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P R E S T E - J E A N , ou ABISSINIE , empire
d'Ethiopie.
Voici le détail de cet empire , d’après Savari ,
dans Ton Dictionnaire , tom. prem. page 390.
ABISSINIE , ou EMPIRE DU PR E ST E -JEAN,
U A b iffh u e , plus connue des anciens géogra-r
pires fous le nom de haute Ethiopie, produit toutes
les marchandifes qui feroient propres à entretenir1
fan commerce confîdérable , foit'au dedans , foit au
dehors, fi la parefïe naturelle de fes habitans , ne ;
les empêchoit de profiter de leurs ayantages.
Plusieurs des auteurs qui ont tâché de découvrir !
"Sc de fixer la fituation de la célébré Ophir, ont |
cru la reconnoître dans les values & riches états de;
ce fameux empire j & quelques-uns n’ont point fait
de difficulté d’affurer, que le mot à3Ophir éto'it un
terme général, qui comprenoit toute la côte orientale
d’Afrique , depuis le tropique du cancer juf-
qu’à l’océan j ce qui renferme non-feulement le s .
potes de l’Arabie, mais encore toutes celles qui!
s’étendent au deffiis de l’Egypte, vers le midi , où les
géographes modernes placent le plus communément
YAbi (Unie , plus connue fous le nom à'empire
du Prête-Jean.
Quoi qu’il en foit de cette opinion, il eft certain
que l’empire d’Ethiopie eft préfentement d’une très-
vafte étendue , qu’il feroit un des plus riches du
monde , fi fes peuples favoîent profiter des tréfors,
ou qui font cachés dans le fein de leurs terres,
abondantes en toutes fortes de métaux , ou que la J
fertilité de fon fol leur offre prefque fans aucun
travail.
L ’empire d’Éthiopie , dont les confins du côté du
nord font au deuxième degré dg latitude feptentrio-
nale , eft çompofé de plufieurs royaumes , particulièrement
de YAbijJinie proprement dite, dans
laquelle eft la ville impériale , & le féjour de l’ern?
pereur j du royaume de Tigré , divifé en vingt-
quatre principautés ? ou gouyernemens, qui a ion
viceroi particulier j & le royaume deAgan , qui éroit
autrefois une république , mais qui fur la fin du
feptiéme fiécle fut conquis, & réduit en province
par l’empereur dçs Abiffins à prefent régnant
Les Portugais , après qn?ils eurent pris l’ifle & la
ville d’Qrmus dans' le golfe Perfique, Mafcate fur
la côte de l’Arabie heureufe , & l’ifle de £occatora
à l’entrée du golfe Arabique . couvrirent bientôt
un paftage en Éthiopie , où ils établirent un commerce
confîdérable , ' & ou ils transportèrent dans la
fuite quantité de familles Portugaifes , pour y former
des efpèces de colonies.
Ces nouveaux hôtes des Abiffins leur étant devenus
fufpe&s, furent chaffés , & tout commerce interdit
avec eux. On leur iipputa même le deffein
chimérique de détourner les four ces du Nil ; afin que
n’arrofànt plus l’Égypte , ils puflent tranfporter tout
le négoce qui fe fait par ce fleuve du côté de la
mer rouge , où il leur eût été facile de s*en etn-i
parer, & de s’en rendre les feuls maîtres. Il leur
refte néanmoins quelque commerce avec l’Éthiopie ,
mais bien différent de celui qu’ils y entretenoienc
autrefois.
Depuis l’expulfion des Portugais , les empereurs
d’Éthiopie n’ont plus voulu fouffrir que leurs fujets
euflent des liaifons de commerce trop étroites avec
les nations d’Europe ; encore moins permettre â ces.
nations de venir s’établir dans le pays , fous le prétexte
du négoce.
Les Hollan dois, après avoir , pour ainfi dire ,
fondé un empire dans l’orient, en partie des dépouilles
des Portugais , & en partie des ufurpations
qu’ils avoient faites fur plufieurs princes des Indes-
orientales , penferent à pouffer, leur commerce ,
& peut-être leurs entreprifes «jufqu’en Éthiopie 3
mais l’entrée leur en fut refufée j & il fallut qu’ils
fe contentaffent de quelque négoce indirect avec
les Éthiopiens , qu’ils font encore aujourd’hui par la
mer rouge.
Les Anglois eurent les mêmes defTeins : mais
quoique moins â craindre que les Hollandois , ils
eurent un fuecès femblable.
A l’égard des François , ils n’ont jamais été allez
bien établis dans l’Orient, pour fe trouver en état
de tenter de porter leur commerce en Éthiopie ;
& s’ils l’euffent fait , indubitablement ils' euffent
rencontré d’auffi grandes difficultés que les autres.
Mais un auteur anonime , dans un manuferit communiqué
par M. Maffon , » qui on eft redevable
de tant d’autres exeeliens mémoires fur le commerce
, répandus dans tout le corps de ce Dictionnaire
, femble vouloir ‘perfuader , que depuis l’année
165/8 , la nation frânçoife avoit tout lieu de fe
promettre une heureufe réuffite , en cas qu’elle jugeât
convenable de tenter une liaifon de commerce
avec l'Éthiopie , l’empereur de ce vafte empire, â
ce que rapporte l’auteur , étant favorablement prévenu
pour les François , depuis qu’il avoit été guéri
par un médecin dé cette nation , d’une maladie
qui paroiffoit incurable $ enforte qu’il avoit même
formé le deffein en 1700 , d’envoyer-en France le
neveu de fon premier miniftre , en qualité d’am-
baffadenr, avec de riches préfens pour fa. majefté
très-chrétienne.
Il ne paroît pas que ce projet ait eu dfexécution :
mais quoiqu’il en foit de cette aventure , comme
une telle ëntreprife ne peut , ni fe faire , ni fe fou-
tenir , que par une compagnie accréditée, & bien
établie , il ne paroît pas que la France pniffe être
fitôt en état de profiter des favorables difpoficions de
l’empereur d’Éthiopie pour la nation.
' Après cette courte digreffion , qu’ on fe flatte qui
n’aura pas été *défagreable au le&eur , on revient;
au commerce,foit intérieur , foit extérieur de 1 Ab if-
finie.
L ’o r , l’argent , le cuivre & le fer , font les mév
taux qui fe tirent des mines de cette vafte' région
de l’Afrique 5 niais le $ trois premiers n’y font que
marchafadifesj
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•marchatidifes, & n’y font pas convertis en mon-
moie , dont il n’y a aucun ufage dans l’Abijjinie ,
A moins qu’on ne veuille regarder comme une ef-
çéec de monnoie, l’or qu’on réduit eu plaques, &
qu’011 coupe félon lebefoin en petites pièces du poids
.•d’une demi-dragme 3 ce qui revient environ à trente
fols de France.
Ces plaques d’or ne fervent guères que pour le
paiement des troupes , & pour la dépenfe de la
pour 3 'encore cet ufage eft—il afïez moderne j lor.j
du roi avant la fin du dix-feptiéme fiecle , s étant
toujours mis en lingots dans fon tréfor , pour n en
fortir jamais", du moins pour n’être employé qu’en
yaiffelle & en bijoux pour le fervice du palais.
On fe fert de fel de roche pour la petite monnoie
: il eft blanc comme la neige -, & dur comme
la pierre 3 on le tire de la montagne de Lafta
•d’où on le porte dans les magafîns du ro i, o.u il
;eft l’idiUit.en petites tablettes longues d’u-n -pied, &
.larges 4e. trois pouces ; dix de ces tablettes valent
.3 liv. monnoie de France. Lorfqu’elles font entrées
•dans le commerce , on les rompt encore en plus petites
pièces , fuivant le befoin qu’on en a. On emploie
!auffi ce fel à .tous les ufage,s ordinaires .du fel
aiiatin.
Ce fel fe vend, pour ainfi dire.., poids de F or 3
l ’une &• l’autre' de cés marchandifes fe pelant au même
poids, & s’ échangeant prefque avec égalité.
C’eft auffi avec ce fel minéral que les Éthiopiens
achètent le poivre , les épiceries, & quelques étoffes
4 ë foie , que les Indiens viennent leur apporter dans
.les ports que les premiers ont fur la mer rouge.
L e cardamum , le gingembre, Taloes, la myrrhe,
la caffe, la civette, le bois d’ébène , l’y voire, la
.cire, le miel; le coton, & des toiles de diverfes fortes
& couleurs / faites de cette matière , font encore des
marchandifes qu’on tire d3Abijjinie ; & l’on pour-
roit y ajouter le fucre , le chanvre , le lin, & d?ex-
cellens vins, fi ces peuples â demi barbares, avoient
l ’art d’apprêter & de cuire le fuc des cannes , de
cultiver les vignes , & d’exprimer la liqueur de leurs
laifins , ou. de filer & de ci fier leurs chanvres .&
leurs lins : toutes ces chofes croiffant chez eux ,
avec plus d'abondance , & avec autant de bonté qu’en
aucun autre lieu du monde.
Quelques-uns croient que la fève de café a été
tranfportée d’Éthiopie dans l’Arabie, d’où on la tire
préfentement : mai? cette opinion paroît a fiez incertaine
, n’étant guères probable que la plante qui le
produit fiît entièrement périe chez les Éthiopiens ,
qui n’en cultivent plus préfentement, ou qui du
moins n’en font aucun commerce.
L a plupart des marchandifes dont on a parlé jufn
ie j, font plus pou? l’étranger , que pour le de-
. ans du royaume •: chez eux , le plus grand comm
e r c e ne confifte guères qu’en fe l, en miel, enfa-
tafin, en poix g ris, en fèves , en citrons-, 0ra13g.es ,
Rimons, & autres denrées, fruits , légumes né-
■ ceffair.é?' pour l’ufage de la vie.
• L e s lieux que les marchands Abifljas , qui ofent
Çowniefff. Tonie I I I , P&rf» I f ,
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Ce bazarder à porter eux-mêmes par mer leurs denrées,
fréquentent le plus, font 1 Arabie heureufe ,
& les Indes, particulièrement dans celles-ci , Goa ,
Cambaye, Bengale & Sumatra.
A l’égard de ports qu’ils ont fur la mer Rouge ,
où les marchands étrangers abordent le plus ordinairement
, les plus confidérâbles font , Mette ,
Azum, Zajalla , Maga, Dazo , Pate.a & Brava. Ils
avoient auffi autrefois Ércocco & Quaqueu 5 mais
lés Turcs qui s’en font emparés vers le milieu Au
dix-feptiéme fiécle , en font tout le commerce j ce
qui a prefque ruiné celui que les Abiffins fonc
dans les autres villes maritimes quon vient de
nommer.
Ce font les Portugais qui , pour ainfi dire*, ont
inftruîts ces peuples de Fart: de- naviger , pour lequel
ils ont de grandes difpofîfions j & ce font eux pareillement,
& les autres Européens, qui fe font éta<-
b lis à la cour du roi d’Abiffine , depuis deux ou.
trois fîécles, c’eft-â-dire , depuis que la route des
Indes a été ouverte par le Cap de Bonne - Efpé-
rance, qui leur ont donné quelque goût pour les
arts , & quelque connoiffance dû commerce avec
les étrangers.
‘ Celui qu’ils font par terre, eft peu confîdérable j
cependant Fon voit chaque année des bandes d’Abi filins
arriver en Égypte , particulièrement au Caire ,
chargés de quelque poudre d’or j qu’ils y viennent
échanger contre les marchandifes du pays, ou d’Europe,
qui leur font nécessaires. ,
Ces cafîlas ou caravamies , fi pourtant on peut
nommer ainfi .des troupes .de .40 ou ?o malheureux
qui s’affemblent pour s’aider mutuellement dans
leur voyage , font ordinairement des trois & quatre
mois en route , & traverfant des forêts & des montagnes
prefque impratiquables , viennent faire leurs
achats | ou plutôt leurs échanges 3 & repartent aufli-
tôt, pour porter â leur famille ( la plupart fur leur
dos , à la mode des portes-balles de France ) le peu
de marchandifes qu’ils ont traitées pour leur o r ,
ou que les juifs où les Égyptiens veulent bien leur
confier fur leur parole.
Il paroît extraordinaire que des perfonnes raifon-
nables , & fçr-tout des marchands auffi intéreftes
que les Ju ifs , ofent fe confier à la bonne foi de ces
miférables, contre lefquels, s’ils en manquoient, il
n’y auroit aucun recours. Cependant l’expérience
a fait connoître que cette confiance n’a jamais été
trompée , non pas même par leur mort j puifque fl
elle arrive , foit à l’aller, loit au retour , leurs compagnons
de voyage & de négoce , confervent les
effets du défunt, ou po.ur leur famille , ou pour
acquitter les dettes qu’il pourroic avoir * faites aiç
Caire,
Les autres nations avec lefquelles les Abiffins
font le commerce par terre , font les habitans dq
royaume d’Ad el, les Turcs qui font maîtres d’Er-
cocco & de Quaqueu , les Melindois, les peuples
de Mofambique, & fes Portugais qui font établis fu.E
geç çô/es?