué dans le
Prytanee. De-là vint à Junon fa foeur le furnom
d’Ammonienne, non que fon culte ait* été apporté ,
de Libye en Grèce, ainfi que celui de Jup ferj
mais, parce que la déefle ayant rété honorée dans
le prytanée d’Olympie où Jupit. r pottoit le fur-
' nom d’Ammon, l’on crut que Junon de voit porter
le même nom par conformité , & parce qu’elle
partieipoit aux mêmes honneur s. Elle fut donc
nommée Ammonienne, H"pM Apt^miei, comme le
rapporte Paufanias. (E l ia c i ).
.Lesgrecs reçurent fur le culte des dieux quelques
idées -, des pe» pies plus anciens qu'eux. Si Ton en
ctoit Strabon ( lib. V 3 p. 14-6 ) ils donnèrent le
nom de Junon ou plutôt de H'vp<«v à la déeffe que
les çtrufques nommoient Cupra*, Tqv Hg<»y tKiivoi
KuTepav KctXxo-t. Nous n’avons point affez de. détails
fur la religion de' ces'derniers peuples pour
favoir quelle idée ils fe formojent de cette déeffe.
Ori fait feulement qu’ il y avait, dans le Picenum -
une ville maritime du nom de Cupra, dans laquelle
Strabon dit qu’étoit bâti le temple de la
déeffe qui portoit ce nom. Le mot Cupra ne de-
vroit pas être par conflquent regardé comme un
furnom de Junon j mais comme un fynonime employé
chez les étrufques pour exprimer la déeffe
quç les grecs nommoient H”fer, de même que les