
Majefté très-Chrétienne, fi-tôt après icelle playe
reçue , de laquelle & accidensfufdits reçus, nous
avons fait plus ample Rapport à juftice.
Et pour avoir pl'us ample counoiffance de la
profondeur de ladite playe & des parties, intérieures
offenfées-, nous avons fait ouverture dudit
ventre inférieur, avec la poitrine & la tête*
Après diligente vifiration de toutes Us parties
contenues au ventre inférieur , nous avons trouvé
une portion de l’inteftin grê le , nommé ilion,.
percé d’outre en outre , félon la largeur du couteau
, de la grandeur d’un pied , q u i. nous a été
repréfenté faigneux plus de quatre doigts, revenant
à l’endroit de la playe extérieure-, & , profondant
plus avant, ayant vuidé une très-grande
quantité de fan g , nous avonsauflivu le méfen-
tère percé en deux divers lieux, avec incifion :
des veines & des artères.
Toutes les parties nobles, les naturelles & ,
animales, contenues dans la poitrine, étoientbien
difpofées, & , fuivant l’âge, bien tempérées &
fans aucune lélion ni v ic e , excepté que toutes les
fnfdires parties, comme auiîi les veines & artères ,
étoient exangues & vuides de fang, lequel étoit trè s-abondamment forti hors par ces playes
internes, principalement du méfentère, & retenu
dedans ladite capacité comme en un lieu
étranger & contre nature -, à raifon de quoi la
mort de néceffité , & en Pefpace. d’environ dix-
huit heures, eft advenue à fa Majefté très - Chrétienne,
étant précédée de fréquentes foibleffes,
douleurs extrêmes , fuffocations, naufées, fièvre
continue , altération , foif intolérable avec de
grandes inquiétudes 3 lefquelles indifpcfitions
commencèrent un peu après le coup donné , &
continuèrent ordinairement jufqu’au parfait &
final fyncope de la mort, laquelle, pour les raifons
& accidens fufdits, quelque diligence qu’on y
ait pu apporter, étoit inévitable. Fait fous nos
feings manuels, au camp de Saint - Cloud , près
P a ris , le jeudi matin, 3 d’Aout 1^89.
I I.
Faire la vifite & la rcconnoijfance , en préfence
d'un ou deux témoins ou adjoints.
Ce point a déjà été arrêté par un Décret de l’Affem-
blée Conftituante,fur la réformation delaJurifpru-
dence criminelle, qui enjoint expreflement dedre-
fer les procès - verbaux en préfence de deux Adjoints,
& de les leur faire figner à peine de nullité.
Cette précaution eft très fage ; fans doute qu’elle
obligera l’Expert à apporter de l’attention dans la
vifite / & à êtreexaèl dans l’expofition des caufeg
antécédentes,dans la defeription des bleffurès*,enfin
elle fournira aux Juges un moyen pour s’aflùrer ,
en cas de befoin,comment la vifite a été faite. Cepen.
dan t quoique la préfence des adjoints, & leur lignature
fur le Rapport nepuiffent prévenir lesincon-
véniens, au moins feront-elles que l’intention de la
Juftice foir moins trompée, les faits mieux confla-
tés , & c’eft ce qui importe le plus. Si les confé-
quences font fauffes, illufoires, même erronées
on trouvera toujours moyen de les rectifier, de les
fuppléer , mais les faits relient dans leur intégrité
, & le cours de la Juftice n’eft pas arrêté ou annuité.
La préfaynce de deux Adjoints, pris indifféremment
dans le tableau, & prefcrite par l’Affem-
bl£e Conllituanie, fuffirabien dans le plus grand
nombre de cas, où les recherches à faire fe bornent
à l’extérieur -, mais, dans le cas d’ouverture
de cadavre, o ù , en fuppofant que la répugnance
ne ralentit point le zèle, leur jugement pourroit
être fouventen défaut -, il paroîtroit convenable de
nommer un troifième adjoint extraordinaire, pris
particulièrement dans lacLaffedes perfonnes adonnées
à la pratique de l’Art. Mais cet adjoint, ot-
ferve M. Chaufiier, ne doit être confidéré que
comme un témoin plus éclairé que les deux autres
adjoints, & plus propre à furveiller l’Expert} le
Rapport & fes conféquences devant être rédigés 8c
préfentés par luifeul. De cette dépofition réfultera
encore un autre avantage bien eflemiel dans les cas
de doute fur le Rapport -, c a r , alors le Juge pourra
appeller en témoignage l’adjoint extraordinaire,
& apprendre de lui toutes les circonftances delà,
vérité, ce qu’on ne pourroit faire fi le Rapport
étoit préfumé l’ouvrage de deux perfonnes de
l’Art.
I I I.
Ecrire le Rapport fur le lieu de la vifite.
Plufieurs Ordonnances ont déjà été faites à ce
fujet, mais, quoique très-précifes à cet égard,
elles ont été toujours-éludées fous prétexte du
recueillement & de la méditation néceffaires p«ur
rédiger les faits, les rapprocher , & en tirer les
conféquences. Le Chirurgien s’en tient alors à fa
mémoire , ou à quelques notes fugitives, prifes-
. avec précipitation. Le prétexte qui motive une pareille
conduite eft fpécieux, mais en analyfant les
parties qui doivent conftituer le Rapport, on le
réduira bien-tôt à fa jufte valeur. Les deux premières
, favoir, l’expofition des lignes commémo*
ratifs, ou la recherche des caufes antécédentes,
la defeription des bleffures, ou la reconnoiffance
de l’état aèluel, n’exigent que, de l’attention. Ce
font des faits pofitifs, la méditation n’y peut rien
ajouter ou retrancher ; il fuffit de les expofer, de
les décrire avec clarté & précifion. Cet objet qui
importe le plus à la Juftice, peut toujours & très-
facilement être rempli fur le champ : il eftjtnênie
effentiel qu’il le fo it3 c a r , fi quelqu'article échap-
poir ou paroiffoit douteux, on peut aufli-tôt le
vérifier fur les lieux. Ainfi , ces deux parties du
Rapport feront écrites fur le lieu même de la vifite,
& pour qu’on n’en puifle point douter, elles feront
lues & fignées parles Adjoints. Quant à la troifiè-
jne partie, defiinée à repréfenter le réfuitat de
vilite, & les coiîféquences dirèéles de l’informa-
lion comme elle exige quelquefois des réflexions
particulières, on peut fans inconvénient laifftr
à 1 Expert la liberté de la rédiger dans le filenoe
du cabinet, pour l’ajouter à la fuite de l’expofi-
tion & de la defeription déjà fignée & certifiée par
jes adjoints.
Appuyons ces réfultats de 1 Auteur que nous
avons fuivi jufqu’ici par des faits qui arrivant
journellement, donnent lieu d’ en fentir toute la
valeur. Un Chirurgien eft fouvent requis pour donner
fon Rapport, à l’occafion d’ un homme qu’on aura trouvé pendu-, il s’agit alors, pour conftater
le corps du délit, de favoir fi la perfonne a été
pendue vivante ou morte. Paré, dans fon Livre
des Rapports, donne à ce fujet des éclairciffe-
snensqui ne font pointa méprifer. u Si le mort a
été pendu vif , d i t - i l , le vefiige du courdeau, à
la circonférence du c o l, fera trouvé rouge, livide,
noirâtre, & le cuir d’entour amoncelé, replié , &
ridé par là compreflion qu’aura faire la corde, &
quelquefois le chef de la trachée-artère rompu &
lacéré -, femblablement les bras & les jambes feront
trouvés livides , & toute la Face, parce que
les efpiiis ont tout-à-coup été fuffoqués.jj Si, au
contraire, la fufpenfion n’a eu lieu qu’après la
mort, rien de tout ceci paroitra , pas même l’empreinte
de la corde à l’entour du col. C’eft ce
qui avoir déjà été noté par le Collège deLeipfick ,
au rapport de Bohn , qui dit : Foermnoe cujufi
dam fujpenfioe nec faciès nec collum nec humeri
thorace peregrino colore imbuti, nec oculi promîtes
, nec lingua humida ac nigra9 nec laquei vefli—
gium deprehenfa fuerunt ; utrumque potius abdomir-
nislatus dcoftis nothis ,Jumbi adpodicem ufque 9ac
femora' livida fufca atque fugUlata comparuerunt ;
conclufit anno 1 y08 y die / 9 OSobri, . Collegium
lipfienfe illam non tara viventem fe ipjam^flrangu-
lajfe quàtn ejus cadaver pofl fuftigationem & ver -
bera lethalia fufptnfum fuifiè. Ainfi, en faifant
attention à la nature des échymofes, on diftingue
aifément celles qui font la fuite de la fufpenfion ,
d’avec celles qai dérivenr.des coups de fouet-, dans
celle-ci, la peau préfente toujours des lignes de
lélion à quelqu’endroit, elle eft fillonnée par des
faillies rameufes, notamment chtzceuxqui ont été
frappés de verges. Un Chirurgien de Village, dit
M. Louis, dans une thèfe foutenue fous fa pré-
fidence, en 1786,.répandit un nouveau jour dans
un cas de ce genre. Un jeune-homme fougueux,
âgé de 18 ans, fut trouvé pendu à un arbre , en
Le père, la belle-mère, & trois foeurs
du défont , d’après la rumeuf publique, furent
ctnprifonnés3 mais l’Avocat du Roi les fit élargir *,
ayant jugé que le mort s’étoit pendu lui-même.
^ affaire fut portée au Parlement d’A ix , qui en
jugea autrement, d’après les informations & délibérations
de M. Gueidan, alors Avoçat-Général,
Les lignes de ftrangulation paroiffoient indubitables
-, mais, d’après le Rapport du Chirurgien, on
voyoit fur le col une trace avec fugillarion, laquelle
fe portoit horizontalement & immédiatement
fur les épaules, & qui tndiquoir que le jeune-
homme ayant été jetré à terrs , la corde au co l,
avoit ainfi péri étouffé , & qu’enfuite on l’avoit
attaché à un arbre. On voyoit la trace du lien,
allant obliquement depuis le menton jufqu’au derrière
du 001, fans aucun changement de couleur
dans le fillon de la peau. Mais;, outre ce ligne
de févice, l’examen attentif du cadavre en mani-
fefta d’autres 3 les dents étoient enfoncées dans le
bouche & teintes de fang , par l’effort que le père
avoit fait fur elles avec le pied. Voyez à ce lujet
la Differtation de M. Louis, publiée en 1763 ,fous
Ce titre : Mémoire fur une quefiion anatomique r
relative a la Jurifprudcnce , dans lequel on établit
les principes pour diftinguer , a Vinfpeâion d'un
corps trouvé pendu , Us fignes du fuicide d'avec
ceux de Vajfajjinat.
L ’Auteur y dévelope différens faits très — inté—
reffans, ralativement à notre objet. La corde „
dit-il, chez ceux qui fe pendent eux-mêmes, r/a-
git point du tout fur le conduit de l’air 3 elle fait
fous le menton, une imprefîion circulaire, qui
fe continue obliquement des deux côrés, derrière
les oreilles , pour finir à la nuque , en montant
vers l’occipital. Alors, la tête eft fléchiedireéfetnent
en devant, & le menton porté fur la partie antérieure
& fupérieure de la poitrine. L ’imprelfion
eft plus horizontale, lorsque le noeud coulant, au
lieu d’être à la nuque , eft retenu fous la mâchoire
dans un des points de la circonférence du col qui
y répond -, l inclinaifon de la tête eft toujours à
la partie oppofée, & le fillon formé par le lien
eft plus profondément imprimé à la partie cachée
par cette inclinaifon. Il eft également efleniiel de
bien examiner s’il n’y a pas deux imprelîions au
col*, l’ une circulaire & tout-à-fait horizontale avec
échymofe, faite par torfion fur le fujet vivant, &
l’autre fans meurtriffure, dans une difpolition oblique
vers le noeud, laquelle auroit été l ’effet de la
, fufpenfion après la mort. Mais, outre ces fignes
1 extérieurs , dit cet Auteur, on trouve encore par
la diffeétion, chez ceux qui ont été pendus vivans,
i les poumons, le coeur & le cerveau extrêmement
j gorgés de fang , fouvent même des épanchemens ,
occafionnés par la rupture des vaiffeaux alors fur-
chargés. Tous ces lignes ne fe rencontrent pas
quand le corps a été pendu mort. Il y a, félon
Alberti, diftorfion , dépreffion, & même lacération
des cartilages du larinx-, & de plus, luxations des
vertèbres du co i, fur-tout dans une exécution où
la tête à été depuis tirée en devant, dans l’intention
d’accélérer la fuffocation.
Une attention profonde que donna M. Louis aux
caufes qui conftituent le corps du délit, fauva également
plufieurs acculés, dans un cas très-intêref-
K k ij