
XXXIV C H R O N O L O G I E
N ew to n ont foutenu cette thèlej mais relie a
été jufqu’à ce jour l’incertitude des connoilïan-
c e s , que l’on n’a point fil reconnoître la vérité
qui fe préfentoit. Les Petau , les P e z ron ,
une foule d ’érudits de cette trempe, ont
protefté, entafle des argumens , ont tant cite
de paflages grecs de latins, tant é c r it, tant
commenté, que la multitude a pris le poids de
leurs in fo lio pour celui des raifons, & Ion
craindroit aujourd’hui de refliifciter des opinions
vieillies.
Le grand argument de ces compilateurs eft
celui-ci.
« De l’aveu de foute l’antiquité, de Strass
b o n , d eDiodo re, dHérod ote, dec. Séfojlris
»5 eft antérieur à la guerre de T r o y e : o r , la
as guerre de T r o y e eft antérieure de deux fiècles
au T emple ».
O u i , dans le cahos de vos G recs, dans le
défordre de vo-tre fyftême*, mais dans l’ordre
véritable, elle tombe à la fin du premier fiècle,
de toutes les autorités .le tournent pour moi ( i) .
Mais, difent-ils encore, Séfoftris conquit la
T h r a c e , la S c y th ie , l’Afie entière, la Col*
chide, l’Inde, dec. O r , dans le fiècle de David,
on ne trouve rien de femblable.. .. Il eft vrai',
mais dans les liècles précédens en trouve t-on
plus de preuves’ O ù ces-preuves font elles fo-
lides de fatisfaifantes ’ Examinons-les.
Hérodote , c’eft-à-dire les prêtres égyptiens
lefquels il fit graver dés emblèmes hiéroglyphiques
fés auteurs, nous apprennent que Séroftris lama
dans les pays qu’il conquit des monumens, fur
(i) Il eft un palTage d’Hérodote qui pourroit fembler
contradiàoire, mais qui entendu dans fon vrai lëns, eft
tout-à-fait analogue. Il dit que de Moeris à lui ( Hérodote
) y. il ne s’étoit pas encore écoulé 900 ans. {O Ici
Hérodote compte encore par le fyftême des générations,
& il ne le pduvoit par d’autre moyen , puifoue Tes
calculs certains ne remontent pas au-delà de P fam m é -
tik. Parce calcul’, Moeris fe trouve antérieur de 100
ans à la guerre de Troye, qu’il dit ailleurs l’avoir précédé
de 800 ans. Or là guerre de Troye étant arrivée l’an
7oo, Moeris eft placé dans les premières années de Salomon,
& cela s’accorde avec le tems que nous affignons
à fon fucceft'eur S e f a k - S e f o j l r i s . Dans les Rois antérieurs
Hérodote donne des exemples mânifeftes de cette ma-,
iîière de réduireles générations en années , que je retrouve
dans la décompofition de plufieurs de fes calculs.
V o y . lib. II. p: 173- -
( 1 ) 900 ans à trois générations par fiècle égalent 27 générations,
qui, réduites par 25 ans, donnent 675 ans. Hérodote a écrit vers
l'an j jo.: -,
relatifs à fa victoire ( 2 ). C et hiftorien at-
tefte en avoir vu dans la Paleftine Syrienne, revêtus
de ces caractères d’authenticite : cela doit
être , parce qu’en effet Séfoftris conquit tout
le royaume de Jérüfalem fur Roboam.
Hérodote ajoute qu’il en avôit encore vu
deux dans l ’Ion ie , - qu’il imaginoit appartenir
également au conquérant égyptien *, mais ceci
ne peut être. Il fuffit, pour s en convaincre, de
■ peler fes paroles, ce Sur ces colonnes , dit-il ,
33 eft fculpté un homme tenant dans fés mains
33 un arc de une flèche. Au-deflus eft upe inf-
33 cription en lettres égyptiennes , que lo n e x -
33 pWrpie., j ai conquis ( ou pojfêdé) cette terre
- 33 par mes épaules. Cependant il faut convenir
33 que cela n’indique point de qui eft ce monu-
33 ment, ni qui il repréfente *, aufli plufieurs péris
fonnes qui l’ont examiné, prétendent que
33 c’eft une ftatue de Memnon. »
E t ceux-là avoient raifon : car ce Memnon,
ainfi que celui de T h è b e s , n etoit qu un emblème
du foleil. L ’arc & là flèche qu’il porte ici
font les attributs d’Apollon > autre fymbole
du même aftre. l.’infcription elle même y eft
relative *} car le mot épaule en égyptien eft equi-
voque avec orient, lever, & ces mots / ai conquis
cette terre par mes épaules, qui ne figninenc
: rien , font fufceptibles de ce fens, c'eft moi qui
me levant chaque jour , domine fu r ce pays.
A in fl, ce monument ne prouve point que
Séfoftris ait pénétré dans l’Afie Mineure.
- Sa conquête de la Coîchide eft tout aufïi fa-
buleufe. Hérodote convient lui-même qu’il. eft
le premier qui ait conjecturé fur certaines affinités
que* les Colches étoient d’origine égyptienne
( 3 ) ; & comme on fairoit courir le
monde à Séfoftris , on lui attribua k fondatipn
de cette colonie ; mais ce n’étoit qu’une conjecture
fans preuves ; & fi par la fuite les an-
I H i Quos generofos ( populos) reperïffet,apudigfos
genitalia virilia infculpfit ; muliebria veto, apud un-
belles.
(5) 1 ° . P a r c e q u e l e s C o l c h e s é t o i e n t c i r c o n c i s , & quev
d e l ’ a v e u d e t o u s l e s p e u p l é s , m êm e d e s S y r i e n s d e lu
P a l e j l i n e I les Hébreux ) , la c i r c o n c i f io n e j l o n g in a u e
'd ’ E g y p t e . P a r c e q u e le s C o l c h e s é t o i e n t n o r r s te e n
p u s com m e l e s E g y p t i e n s ; c’eft-à-dire , giie les Egyptiens
étoient de vrais Nègres. Ceci refout de relie le pro
blême, f i le s N è g r e s f o n t p r o p r e s a u x f c i e n c e s .
ciens en ont fait une aflertion, c ’eft par un
abus contre lequel il faut protefter.
Enfin il eft impofîiblede prouver que Séfof-
tris ait paffé les frontières de la Paleftinc, de :
les conquêtes qu’on lui attribue au N o rd font
imaginaires, comme celles'd’O fy r is , à qui il
fut comparé, de avec lequel on l’a peut être
confondu. Il n’en eft pas de même de celles du
Midi } il eft très-certain qu’il conquit l’Ethiopie
de l'Inde -, mais il faut entendre le Yrai fens des
ces mots.
L ’Ethiopie proprement dite des anciens Grecs
étoit le Royaume de T h è b e s , qui comprenoit
ce qu’on a depuis appellé l’Egypte fupérieure •,
ce royaume , très-diftinéf:, .étoit, au tems de
Séfoftris, puiflaht de floriflant. Il avoir les Rois
particuliers plus anciens que ceux du De lta , de ce pays femble réclamer ce que l’E gypte a
déplus ancien. Séfoftris, roi de Memphis, de
peut-être de tout le cours inférieur du fleuve,
porta la guerre contre les Thébains, les fubjugua,
& recula les bornes de fon empire jufqu'à Syennc.
I l pouffa encore plus lo in , car ayant fa it c o n f
truirg des vaiffeaux longs, i l s embarqua fu r la
Mtr-Rouge ( fans doute à Bérénice ), & rangeant
les cotes , i l fournit les Ichtiophages & les Troglodytes
, jufqu'à ce qu'il trouva une mer dont les
bas fonds l'arrêtèrent; c eft-a-dire , qu il pénétra
dans la Nubie : o r , par cette raifon , on dut
dire qu’il alla dans l'Inde , parce que chez les
anciens orientaux, le nom d Indt fut generique
à tout pays fitué fous le [odiaque ; aufli trouve-
t-on chez les Grecs la N u b ie , défignee fous ce
nom (1). C ’eft par la même raifon que la C h ronique
d’Eusèbefait mention d’une émigration
d’indiens en, Egypte. O n a voulu 1 interpréter
des Indiens du Gange} mais ce furent véritablement
des Indiens du haut N il. C etoit encore
Voilà quelles furent les conquêtes réelles de
Séfoftris , ôç filo n p è fe bien un palTage des Pa-
ralipomènes ( $ \ on verra que tous ces cara&ères
fe retrouvent dans Sefak -, car fon armée, outre
les Egyptiens propres ou Met^arim , étoit com-
pofée de Kou/Jim ou Thébains , de Tfiim ou
mangeurs depoiffons : en grec \ ichtiophages)
de de Smkiim ou habitans des cavernes ( T r o glodytes
par une fuite de cet équivoque , que dans les
derniers fiècles l’Europe ignorante appelloit
Inde l ’Abyflmie , en y plaçant l’empire .du
Prêtre Jean (2).
( 1 ) Marsham, p. 3»© en cite plufieurs exemples.
( a ) Ce« équivoques doivent rendre très-circonfpeét
dans les interprétations de .Géographie. Il eft vraifem-
) , dont le nom s’eft confervé jufqu’à
ce jour dans Suakem-, & ceci femble donner la
borne de la navigation de Séfoftris, car il règne
dans ces parages des bas fonds comme ceux
dont patient les hiftoriens (4).
Q u ’on ajoute à ces conquêtes celles de quelques
cantons philiftins, de de tout le royaume
d e ju d a , le pillage de Jérüfalem où Séfoftris
trouva les tréfors immenfes que les rapines dé
David de le commerce de Salomon avoient
entafles pendant 70 ans, on fendra qu’un règne
aufli brillant, que des faits auflinou veaux durent
faiie la plus «grande fenfation chez les E g y p tiens,
q u i, jufqu’alors, n’avoient rien vu de
femblabler; de q u i, dans leurs éloges hyperboliques,
durent comparer Séfoftris à O fy r is, au
fo le i l, roi du.monde, & conquérant univerfel.
Pourquoi donc de par quel calcul fe trouve-
t-il dans Eratofthènes de Manethon placé dans
des fiècles plus reculés ? C ’eft ce que nous allons
rechercher. Il faut d’abord jetter un coup-d’oe il
fur la lifte de Manethon *, je ne la tranferis pas
toute entière , mais je me borne aux parties né-
celTaires à mon fujet. Lele&eur doit prendre la
peine de la parcourir, afin de Cuivre les iaifoft-
nemens dont elle va fervir de bafe.
bl’able qu’ils ont eu lieu pour la Thrace, la Scythie, &c.
Il eft du moins certain que dans l’Egypte ancienne on
trouve un pays de L y d , qu’on a pris pour la L y d i e
d’A-fie : un pays de P h u i , qui a fait confufion avec la
Pam P k u l i e . Nous verrons un pareil équivoque donner
dans des tems plus modernes une abfurdité , enfaifant
palier un Nabukodonofor en Efpagne contre toute
vraifemblance :& n’eût-on que cette règle-là, elle eft
toujours bonjie à confulter.
( 3 ),Lib. II.C.X2, v. 2 .
( 4 ) Y . Danv ille , carte de la Mer R o u g *