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les François & les Anglois ne paient que 3 pour
ïoo. Les nations qui ont des confuls-à Smyrne font
la Françoife, l’Angloife , la Holiandoife, la Vénitienne
, la Génoife & la Ruffe, qui peuvent y
envoyer des vaifleaux fous leur propre bannière.
Les autresprennent la bannière de France & font fous
la protection & la jurifdi&ion des confuls François.
Il eft à remarquer i° . qu’on ne paye jamais qu’un
droit d entrée , & que quand on l’a une fois acquité
dans quelqu’un des ports des états du grand-Seigneur
, en prenant un certificat du douanier, on
peut en tirer fa raarcbandife pour l’aller vendre
ailleurs , fans payer de nouveaux droits. i ° . Que les
déclarations faufTes de poids , de qualité ou du
nombre des marchandifes , ne font point punies de
confifcation ni de doublement des droits ; mais qu’on
-en eft quitte feulement pour payer les droits de ce qui
11 a pas ete déclaré. 3 °. Qu’on obtient louvent
quelque diminution des droits & particulièrement
-fur les marchandifes dont les droits fe paient par
:eftimation, que les douaniers Turcs ne font jamais
.a la rigueur.
Enfin que dans les conteftations qui fur viennent
•entre les marchands , pour fait de commerce , cha-
-que nation a fon juge naturel 3 ce qui les tire de la
jurifdi&ion des Cadis ou juges Turcs.
Outre le Commerce de Smyrne* il s’en fait én-
•core un affez confidérable fur les côtes qui en font
voifines & dans les ifles de l’Archipel, qui en font
les moins éloignées. Les bâtimens deftines à ce négoce
ne touchent a Smyrne que pour changer leurs
piaftres fevillanes en ifelotces qui font de meilleur
cours dans tous ces endroits.
Les huiles & les bleds (ont les deux principaux
•objets du voyage de ces vaiftèaux. Siaty, Ourlac,
•Cafledaîy , Mofcouis, &c. font les lieux d’où les
Marfeillois en enlev&nt davantage. Il y a des années
T J ° n charge-depuis- 20 jufqu’à 30,000* quintaux ,dhuile , d’autres feulement 15,00a & quelquefois
beaucoup moins fuivant que les Jéfenfes d’en exporter
font plus ou moins obfèrvées.
A 1 egard des bleds , quand la vente en eft libre ,
on en enleve quantité ; & malgré la défenfemême
on en tira en 17 16 jufqu’à 150,000 charges pour la
Provence.
Outre les monnoies* de Turquie , on fe fert à Smyrne• pour monnoie courante des affelanis à
bouquets, qui valent 80 afpres, dont le titre eft
fort bas. Cette monnoie vient de l’Empire'& de
Hollande. Dans les paiemens considérables les piaftres
sevillanes y font reçues au poids. On les pefe
cnfemble, & de 150 en 15 0 dragmes l’on compte
17 piaftres, ce qui fait 8 dragmes, parpiaftre.
Tout le. commerce fe fait à Smyrne par l’entre-
mife des Ju ifs , & l’on n’y fauroit vendre ni acheter
rien qui ne pafle par leurs mains.
A n gor a ou Angouri', autrefois Ancire , capi-
tale de la Galatie , a toujours été renommée pour
< Quelle & la beaute du poil de fes .chèvres & pour
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la fabrique des étoffes qu’on en fait, qu’on appelle
camelot.
C eft de cette ville & de celle de Beibazar que
viennent tous les poils de chevre qu’on acheté à
Smyrne. La quantité qu’on y,en porte eft incroyable.
Les Européens n’en tirent pas moins de 3,000
balles, & il s’en confomme autant dans lè pays.
P r -use ou Bourfe , capitale de l’ancienne Bi-
thinie , eft encore une des plus belles Si des plus
grandes villes de la domination du grand Seigneur,.
Les plus habiles ouvriers de la Turquie font à P rufe j fes manufactures de foie font admirables ,
& l’on eft une fur-tout les tapis ,8c les tapifferies
qu on y fait , fur les deffins qu’on y envoie de
France & d’Italie.
L a foie qui s’y recueille .en abondance eft très-
belle ; mais ne fuffit pas à fes fabriques , où Ton emploie
beaucoup de celles de Perfe , qui ne font ni
fi chères s ni fi recherchées que celle de Prüfe.
L'Egypte»
L ’ E g y p t e , fituée pour affocier a fon commerce
l’Europe , l ’Afîe & les Indes , fait par les productions
de fon cru le fonds d’un grand & utile négoce :
fon fol fertilifé par les inondations régulières du
N il, qui. les couvre d’un limon gras * chaque année;,
& par une culture prefque toujours profpère ,
donne ,. depuis les premiers temps qu’elle eft habitée
, les récoltés les plus abondantes & les plus
variées. Les grains de toutes efpèces , les fruits les
plus exquis , les légumes, les lins y croiflènt pour
les befoins de Conftantihöple , de l’Arabie , de la
Syrie & de- l’Europe même.
L e s principales v illes de l’E g yp te> font le C a ire ,
Rosette , Alexandrie , Damiette, G ir z é , &e.
Air rapport d’Hérodote & de Pline , YEgypte
contenoit autrefois , vingt mille villes 3 ce qui parafe
incroyable , si l ’on confidère que YEgypte n’a pas
l’étendue de la France13 mais ce qui fait voir cependant
jufqu’à quel point l’agriculture, rinduftrie
& le commerce avoient porté cèt heureux pays .3'
aujourd’hui même que YEgypte gémit fous la domination
de fouverains étrangers, & après 1,200
ans d’oppression & de tirannie qui ', en changeant
en defert plufîeurs de fès provinces, l’ont extrêmement
dépeuplée 3 elle préfente encore le tableau
d’une grande population , puifqu’on y compte neuf
mille villages & douze cent villes ou bourgs. Les
Egyptiens bornent leurs expéditions maritimes au-
voyage de Moka. Leurs faïques y chargent le caffé
de l’Yemen, les parfums de l’Arabie, les perles des
ifles Baharem, les épiceries des Indes & les mouf-
felines & toiles du Bengale, qui leur font apportées
par les Banians , & ce feul commerce leur procure
de graixds bénéfices. L e caffé qu’ils achètent 8 ù
la livre à Moka , ils le vendent 30 f. au Caire &
cet article fe monte à onze millions. Ils en ^envoient
la plus grande partie à Conftaminople , dans la
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Grece , a Marfeille & fur la côte de Syrie 3 le refte
fe confomme dans le pays.
Malgré fa decadence , Y Egypte peut reparoître
av®c. cclat parmi les royaumes puiffans , parce
qu elle renferme dans fon feiii les vraies richefles.
Ses grains abondons , avec lefquels elle nourrit l’A rabie
, la Syrie & une partie de l’Archipel j fon riz
qu elle envoie dans toute la Méditerranée & jüfqu’à
Marfeille,- la fleur de chartame (ou le fafianon) ,
dont lés Provenceaux chargent' chaque année plu-
fieurs bâtimens ; le fel marin , le natrum, ou nitre
naturel, les gommes & les drogues les plus précieuses
j. fes laines, fa cire r fon fel ammoniac que
,1 on traniporte dans toute l’Edrope 3 la foude quelle
produit en abondance $ fon lin fuperbe recherché
des Italiens & les toiles teintes en bleu dont elle
vêtit les peuples voifins 3 tous ces objets nés fur
vfcn territoire lui.attirent encore l’argent de la plupart
des peuples qui commercent avec elle. Les
Abymns lui apportent de la poudre d’o r , des
dents d éléphant & des fubftances précieufes , qu’ils
échangent contre fes productions. Les draps , le
plomb , lès armes, lè papier , les bois de teinture\
1 - j 5a*°u's Lyon, &c. que la France y envoie,
ne fuffifent pas pour payer les divers articles qu’elle
reçoit en retour. Elle acquitte le refte avec les
piaftres de Conftaminople. Il en eft de même du
commerce que 1 E g yp te Jà it avec les autres nations.
Exceptés Moka & la Mecque oI les Egyptiens laif-
ient chaque année beaucoup de fequins, tous ceux
qui trafiquent avec eux leur portent de l’or & de
largent. Ces métaux précieux font encore en fi
grande quantité dans le pays , qu’Ali-Bey en fuyant
dans la Syrie^en .1770 , emporta quatre vingt mil-
ftons | & qu’Ifinael-Bey , qui en 1778 fe fauvadu
meme côté , chargea 50 chameaux de fequins , de
pataquès , de perles & de pierreries.
Monnoies , po ids & mefures de L’Egypte.
Locque ouocos eft de ,400 dragmes; le rotol'
de 140 dragmes, dont iro font 108 liv. de Marseille
, le quintal gérouin eft de 2 1 7 rotols.
L abukefb ou d'aller de Hollande vaut depuis 33
medins j’ufqu’a 3 8 , un peu plus.
La piaftre courante , monnoie imaginaire , comme
la livre de France, vaut 3,0 médïns.
Les reaux d Efpagne depuis 30 jnédins jufqu’à 40. Le^ fequin , ou ducat d’or de Venife, qui après
les reaux d Efpagne y ont le plus de cours, 100
medins dans le trafic, quoique le divan du Caire
ne-le prenne que pour 85.
Lapataqué pièce d’argent , 6 1. de France.
Enfin lé nvédin ,.ou para,, vaut environ 18 de a.
ou 1 f. & demi de France.
Le pic qui eft la mefure des longueurs eft le
Itierae que celui de Smyrne..
Des ijles de V Archipel- & de.là mer Mediterranée
Nous M parlerons ici que ia ü jle s les plus con
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fidérables & qui font vifîtées par les vaifleaux des
nations chrétiennes , fans avoir égard à leur pofi-
tion géographique , mais fuivant l’ordre alphabétique
plus commode pour les ledleurs. Nous remarquons
d abord que ces ifles font fituées entre
le 35e. & le 3 8Vdegré de latitude , & que les
unes font appeliéès cyclades , parce qu’elles for~-
ment une couronne ©u Un cercle autour de l’ille
de Delôs 3 les autres fporades , parce qu’elles font
éparfes & comme femées au hazard, entre l’Afie-
& l’ifle de Candie.
A m o rgo s . Les denrées qu’on tire de cette ifle,.
font des huifes 3 beaucoup de grains & de vin qu’y
viennent charger des tartanes de Provencé j une
forte de lichen propre à teindre en- rouge , donr-
TAngleterre & l’Egypte font une grande confom-
rnation.
A n DR os. Son principal- commerce confifte en-
foies, d’une qualité médiocre. Les mures noires 8c
le fruit de l’arboufîer , y fervent à faire des eaux-
de-vie ,- qui ne font pas mauvàifés.
Les François entretiennent un çonful à Andros.
A n t ip a ro s . Petite ifle où-il fe fait quelque petit'
commerce de vin & de coton.
C a n d ie . Grande ifle de 80 lieues de long & de-
20 lieues de large, fituée à l’entrée de l’Archipel
autrefois connue fous le nom de Crète. Quoiqu’elle
ne foit pas bien sultivée , il s’y fait encore un commerce
co.nfîdérable. Les plaines de Meflara pro-
duifent des bleds d’une beauté fans égale. Les Agas>
en vendent beaucoup au dehors 3 des bâtimens Européens
& des bateaux TUrcs & Grecs viennent en*
faire de nombreux chargements en contrebande a-
Ysrapetra & à Mirabello . & tranfportent cette
denrée en France, en Italie , à Conftaminople &
fur la côte même de Barbarie, ce qui fait que la-
Candie èft quelquefois obligée de rècourir à la
Morée pour fa fubfîftance. L ’huile & le favon font
: le£ deux principales branches de commerce de
1 Cette ifle 3 mais elle produit encore une infinité
: d articles importans 3 de la foie très-belle , de la
cire , du miel, du coton , des fromages qui paffent
en Turquie , en Egypte, en Barbarie, en Italie &
jufqu’en Provence 3 des raiftns fecs , noirs & des -
harroubs , dont YEgypre fait la principale confom-
mation. ILfort auffi de Candie quantité de vins de
. Malvoifie. Ses villes du plus grand négoce font la
Canec , Candie & Retinio.- Les François ont an-
Con fui-à la Canée & un vice-- Conful à Retinio.
Chio.ou Seioï Eft une des ifles des plus belles -
dès pl u s Te rt il es dè l’Archipel , affez près des-
côtés de la Natolie , au fud de Mécélin & au nord
joueft de Samos ; -elle a environ 1 ; lieues de long
fur 6 de large. Sa population eft de près de 15 0,000
habitans , parmi lefquels il y a plus de 100,000
Grecs. Sù capitale porte le même nom.
Les vins, les beurres, les foies, les cotons , la
térébenthine & le maftic font les principales pro- •
duéfions qui y attirent les Européens, lur-tout les *
Franççis 4c les Anglois, qui y, tiennent des confuls