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vinité qu’elles repréfentoient. Peu après, Dédale
fï para la partie inférieure de là pierre , il y forma
deux jambes. Dans les premiers temps s les fta-
tuaires ne marquoienc les traiis du vifage, &
même ceux des yeux, que par des lignes-droites
ou par des.traits appJads & allongés. Winckelmann
penfoit que les grecs ont. reçu plutôt l’art des phéniciens
que des égyptiens, parce qu’avant le règne
de Pfamméticus aucun étranger ne pouvoit aborder
en Egypte , & qu’ alors les grecs commer-
çoient déjà avec les phéniciens.
Les égyptiens , les etrufques & les grecs les plus
anciens mirent des inferiptions fur la bafe ou fur
la poitrine, ou fur la cuiffe des figures. Myron
mit fon nom j en lettres d’argent iocrufté'es, fur
la cuiffe d’ Apollon. Les premières figures des
égyptiens & ües grecs étoient roides comme les
momies, fans mouvemens; les pieds éto:ent joints,
& les bras collés fur les hanches : -dans la fifre ,
on tâcha de marquer les mufcles fur les parties
du corps 5 mais on les traça en ligne droite &
en vives arêtes : peu après on donna un peu de
mouvement aux bras & aux jambes Diodore dé
Sicile remarque que les donens confeivèrent plus
long temps que les autres grecs l’ancien ftyle ,
fans- arrondir les mufcles. Les hiftoriens nous attellent
que l’artilie grec commença à travailler fur
l ’argille , enfuite fur le bois, l’ ivoire , Te bronze,
la pierre, &c. Les grecs employèrent l’argille à
colorier les ftatues de leurs dieux , à faire des
vafes, & à modeler des figures : on peignit en-
iuite ces vafes. Il nous relie une affez grande
qnantité de vafes grecs , même de' ceux du ftyle
antique' : leur forme eft plus élégante que celle
de nos porcelaines.
Les premières1 ftatues & les premières maifons
des grecs étoient de boisj dans la fuite l’on dora
les ftatues. Il paroît que dans les temps les plus
reculés les grecs fculptèrent l’ivoire. Homère parle
fou vent des gardes d’épée , & même des lits ornés
de pièces d’ivoiré. Ils compçfèrent depuis les
ftatues de leurs dieux, partie en bois ou en
métal, & partie en ivoire. Les grecs des premiers
"ïïècles fabtiquoient les ftatues des-mêmes pierres
dont ils bâtiffoient leurs maifons. Ces peuples ne
commencèrent à travailler des figures entières en
marbre que dans la cinquantième olympiade. On
babilla quelquefois les ftatues en les couvrant d’étoffe
ordinaire ou de métal 5 enfuite l’ on peignit
les draperies de pierre , & les parties qui repré-
fentoient les chairs : pendant les jours de fêteL 1
on barbouiiloit de roüge le vifage des ftatues. I
Pau fardas obferve que Ton fit plutôt des ftatues i
de bronze dans l’Italie que dans la Grec*,- il.dit i
que Rhæcus & Théodore de Samos fuient les !
premiers qui modelèrent & cifdèrent le bronze
parmi les grecs. Cependant long temps avant
Créfus, roi de L y d ie , on avoit fait a Samos
trois figures de fix aunes de hauteur, qui foute-
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noient un très-grand vafe > le tout étoit de
bronze : ce monument étoit le produit du dixième
du gain provenu de la navigation des Samiens à
Tar telfusau-delà des colonnes d’Hercule. Hérodote
dit qu’après la mort de Piiîftrate , les
athéniens firent faire le' premier quadrige de
bronze 5 ils firent placer ce magnifique char au-
devant du temple de P-allas. Dans la fuite les
grecs érigèrent dans les temples des ftatues d’argent,
& même d’ or.
A l’égard de la gravure fur la pierre, elle
paroît être très-ancienne chez les grecs : l’on
obferve que dans les premiers temps ils faifoient
des cachets avec du bois vermoulu. La gravure
des cachets en pierre paroît être de la p’us haute
antiquité parmi les égyptien*. Chez les anciens ,
au lieu-de ligner les a&es, l’on imprimoit fa note
avec fon cachet' } chacun-avoit le fieu.
Après avoir indiqué l’origine de l ’art & les
matières furlefquelles il s’exerça, Winckelmann
recherché les caufes-des différences de l’ art chez
les^différentes nations : il prouve que le climat
influe fur la confti-tution des peup’es & fur leur
manière de pènfer. Il dit que l’mfpeétioiv des
hommes & des animaux démontre l’ influence générale
du climat fur la taille, la figure ,- Licou-
leur, les pallions, & fur le langage. L ’élégance
des formes eft proportionnée à la pureté & à la
chaleur du climat. La beauté fublime, oui ne
cor lifte pas feukment dans la douceur moëlleufe
d’une peau fatinée, dans la couleur fleurie d’ un
teint de lys & de rofes, dans la langueur fédui-
fante des yeux humides, ou dans la vivacité piquante
des yeux pleins d’un feu malin, mais qui
conlifte encore dans la proportion,des traits, &
dans leur aflortiffement le plus touchant i cette
beauté fe trouve plus fréquemment dans les pays,
qui jouiffent d’un ciel plus pur, plus fertile &
plus ferein. L’Italie renferme plus de belles per»-
îonnes que la France : la Sicile, ou plutôt Malte,,
produit plus de belles femmes que l’ Italie $ l’ Ionie
en voit plus naître dans Ton fein que toutes les
autres îles de la grande & de la petite Grèce y
parce que le climat y eft- doux , que l’on y jouir
d’un printemps perpétuel, que la température de
l’air y eft plus confiante & plus foutenué que dans
le refte de la Grèce3 la figure y eft par conféquent.
moins avérée par les maladies.
Parmi les grecs l’on «e voit point deprerfonnes'
qui aient le nez écrafé : peu de personnes ont le
nez aquilin î l ’ovale de leur tête eft plus parfait
que celui des allemands & des flamands. Dans les
pays chauds la petite vérole altère mofas les
figures, elle y eft moins dangereufe y il eft rare
même en Italie de voir des perfonnes dont le
vifage ait été taché par cette maladie épidémique ,
que; les - anciens grecs ne connoiflbient point. II
étoit par conféquent' très facile aux anciens -grecs
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de repréfenter la beauté. A l’égard de l’influence
du climat fur la façon de penfer dcs.grecs , on ne
peut la méconnoïtre j niais leurs âmes etoient
modifiées par l’éducation & par le gouvernement
particulier de chaque province de la Grèce. Le
tour de génie fe manifefte dans les productions
des artiftes , & les exprelfions font proportionnelles
au degré de chaleur du climat que 1 on
habite. Les grecs 3 qui vivotent fous un ciel &
fous un gouvernement tempérés, avoient des
idées & une langue pittorefques : leurs poètes ,
depuis Homère, ne parlent .pas feulement dans
un fens figuré .} mais ce qu’ils dirent-eft ordinairement
la plus belle peinture de ce qu’ils penfent.La
■ cadence, l’arrangement des vers, le fon particulier
de chaque mot, tout fait image dans leur
ftyle } le temps n’en a point terni le coloris : leur
imagination n’étoit point outrée comme celle
des autres peuples : leur fens, agiflfant par
des nerfs fubtils & agiles fur un cerveau délicatement
tiffu , leur faifoient faifir uu premier
.abord les différentes qualités d’ un objet, & les
fixoient au beau par inftii.èf, c’eft-à-dare, par
.goût naturel La langue grecque fe perfectionna
parmi les colonies firées dans l’Afie mineure , qui
jouiffoient d'un ciel encore plus beau que celui
du climat qu’elles avoient quitté} la langue y
devint plus riche en' voyelles, conféquemment
elle devint plus douce & plus haimonieufe. Ge
•fut le même ciel de l’Ionie qui infpira les
poètes ; la philofôphie grecque naquit & fit des
progrès e’tonnans dans le même climat} le même
pays enfanta les premiers hiftoriens , les Apeilçs,
& c . Mais ce beau pays, ,1’Afie ionique , n’ayant
pu réfifte? à l’énorme pmffanee des perfes, le
trône , des fciences & des arts fut fixé dans
Athènes., dès que 1 on en eut expulfé les tyrans.
Pour lors le gouvernement démocratique éleva
î ’ame de chaque citoyen , & la yille meme, au-
defftis de toutes les autres cités de la Grèce. Le goût
s’ y raffina 8c s’y répandit généralement ; le citoyen
fit fes efforts pour fe. diftinguer par la théorie &
par la pratique des arts &. des fciences j il protégea
les célèbres artiftes 3 & il les récompenfa.
Les architectes s’iüufixèrent -par l’inyentipn des
ordres d’architeétuie , & par la conftruCtion
d’edifices puV-icç dont le goût égaloit la magnificence.
Tous les artç acquirent un degré de per-
feCliqq dan? Athènes, & ils fe répandirent enfui
fe dans L j autres villes de la Grèce i mais iis y
furent mod fiés par la cpnftitution du gouvernement
, par le clinyat, 6c par l’éducation particulière.
Les* theffaiiens , par exçmple , étqignt d’ex-
cellens foldats daqs les rencontres ou il s’agiffoit
de combattre par petite troupe les aetoliens au
contraire étoient d exçellens militaires en bataille
rangée. Les crétpis étoient incomparables pour
l’embufeacje & pour les ftratagêmes de guerre:
piais ils, étoient peu utiles dans les autres cir-
fpnftanpes.. . . Pour adoucir les moeurs féroces
pes arcadieoç, qui fe reffentojent de la ftérilité de
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leur climat, les Ioix forçoient chaque particulier
à étudier la mufîque jufqu’à l’âge de trente ans :
les arcadiens devinrent, par ce moyen, les plus
polis & les plus fincères des grecs. Les cynathiens
refufèrent conftamment de luivre 1 exemple des
arcadiens, ils méprifèrent la mufîque , & retombèrent
dans leur férocité naturelle} ils devinrent
barbares, & furent en horreur à toute la
Grèce.
Le grand talent que les grecs avoient pour l’ art
fe retrouve aujourd’h u i, en partie 3 parmi les
habitans libres,des plus belles- contrées de l’Italie.
L ’imagination eft, pour ainfi dire, le premier élément
des talens; cette imagination brillante ca^
raétérife l’italien, comme le jugement folide carac-
térife l’anglois 5 celui-ci eft né pour philofopher,
& non pour peindre ; j’ ajoute, dit Winckelmann»
que le françois , quoique habitant d’un climat plus
chaud que les peuples de Ja Grande-Bretagne, ne
parviendra peut-être, malgré fes efforts , qu a
égaler les poètes, les graveurs & les ftatuàires dil
fécond genre parmi les grçcs.,
Winckelmann obferve enfpite que ce n’ eft pas
affez de connoîfre les matières de l’art, les cir-
conftances qpi influent fur les arts, & d’obferve?
les progrès de tous les arts chez les égyptiens &
chez lçs étrufques } fi l’on veut parvenir à fixer
fes idées fur le vrai beau, fi Font veut apprendre
à.juger de l’ art & à l’exercer, il faut, outre cela,
analyfer les monumehs que nous ont laiffés les.
grecs dans lçs temps op ils jpuiffoiçnt de leur
'liberté,
Lçs voyageurs de ^ce fîèçle préfument, avec
ra1 Ton , que fi les grecs modernes acqueroient leur
liberté , fur le champ l’ignorance , la lâcheté dif-
paroîtroient , .& l’ on verroit îenâître parmi eux
l’héroïfme, le génie , les vertus, les talens, fur-
tout fi 10-. on rétablifï’oit les anciens fpeélacles
publics, dans lefquels chacun avoit droit de difr
puter lés couronnes dans les jeux d’exercice du
eprps, & dans ceux de l'exerçice dè l’efprit}
fi , i° . l’on gravoif des inferiptions, & lî l’on
élevoit des ftatues aux vainqueurs & aux hommes
de génie, conformément à l’ancien ufage de la
Grèce y 3P. fi l’on rétabliffoit la mode de fe rendre
fage & utile à fa patrie, plutôt que de devenir
Tavant ou petit maître ; 4°-. 'fi le gouvernement,
ceffant d’ être occupé du fpin d’épuifer les richefTes
des peuples, s’occupoit férieufement de l’éducation
publique , & que, conformément au décret!
porté pendant la LX P. olympiade, il -fît raflern*
bler tous les morceaux difperfés des plus grands
poé-es & des fubhmes orateurs , pour en' former
un catéchifme qui fervît à inftruire tous les en?
fans des vrais principes de la morale & de1 la
politique } 50. u au lieu d’honorer les citoyens.,
par rapport à leur naiftance, ou à la maffe de leiu-s
richefiTçs, pn rétabliffoit l’ ufage de vénérer lç$