
fas eft n om in a r e y C. &c. ( M a c r o b . fa t u r n . l i b .
l l l . ca p . 9. ) EnS» une infcription rapportée par
Gruter, nous prouve évidemment l’opinion des
anciens fur l'état des âmes après la mort, & leuis
déification, { p a g . 7 9 4 . n . 1 . ) . D . M . P o r t , r o t ,
P l u t o n i e t P rc^s e r p in ; mare, J u l ia .., in
DEO RUM N U MER U JR RE CE PT A.
Les âmes des gens de bien étoient feules ad-
msfes au rang des divinités inférieures» Lucam le
dit expreffément ;
Semideique Mânes habitant quos ignea vif tus
Jnnocuos Vite patientes etkeris imi,
Fecit.................... .............................
C ’eft pourquoi on pîaçoit dans les cercueils
«ne atteftation de vie & de moeurs . comme nous
l'apprenons d'Euftathe & du Scholiafte de Pin-
dare. Ce formulaire étoit figné par un pontife: en
voici la teneur. (.Banicr cxplicat. des fables in-11.
tom. 1. p. 99. )• Ego Sextus Anicius pontifex teftof
hune honcfte vixiffe ; Manu ejus inventant requiem.
Admis au nombre des D'eux inférieurs ou ter-
rellreS, les mânes jouifloient d'un pouvoir étendu,
qu’ ils ne pouvoient néanmoins exercer que pendant
la nuit & à la faveur de fes ombres. Les premières
lueurs du crépufcule. & le chant des coqs-,
mettoient fin à leur empire.
No3 e vagtferimuri nox cldufas libérât urnbràs ,
( Proper. Eleg. 4. ).
........................................fub noble filcntiy
Cum fuperis terrena placent.............. ( Htace. '}■
Nous ne pouvons nous refufer à placer ici une
épitaphe qui refpire la tendrefle & la fenfibilite les
plus vives, & fert à éclaircir ces deux poètes • . .
Anima fanele colenda. D . M. S .fu n a jp e s . L.Sem-
pronio. firmo. conjugi. caripmo. mthi. ut cognoyt.
puer puella. obligati amorispariter. cum. quo.vtxi.
tempori minime. &. que. tempore. vivere. iebuimus.
a. manu. mata, difparati. fumus. ita. peto. vos.
Mânes. fanBiJftma. commendatwn. habeatis meum.
carum. &. vellitis. huic. indulgent,jfimi. ejfc. hons.
noHurr.is.ut eum. videam. Stetiam. me.fato. fuadere.
( fu o aidere ) vellit. ut. b . ego. pofim. iulcms. O .
celerius. apud. eum. pervenire. ( Gruteri.706. n. 5. ).
Ces divinités fubalternes fortoient pendanr la
nuit par la porte de l'Enfer. Quelques Etymolo-
giftes ont même déduit leur nom de cette- fortie :
Mânes........... quia ad fuperos manare credebantur
per oftiumOrci. FeÜus donne à ce mot une autre
origine, & croit quil leur avoit été impofe par
les augures , quod per eos omnia manare crénelant,
ce qui les faifoit placer quelquefois parmi
les divin tés fupc-rieures. On s’étonnera moins de
l’étendue du pouvoir que leur accorde Feftus, fi
I'qh jette les yeux fur une epîtaphe recueillie par
Fabietti. Elle porte ces mots : D.r M. tatq-rùm
ARBiTRis. Aufli-tôt que les âmes étoient réparées I
du ..corps 3 elles fembïoient reprendre tout cerne!
la prifon leur avoit fait perdre de dignité & de
grandeur. Le Génie qui apparut à Brutus la vtillle
de fa mort j étoit félon Plutarque, dune taille
plus qu’humaine. Nous envoyons un femblable
dans Gori ( Mus, Etrufc, tab. 104. n. 3. ) , &
fur une patere étrufque de Dempfter. Ils ont
tous deux une taille gigantefque. Didon dit auffi
d’elle-même :
Et nunc magna mei fub terras ibit imago.
Dans cet-état.les âmes étoient préfentées aux
redoutables juges, fi leur vertu étoit reconnue,
f Proferpine . les accueilloit favorablement, & les
faifoit conduire aux Champs-Elifées. Stace le dit
( S y lv . ,
Pratereà fi quando pio laudata marito
j Umbra. venit , jubet ire faces Proferpina ïectas,
Egrejfasque facris veteres keroidas antris,
Lumine perpetuo trifies aperire tenebras ,
Sertaque & Elyfios anima profiernere flores.
La cérémonie de leur déification n etoit autre
chofe que l’affociation aux héros & aux ombres
pieufes. Elles entroienr fur ie champ en jouiffance
de toute l’étendue du pouvoir accordé aux Mânes,
& pouvoient en ufer dans tout l’univers, excepte
les feuls endroits où Jupiter tenoit fa cour. Ma-
nibus refutatis ., quippe hi in conjpeâium Jovis non
poterant advemre*{ Philol. lib. i.').
Les anciens attribiioient aux Mânes en premier
lieu une connoiflance diftin&e de F avenir, & les
évoquoient pour apprendre leurs defiinées. Nous
en verrons plufieurs exemples en décrivant le culte
qu’on leur rendoit. Enfuite on^ leur dévouoit fes
ennemis; on fe dévouoit foi-meme a eux pour ob
tenir la vittoire. Mais il fadloit que les viaimes
volontaires fuffent pures, fans taches 5 les Mânes
n’ exigeoient que ce mérite, fans exception du noble
ou du plebeïen. Juvénal le fait entendre en d*-
fant des'trois Décius qui fe dévouèrent pour leur
patrie ( Satyr. 8. ) :}
Plebeia Deciorum anima ptebeia fuerunt
Nomina : pro totis legionibus hi tamen, & pro
Omnibus auxiliis , atque omni plebe latina
Sujficiunt Dis infernis , terraque parenti.
On les regardoit aüfii comme les coopérateurs
des furies, & les vengeurs des crimes ,. entré
lefquels le parjure & la profanation des fépulcre?
tenoient lieu. C Jeft dans ce fens, que YirB1 e
M À N M A N 6 2 7
emploie leur nom pour exprimer les toutmens :
Ouifque fuos patimur mânes y & Cicéron dit a
Verrès ( f. 112. ) : Jam ilia prulara, non tcfiium
modo cacervas, quum tua res ageretuf 3 fed tiun
'a dûs manibus innocentium poenas fceleratorumque
furias in tuam judicium effe vendras.
Ceux qui vouloient attefter la vérité dans leurs
- récits ou leurs promefifes, prenoient à témoins
les mânes de leurs parens. Properce emploie
I cette invocation comme le plus redoutable des,
Ojfa tibi juro per matris, & ojfa parentés y
Si f allô , cinis^heu fit mifii uterque gravis !
( Eleg. 20 j lib 1. )
Les anciens regardoient encore les mânes comme
les divinités tutélaires des tombeaux. Tantôt ils
en donnoient lé nom aux refies inanimés que
renfermoient les urnes. ( Gruter. p. 895. )
T7mmidi& mânes tumulus tegit • ipfe fimulque
Primigeni verna , quos tulic una dies.
Tantôt ils lesprioient d’exclure de ce lieu de
repos & de paix, ceux qui s’en étoient rendus
indignes par une vie criminelle, ou par l ’ingratitude
envers leurs patrons, ou enfin par la pro*
fanation des fépultures. Les recueils d’épitaphes
font remplis de cés imprécations, & Suétone
nous en a confervé une des plus remarquables.
Après la mort du fucceifeUT d’Augufte, le peuple
romain, ne redoutant plus le tyran, fit éclater
fa haine & fon in-lignation. Les uns vouloient
que l’on traîna Tibère dans le Tibre ; les autres
plus modérés adreffoiènt leurs plaintes aux
dieux mânes ( Suéton. 77. vit& Tiberii ) , & les
fupplioient de n’accorder à l’ombre de ce méchant,
prince d’autre place aue la région des fup-
| plices deftinés aux coupables.
Ces divinités étoient chargées de pourfuivre ,
comme les furies, les criminels fur la terre ,
& de troubler leur repos. Auftî les mourans ,
en tombant fous les coups dès traîtres , leur |
remettoient-ils le foin de les venger? Diimorientis
Elif&} s’écrie Didon, près de , mourir, vos , 0
mihi mânes , efto boni : quoniam fuperis averfa
voluntas !
La crainte de cette redoutable vengeance, ou
plutôt les remords des impies, firent naître l’opinion
des Larves & des Lémures. C ’étoîent des
ombres mal fai fantes, que l’on croyoit errer fur
la terre pendant la nuit, entrer dans les mai-
fons, troubler le fommeil, & caufer mille ravages.
Ces terreurs paniques, dont les femmes &
le* efprits faibles font encore tourmentés, allaient
jufqti à donner la defeription des traits hideux de
ces ombres vengereffes. Les auteurs tragiques les
introduifoient fi fouvent dans leurs pièces, que
l’on avoit imaginé, pour les peindre, un mafque
effrayant, nommé par les grecs On
attribuoit encore la démence & 1 alienation d ef-
prit à la rencontre inopinée des .L a rv e s . De-la
vient le mot larvatus (A u lu la r ia ) pris dans le fens
des furies, ou d’infenfé. L ’avare de Plaute ayant
examiné les deux mains de fon domeftique, lui
demande encore à voir une troifième main. Stro-
bilius croit, à ce propos, la tete de fon maître-
dérangée. LarvA , dit-il, hune atque in tem pe rU,
tnfaniaque agitant fenem. Et dans une autre comédie
de ce poëte, on lit: LarvA fiim u la nt V f
rum. ( CaptivAi)
L ’imagination frappée ne s’en tint pas aux lat>
ves, elle enfanta encore les lamies , ces etres
fantaftiques, dont parle Horace. « Neu pranfA
» lam'iA vivumpuerum extrahatalvo ». C Art.poet,
vi 340. ). Il paroît que les enfans ne les redou-
toient pas feuls j car Philofirate dit que les lamies
( ÂpoUonii vita ) étoient des femmes tres-
portées à l’amour. Elles pourfuivoient, félon lu i,
les jeunes gens pour en jouir, & les devoroienc
enfuite. Aufli croyoit-on communément que fem-
blables aux chauve-fouris , ces monftres s atta-
choient à la peau des hommes endormis , &
fuçoient tout leur fang. Les vampires, dont on
s’eft occupé fi férieufement vers le milieu'de ce
fiècle, avoient été imaginées fans doute d’après
ces dangereufes femmes. Les hommes inftruits,
chez les grecs & les romains, n’ ajoutoient pas
plus de foi à leur exifience, que les philofophes
nos contemporains n’y en ajoutent aujourd’hui.
Quelques pratiques de religion avoient^ pu
donner naiflance à l’opinion de ceux qui réali-
foient ces vifibns. Nous voyons dans Homère
{Odyff. X L ) &dans les plus anciens poètes, que
les mânes accouroient autour de ceux . qui les
invoquoient par des facrifices, & qu’ils buvoienc
avidemment le fang des vi&imes. ( Hécuba) .
Pyrrhus, dans Euripide, immolant Polyxene fur
le tombeau d’Achille, appelle l’ombre de ce héros,
& l’invite à fe raffafier du fang de cette
princeffe infortunée , dont les grecs lui faifoient
une- offrande. ( Macrob. Satura, lib. 1 .-cap. n. 3.
Acron. in Horat. I. lam, 4. Apuleius de deo So-
crads y Martinus Capella , Lib. 2. Servi us in
Æneià. I. 143. Nonius 2, $ 13 .). Cette avidité
pour le fang humain & pour le trouble fit fans
doute diftingueren deux claffes les dieux mânes,
en génies bienfaifans, lares ou mânes, de l’ancien
mot bien, & en larves ou lamies.
On étendoit à ceux-ci mêmes le nom de mânes;
mais par anti-phrafe , félon Servais, quià
non fient boni. On n’employoit jamais , pour le.s
eindte, -que les plus noires couleurs. LarvA