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■ qu'elles occupent qu'à raifon de leur nature, qui .
eft plus ou moins bénigne. Ces excroiffances
végètent & parviennent fouvent , en nès-peu de
tem', à un très-gros volume de manière à im-
pofe.r par une affeclion cancéreufe. Reufner
rapporte, dans fcs Qbfe'rvarlons, qu’un homme
fut attaqué d un earcinôme à l’OEil dont le volume
égaloit à-peu-près celui d’un oeuf de poule
*, on ne pouvoir attribuer le mal qu’à un coup
reçu fur la partie en dcfcendant de cheval. La
vue étoit entièrement perdue depuis cinq ans.
/près Tufage d'un c'oilyre defficatif & anodin ,
on employa un onguent fait avec la cire, l’encens
> le camphre , l’huile de géroflée ou violier
jaune, les poudres de terre figiliée de minium
de tutie & de plomb brûlé. Cet onguent facilita
la fortie d'une grande quantité de pus,
la tumeur diminua peu-à-peu , & le malade fut
guéri. Ce fimple expofé de Reufner fait voir
que le vrai caractère de la maladie n’a point
été connu, & qu’on a donné le nom de carci-
nôme à une fimple fongofité que la fuppuration
a détruite. Il eft donc, dit M. Louis dans un
un Mémoire, où il traite de cette affeélion, très-
effentiel d’apporter ici la plus grande attention à
bien difeerner le caraélère autant que l’étendue du
mal *, car les indications fe tirent moins du volume.
de la tumeur que de fa nature & des racines
plus ou moins profondes qu elle a jettées.
Les tumeurs Amplement fongueufesfom molaffes,
de couleur de choir & le plus fou vent fans douleur
; les cancéreufes au-contraire font accompagnées
d'une douleur violente, qui fe communique
aux tempes & quelquefois à toute la têre*,
les veines qui font à la bafe de la tumeur font
très gorgées, celle-ci eft dure, inégale, d’une
couleur livid e, & la matière qui en découle eft
virulente & corrofive.
On rapporte à trois les moyens de détruire
les excroiffances dont il s'agit ici, fçavoiri les ca-
thérétiqnes, la ligature & l’txcifion. Lescaihéréti-
ques ont été employés de tout teins & avec un
Tuccès différent, vraifemb'ablement parce qu’on
fe méprennoit fur la nature de la maladie où
ils auroiem pu convenir , & qu'on ne choififfoit
pas toujours les meilleurs. Bidloo, qui fe plaint
de leur peu d’efficacité, a cependant obfervé que
le meilleur en pareil cas,étoit le beurre d'antimoine
affoibli par la teinture de faffran ou
d’opium, dont on touche de tems en tems l’èx-
-croifiance au moyen d’un pinceau. On trouve
•dans l’iliftoirede l Académie Royale des Sciences,
-année 1703* une obfervation de Duverney, le.jeune
, qui a rapport à lu fige des cathérétiques dans
la maladie dont il s’agit ici. .Un Eccléliaftique de
Lyon eut une excroiffmce à l’OEil, laquelle se-
toit toujours renouvellée malgré routes les extirpations
qu’on en ayoit tentées. Elle étoit fur
la conjonctive & avoir commencé par un point
rouge du eété du petit angle. Elle s’accrut au
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point de couvrir absolument tonte Ta cornée
fans y adhérer. On l'emporta d'abord avec une
lancette j mais il en revinrbien-tôt une autre qu’on
enleva encore, & à celle-ci fuccéda unetroifième.
La tumeur paroiffanr ft rebelle, on propofa le
feu ; mais le malade ne voulut point f'y fou-
meirrey ce fut alors que Duverney le vit & par
fa conduite il eft aifé de voir qu’il agit -en homme
de bon jugement. II preferivir, pendant quinze
jours, une tifanne diaphonique & purgative, &,
pendant tout ce tems il fe contenta de faire b?.f-
finer l’excroiffance avec l’eau célefte. Il lui appliqua
enfuite un féton entre les épaules dans
l’intention d’établir une dérivation qui favorisât
fes tentatives, l’alun calciné fut alors mêlé
à l’eau célefte, & il purgea le malade toutes les
femaines avec l ’hiera picra de Galien. Ainfi, par
unecombinaifon réfléchie de ces diftérens moyens,
il parvint,en deux mois, à tarir la fource de
l'humeur qui occafionnoit l’excroiffance, & la
tumeur difparut.
On attaque fou vent vainement avec descathéré-
tiques, des tumeurs qu’on auroit pu lier avec
bien moins de danger. Maître-Jan dont la fa-
gacité eft fi généralement reconnue dans la Pratique
des maladies des yeux, paroît ici bien répré-
henfible dans un cas de ce genre. Comme les
fautes des grands Hommes infiruifent sauffi bien
que le récit de leurs fuccès, nous rapporterons le
cas tel qu’il eft dans cet Auteur. L ’excroiffance
dont il parle s’avançoit hors des paupières,
& couvroit tout l’OEil comme un champignon.
On l’avoit emportée plufieurs fois par la liga -
ture , avec des cifeaux , & avec des remèdes y
mais trois femaines ou un mois après, elle rc-
pulluloit fi fort, qu’elle étoit dans le même état
qu’au parafant. On l’a voit jugée incurable*, les
douleurs cruelles que la malade éprouvoic l’obligèrent
de demander du fecours à Maître-Jan
qui ayant bien reconnu que l'excroiffance n’étoit
point cbancreufe, quoique maligne, fe détermina
à la détruire avec les cathérétiques. Les premiers
foins qu'il em p!oya,furent inutiles. Il fe fervit enfin
d'une poudre préparée avec une partie de fu-
blimé corrofif & quatre parties de croûtes de
pain bien defféchées ; il en faupoudroit .route la
fit perfide, & fi-tôt que les chairs blanchi fiaient,
il la voit l’OEil avec les eaux ophtalmiques -un
peu tièdes pour empêcher le fubiimé étendu par
l’humidité de l’excroiffance, d'agir fur les parties
voifines. Il appliquent enfuite des compreffes
trempées- dans un collyre fait avec le blanc
d’oeuf & l’eau de rofe, les efearres fe for moi tnt
.afiez promptement, & tomboient le foir ou le
lendemain matin, & il appliquoit de nouveau
de la poudre. En quatre jours, tout ce qui excédait
la paupière fut confumé, alors il affaiblir
la poudre en augmentant la proportion de
la croûte de pain • car plus il avançoit vers la racine,
plus la douleur qu’oçcafionnoit i’efearotique
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^toit vive : en trois jours, l’excroiffance fe trouva
détruire au niveau de la cornée. On reconnut
feulement alors que la bafe de la tumeur n’oc-
cupoit pas plus d’étendue, que la moitié du petit
angle, que les racines tenoient à l’uvée , & paf-
foient à travers une ulcération de la cornée. A
la chûte des dernieres efearres, l'humeur aqueufe
découla ; elle fut fuivie de la fortie du crifiallin
&du corps vitré. L ’OEil étant vuidé, toutes les
douleurs ceffèrent y l’ulcère fut exactement mon-
difié & cicatrifé en quinze jours * & le malade
n’a depuis reffenti aucune douleur, et II eft évident,
dit M. Louis qui. entre dans des détails
fur cette obfervation, qu'on, a trop fatigué inutilement
le malade par l’application réitérée des
cauftiques dont on lui auroit épargné les douleurs
en liant d’abord la tumeur à fa bafe, puifqu'elle
étoit fufceptible d’être liée. Peut - être auroit-on
confervé l’OEil en adminiftrant des remèdes capables
de détourner l'humeur, comme on a vu que
Duverney le fit dans l’obfervation que nous avons
rapportée plus hau t,& en cautérifant exclufive-
ment, & avec les précautions convenables, la
racine étroite ou la bafe du pédicule de cette
excroiffance, après l'avoir coupée avec des cifeaux,
ou fait tomber par la ligature. Il eft certain dû-
moins que par l'extirpation, on auroit fa it, en
une fécondé, tout ce que le caufiique a opéré en
plufieurs jours avec beaucoup de douleurs &
a inconvéniens. L’excifion eft donc la méthode
la plus convenable ; elle peut même avoir lieu
dans les cas où l’on cr.oiroit devoir mettre la l i gature
en pratique , c’eft- à - dire,lorfque la tumeur
eft à pédicule, ce qui eft très - rare; elle
eft beaucoup moins douloureufe , & conféquem-
ment moins fujetre à desfuites fâchenfes; niais
il faut,, quand on y a recours , couper le mal
à la racine , & ne point fe contenter d’une fimple
incifion extérieure. La tumeur eft quelquefois accompagnée
de v ai fléaux variqueux qui fourniffent
beaucoup de fang $ un mélange de poudre de
colophone & d’alun dont on faupondre le premier
lit de charpie, arrête toujours 1 hémorrhagie,
& réprime, en pareil cas , les chairs luxuriantes
qui tendroient à former chaïupigon.
Vu Carcinome de l'OEil , & de Vextirpation
que cette maladie exige.
Les excroiflances fongeufes, dont nous venons
de parler, prennent fouvent un caraélère carcinomateux
, foit par- leur nature ou par le mauvais
traitement qu’on leur fait fubir. Souvent aufti
çette maladie furvient à la fuite de violentes
ophtalmies, traitées trop promptement par les
aftringens. Certains ftaphylomes dégénèrent également
en carcinomes, & , en pareil cas, l’OEil
devient plus volumineux-, il fort de l’-ôrbite , il
■ â l apparence d’unë triade charnue, réûge , d'où
s'écoule fouvent une matière glutineufe, jaunâtre,
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& plus fouvent encore une ichorofitéâcre. Les rra«*
lades y éprouvent un fentimont de chaleur bifilante,
& des douleurs redoublées qui femhlent
répondre derrière la tête & vers les tempes. Dans
ces circonftances, il ne refte aucun efpoir que-
dans les opiacés qui pallient momentanément les
accidens, ou dans l’opération au moyen de laquelle
le mal eft amputé jufqu’à fa racine. Les
Anciens s’en tenoient à la première de ces méthodes,
dans la perfuafion où ils éroient que les
cancers de la face étoient d’une nature encore
bien plus redoutable que celui des autres-parties.
Ils eroyoient que l’opération pouvoit radicalement
guérir celui-ci, mais qu’elle ne faifoir qu'empirer
la caufe conjointe des premiers *, au (fi défignoient-
ils celui du n e z , des jou es, des lèvres & des;
yeux fous le nom de noti me tangere. Cette opinion
eft encore celle de ceux qui tiennent à leurs
préjugés, & , félon eux , le cancer des yeux de-
vroit encore leur paroître plus formidable , tant
par rapport à la nature du mal qu’à caufe de
la difficulté d’y employer les moyens u fi tés pour
tous les autres. Néanmoins on s’étoit déjà élevé
au - deffus de tous ces préjugés en recourant
à l’extirpationmais il faut le dire, à la honte
des Opérateurs y on s’y étoit fouvent déterminé
fi tard que le ma! ayant gagné le nerf optique r
,1e fuccès a été nul.
C ’eft dans le Traité des Maladies des Y e u x ,
publié par Bartifch , en 1583 , dit M. Louis*
qu’on trouve la première époque fur l’extirpation
de l’OEil. L ’Auteur a orné fon Ouvrage de plu-
fieurs figures où fe trouvent diverfes maladies qui
exigent" cette opération. Il y propofe un inftru-
ment en forme de cuiller, tranchante à fon bec,
pour cerner l'OEil & le tirer de l’orbite. Fabrice
de Hiîden ayant fait ufage de l’inftrument de
cet Auteur fur les animaux , & n’ayant pu réuf-
fir à raifon de la trop grande largeur qui em-
pêchoit de le pouvoir porter jufqu’su fond de
l’orbite, pour pouvoir couper comph tu ment le
nerf optique & les tnufcles du globe, en imagina
un autre dont il fe fervit avec grand fuccès
fur un Magiftrat.. C ’eft un biftotiri moufle à fon
extrémité comme le couteau lenticulaire, pour
ne point offenfer la parois de l’orbite. Il eft monté
d’une manière fixe par le moyeu d’une ti<*e fnr
un manche, de même que le couteau lenticulaire ,
& la lame eft un peu courbe, ni plus ni moins, dit
Fabrice, que font les couteaux dont on fe fert
pour creufer les cuillers de bois. Il en avoir fait
le modèle en plomb, en prenant fes dimenfions
fur un fquelette. Ayant placé convenablement
fon malade fur une chaife , noire Opérateur prit
tout ce qu’il put faifir de la tumeur car.cercufe
dans une bourfe de cuir ^ dont les cordons furent
ferrés, afin de pouvoir tirer convenablement à lui
& faciliter ainfi fon opération. Cette Méthode
obferve M. L o u is , eft préférable aux anfes de
fil qu’on forme,par deux points d’aiguille, portés