
ce qu’ils foient aflez forts pour produire la fo ie , &
s enfermer dans leurs cocons.
L e Languedoc, année commune, recueilloit, du
tems de S a v a r y , douze a quinze cens quintaux de
fo ie , (quantité bien augmentée depuis) & il s’y en fe-
briquoit prefqu’autant, Les étoffes deyb/e qui fe font
en Languedoc font des burats , des taffetas , des
tabis , des crêpons, des fleurets & des g rifet tes
ou férandines. Au commencement de ce fiecle on y
a entrepris des brocards & des damas qui n’y ont
pas mal réulfi. On eftime , dit S a va ry , que le commerce
des foieries de cette province monte à
ï , 800,000 liv , dont il en fort pour 1,500,000 liv.
qui va à l’étranger & dans les autres provinces du
royaume. Il fe recueille aufli quelques fo ies dans le
Vivaraîs, que l’on appelle fo ie V iv a ra ife .
D a u p h in é Il fe fait une allez grande .récolte de
fo ie dans cette province, fur-tout dans le haut &
bas Valentinois & dans les baronnies ; les mûriers
qu’on y cultive y profitent parfaitement bien. La
manufacture de ' Vienne , pour le moulinage & le
dévidage des fo ies eft confidérable; elle entretient
un grand nombre d’ouvriers. L e . filage des fo ies y
occupe une quantité de femmes & de filles du menu
peuple.
Provence & Avignon. Les fo ie s qui fe recueillent
dans la Provence le confomment en partie dans
' cette province ; il s’en tran{porte, cependant aflez
confîdérablement a Lyon ou. l’on s’en fert dans les
manufactures de cette grande ville.
Long-tems Lyon & Avignon furent émules &
rivales ; l’art y gagna beaucoup ; mais la pefie qui
en 17ZZ & 17 13 enleva dans cétte dernière ville plus
de trente mille perfonnes, la plus grande partie de fa
population ; & V adminift ration q u i, à la follici-
tation des Lyonnois, furtaxa les objets de fon in-
duftrje, ruinèrent entièrement cette ville , ainfi que
fon commerce.
Avant cette défaftreufe cataftrophe , Avignon
renfermoic environ dix-huit cent métiers defoie ries ,
dont plus de cinq cent en damas, & autres étoffes
façonnées. Lyon accueillit , ou plutôt engloutit les
trilles relies de cette ville. Les ouvriers y paffèrent
les outils & les uftenfilesy furent .tran(portés, A v ignon
ne fut plus rien; toute l’aClivité dont elle a
été capable depuis , & quelle a exercée , ainfi que
l’accroiffement du luxe,les progrès del’mduftrie n’ont
encore pu lui rendre la moitié <ïe ce dont elle jouif-
foit,- néanmoins elle a , dans-des objets qu’elle fabrique
en concurrence avec plufieurs villes, tels que
les taffetas de Florence , les armoijins, les ta ffe
ta s d'Angleterre, les damas, &c. une fupériorité
qui fait préférer les uns à ceux de Lyon , les autres
à ceux de Florence même.
Nimes profita atifli des dépouilles S Avignon , &
Tours, fans étendre, fans varier autant que Lyon
les obj'ets de fon induftrie, augmenta dans le grand
genre, tandis que Nimes établi Haut fon commerce
principalement fer le bas prix , fit des étoffes aufli
Tarifes, mais d’un genrç inférieur. Avignon avoit
1 quatre cent moulins à mouliner les foies ; à peine
aujourd’hui en a-t’elle cent cinquante ; mais 1 n P ro vence
en renferme un aflez grand nombre.
L a Savoie qui ', par fa proximité , peut prefque
être mifeau nombre des provinces Françoifes , fournit
aufli quelques"fo ies, mais ce que l’on en tire eft peu
confidérable.
Lyon. Quoique.Lyon & le Lyonnois ne produi-
lent-que peu de fo ie de leur cru , on ne peut cependant
le dilpenfer de regarder cette célébré ville
qui eft l’entrepôt de toutes les fo ie s étrangères qui
entrent en France , comme u elle les produifoit
véritablement, puifque c’eft delà que les marchands
de Paris, de Tours & des autres villes ou provinces
qui lè fervent de ces fortes de f o i e , doivent les
tirer, ou du moins par où ils font obligés de.les
taire palier, lorfqu’elles font entrées dans le royaume,
foit par Marfeille pour la mer , foit par le pont de
Beauvoifis pour la Terre.
Ce privilège accordé à la ville de Lyon eft ancien
& a été établi &-confervé par quantité d’édits, déclarations
, ordonnances & arrêts.
Quand la guerre, dit Savary, n’interrompt point
le commerce , & que-la récolte des fo ies eft raifon-
nable; il en peut entrer à Lyon, 6000 balles, la
balle évaluée à 160 livres pefant , ce qui Faic
410,000 livres de f o i e ; de ces 6000 balles, il ÿ en
a à peu-près 1400 du levant, 1.600 de Sicile , 1500
du relie de l’Italie, 300 d’Efpagne , & izoc du
Languedoc, de la Provence & du Dauphiné ; ce
qui doit s’entendre à proportion quand la récolte
n’a pas été généralement bonne , ou quand feulement
elle a manqué dans quelques lieux de ceux d’où
on les tire.
On ne compte à L yon , pas moins de d ix - huit
Thille métiers iur lefquels oh transforme la fo ie en
étoffe quelconque, dont environ dou-çe mille en
étoffes figurées. Ce nombre prefque incroyable, fait
à lui feul plus de la moitié des métiers du royaume,
dont le nombre eft de vingt-huit à trente mille.
En 169-8 le nombre des métiers de la ville de Lyon
étoit tellement diminué , qu’à peine y en, comptoit-on
quatre mille bien occupés ; mais l’émulation qui
régna depuis entre Lyon & Avignon, ranima fes
manufactures qui s’enrichirent encore des dépouilles
de cette derniere ville.
L e deflîn des étoffes femble avoir pris naiflance
à Lyon ; & ce pays lui paraît fi naturel qu’il tombe
en langueur dès qu’on veut Je dé.payfer ; 'tout ce
qu’on peut faire de mieux ailleurs, c’eft d’abandonner
la création des delfins à l’imagination riche
& féconde des Lyonnois, & de copier leurs ouvrages
; aucune ville , comme Lyon n’a fu mettre les
métaux à contribution pour la richefle & l’embel-
liflement de Ion art; il n’eftforti d’aucune comme de
celle-ci des productions, qui parleur rare variété &
une éclatante imitation de la nature, ayent étendu
la réputation de fes fabriques à l’inftar de Lyon , &
en avent fait convoiter les objets par toute la terre»
L e nombre des étoffes différentes qui fe fabriquent
|L yo n eff prefque incroyable; M. Paület l’a porté
peut-être, à la vérité, un peu trop hardiment à zoo.
Cette ville invente tous les jours ; & par la nouveauté
, la fraîcheur , l’élégance de fes delfins , elle
fut & fera longtems encore la dominatrice & l ’exécutrice
des étoffes du grand genre.
Suivant le relevé des regiftres de la douane de
Lyon j les foies étrangères entrées en cette ville
pendant les années 1775 , 17 76 , 1 777 & *77% forment
un objet de 4 ,110 ,58 7 livres poids de riiarc. Et
d’après quelques recherches relatives aux foies du
cru du royaume, 011 eftime qu’il en entre annuellement
à Lyon de 7 à 800,000 livres.
- Tours. Cette ville après Lyon eft toujours la
ville dû royaume, où il fe confomme une plus grande
quantité de foie dans les diverfes manufactures ; elle
lui dilputoit autrefois le premier rang, & il faut
cpnvenir qu’il y a des fabriques d’étoffe où elle remporte
encore fur Lyon.
L o u isX I, nous difent nos chroniques, & Charles
VIII fon fils, appellerenc des Grecs & des Italiens,
Génois f Vénitiens & Florentins qu’ils établirent à
Tours avec des privilèges. Telle eft, allure -1-on, Vépoque de Vétabliffement des manufactures de
foieries en France ; d’après quoi les Tourangeaux
croient avoir la primauté fur Lyon : le fait eft que
Louis X I fit venir à Tours des ouvriers d’Italie fousla
conduite de François le Calabrois, à qui il donna
une mailon dans fon parc de Duple(Jis-lès Tours.
On comptoit autrefois à Tours fept cent moulins
à dévider, mouliner & préparer les foies, huit mille
métiers pour en fabriquer des étoffes, & quarante
mille perfonnes employées à dévider la foie, à l’apprêter
& à la fabriquer ; aujourd’hui cetta ville n’a
plus qu’environ foixante moulins , ( nombre plus
confidérable encore que celui des moulins de Lyon,
qui n’en a que vingt ou vingt-cinq ) & environ douye â quinze cent métiers fur lelquels on tranft-
forme la foie en étoffe quelconque , & quatre ou cinq mille perfonnes feulement employées à travailler
les foies. Cet affoibliflement du commerce
de cette ville fera longtems un trille témoignage des
malheurs d’une longue guerre, augmentés encore
par les horreurs de plufieurs années de femme.
Paffage des foies par la ville de Lyon, & droits
qu’elles y paient.
Le palFage des foies par la ville de Lyon , y a
été établi ou confirmé par quantité d’édits, d’ordonnances
& d’arrêts du conleil de nos rois. François I. lui accorda ce privilège en T540 ;
Charles IX le confirma en 1566 ; Henri I I I , en
15 8 3 ; Henri IV , en 16 05;. Louis X I I I , en
*1613.
On compte fous lé régné de Louis X IV jufqu’â
huit, édits ou arrêts du confeil pour maintenir la ville
de Lyon dans fon ancienne poflelfion ; favoir, les
arrêts des 3 février & 10 décembre j 670 , 2 juin
2674., z 6 juillet 16 8 7 , 1 février 1 7 0 1 , 17 février
1705 ; l’édit du mois de juin 1 7 1 1 & la déclaration
du 1 1 juin 1 7 14.
L a mort de Louis X IV , arrivée en 17 15 , ayant
fait concevoir dans les premières années du régné
fuivant, de grands projets pour le rétablilTement &
l’augmentation du commerce & des manufactures
dans tout le royaume , les deux principaux furent
la liberté du négoce , & la fuppreflion de tant de
nouvelles impofitions que le malheur des c'ems avoit
rendues comme néceflaires fous le régné précédent.-
L a ville de Lyon fut comprife dans le deffein général'^
& par un arrêt du confeil du 18 mai 1 7 10 ,
on partagea avec plufieurs autres villes dénommées
dans l’arrêt, le paffage des fo ie s , qui depuis près
d’un fieele lui-avoit été accordé privativÆment à
tout autre, & en même tems on fupprima non-
feulement les droits de t ie r s -fin a u x & quarantième
, mais aufli ceux de la douane de L yon, de
Valence & de la table de mer, 8c même encore ceux
qui avoient été établis par l ’édit du mois de juin 1 7 1 1 ,
& tous les autres droits fens exception qui le le voient
fur les fo ie s , tant originaires qu’étrangères; fa ma-
jellé ( Louis X V ) fe réfervant feulement vingt fo ls
par quintal fur les fo ie s étrangères, même fur celles
d’Avignon & du Comtat,
Cet établiffement tant pour le paffage des fo ie s ,
que pour les nouveaux droits qu’elles doivent payer ,
& la luppreflion des anciens, n’ayant pas paru dans
la fuite, aufli convenable au commerce de la ville
de Lyon- qu’on l’avort cru d’abord, particulièrement,
parce qu’une partie des droits fupgrimés n’avoit été'
créée qu’à l’occafion des dettes contractées pour le
fervice de l’état même dans les pays étrangers, lesquelles
ne pouvoient jamais s’acquitter, fi les fonds
ne fubfiftoient plus , le roi, pour y pourvoir, ordonna-
par un édit du mois-de janvier 17ZZ-:
, i ° . Qu’il feroit levé au profit dé fa majefté dans
la ville de Lyon, un droit unique de 14 f. par chaque
livré pefant de fo ie s étrangères, de quelque qualité
qu elles foient, ouvrées & non ouvrées , crues , tories
ou teintes , exemptes ou non exemptes , de quelques
pàys qu’elles vinlfent, même fur celles venant d’A vignon
& du Comtat, & j f.- 6 d.= fur chaque livre
pefant des fo ie s originaires ouvrées & non ouvrées1
& c ., comme ci-deflus.
z °. Que tous, les édits, ordonnances, déclarations
& arrêts rendus depuis l’année 1540 y juf-
qu’alors , concernant le paffage dés f o i e s , tanc:
originaires qu’étrangères par la ville; de L y o n , fe-
roiént exécutés félon leur forme & teneur, & fous*
les peines y portées, nonobftaht & fans avoir égard'
à. l’article III de l’arrêt du 18 mai I7 zb , qui a fixé'
les lieux par lefquels' les fo ies pourront entrer dans-
le royaume.-
3°. Qu’en conféquence il eft fait très - exp.refles'
défenfes à toutes perfonnes de faire entrer aucunes-
fo ie s dans le royaume, ni de les. y Commercer ,
fa n s quelles aient été tranfportées dansda v illë
de Lyon , & qu’elles y aient acquité les droits ;
même d’en faire aucune vente débit, ni entrepôt^