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verrure du Commet du moule, & on a un fécond
fy ro p que Ton nomme melafle , qui eft d’autant
plus mauvais que le fucre étoit plus beau , c’eft-à-
dire qu’il contenoit moins d’huile étrangère à fa
nature , car alors la terre calcaire diSoute par
l ’eau, pafle feule & fait fentir toute fon âcreté.
L e fuc des cannes nouvellement exprimé , au
moyen des machines dont nous avons déjà parlé ,
porte le nom de vefou ou vin de canne ; il eft
d’un goût très-agréable, mais il faut en prendre
modérément \ car il produit communément- la
diarrhée & des maladies plus graves même à ceux
qui ont un tempéramment rôbufte. Les débris des
cannes portent le nom de bagaflet ils fervent à faire
du feu fous les chaudières. Dans quelques habitations
on les fait fermenter dans de l ’eau avec les
écumes les plus groffières que rend le vefou, & Ton
fait par ce moyen une efpèce de vin aflez agréable
qui fert de boiflon aux nègres.
L ’argille dont on fe fert pour faire l’opération du
terrage n’eft pas fort grafle ; elle eft d’une efpèce
particulière ; elle ablorbe autant d’eau q u e les
terres calcaires , mais elle la retient plus longtems ;
celle dont on fe fert à Saint Domingue & a la Martinique
, eft de la même nature : quelques habitans
en font venir de France , mais la plupart des habitans
Je la Martinique fe fervent d'une argilie qu’ils
prennent dans les environs du Fort royal. En France
la meilleure terre & la plus propre pour terrer le
fu c re , eft celle qui vient de Rouen ; ii s’en fabrique
auflî à Nantes & à Bordeaux. Cette terre forme un
objet de commerce qui ne iaiflè pas d’être confi-
dérable.
L e terrage eft fuivi d’une dernière préparation
qui s’opère par le feu , & q ii a pour oi>et de faire
evaporer l’humidité dont les Tels fe font imprégnés
pendant le terrage. Pour y parvenir , on fait fortir
la forme du fucre du vafé conique de terre ; on
la tranfporte dans une étuve qui reçoit d’un fourneau
de fer une chaleur douce & graduelle , & on.
l ’y laifle jufqu’à ce que le fuc foie tres-fec j ce qui
arrive ordinairement au bout de trois (emaines.
Quoique les frais qu’exige cette opération foiem
perdus en général pour la chofe, puifque 11 fucre
terré ch communément raffiné en Europe de la
même manière que le fucre bru: ; cependant tous
les habitans des ifles Françoifes qui font en état de
purifier ainfi leurs fuc res, ne manquent guères de
prendre ce foin. Ils y trouvoient avant la dernière
guerre l’avantage inappréciable, pour une nation dont
la marine militaire eft foible , de faire pafler en tems
de guerre de phr&grandes valeurs dans leur métropole
avec un inoind^nombre de bâtimens que s’ils ne
faifoient que du fucre htm. .
On peut f iger d’après celui-ci, mais beaucoup
mieux d’après le fucre terré', de quelle forte de Tels
il eft compofé. Si le fol ou la canne a été plantée
eft foiide-, pierreux , incliné ; les Tels feront blancs,
angulaires & les grains fort gros. Si le fol eft marneux,
fa blancheur fera la même, mais les grains
s u c
taillés fur moins de faces, réfléchiront moins de
lumière. Si le fol eft gras & fpongieux , les grains
feront à peu prèsffphériques, la couleur fera terne,
le fucre fuira fous le doigt fans y laifler de fend-
ment. Ce dernier fucre eft réputé de la plus mau-
vaife efpèce.
Quelle qu’en foit la raifon, les lieux expofés au
Nord , produifent le meilleur Juc re , & les terreins
marneux en donnent davantage. Les préparations
qu’exige J e fucre qui pouffe dans ces ceux efpèces
de fo l, font moins longues & moins laborieufes ,
qu’elles ne le font pour le fucre. produit dans une
terre grafle. Mais ces principes iont fujets à des
modifications infinies , dont la recherche nappai:«
tient qu’à des chymiftes , ou à des cultivateurs très-
attentifs.
D e s différentes efpêces de Cuctt.qui f e fo n t aux
ifles Antilles , & dit commerce quon y f a i t de
ces fucres.
Il fe fait aux ifles Françoifes d ix fortes àe fucres
différens , fa voir :
L e fucre brut, ou mofeouade.
L e fucre pciffé, ow cajfonnade grife.
L e fucre terré , ou caflonade blanche*
Le fucre rafiné ,■p i l é , ou en pain.
L e Jucre royal. .
L e fucre tappé.
lut-fucre candi.
L e fucre-de fy ro p fin*
L e fucre de gros fy ro p •
L e fucre d ’écume. Le su c r f b r u t ou mosgouade. Fft le premier
que l’ on cire du fuc de la canne, & celui dont
rnis les autre1: font c^mpofés..
Voic i la manière de faire ce fucre ; lorfqu’il y a
allez de fuc des cannes ou de vefou exprimé pour
remplir ïa grande chaudière de la fucre rie ,■ on y
met avec ce fuc une certaine quantité d’eau de
chaux, & d’une force L-flive de-cendre ; on allume
alors le feu fous la chaudière, & l’ on fait chauffer
cette mafle de flatte. ju fiait! ce qu'elle ait produit
une grande quantité d’écumes épaifles ; ces écumes
fervent à la nourriture des animaux & M faire pi ne
boiflon aux nègres. Qb) vetfe en fuite le fu c oii vefo
u défi un peu épuré pat cette première opération
dans une autre chaudière un peu moins • grande,
( elle fe nomme la propre') ; 8c après y avoir encore
verfé de l’eau de chaux & de la leflrv'e , on le
fû t bouillir plus fbrtemenrr que dans la première.
On-rama (Te les écumes qui paroiflent à la fir fa c e , &
on/les dépofe dans une chaudière • roulante pour
être clarifiées & cuites par la fuite.
Ce vefou eft tranfmïs dans une troifîème chaudière
appeflée la lefflve , 8c après v avoir mis une
plus grande quantité- d’eau de. chaux 8c de leffive
que dans la précédente , on le fa t chauffer jufq : s
ce qu’il ait encore rendu b; a ’.coup d’écumes, alors
oa le txansvafe dans une quatrième chaudière plus
s u c
petite, & à force de le faire bouillir on parvient
à lui donner déjà un peu de confîftance. On fait
un fea fi violent vers la fin de l’opération , que la
mafle du fluide en ébulidon femble étinceler , &
c’eft oe qui a fait nommer cette chaudière le flam -
bèau.
On tranfmetla matière dans une cinquième chaudière
oïl à force de bouillir , d’écumer & d’évaporer,
elle prend une confîftance de fy ro p , d’où vient que
la chaudière en a pris le nom de fy ro p .
Enfin on dépofe ce fy ro p dans une fixiéme chaudière
nommée la batterie , qui ne' contient guère
que le tiers de la première, vu la diminution considérable
que la liqueur a éprouvée dans les chaudières
précédentes. On brafle encore ce fyrop avec
de l’eau de chaux & de la leffive, à laquelle on
ajoute un peu de diffolution d'alun ; on le fait bouillir
après l’avoir encore écumé , jufqu’à ce qu’il ait ■
acquis le dégré de confîftance que l’on appelle ■
preuve ; on le transfère alors dans une grande chau- !
dière fous laquelle on ne fait point de feu, & avec :
une efpèce d’aviron que les Indiens appellent p a gaie
on imprime un mouvement continuel à cette
maffe, jufqu’à ce que par le refroidiflement elle fe
foit convertie en une infinité de petits cryftaux.
Le su c r e p a s s é , quoique plus blanc & plus dur,
n’eft guères différent du fu c Se brut ; il tient néanmoins
le milieu entre ce dernier & le fucre terré,
qui eft la caflonade blanche ; & c’eft pour cela
qu’on le nomme auflî caflonade g rife. Ce fucre fe
fabrique comme le fucre bruty avec cette feule différence
, que pour les faire blanchir on pafle le vefou
dans des blanchets au fortir de la grande chaudière,
quand on le vuide dans la propre ; & que lorfqu’il
eft faitonl’enfutaille daus'des banques percées , garnies
de deux ou trois cannes, afin qu’il puifle fe purger
plus facilement.
L ’invention du fucre p a jfé vient des Anglois ; mais
les fucriers de cette nation le mettent quand il eft
cuit dans des formes de bois quarrées , de figure
piramidale ; & quand il y a été bien purgé, ils le coupent
par morceaux, le font fécher au foleil, &~puis le
mettent en barique. La manière des ifles Françoifes
eft plus fîmple & plus courté, mais auflî beaucoup
moins bonne.
S uc re t e r r é . On appelle ainfi la caflonade
blanche , c’eft - à - dire , le fucre qu’on a blanchi
par le moyen de la terre donc on couvre le def-
fus des formes dans lefquelles on le met pour le
purger.
Ce fucre fe commence comme le fucre b ru t, à
l'exception qu’on n’y emploie que les meilleures
cannes ; qu’on le travaille , s’il le peut, avec plus
de propreté ; que lorfque le vefou eft dans la grande
chaudière , les cendres qu’on y met ne font mêlées
que de peu ou point de chaux , de peur de le rougir;
enfin t^u’on le pafle à travers des blanchets & de la
caifle a fu c re, quand on le vuidé dans la chaudière
qu on appelle h p ro p r e , & meme quelquefois dans
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une toile blanche de V it r é aflez ferrée, avant de le
couler au blanchet.
S u c re d’ éc um e s . Gn ne fe fert pour faire les
fucres d'écumes que des écumes des deux dernières
chaudières , c’eft - à - dire, du fyrop & de-la
batterie , les autres fe réfervant pour les eaux-
de-vie.
Les écumes deftinées à faire du fucre fe confer-
vent dans un canot qui ne fert qu’à cet ufàge, & tous
les matins elles fe cuifent dans une chaudière montée
exprès pour cela dans la fucreiie ; on les met
dans cette chaudière avec un quart d’eau afin de
retarder leur cuiflon & avoir le tems de les purger.
Lorfqu’elles commencent à bouillir on y jette de la
leflïve ordinaire , & on les écume avec foin ; quand
elles approchent de leur cuiflon , on y jette de
l’eau de chaux & d’alun , 8c quand on eft prêt de'
tirer la batterie, on les faupoudre d’un peu d’alua
pulvérifé.
S u c r e de s y r o p . Il y a trois fortes de fyrops qui
s’ écoulent du fucre ; celui qui coule des banques
de fucre brut, c’eft le plus gros de tous ; celui qui
coule des formes dès qu’elles font percées & avant
qu’elles aient reçu la terre ; enfin celui qui coule
du fucre quand il a été terré ; ce dernier eft le plus
fin , l’autre tient le milieu.
Les gros fyrops ne devroient être employés qu’ e*
eau-devie; mais les fuc res étant devenus chers oa
a eflayé d’en faire avec ces fyrops, & on y a en
quelque forte réuffi.
S u c r e r a f in é . L e fucre brut, le fuc re paffé,
les fontaines feches, & les têtes dés formes qui
n’ont pas bien blanchi, font la matière de ce
fucre.
S u c r e r o y a l . Ce fucre fe fait avec les plus
belles caflonades , mais on a coutume , lorfqu’on
le veut encore plus parfait, d’employer du fucre déjà
raffiné & bien purgé de fon fyrop. On fait fondre
le fucre ou la caflonade dans de l’eau ordinaire oa
clarifiée avec des blancs d’oeufs ; & après avoir pafle
plufîeurs fois la matière au blanchet, on la cuit
moins fort que pour le fuc re ordinaire ; on la dépofe
enfuite dans l'empli , efpece de chaudière où elle
fubit les mêmes préparations que nous avons déjà
décrites pour le fucre brut ou mofeouade ; enfuite
on la met dans les formes , & avec de la terre on
achevé d’enlever la matière extra&ive. Dès que les
pains font retirés des fermes on les laifle fécher pendant
longtems à l’air avant de les mettre à l’étuve, &
l’on a grande attention de gouverner doucement le
feu de l ’éture dès qu’ils y lont, fans quoi ils rou£-
firoient.
L e fucre royal eft, fans contredit, le.pîus beau
de tous les fuc res , mais il. fouffre un déchet très
confidérable. Dow^ecent livres de fucre ordinaire ne
produisent qu’à peine f i x cent livres de fucre royal.
C’eft ce qui le rend exceffivement cher.
L e su c r e t a p p é n’eft que du fucre terré préparé
d’uae certaine manière, & mis eu petits pains,
pefant depuis trpis jufqu’à fept livres. Comme il eft
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