
Toutes les fois que l’opération a été bien faite,
la playe devroit fe réunir & fe cicatiifer par une
fimple adhérence de fes bords, fans aucune formation
de pus mais c’efi ce qui ne peut arriver
que rarement, fi les bords de la playe n’ont
pas été foigneiffement rapprochés & nétoyés de
tout le 'fang qui pouvoir y demeurer attaché.
Un antre argument montre encore l’importance
d6 certe précaution. Parmi les fàdieufes confér
en c e s que l ’on voit de teins en tems 'réfuiter
d’une Saignée, une de celles qui caufe quelquefois
le plus de défordres, c’eft une inflammation
qui a lieu dans la cavité même de la veine; & ,
comme rien ne contribue davantage à produire
une pareille inflammation que l’admiffion de l’air
dans fon intérieur,, cela indique manifeflement
la néceflité qu’il y a d’en fermer exactement l’orifice.
Car , quoique ces afFeélions inflammatoires
de la furface iûrérieure des veines ne fuient pas
fréquentes , il efi certain qu’on en voir quelquefois
des exemples*, & , comme leurs conféquen-
c e s , la fiïppurarion fu retour, li elle a lieu, ne
peuvent avoir que des fuites funefles, il ne faut
négliger aucune précaution, aucun moyen poflible
pour s’en mettre à l’abri.
Nous allons parler à préfent de certains accidents
que l’c.n voit quelquefois arriver après la
Saignée, & auxquels le Chirurgien devroit toujours
être prêt à porter remède. Les principaux
font de petites tumeurs, occafionnées par des
épanchemens de fan g , verfé par l’orifice de la
veine dans le tiffu cellulaire • les bleffures des
artères •, les piquures des nerfs & des tendons,
& enfin l ’inflammation de la furface intérieure
des veines, dont nous venons .de parler. Nous
allons traiter de chacun dans un article féparé.
De VEcchymofe ou Thrombus.
; N;ous avons recommandé de Iaiffcr la partie
fur laquelle on fait une Saignée, dans la même 'pofition exactement où elle étoit quand on a introduit
la lancette, jufqti’â ce que l'on ait tjré
tout le fang qu’on jugêcit néce flaire' de faire for- :
tir. Quand on néglige cette précaution, il arrive
fouvent qu’il fe forme une petite tumeur, immédiatement
au-de/fus de l orifice dé la veine, ôç- |
cafionnée par l’accumulation du fang dans le tiffu
cellulaire. Cette tumeur , quand eft elle petite &
arrondie fe nomme Thrombus, & quand elle
efl plus étendue,elle prend le nom d’EcpHYMosE.
Dès qu’on apperçoif un gonflement de cette
eÇèce , il fuit Ôter la ligature de deffus la veine*,
enfui te , le membre étant replacé dans la pofiiion
où il éîoit lorfqu’on a introduit la iançêtte, on
remettra Ja ligature ; cela fuffira fouvent pour
rétablir le jet du fang tel qu’ il doit être, &
ponrtdiîïiper la tumeur, ou du moins, pour empêcher
qu’elle ne vienne de bouveau gêner l’écoulement
du fang. Mais, quelquefois on voit ces tumeurs
acquérir tout-à-coup Un tel volume qu i!
impoffible d’achever la Saignée par le même orifice*
Dans ce cas encore, la première choie à faire
oeft d’ôrer fur-!e-champ la ligature, parce que
c’efl le moyen d’empêcher que la tumeur n’aug.
mente davantage ; c a r , en laiffant fibfifler la com-
preflion , le fang continue à être pouffé avec force
dans le tiffu cellulaire des environs, ce qui donne
lieu quelquefois à des gonfleniens qui caufent beaucoup
d’embarras, tandis qu’en fe conduifant différemment,
l’on auroit pu lés empêcher d’acquérir
un volume tant foit peu eonlidérable.
Lorfque^ la tumeur efl très-groffe, comme il
feroit inutile de chercher à faire couler une certaine
quantité de fang par i’oùverture qui exifle
il faut fur-ie-champ s’occuper d’en faire une
nouvelle, non à la même veine, dont il ne feroit
plus poflible de faire jaillir le fang comme il
faut, mais à quelqu autre qui fe trouve difpoféc
pour cela.
i l n’cft pas befoin de rien faire pour difliper
ces tumeurs lorfqu'elles ne font pas bien volunii-
neufes , parce que , le fang épanché ne tarde pas
à être réabforbé. Cependant il peut être quelquefois
néceflairô d’avoir recours à des applications
réfolutives, & alors celles qu’on tire de Ja claire
des aflringens font les plus efficaces ; i’eau-de-vie
ou d’autres liqueurs fpiiitueufes font peut-être les
topiques les plus utiles dans Jes'cas de cette nature.
Des compreffes trempées dans du vinaigre,
imprégnées d’un peu de fei ammoniac crud , & appliquées
avec un léger degré de prtlfion , ont réulli
pareillement à difliper des tumeurs de cette
efpèce.
Quelquefois on a vu de femblables tumeurs,
ou le fang étoit amaffé en fl grande-quantité, qu’il
ne pouvoir être tout réabforbé. Quand pareille
chofe arrive,_cé qui efl fort rare , comme on ne
peut point attendre de bonne fuppuration dans
une tumeur- qui ne contient que du fang , il faut
i ouvrir dès qu’on a liçu de croire que fon volume
ne diminuera pas davantage par l’abforp-
tiori, J^orfque, par ce moyen, on a fait fortir le.,
fang^qpagijlé, l’oq^doit traiter la playe comme
tou té-autre hhftut&i .Voyez Pl a y e .
Mais fes accident de çe genrè font bien peu
de chofe , lotfqu’on les compare avec d’autres
qu on voit arriver quelquefois à la fuite d'une
Saignée, & dont nous allons nous occuper. Le
premier, dont nous parlerons } fera la bleffure
des artères.
Des Blejfu rçs des Artères.
Les petites artères,.comme par exemple tou-
tes les petites branches de l’artère temporale, peuvent
être ouvertes fans qu’il en réfulte de grands
inconvéniens ; mais des obfervalions multipliées
nous pnt appris que les bltffures das artères d’une
«naine
certaine grofieur font fouvent dangereufes, & que
l’on a toujours beaucoup de peine à les faire
cicatrifer,
Lorfqu'en faifant une Saignée on a quelque lieu*
de foupçonner qu’on a bleffé une arrère, & que
le fang qui coule fort à-la-fois de l’ artère & de
la veine par le même orifice, il efl très-important
de pouvoir s’en affurer , & voici la manière d’y
parvenir. , ..
Quand le fang n’eft fourni que par la veine , il
fuffit de la comprimer au-deffus & au-deffous de
l’ouverture pour en arrêter à l’ inftant l’écoulement,
quoique la compreflion ne (oit pas affez confidéra-
ble pour affeèter l’artère plus profondément fituée.
Mais fi le fang vient en partie de l’a r t è r e la
preifion que l’on fait fur la veine , au lieu d’en
arrêter le j e t , doit tendre au contraire à lui
donner plus de force. Et fi l ’on voit en même-
tems que le fang ne forte pas uniformément, mais
par fauts, cette circonftance vient encore fortement
à l’appui du foupçon que l’artère a été
bleffée. Nous obferverons cependant qu’elle ne
fuffiroit pas feule pour le démontrer, parce qu’une
veine qui- fe trouve préciQhnent au-deffus d’une
artère d’une certaine groffeur, en reçoit l’im-
pulfion aflez fortement , pour qu’étant ouverte,
elle laiffe échapper le fang à-peu-près, à la manière
des artères. Mais le premier indice dont
nous avons fait mention , fuffit feul pour décider
la quefiion fans laiffer de doute -, car , fl la veine
étant comprimée au-deflus & au-deffeus de l’ouverture
, le fang continue à en fortir avec force
& en grande abondance, on peut être parfaitement
fur que l’artère efl bleffée. '
Lorfqu’on efl affuré que l’artère a été percée
par la lancette que faut-il faire ? Rien de çe que
l’on confeille ordinairement, mais, il faut fuivre
une pratique abfoiument oppofée.
En pareil cas, on recommande toujours de
comprimer la partie ou l’on fait la piquure, au
moyen de plufieurs compreffes placées fur l’orifice
de la veine *, on confeille même d’y mettre une
pièce de monnoie , ou quelque autre corps
dur pour augmenter la preffion , & de contenir
le tout par une bande fortement ferrée.
Mais quel effet peut-on raiformablement attendre
d’une femblable gompreffion. On ne peut pas
fuppofer qu’elle foit deftinée à agir fur l’artère
même*, car,-par ce moyen, quand l’artère
principale d’ un membre feroit bleffée , on arrêtèrent
totalement la circulation du (ang dans toute
cette partie. Si au contraire la preffion ne s’exerce
que fur.les parois de la veine, il en réfultera né-
ceffairement une réfiftance considérable au cours
du fang dans l’artère; & le fang fe trouvant ainfi
retardé dans fa route naturelle, for tira avec bien
plus force de ce vaiffeau, qu’il n’eût fait fi la cavité
de la veine fût demeurée parfaitement libre &
perméable.
Dans tous les cas de-cette efpèce, au lieu de
Chirurgie Tmc IL I ls Partie^
faire aucune compreflion, il faut fe fervir do
ton; les moyens proprés à relâcher, autant que
poflible, le fyflême vafeutaire *, &, pour arrêter le
fang, on ne fera que rapprocher les bords de la
playe, que l’on" retiendra avec des bandelettes d’em«.
plâtre agglutinatif, fans aucune efpèce de banda-
Nge. Et comme il n’y a pas de meilleur moyen de
relâcher le fyflême général, & celui des vaiffeaux
en particulier , que de tirer rapidement beaucoup
de fang j dès qu’on s’appercevra que l’on a ouvert
une artère, on fe déterminera fur-le-champ
à tirer, par l’orifice qu’on vient de faire, autant
de fang que le malade pourra fupporter d’en perdre.
On fera tenir le malade dans le plus grand
repos, afin de prévenir toute aélion trop forte du
fyflêms artériel. On le rafraîchira par l’ufage de
quelque laxatif très-doux : on lui fera obferver
une diète févère , & on le faignera de nouveau
fl les circonfiances l’exigent. Par ces différens
moyens, on donnera à des playes de cette nature
quelque chance' de fe cicatrifer , fur-tout lorsqu'elle
feront très-petites,* au lieu qu’en employant
la compreflion dont nous avons parlé, on ne peut
que faire du mal en forçant le fang artériel à fortir
par l’ouverture qu’on vient défaire, feul paf-
fage qui lui refle.
Il faut avouer cependant qu’il y a des cas où
aucune méthode quelconque ne réuffir, & ou l’ouverture
de l’artère ne fe cicatrifant pas, il fefait
un épanchement confidérable de fang dans les
parties voifînes. Dans cet état de chofes, on confeille
encore une forte compreflion, comme un
moyen de diffiper la tumeur. Mais à moins que
cette tumeur ne foit très-molle, & que.le fang n’y
ait confervé fa fluidité, aucune preffion ne fauroit
avoir le moindre pouvoir pour la diffiper; car
auffi-tôt que le fang épanché a commencé à fe coaguler
, on ne peut pas fuppofer que la compreflion
puiffe le faire rentrer par-l’ouverture du vaiflèau
dont il étoit forti. Il ne paroît pas non plus que
ce moyen puiffe être d’aucun ufage pour accélérer
l’abforption du fang extravafé. La théorie pour-
roit nous conduire à cette conclufion, mais l’expérience
ne fournit aucune obfervation fur laquelle
on puiffe l’appuyer.
Il y a cependant une efpèce particulière de gonflement
qu’on obférve quelquefois à la fuite d’une
piquure d’artère faite par une lancette} qui apercé
d’outre en outre une veine voifine, & pour laquelle
on emploie avec avantage un certain degré
de compreflion. Lorfqu’une artère ainfi bleffée fe
trouve tout-à-fair en conta61 avec la v-eine corref--
pondante, il peut arriver qu’ il demeure un paffag©
ouvert entre les deux vaiffeaux , après que l'orifice
extérieur de la veine s’ eft cicatrifé, & qu’ il y ait
ainfi une communication direéte de l’un à l’autre.
La veine alors éprouvant toute la vivacité des puL
fations de l’artère, fes membranes, qui n’ont pas.
affez de force pour y réiifter, fe diflendent peu-
à-peu, & il en réfulte un gonflement dans cette
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