ce à quoi n’avoient point penfé ceux qui l’avoient
précédé. Si quelques circonftances déterminoient j
à mettre cette méthode en ufage, comme la carie
delà branche montante de l’os maxillaire , voici :
. comme je confeillerois de fe comporter. Le malade
placé fur une chaife au grand jo u r , la tête
appuyée fur la poitrine d’un aide , l’oeil fain
bandé pour qu’il ne voye rien de ce qu’on va
lui faire , les paupières de l’oeil malade rapprochées
l’une de l’autre, & maintenuesainfi par les
doigts d’ un aide , on aegrandit l’ouverture fiftu-
leufe , en fuppoCant qu elle fût trop petite, en-
fuite , ayant bien deffé'ché avec de la charpie ou
une éponge fine le bout de 1’ulccre , on portera
le bout d’une canule à manche, telle que celle
qui eft gravée dans la Planche qui a rapport à
cet Article , & l’on gliffera dans fa tubulure le
bout rougi au feu d’un cautère aétnel qui eft de
calibre à lui répondre. On réitère plufieürs fois
cette opération , fi. on le juge néceflaire, & en-
fuite l’on porte au fond de l’ulcère des tampons
de charpie fèche j l’on applique un emplâtre de ce-
rufe, puis on termine par des compreffes, qu’on
trempe dans un défenfif, & qu’on contient par
le monoculus. L ’efcarre tombe par la fuite & avec
elle les portions d’os exfoliées, il renaît des bourgeons
& la cicatrice n’ eft pas lente à fe faire.
Le cautère aéluel ayant paru cruel & fâcheux,
à raifon de la déperdition de fubfiances qu’il entraîne
, Fabrice lui fubftitua la méthode du cauf-
tique, qui confifte à confumer les callofités & fon-
gofités de la fiftule avec des carhérétiques les plus
forts, comme les trochifques de minium, le précipité
ronge, ou la pierre infernale. Lorfqu’à la
chute de l’efcharre, que produifent ces fubfiances,
on s’appercevoit d’une altération dans l’os , on y
appliquoit dp la charpie , chargée de poudre d’euphorbe,
ou trempée dans de l’eau mercurielle ou
dans de l’acide vitriolique. On revenoit à ce traitement
, fi les efcharres tombées, l’ulcère ne fe re-
couvroit point de bonnes chairs ; enfin fi ces
moyens ne réuflifioient p oint, on ruginoit l ’o s ,
comme Fabrice (avoir confeillé. Mais cette méthode
, telle adoucie qu’on la fuppofe, opéroit,
Comme l’autre , une très-grande déperdition, oc-
çafionnoit également dp l’inflammation & autres
pccidens graves, la plupart du tems un éraillement
de la paupière inférieùre & toujours l’épiphora.
Tels étoient les procédés reçus, lorfque vers la fin
du fiécle dernier Woulhoufe imagina de perforer
l ’os unguis, pour former une nouvelle route aux
larmes , ce à quoi l’on n’avoit point encore
penfé avant lui. Yoici quelle étoit fa manière de
procéder. Le malade convenablement placé & les
tégumens du grand angle de l’oeil bien tendus, il
prenpit un biftouri courbe avec lequel il faifoit
une incifion en forme de croiffant, dont la convexité
regardoit la paupière , & qui pénétroit
iufqu’à l’os il diiatoit enfuite la plaie avec un
déchauffoir, qui lui fçrvoiî en même-icms à divifer
le périofle , & , commè le fâng l’empêchoit de
voir ce qui lui reftoit à faire, il le remettoit au
lendemain. Alors il perçoit l’os unguis avec une
fonde crénelée pointue à fon extrémité, p uis ,
après avoir enlevé les efquilles, il rempliffoit l'ouverture
arec une tente un peu groffe,& lorfqu’il
préfumoit que les parois étoient fuffifammtent dé-
tergées, il ôtoir la tente & lui fubfiituoit une canule
de métal avec un bord relevé > pour qu’elle
ne pût tomber dans le nez. Enfuite il remplaçait
celle-ci par une autre plus petite fans rebord &
dont la groffeur étoit proportionnée au trajet
qu’elle devoit occuper , afin quelle fût exaéle-
ment embraffée par l’os fans pouvoir vaciller. 11
cherchoit alors à cicatrifer l’ouverture, extérieure
par les moyens communs. Si cette méthode de
Woolhoufe a été avantageufe relativement à la fiftule
, elle ne l’a pas toujours été par rapport à
fes fuires. Le dégât qu’on étoit obligé de faire
en formant ce nouveau canal , l’inflammation
qu’entraînoient les corps étrangers , dont la dureté
étoit une caufe d’irritation , que beaucoup
de fujets ne pouvoient fupporter, l’éraillement de
la paupière inférieure , qui venoit de la manière
dont on faifoit l ’ incifion, éloighoient toujours
ceux qui vouloient la mettre en pratique. Si l’on
pafloit fur tous ces accidens & qu’on parvînt à
guérir la fiftule, l’on ne pouvoit remédier au lar-
moyemént qui fuccédoit à la cicatrice par une
raifon qu’on devine , fi l ’on nous a bien fuivi
jufqu’ici.
Néanmoins, les Praticiens étoient partagés fur
cette méthode & celle de C e lfe , lorfqu’au commencement
de ce fiécle A n e l, Chirurgien à T u r
in , imagina de défobftruer les voies naturelles*
qu’ il fuppofoit engorgées, en infirmant fucceffive»
ment, par l’un ou l’autre point lacrymal, un fli-
let d’argent très-fin , qu’il poufloit, par des fe-
couffes réitérées, jufqu’au fond du fac. Si l’on en
croit l’Hiftoire, ce procédé d’Anel n’efi pas nouveau*,
P line, le jeune, parle d’un certain Caius
Julius, Médecin , qui traitoit quelques maladies
des. yeux avec des flilets qu’il introduifoit dans
l’oeil : J'pecillum per oculos trahens . . . . dum i\n-
mergit fecillum per oculos trahens. Ces paffages
ont été notés par Morgagni, qui les rapporte dans
fes Adverfaires. Stahl avoit également fondé ces
voies avant lui , avec une corde à boyau , dans
la vue de diriger une incifion fur le fac lacrymal.
Quoi qu’il en fo it , on ne peut s’empêcher de regarder
Anel comme l’Auteur qui ait le mieux développé
cette invention , & qui en ait fait une
méthode fuivie. Dans la première de fes obferva-
tions , qui date de 1 7 1 5 , il fait mention de fon
procédé & dit : que par lui il parvint à déboucher
le fac lacrymal comme le cas étoit compliqué
d’ulcération & de carie , il imagina d’in-
jeéler , par les points lacrymaux, une liqueur deffi-
cative , avec une feringue , qu’il inventa, & dont
le fiphon étoit extrêmement fin. 11 réulfit égaler
m m fur la Ducheffe de Savoye amère-bifayeule- j
du Roi de Sardaigne afluel Anel donnri fa,më- j
thode dans un ouvrage qu il dédia a S. A. S. ■
Monfeigneur le Duc j
1716 après avoir étépréfemé a 1 Académie Royale
des Sciences. Heifter , qui depuis a employé ce.
procédé d’Anel , dit avoir guéri en le fuivant, ;
des hydropifies du fac , dans efpace de qua re
ou cinq jours; il la croit applicable aux Adules
compliquées de cane. Monro en a également ob-
tenu beaucoup de fuccès*, la liqueur dont il n i-
foit ufage étoit l’eau de chaux , dans laquelle il
faifoit délayer un peu de m iel, il lui ajoutent,
fur la fin, de l’eau de vie , du vin ou quelqueau
ferrugineufe. Quoique nous ayons déjà parlé de
cette méthode d’Anel, à 1 article EpipHORA,nous
y reviendrons i c i , pour qu’on y trouve l enfemble
que cette matière demande. Y o ic i , en peu de
mots quels étoient les inftruments d’Anel & la
manière dont il faut s en fervir. C eft d abord une
fonde fort mince à l’une de fes .extrémités, qui
fe termine par un bouton oîivaire & devenant
infenfiblement plus foiide par l’ autre , pour ne
point fe replier fur elle-même dans le long trajet
qu’elle doit parcourir. La feringue , qui lui,
fuccède eft non-feulement petite, mais encore elle
eft garnie d’un fiphon dont le calibre eft proportionné
à la petiteffe des points & des conduits
lacrymaux. Pour en faire ufage, il faut faire
afléoir le malade entre fes jambes , fur un fiége
I fort-bas , en lui renverfant la tête en arrière,
on ouvie les paupière s , en les tirant légèrement
vers les tempes j on pafle la fonde dans le conduit
lacrymal fupérieur, qui,étant le plus oblique
des deux , eft le plus propre a la recevoir j on
préfère l’ inférieur pour paffer les injections ,, par j
1a raifon que la paupière inférieure eft moins mo- ;
bile , que la main de l’Opérateur trouvant un :
point d’appui fur la joue du malade, il eft plus
facile d’y fixer le fiphorc de la feringue. Quand .
on cherche à fonder ainfi les points lacrymaux , ;
il faut fe rappeller que les conduits , après avoir ;
régné le long du bord interne de chaque paupière,
fe coudent, le fupérieur de haut en bas &
l’inférieur du bas en haut , avant de fe terminer
fur l’extrémité de cartilages tarfes. Ceci bien compris,
il faudra doncJa pouffer d’abord prefque
perpendiculairement de bas en hau t, après quoi
on la dirigera obliquement de dehors en dedans
& de bas en haut. Lorfque la fonde eft une fois
engagée dans le conduit lacrymal fupérieur on
ceffe de tirer afin de relâcher1 les parois de ce
conduit , §i la tournant légèrement entre les
doigts on la fait pénétrer dans le conduit lacrymal
qu’elle traverfe obliquement de haut en bas
& de dehors en dedans. On la pouffe doucement
jufqu’à ce que Je chatouillement que le
malade éprouve dans les narines, indique qu’on
eft parvenu au canal nafal. 11 n’eft: pas moins né-
eeffaire de ne plus tirer la paupière inférieure,
quand le fiphon de la feringue eft introduit dans
le canal lacrymal. On pouffera alors le pifton,
avec précaution, en faifanr pencher la tête en
avant, pour que la liqueur ne tombe point dan?
la bouche, & n’excite point la toux. On fera ces
injeérions deux fois le jour, & on les continuera
auffi long-tems que la maladie pourra l’exiger.
Les fuccès d’Anel annoncent affez ce qu’on peut
attendre de fa méthode dans les cas (impies,
où il n’y a qu engorgement dans les voies lacrymales
*, mais fi l’obftruélion eft complette , fi le
canal nafal ou l’orifice du fac font remplis de
fongofités , peut- on efpérer de les débarraffer
avec un inftrument auffi peu capable d’effort que
la fonde qu’on employé ? non , fans doute , auffi
l’abandonna-t-on par la fuite.
En 1734 , J . L. Petit revint fur les idées
d’Anel, & ayant médité plus qu’aucun autre fur
la mécanique des voies lacrymales, il préfema,
dans plufieurs Mémoires , qu’on trouve parmi
ceux de l’Académie Royale des Sciences , une
fuite de procédés qui tendoient à remplir les
mêmes vues , c’eft-à-dire le rétabliffement du fac
dans fon premier état, mais d’une manière beaucoup
plus certaine. Voici en quoi ils confident ;
Qu’il y ait ulcération ou non , on fait une incifion
demi-circulaire à la peau & au fa c , comme
le pratiquoir Woolhoufe , en commençant immédiatement
près du tendon de l’orbiculaire , & allant
en dehors de l’étendue de fix à fept lignes,
prenant garde d’intéreffer la parois oppofée du fac.
Quoique l’éraillement, qui luccède quelquefois à
l’opération , provienne moins de la.divifion du
tendon,que de ce qu’on a incifé trop près du
bord des paupières, néanmoins on évite de le
comprendre dans l’incifion *, c’eft à quoi on parvient
facilement en faifant tendre les paupières
par les doigts d’un aide, qui les tire Vers'le bord
externe de l ’orbite *, le ligament paroît alors très-
fenfiblenienr. Cette incifion doit fe faire avec
un biftouri à rainure, tel que celui qui eft gravé
dans Les Planches relatives à cer article, eiiéffuivra
le contour de l ’orbite, de manière’ qu'elle* comprenne
l’orifice fiftulaire, s’il y en avoit un. Monro
fait, au fujet de cette première incifion y uns
remarque fur laquelle il eft bon de s’arrêter; c« J ’ai
obfervé, d it- il, que , nonobfiant toutes Fes précautions,
la feulé preftion du biftouri exprimoit
les-liqueurs contenues dans le fac , & le faifoit
affaiffer au point que je n’aurois pu,l’ouvrir fans
courir un danger manifefte de couper en même
rems la partie poftérieure düfac fe de laiffer f’os
à découvert. Afin de ne pas tomber dans cette fauré
j’introduis une petite fonde dans' Pun des poiojsi
lacrymaux , & je la donne à un aide qui foufèvé
le fac, puis avec un petit biftouri pointu /courbé
& bien tranchant, je coupe les tégumens tendus 1à la manière ordinaire , jufqu’à ce que j’apper-
çoivé la fonde. 53 L ’on relève -'enfuite ' le- dos du
biftouri, qu’on tient perpendiculairement & for