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Enfuite h mode vînt que celui qui priôit à Couper
fie la galanterie du bain à fes convies-;. c eft
pourquoi on obfevvoit, en bâtifiant les maifons,
de placer la faîle des bains proche de celle ou 1 on
mangeoit.
D'un autre cô té , la coucume de manger couchés
fur des lits prit faveur , par l’établifîement
de drèfier pour les dieux des lits dans leurs temples
aux jours de leur fête Si du feftin public qui
l ’accompagnoit-, La remarque eft de T îte-Live
( Décad. liv. I. ch.j. ). Il n’ y avoit prefque que la
fête d’Hercule ou l’on ne mettoit point de lits
autour de fes tables, mais feulement des fieges,
fuivant l’ancien ufage : ce qui fait dire a Virgile,
quand il en par-le , bac facris fedes epuftis. T ous
les autres dieux furent traités plus délicatement.
On peut voir encore aujourd'hui la figure des lits
dreffés dans leurs temples fur des bas-reliefs & des
médailles antiques. Il y en a deux repréfentations
dans Spanheim ; l’une pour la déeffe Saks , qui
donne à manger à un ferpent ; l’autre, au revers
d'une médaille de la jeune Fauftine.
Comme les dames roma ines à la différence
des dames grecques, mangeoient avec les hommes,
elles ne crurent pas d’abord qu’il fût de. la mo-
deftie d'être couchées à table, elîes^ fe tinrent
affifes fur les lits tant que dura la république 5
mais elles perdirent avec les moeurs la gloire de
cette confiance ; 8c depuis les premiers Céfars
jufques verà l'an 320 dé Père chrétienne , elles
adoptèrent & fuivirent fans ferupuîe la coutume
des hommes.
Pour ce qui regarde les jeunes gens qui n'avoient
point encore la robe virile, on les ret nt plus longtemps
fous l’ancienne difciplirie. Lorfqu'on les
admettoit à table,- ils y étoient a (lis fur le bord
du lit de leurs plus proches pare ns. Jamais, dit
Suétone, les jeunes Céfars , Caius & Lucius,
ne mangèrent à la table d’Augufte qu'ils ne fuffent
afiis imo loco, au bas bout.
La belle manière de traiter chez les romains,
étoit de n’avoir que trois lits autour d'une tuble ,
un côté demeurant vuide pour le fervice. Un de
ces trois lits étoit au milieu , & les deux autres
à chaque bout 5 d’où vint le nom de triclinium,
donné également à la table. & à là falle à manger.
Il n’y avoit guère de place fur les plus grands,
'lits que pour quatre perfonnes ; les romains n ai-
moient pas être plus de douze à une même^ table,
& le nombre qui leur plaifoit davantage étoit le
nombre impair de trois , de fept ou de neuf:
leurs lits ordinaires ne. contenoient que trois perfonnes.
Le maître de la maifon fe plaçoit fur le
lit à droite au bout de la table, d'où voyant
l'arrangement'dü fervice, il pouvoit plus facilement
donner des ordres à fes domeftiqües ; il ré- :
fervoit une place aü-deffus de lui pour un des ,
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conviés, 8c une au-delTous pour fa femme ou
quelque parent.
Le lit le plus honorable étoit celui du milieu;
enfuite venoit celui du bout à gauche^ : celui du
bout à droite étoit cenfé le moindre. L ’ordre pour
la première place, fur chaque Ht, requeroit de
n’àvoir perfonne aü-defths de foi ; 8e la p ace la
plus diftinguée étoit la dernière fur le lit du
milieu : on l’appelloit la place consulaire , parce
que effectivement on la donnoit toujoùrs a un
conful quand il a’io t manger chez quelque ami.
L’avantage de cette place confiftoit à etre la plus
libre pour fortir du repas , & la plus acceflible à
ceux qui furviendroient pour parler d’affaires ;
! car les romains, quoiqu’ à table, ne fs departoient
; jamais de remplir les fondions de leurs charges.
Horace , dans une de fes fatyres (l. IL fat. 8. ),
nous înllruit qu’on mettoit la table fous un dais
quand on traitoit un grand feigneur , comme
; Mécène ; & Macrobe décrivant un repas des
pontifes , d it, pour en exprimer.la magnificence,
qu’il n’y avoit que dix conviés ,. 8c que cependant
on mangeoit dans deux falles. C étoit par le meme
principe de magnificence qu’ il y avoit une file
à cent lits dans la célèbre fête d’Antiochus Epi-
phanès, décrite par Elien.
La fomptuofité particulière des lits de table
confiftoit, i° . dans l’ebene, le cèdre , 1 ivoire,
fo r , l’argent, & autres matières précieufes dont
ils étoient faits ou enrichis ; 2°. dans.les fuperbes
couvertures de diverfes couleurs, brodées d’or
& de pçurpre , 30. enfin dans les trépiés d’or &
d’argenti
Pline (/. XXXIII. c. x). ) remarque qu’il n’étoit
pas extraordinaire, fous Augufte , de voir les lits
de table entièrement couverts de lames d’argent,
garnis des matelats les plus mollets 8c des courtepointes
les plus riches. Du temps de Sénèque,
ils étoient communément revêtus de lames d’or,
d’argent, ou d’ éle&rum , mélange d’or avec
l’argent. Cette mode pafia de l’Orient à Rome,
comme il paroît par la pompe triomphale de
Lucullus, dont Plutarque nous a lai fie la ciel-
cription.
Aulugelle fe plaignant du luxe des romains en
lits d 'o r , d'argent & de pourpre, ajoute qu ils
donnoiént aux hommes, dans leurs feftins, des
lits plus magnifiques qu’aux dieux mêmes ; ce pendant
un doéteur de leg'ife , en parlant des lus
des dieux, dit : DU v eft ri tricliniis celejhlus,
atque in chalcidicis aureis cannant. En effet, UH
auteur grec fait mention d’un lit des dieux, qul
étoit tout d’or , dans l’île de Pandere. Que e
voit-ce être des lits .des hommes, s’ ils les lur-
pafïoient encore !
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Ciaconius, qui a épuifé ce fia'et dans fa Difier-
ration de triciinio , vous en inftruira. Il vous
apprendra le degré de fomptuofité où l’on porta
h diverfité de ces lits , fuivant les faifons ; car
il y en avoit d’été & d’hiver. Il vous indiquera
la matière de ces divers li t s , le choix des étoffes
& de la pourpre , enfin leur perfe&ion en broderie.
Pour moi j’aime mieux ne vous citer que
ee feul vers d’Ovide , qui peint l’ancienne pauvreté
romaine : « Les lits de nos pères 11’ étoient
» garnis que d’herbes 8c de feuilles; il n’apparte-
» noit qu’aux riches de les garnir de peaux ».
Qui poterat pelles addere , dives erat.'
La mode donna à ces lits depuis deux pieds
jufqu’à quatre pieds de hauteur ; elle en changea
perpétue lie ment la forme & les contours. On en
fit en long, en ovale, en forme de croilfant ; 8e
enfuite on les releva un peu fur le bout qui étoit
proche de la table , afin qu’on fût appuyé plus
commodément en mangeant. On les fit auffi plus
ou moins.grands, non-feulement pour être à fon
aile, mais encore afin que chaque lit pût tenir
au befom , fans fe gêner , quatre ou cinq perfonnes
; d’où vient qu’Horace dit ( /. I fat. iv.
v. 86. ) : « Vous voyez fouvent quatre pèrfonnes
» fur chacun des trois lits qui entourent une table».
Sape tribus leétis videas ccenare quaternos.
Plutarque nous apprend que Céfar, après fes
triomphes , traita le peuple romain à vingt-deux
mille tables à trois lits. Comme il eft vraifemb'able
que le peuple ne fe fit point de fcrupule de fe
preffer pour un ami, & de fe mettre quelquefois
quatre , il en réfulte qu’ il y avoit au moins deux
cents mille' perfonnes à ces vingt mille tables, aux
dépens de Céfar. Voyc[ au mot Largesse ce
que j’ai dit de l’argent qu’il avoit employé pour
le faiie des créatures.
Puifque dans les repas publics on faifoit manger
le peuple romain fur des lits , on ne doit pas
s’étonner de voir cet ufage établi en Italie, fous le
rèane de Néron , jufques parmi les laboureurs.
Columelle leur en fait le reproche , 8ç ne le leur
permet qu’aux jours de fêtes.
Quant aux tables autour defquelles les lits
étoient rangés, c’eft a fiez d’obferver ici que de
la plus grande fimplicité , on les porta en peu de
temps à la plus grande richefie. Les convives y
venoient prendre place à la fortie du bain, revêtus
d’une robe oui ne fervoit qu’aux repas, 8c qu’on
appelloit veftis ccenatoria3veftis/convivalis. C etoit
encore le maître de la maifon qui fournifioit aux
conviés ces robes de feftins , qu’ils quittoient
après le repas.
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Nou; avons des eftampes qui nous repréfi.ntcnt
ces robes, ces tables, ce s lits > & la minière
dont les romains étoient afiis deftiis pour manger ;
m.iis je ne fais fi , dans plu (leurs de ces eftampes ,
l'imagination des avtiftes n’a pas fuppléé aux mon
tio n s : du moins il s’y trouve bien des chofes
difficiles- à concilier. Il vaut donc mieux s’en tenir
aux feules idées qu’on peut s’en former par la
ieéfure des auteurs contemporains^ & par Ja vue
de quelques bas-reliefs qui nous en ont confervé
des repréfentations incompletres.
D .ns l’ un de ces bas reliefs, on voit une femme
à tab’e , couchée fur un des lu s , & un homme
pi es d’el le , qui fe prépare à s’y. placer quand en
lui aura ôté fes fouliers : on fait que la propreté
voüîoi: qu’on les ôtât dans cette occafion. Là
femme pnoît couchée un peu de cô té , 8c appuyée
fur le coude gauche , ayant pour tout habillement
une tunique fans manches , avec une draperie qui
J’enveloppe au-défi us de la ceinture jufqu'en bas.
Elle a pour coëffure une efpèce de bourfe où font
fes cheveux, & qui fe ferme autour de la tête.
La pl. X IV du tome I des peintures antiques
^ ’Hercülanum , repréfente auflî la fin d’ un fon per
: domefiique de deux perfonnes feulement, aflifes
fur un même lit-. La table eft ronde ; il y a defius
trois vafes 8c quelques fleurs, 8c le plancher en
eft tout couvert. (D . J .
Cayhis dit ( Rec. d’antiq. 2. pl. n y . ) , en
publiant un bas-relief de marbre , qui reprefente
un repas : « La forme du li t , ou de la table , en
demi-cercle, 8c la manière dont les trois convives
font difpofés, paroifiènt aflfez fingulières ; mais
on voit plufieurs lits ou tables arrangés de cette
façon dans les anciens monumens ».
« L’ouvrage intitulé Roma fabterranea ( lib. VI.
cap. 27. ) en fournit plufieurs exemples à l’occa-
fion des agapes ou repas des prenrers chrétiens.
Je renvoie principalement le Jeéïeur à la p. 606.
Mais le manuferit du Virgile confeivé au Vatican,
8c dont les figures ont été gravées par Pietro-
Sanîe - Bartoli , nous donne un deitin dont les
rapports me paroilfent avoir une plus grande conformité
avec le bas-relief dont il eft queftion. Il
repréfente ce que dit Virgile {Enéide, liv II.
v. 258 & fuiv. ) en décrivant le moment où les
grecs fortent du cheval de bois 8c égorgent les
! fentir.eîles 8c ceux des habitans qu’ils trouvent
livrés au fonimeil 8c plongés dans l’ivrefie où les
avoit conduit la joie d’être délivrés de leurs maux.
Les lits 8c les tablés , à moitié renverfés, fur
lefquels les grecs en font même périr quelques-
uns, font dans le goût du bas-relief de ce.numéro ».
Les anciens poufloieht la recherche des feftins
jufqu’à avoir des habits-particuliers pour les repas ;