
• M o sco vie. ( État aétuel du commerce de )
L a Mofcovie eft un des plus grands pays du
jnonde.
Dans un état fi vafte les produ&ions naturelles ne
peuvent être par-tout les mêmes; mais fi le pays
était vraiment policé , l’une des provinces pourvoit
aifément füppléer à ce qui manque à l’autre.
De commerce s’y divife naturellement en deux parties
, qui font le commerce intérieur & le commerce
extérieur; nous en ferons deux articles féparés.
A r t i c l e p r e m i e r .
Commerce intérieur de Mofcovie.
Par commerce intérieur , nous entendons non-
feulement celui qui fe fait entre les divers peuples
qui habitent cet état ; mais auffi celui que ceux-ci
font avec pltifieurs nations Afiatiques , tant par terre
que par mer. Ce commerce comprend quatre parties.,
fçavoir'.le commerce de la Sibérie avec la
Chine , celui avec la P e r fe , celui avec la Turquie,
enfin celui de la Mofcovie même, & de l ’intérieur
du pays.
Conimerce de la Sibérie avec la Chine, *
L a Sibérie eft le féjour de la misère , de l’efcja-
vage, du defpotifme, fouvent du crime , quelquefois
de l’innocence pc de la vertu, prefque toujours
du défefpoir.
Les marchandifes que ce pays fournit au commerce
, font principalement des fourrures, du fer ,
du cuivre Sc du talc. Les fourrures les plus eftiméês
font les peaux de renard, enfuite celles de la zibeline,
du goulu, de l’hermine , de l’écureuil, du ;
caftor, du linx , Sc du loup-cervier ; il y a beaucoup
de variétés dans chaque efpèce de ces animaux
: on en compte jufqu’à trois parmi les renards
noirs qui font les plus eftimés ; il y a en outre des
renards jaunâtres , des renards rouges , d’autres avec
le ventre g ris , des renards blancs Scplufieurs autres
efpèces parmi lefqueUes on en voit auffi de bleuâtres.
Les plus beaux renards noirs fe, trouvent dans
le gouvernement à'Irkut-qk ; une feule de ces peaux
eft eftimée poo 8c même jufqu’à 1000 roubles, Sc
on la préfère â la plus belle zibeline. Aucun particulier
en Ruffie n’ofe avoir de renards noirs , ni
noirâtres, & aucun marchand n’ofe en faire commerce,
tous devant être livres & vendus à la cour.
La zibeline eft propre à la S ibé rie, Sc les plus
belles viennent dn gouvernement d’Irkutzk. On vend
fouvent furies lieux même une peau 60 Sc même 70
roubles. Il fe forme ordinairement des compagnies
de 10 à iz hommes qui partagent entr’èux toutes' les
zibelines qu’ils prennent. L ’hienne, ou, le goulu ,
nommé en Sibé rie, rojfomak , fe prend principalement
dans les endroits couverts de bois. II y a
des.écureuils de différentes efpèces en Sibérie. L a
plus nombreufé eft celle que nous nommons pe tit-
g ris , de leur couleur. Les noirs font petits, ce
qui fait que bien des gens en font moins de cas
que de ceux qui font de couleur argentine dont les
peaux font grandes & belles : on trouve auffi des
écureuils tout blancs. Les hermines font aflez nom-
breufes dans toutes les parties de IzSibérie oi\ il y
a de grandes plaines coupées de forêts de bouleau
peu épaifîès. On ne trouve des martres que dans le
voifinage des vaftes montagnes & des rochers qui
féparent la Sibérie de la Ruffie. Les caftors font
confidérablement diminués en Sibé rie , parce qu’on
a pris à tâche de les détruire. Les caftors de Kamtchatka
font deux fois 5c même trois fois plus grands
que les caftors ordinaires ; ils ne leur reffemblent
d’ailleurs qu’en certaines chofes Sc en different dans
les qualités eflentielles. On ne trouve des loups-cerviers
, des tigres Sc des panthères que dans le gouvernement
a Jrk u t^ k , vers les frontières les plus
reculées du côté de la Chine.
L a Sibérie eft très-riche en mines de cuivre &
de fer. L a mine de cuivre fe trouve à fleur de terre,
& le cuivre qu’on en tire eft très - duétile. L e fer
eft abondant & d’une très-bonne qualité. Le produit
des mines 5c des forges de fer Sc de cuivre eft
confidérable. L a couronne en pofféde une partie ;
le refte appartient à des particuliers. Le plus grand
nombre de ces mines & en même-temps les plus
importantes font fituées dans le territoire de Cathe-
rinenbourg.
On fouille beaucoup de talck en S ibé rie, fpé-
cialement dans le territoire de Jakùtzk au bord du
fleuve Wittim : Itkutzk en eft l’entrepôt. On tire
le talc en partie d’un quartz jaunâtre 5c en partie
d’une matière liquéfiée 5c grisâtre ; ce minéral fe
trouve dans cette pierre en tous fens. L e talc qui
eft clair 5c tranfparent comme de l’eau de fource,
eft réputé le meilleur ; le moins bon eft celui qui
tire fur le verd. Quant â la grandeur des pièces de
talc , on en a trouvé qui avoient une archine 5c trois
quarts ; une archine 5c demie 5c trois quarts en
quarré ; mais elles font très-rares ; enforte que celles,
qui ont depuis trois quarts jufqu’à une archine en;
i quarré font déjà d’un grand prix , & on ne fait:
point difficulté de les payer r ou z roubles la livre.
L e talc commun qui a un quart d’àrchine en quarré
fe paie 8 à 10 roubles le poud de 4 0 1«, 5c le moindre
, dont les pièces font rejointes enfemble, coûte
depuis jufqu’à z roubles le poud. Lorfqu’on
veut faire ufage du talc , on le fend avec une lame
de couteau bien mince , en obfervant de ne le pas
fendre trop menu. On s’en fert dans toute la Sibérie
pour des carreaux de vitres ; les lanternes faites
de ce minéral font regardées comme très-précieu-
fes, parce qu’on ne trouve point dé verre auffi propre
5c auffi clair. Dans les villagès 5c dans beaucoup
de petites villes, on l’emploie pour les vitres, &
par-tout pour les lanternes. C’eft auffi de cette
efpèce de verre naturel que l’on fait les fenêtres
dès vaifiêaux , parce qu’il n’eft pas fragile 5c qu’il
tie fouffre point de l’ébranlement que caufe l’explo-
fion des grands canons.
Outre les marchandifes que nous venons de dire,
la Sibérie en fournit beaucoup d’autres , fçavoir de
la rhubarbe donc la qualité eft plus eftimée que'celle
qui vient delà Chine ; des bourfes de mufe, du
caftoreum, des os de mamont, des dents de maire
s, Scc.
T o bo l sk , capitale de toute la Sibérie 5c fiége
du gouverneur, eft fîtuée fous le 48e. degré iz min.
de latitude feptentrionale, au bord de l’ irtifch près
de l’endroit où ce fleuve reçoit les eaüx du Tobol.
Cette ville fait un grand commerce avec les Mofcp-
vites 5c autres peuples , tels que les Calraouques,
& avec les Buqkariens.
Les Rufïes y apportent du rouffi ou cuirs rouges
5c noirs , des draps gris communs de Rujjîe , des
toiles 5c beaucoup d’autres marchandifes , tant de
leur pays, que de Perfe, d’Allemagne, de Hollande,
d’Angleterre, de France 5c d’autres contrées del’Eu-
ropé ; ils tirent en retour différentes fortes de pelleteries
, du caftoreum , des bourfes de mufe de
Sibé rie, du fer 5c plufîeurs autres articles. Les caravanes
de Calinouques qui arrivent à Tobolsk pendant
l’hiver , y apportent du bétail, des vivres 5c
quelquefois de l’or 5c de l’argent ; 5c en rapportent
chez elles différentes fortes de marchandifes de cuivre
5c de fer. Les Buckariens qui viennent auffi à
Tobolsk en caravane pendant l’hiver, y apportent
des peaux d’agneau frifées, des étoffes de coton de
Êuckarie , des étoffes de foie des Indes, 5c quelque-
fois des pierres précieufes ; les marchands de Tobolsk
leurachettent ces marchandifes, ou leur en
donnent d’autres en échange 5c les portent enfuite
a la foire de Samarkande. Tobolsk eft l’entrepôt des
pelleteries deftinées pour la couronne ; on les envoie
de-là à la chancellerie Sibérienne de Mofcou.
Tomsk, ville du gouvernement de Tobolsk ,
fituée au bord du Tom, fait un bon commerce avec
les Calmouques, les Mogols 5c d’autres Tartares.
I r -k u t z , capitale du gouvernement de fon nom,
fait auffi un grand commerce , 5c à-peu-près dans les
mêmes articles que Tobolsk.
K ia ch ta ,ouK ia k ta , ouKiacht'mgskoivorpo f l,
lieu qui tire fon nom du fleuve fur le bord duquel il
eft fîtue, comprend les deux Jlobodes ou bourgs
conftruits en 17Z7 , l’un pour les Mofcovites 5c l’autre
pour les Chinois. Ils ne font diftans l’un de l’autre
que de izo toifes. Chaque flobode eft entourée
d une ojlrog , c’eft-à-dire , d’une paliffade. Dans
1 intervalle qui les fépare on a planté des poteaux
pour marquer les limites des deux royaumes, 5c
' confirait des bureaux où fe tiennent des gardes pour
veiller à ce que de part ni d’autre on nepaffe ces
limites. Le commerce fe fait conftamsaenc dans ces
lieux entre les Ghipois , les Buckares Chinois 5c
les Mongales d’une part , 5c les marchands Mo*£
coyites de l’autre. Ce commerce confifte en pelle-
terie^s _<jue ceux-ci livrent aux premiers en échange
de differentes marchandifes de la Chine , telles que
du kitaika (étoffé de coton)’ de diverfes efpèces,
du damas , du fatin 5c autres étoffes de foie, d^i
thé verd , de l ’anis , des bourfes de mufe , des
peaux de tigres 5c de panthères, des fleurs collées
fur du papier, des fleurs de fil d’archal , de la porcelaine
5c autres chofes de cette nature, du tabac
5c de la rhubarbe. La couronne feule faifoit oi-
devanc le commerce de ces deux dernières fortes de
marchandifes; mais depuis 176Z le commerce en
eft devenu libre. Le comiiferce à la Chine s’eft faic
jufqu’en 17 5 1 par des caravanes , qui partoientde
Ruffie tous les trois ans pour ce pays-là; mais il
eft libre maintenant à un chacun de commercer aux
frontières des deux états , 5c même d’envoyer fes
marchandifes jufqu’à Pékin, en acquitant les droits
réglés par le tarir, 5c en obfervant les conventions
faites à cet égard entre l’empire Ruffe 5c celui dfc
la Chine. La Rujfie fait annuellement avec la Chine
un commerce de 1600000 roubles au moins., à en
juger par le produit de la douane qui eft communément
de 400000 roubles chaque année.
B Ca th e r in en bo u r g , en langue Ruffe Ekaterinbourg,
ville régulièrement bâtie fur le fleuve
d’IfeK, eft la capitale du territoire du même nom.
On trouve dans c$ territoire trente-quatre injnes de
cuivre, dont treize font du domaine de la couronne
5c vingt-une appartiennent à divers particuliers. L a
couronne pofféde'auffi quatorze forges dans d’autres
cantons de la Sibé rie , 8c on y en compte dix-neuf
appartenantes à des particuliers.
Le Kamtzcatka , ou Kamtchatka , eft une
grande prefqu’ifle divifée en quatre habitations. Le
czar de Mofcovie y entretient t, roo hommes de
troupes réglées , dont 400 Ruffes, 5c 700 Kamtz-
catkales ; on y compte en outre 3000 habitans natifs
qui paient annuellement à la couronne un tribut
de 134 caftors marins , 703 zibelines 5c près
de zooo peaux de renards. Le profit de là couronne
eft de zôooo roubles au moins ; 5c la vente de fes
eaux-de-vie lui produit une fomme de 3 à 4 mille
roubles.
Depuis les nouvelles découvertes qu’oti a faites
au-delà du Kamtchatka, tant du côté dès ifles du
Japon, que dans la mer Pacifique, où l’on a reconnu
le continent de l’Amérique , il s’eft formé
une compagnie de commerce , fous le nom de compagnie
de Kamtchatka, deftinée à faire le commerce
dans les pays nouvellement découverts. Elle
eft compofée de vingt marchands, dont les principaux
font de Mofcou, de Wologda 5c d’Ufting-
Veliki. Les chefs de cette compagnie portent au
cou une médaille d’or de la valeur de dix -ducats
fur laquelle eft le portrait de l’impératrice régnante!
Les fonds de cette compagnie ne furent que de
1 0000 roubles à l’époque de fon établiflèment (en
1764) ; mais en 177Z ils mon toi ent déjà à 66000.
.Elle fournit aux peuples qui habitent le continent
& les ifles de l’Amérique , des chauffures qui
fe font à Cafan ôc à Tobolsk; des toiles de coton
de Buckarie , de la fiflèlle pour faire des filets des
inftrunaens de fe r , tels que des haches 5c briquets ,
une petite quantité de via, du fucre , des miroirs!