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d’avoir fçu plaire à Jupiter Ton époux, qu’ elle
ne pafloic aux troyens leurs petits fuccès & leurs
vues d’établififement en Italie.
Ç e f t avecla douleur la plus amère qu’elle fe
plaint d’être réduite au titre feulement honorifique
de foeur de Jupiter, & de fe voit préférer des ri-
' vales indignes d’elles :
^ S or or tonaniis ( hoc enim folum mihi
Nomen reliquum eft) femper alienum Jovem, &c.
( Scnec. Hercul. fur. aci. j. v. i .)
Elle faifoit reflentir les effets de fa jaloufie à des
femmes qui étaient le plus fouvent furprifes , ou
qui n’étoient tout au plus coupables que de con*
dc-fcendance & de foumiffion pour les ordres de
Jupiter, & elle fe vengeoit de l’infidélité de fon
mari fur l’objet de fes amours. La métamorphofe
dTo ( Ovid. metam. lié. I. ) en génilfe ne püt la
fi mil raire à la pourfuite delà déeffe jaloufe, elle
la fit garder par Argus aux cent yeux, & la rendit
funeufe en 'ui envoyant un taon qui la tourmentoit
fans ctffe.
On connoît les violences auxquelles elle s’ eft
portée contre Califto, qu’elle maltraita jufqu’â
la prendre par les cheveux & la renverfer par
terre ( Ovid. met. liv. I. 4-77. ) :
.............. • -Àrreptam prenjis a fronte càpillis
Stravithumipronam. . . . . . . . . ; . .. v
Elle va porter fes plaintes à Thétys & à l’Océan
contre le maître des dieux, après quelle a vu
placée parmi les affres cette même Ca.ifto qu’ elle
avoir changée en ourf3...{ Ibid. ) « Une autre,
» leur dit-elle , règne en ma place. Eh ! qui crain-
» dra déformais d’offenferJunon» >
On croiroit que c’ eft l’ambition qui la tourmente
, tandis que c’ eft la jaloufie qui la dévore ;
fes perfécutions envers la nymphe Thalie & I e s
autres maître (Tes de Jupiter, en font une preuve
bien complecte. Ce n’eft donc pas non- plus fans
raifon que Çallimaque donne à Junon l'épithète
de ^tiXifcav. -
C’ étoit par une fuite de cette jaloufie opiniâtre
qu’elle_ voyoit d’un mauvais oeil les fruits qui
réfultoient des commerces dandeftins de Jupiter.
Tous ces en fans illégitimes étoient un monument
fubfiftant de la honte de fon époux, qui réjailliiToit
fur elle. i
Tous ces motifs , l’intérêt que Junon prend
aux mariages auxquels elle préfide, la naifiance
des enfans, leur éducation qu’elle protège,peut-être
d’autres raifons particulières faifoient qu'elle s’op-
pofoit de toüt fon pouvoir à la fécondité & aux
couches des mortelles honorées de la protection
fpéciale de Jupiter, comme elle fit par rapport à
Alcmène : fi malgré ces précautions elle ne pou-
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j â j l r f u^ r <?.ans fes defleins y malheur nu nouveau
ne. Quorqu i! n eût pu prendre aucune part à
tout ce qui s etoit pané , fon innocence n’étoit
pas capable de le juftifier aux yeux d’une déefie
irritee, il etoit sur de mériter toute fa haine. Un
poete reprefente Hercule encoré en butte à cette
averfîon après fon apothéofe. De là vint l’épi-
thete Torva, qui eft donnée à Junon p'ar Ovide
( Ovid. metam. lié. IV . ) , & qui eft très - bien
rendue & même expliquée par celle de
qu’on lit ailleurs.
L indignation de la déeffe -lui faifoit inventer
toutes fortes d ’artifices j elle n’épargnoit rien pour
détruire la caufe, ou pour anéantir les effets de
pareils amours. C ’eft ainfî qu’eile envoya à Hercule
, encore^ au berceau, deux^ ferpens que' cet
enfant, doué dès-lors d’une force extraordinaire,
eut le bonheur d’étouffer.
Théocrite a exprimé par le feul mot de sr«^-
f*KXcnos, l’efprit artificieux de Junon.
{ EHe fut la feule qui fe réjouit du malheur arrivé
a la famille de Cadmus, dans la punition d’Adléon
ft>n petit-fils. La haine qu’elle avoit conçue contre
Europe, lui faifoit haïr toute fa poftérité.'
Enfin, on connoît la méchanceté avec laquelle
eile prit la figure de Béroé , nourrice de Sémelé ,
pour infpirer à cette*princefTe un confeil pernicieux.
Je. ne rapporterai point les autres peines dont
elle affligea les victimes de fa jaloufie j jene parlerai
point de Tiréfias, qu’ elle rendit aveugle, de
la nymphe Echo, qu’elle métamorphofa en voix,
des filles de Prætus , qu’elle frappa d'une fureur
utenne, ni de mille autres effets de fa colère.
Son mauvais cara&èreeft afifez connu, & il juftifie
bien les furnoms odieux que les poètes, lui ont
donnés pour peindre ce caractère vindicatif Ils font
puifés dans la ^nature. Il n’y a jamais eu de Junon $
mais s il en eût exifté une , elle auroit fans doute
realife toutes les fuppofîtions des poètes. Ilfemble
qu Ovide ait voulu peindre la déeffe en grand , &
réunir toutes fes autres épithètes délavaptageufes
dans celle d3Iniqua3 dont il la qualifie. ( Metam.
lié. V IL )
Dira lues populis , ira Junonis inique,.
Virgile s en eft aufli fervi pour exprimer les tra-,
vaux-que cettedéeffe fufeita malicieufement àHer-
cule : - • -
. . . . . . . . . . Ut dfiros mille labores
Rege fub Euryfiheo , puis Junonis inique
' Rertülerit.
Junon favorifoit avec autant de bonté les peuples
qui etoient fous fa prot-dion , qu’elle pourfuivoit
ayeç acharnement ce.ix à quï elle étoit opp-Tée.
i aimoit les carthaginois 5 Argos , Sparte, My^
y u n
«ènes, Samos étoient l’objet de fes complaifances.
jafon éprouva plus d’une fois )es,effets de labien-
faifance , 8t elle protégea de tout fon pouvoir
l ’infortunée Didon. C ’ eft-là le fcul moyen que je
trouve de lever la contradiélion que l’on apperçoit
d’abord entre les furnoms odieux qui viennent
d'être donnés à la déeffe 3 & .d’autres qui lui font
tout-à fait oppofés; celui d’/uryua 3 par exemple 3
& celui de Bona employés par le même poète. La
circonilance eft changée, Junon n'eft plus méchante
, quand elle n’y a plus d'mtérêt; elle donne
au contraire des preuves de fa bonté aux peuples
qui l’invoquent comme leur divinité tutélaire ; &
c ’eft à ce titre que Didon la prie de lui être favorable
( Æneid. J. v. 738. ) : 1
Adfit UtitÏA Bacchus dator, & bona Juno.
, tr°uvons dans les auteurs plufieurs autres
epithetes de Junon j dont l’ interpretation elt très-
avantageiife , & préfente en général l'idée d’une
divinue bienfaifante : telles font celles de x m ,
da kxiits, fie <Je <pt[ir/sm.
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Ovide l’appelle Sanda :
Sanlia Jovem Juno, nata ßne matre Minerva
OJjicio doluit non eguijje fuo
i Fuß. lib: V. v. 10,1.)
Enfin, fur une infeription on lit le titre dePia
doniié a cette déeffe. ( Gruter. p. x x r . n° 1. )
Il eft difficile d’exprimer en notre langue le mot
P lu , amfi que le mot grec srsi« j qui eft formé du
mot latin Plus , & qui eft une des épithètes de Jupiter.
On peut dire néanmoins, que toutes les fois
qu’il • a été donné i une divinité, c’éioit pour dé-
figner fa bonté & fa bienveillance.
L’eftime que l’on faifoit des grands yeux , & les
Toms que les femmes giecques avoient de les faire
paroitre tels, a engagé Hcmère à donner de
grands yeux a Junon. ( 11,ad. A. v. 50. ) Car c’eft
ainfi qu’on doit rendre/Wîto par les yeux grands
lei beaux yeux. Héfi chms l’explique de cette ma-
n.ere ßrlixi, , peyaMçpQaxpcas, ivotpSuXpcoç, contre
interprétation <le certams ignorans, qui, pour
jetter du ridicule fur le plus grand des poètes , &
lut un auteur infiniment au-deffus de leur capacité
ont voulu donner à ce mot un fenstout-à-faitignofx
A-i avantage d’avoir de grands yeui , Junon
joignit celai de les avoir bleus , ce q u i'ft exprimé.
P c pi thete de ta mitairiç qui lui eft donnée.
H B f  I I H repréfenteront Junon, auront
r ^ lés circonftances le permettent,- de
B & a g B S î a !a defcr.ption qu'en fait Homère,,
K d e lui donner de grands yeux bleus', de beaux
cheveux & des bras arrondis avec g r â c e & d’une blancheur
éclatante, comme l'a dépeinte Je poète.
On vou oit défigner fur les médailles l’empereur
° U ^ T erT ice Yivante ^,us le nom d'AuguJlus
ou a Augujla 3 joint à celui d’un dieu ou d'une
3 ^ue ) on reprèfentoh fouvent avec les
differentes légendes, Apollo 3 Mars 3 Mercurius
Auguftus. Venus, Céres , Diana, Minerva Augufia.
Un connoît les médaillés de Commode, où cet
empereur eft reprefente lui n^ême avec les attributs
d Hercule , & la légende H eb. culi R om a n o. Les
légendes I v n o A v g v s t a & I v n o n i A v g v s t a b
qu on lit fur beaucoup de médailles d’impératrices,
doivent donc fe rapporter à ces princelfes. C ’eft
ainii qu il taut aufli expliquer une infeription, fur
laquelle on lit : I v n o n i A v g v s t a b . ( Murator.
injcript. tom. I. p. x iv . n° 8. )
On repréfentoit aufli la déefle Junon, avec la
Iegende I v n o v i c t r i x : elle eft alors figurée de
differentes maniérés, toujours debout & tenant
une hafte de la gauche, quelquefois avec un bou-
dier 5 mais portant de la droite tantôt une palme,
d autrefois un cafque, & fouvent tenant la patère.
Junon z été appellée TpaV««* par Lycôphron ,
parce quon lui dédiolr des trophées, ainfi qu’à
Jupiter, qui avoït étéfurnommé pour cette raifon
ropeuckus. Et 1 épithète d3o%Xoa-p.ui} qu’on lit
dans le meme auteur, eft également relative à quel-
» ^ le poncif on militaire de la déeifcj elle étoit hono-
| rce fous ce titre en Ehde.
Quant à l’épirhète de Martlalis, qui eft fi fou-
vent répétée Cir les médailles , & principalement
fur celles de Volufîen & de Trebonien Galle ,
elle lui a peut-être été donnée pour la mêmeraTon
que celle de Victrix ; car on ne la trouve que fur
des médaillés. La déeffe y eft ordinairement re-
puflentee debout ou affife dans un temple de foime
ronde, à deux colonnes, tenant de la droitè
quelque chofe d’inconnu ‘que quelques - uns ont
cru etre des épis , & d’autres des tenailles , mais
qui elt neceffiirement quelqu’inftrument militaire.
m Une déeffe portant des tenailles, e ft, dit
Winckelmann, un fujet mythologique fort étrange i
on la trouve dans la villa Borghèfe, fur un grand
autel triangulaire de manière étrufque, & elle eft
toumee vers Minerve. On pourrait croire qu’il
i l ,euÆ ux Minerves, & que celle dont je parle J
eft la Minerve qui accorda ( Epigr. grec. ap.Sval-
hem obf.m calhm.p 644. ) fes faveurs i Vulcain.
Mais la deeffe avec les tenailles paraît plutôt être
une Junon , qui, félon un auteur grec ( Codin. de
ortg. Confiant, pag. 44. edit. Lugd. ir o 6. 8. 1 du
moyen âge , fut reprefentée ainfi ; 3c cela fe trouve
encore confirme par une médaille ( Triftan. com-
W È È affife avec des tenailleÈs eÈn ÊmËainff i, 0&n l’«inKfe riJputnioonn
ééeffe, avecla même
epithete fui des médaillés, tient peut-être auffi des