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à l’impreCion du remède ; & le malade qui d’d--
bord fe trou voit fort éprouvé par les plus petites
dofes, vient peu-à-peu à en fupponer fans incon-
véniens de beaucoup plus conlidérablej.
Les effets fenfibles du Mercure fur des organes
particuliers, fe marifeflent fur-rout dans ceux où
il fe fait naturellement quelque fécrétion, tels
que les glandes falivaires 3c tout l'intérieur de
la bouche, les inteflins, la peau , les reins.
Quelquefois il augmente la fécrétion de l’un de
ces organes, quelquefois celle de plusieurs ou
de tous à-la-fois *, mais c’eft fur les premiers que
fe porte principalement fon aâion.
Lorfque le Mercure fe porte fur la bouche,
non-feulement il augmente la quantité du fluide
qui s’y fëpare naturellement, mais encore il y
©ccafionne un gonflement confidérable qui paroît
tenir de l’inflammation éréfypélateufe , & qui
affeéte la langue, les joues & les gencivesj les
dents • s’ébranlent, & l’on voit des ulcérations
fe former fur toutes les parties affeélées. Ces
effets augmentent en proportion de la quantité
de Mercure qu’on introduit dans le corps, 8c
de la difpofltion des parties à contrarier cette ;
forte d’irritation *, ils vont quelquefois au point
de déterminer la formation de îa gangrène. La
faiive revient généralement vifqueufe à mefure
que le Mercure en augmente l’écoulement, &
l ’haleine contrarie une odeur d’une nature particulière.
Lorfque le Mercure fe porte fur d’autres organes
fécréroires, tels que la peau oit les reins,
il n’occafionne pas daccidens bien fâcheux ,
quoique fouvent cet effet nuife à la guérifon
des fymptômes pour lefquels on en fait ufage.
Lorfqu’il fe porte fur les inteflins,; l’irritation,
dans ces organes, eft beaucoup plus dangereufe
& plus fouvent nuifible à l’effet curatif.
Ces différentes évacuations que le Mercure a
le pouvoir d’exciter, ont fait imaginer qu’il
entraînait au-dehors la matière morbifique, &
que de cet effet dépendoit particulièrement fon
efficacité dans les maladies vénériennes} mais
i’obfervation .a fait voir que cette fuppofition
n’avoit aucun fondement, & .que les guéri tops
les plus complexes pouvoient s’opérer, fans qu’il
fe manifeflât de changement dans aucune des
fécrétions. Il y a plus, ce$ que ces évacuations,
lorfqu’elles ont lieu, paroiuent plutôt retarder
la guérifon, fur-tout chez les individus qui font
le plus fufceptibles de ce genre d’irritation*, car
alors les malades ne peuvent pas recevoir la
quantité de Mercure néceflaire pour combattre
efficacement les fymptômes, & l’on eft obligé
de régler les dofes du médicament fur les effets appaiens plutôt que fur la gravite de la maladie. Cependant,
comme nous l’avons déjà obfervé, encon-
duifant le traitement avec prudence, & de manière
à ne pas porter l’irritation à un très-hauf point,
on pourra parvenir à fgire fupponer au malade
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les dofes néceflaires , en l’y accoutumant peu-â-
peu.
Ces affeélions locales, d’un autre côté, peuvent
être regardées comme la preuve que le Mercure
agit fur la conflirudon , & comme le gage ds
fes effets fur la maladie*, mais ils ne doivent
jamais être confidérés comme en donnant la mefure
, ils ne donnent que celle de’ la fcnfibiliié
des parties a l’aélion particulière du Mercure.
On voit des cas où la maladie paroît céder k
iadminiftration d’une très-petite quantité de Mercure
, qui a produit une lalivation abondante ,
mais où elle ne tarde pas à fe manifefter de nouveau
j on en voit d’autres où une quantité plus
confidérable du fpécifique déracine tout-à-fait le
mal, fans affeéler les glandes falivaires ni aucun
autre organe fécrétoire*, on en voit suffi où ce
remède, quoiqu’adminiftré en dofes allez fortes,
ne manifefte aucun effet curatif, à moins qu on
n'augmente encore ces dofes, & qu’on n’en prefls
l’adminiflraiion » jufqn’à ce que la bouche commence
à s’affeéler. C ’efl dans ces derniers cas
particulièrement que l ’on peut regarder les effets
locaux du Mercure comme la marque de fon aélioa
générale, & où l’on peut fe permettre d'en régler
les dofes d’après l’ in renfilé de ceux-ci, auxquels
on aura plus ou moins d’égard, fuivant que la
gravité des fymptômes exigera un traitement plus
ou moins aélif.
II arrive aflez fouvent que les Praticiens font
dans le cas der combattre les effets locaux du
Mercuré, & notamment la falivation, lorfqu’ellè
eft trop abondante j ce qui peut arriver quelquefois
, lors même que l'on conduit le traitement
mercuriel avec toute la prudence requife. On
a généralement regardé les purgatifs comme le
moyen le plus sûr de diminuer ce fymptôitie;
mais il ne paroît pas qne l’on puifle compter
beaucoup fur leur efficacité. La faignée proportionnée
à la violence de l’irritation ,& les bains
tièdes en ont davantage. L ’on fe fert anffi avec
fficcès des fleurs de foufre données intérieurement
, à la dofe d'un ou deux gros dans vingt-
quatre heures ; mais ce qui vaut mieux peut-être
qu’aucun de ces moyens, c ’ eft l’ufage fréquent
de gargarifmes anodins qui diminuent l'irritabilité
des parties , & calment ainfi les accidens. Un
gros de laudanum liquide par once de véhicule
fait un très-bon gargarifme\ ce remède ne réuffi t
cependant pas toujours.
Le fuccès de l’opium eft beaucoup plus sûr,
dans les cas où le Mercure fe porte fur les in-
teftins, & occafionne des douleurs do colique &
des évacuations abondantes *, il faut, en pareil
cas, le donner en dofes fuffifantes pour calmer
les accidens q u i, ne dépendant que de la trop
grande frritabiiité des inteflins, demandent qu’on
s’attache particulièrement à combattre cette caufe.
Quelquefois on .eft obligé de recourir aux bains .,
aux boiffom
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aux boiflons mucUaglneufes, à la fa’gnée , pour
appaifer l’état inflammatoire.
L ’ufage du Mercure donne lieu quelquefois
à la formation de quelque nouvelle maladie , que
l'on eft toujours porté à regarder comme tenante
à la même caufe que la première, & qui peut
donner beaucoup d’embarras au Praticien , s’il
s’obftine à la combatrre par la même méthode.
Quelquefois il occafionne des douleurs qui ref-
femblent beaucoup à celles de rhumatitme*, d'autres
fois il détermine des gonflemens du période ou
même la formation de noeuds à la furface des
os. Plus fouvent il produit un gonflement des
amygdales accompagné d’ulcères, qui, dans quelques
cas , s’étendent jufque fur le voile du palais.
On le voit, chez quelques individus, prolonger
h durée des ulcères vénériens, après en avoir
détruit le principe, & leur faire prendre la plus
mauvaife apparence, au point même de les faire
paroître cancéreux. Il occafionne chez quelques
perfonnes de la langueur, de la foiblefle, des
tueurs fréquentes, des affeélions d’eftomac diffi-,
ciles à guérir. Tous ces fymptômes indiqueront
au Praticien attentif la néceffité de renoncer à
l'ufage du fpécifique , ou au moins de le fuf-
pendre, fur-tout lorfqu'il aura lieu de croire que
la quanrité de Mercure adminifirée peut être
faffilante pour détruire la maladie première. Les
affeélions de la gorge, celles du périofte & des
os dépendenr fouvent d’une affeélion ferophu-
leufe, & doivent être traitées par des remèdes
appropriés aux maladies de cette nature.
Outre ces fâcheux accidens dont nous venons
de parler, & qui tiennent à l’aéiien du Mercure,
indépendamment de la forme particulière fous
laquelle on en fait ufage, il y en a d’autres qui
dépendent de la manière de i’adminiftrqr. La
méthode des friélions eft à-peu-près exempte de
tout inconvénient de cette claffe *, la peau ab-
forbe le Mercure fans en être ?}affeélée d’une
manière fenfible, pourvu qu’on ait foin de ne
joindre aucune fubftance irritante avec l’onguent,
qui ne doit^être compofé que de Mercure & de
graiffe. Il n’en eft pas de même de l’eftomac &
des inteflins qui font beaucoup plus irritables
que la peau , & fur lefquels le Mercure produit
fouvent des effets très-défagréables, occafionnant
des maux de coeur, des coliques & des diarrhées
quelquefois très-fâcheufes.
Lorfqu’on eft obligé de donner le Mercure
intérieurement , & qu’il occafionne de pareils
effets, même fous la forme la moins irritante,
il faut chercher les moyens de prévenir ou de
corriger ces accidens. Si l’eftomac feul paroît
affeélé , on peut joindre au Mercure quelque
aromate,tel qu’un peu d’huile effentielle de menthe
poivrée de gérofle, flcc., ce q u i, dans bien des
cas, le fera fupporter plus facilement. Si l’efto-
mac & les inteflins font affeélés à-la-fois, il faat
avoir recours à l’opium dont un demi-grain plus
Chirurgie, Tome I L I , ri Partie.
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ou moins > ajouté à chaque dofe de Mercure arvp
matifé comme ci-deffus , fuffira fouvent pouv
calmer les fymptômes; les aromates feront moins
néceffaires, lorfque les inteflins feuls paraîtront
fouffrir de [’aâion du médicament^
Aucune préparation mercurielle n’eft exempte
des inconvéniens dont nous parlons, mais ils font
plus fréquens & plus marqués, lorfqu’ on emploie
celles où le Mercure eft fous la forme faline.
Peut-être arrive-t-il aux autres de fe combiner
avec des acides qu’elles rencontrent dans l’eftomac
J & d’irriter les inteflins en conféquence de
cette combinai fon ; on a confeillé, dans cette
fuppofition, de joindre au médicament quelque
terre abforbante ou quelque fubftance alkaline.
Mais quelque précaution que l ’on prenne, il eft
fouvent impouible de rendre fupportable aucune
efpèce de préparation ; & l’on eft obligé de re-
courir au traitement extérieur.
Des effets fatutaires du Mercure dans eTautres cas
oue dans ceux de maladies vénériennes■
Jufqu’ici nous n’avons confidéré le Mercure
que comme l ’antidote du virus vénérien , parce
que c’eft comme tel qu’il déploie les propriétés
les plus énergiques & les plus confiantes. Mais
il eft au fit un médicament très-effentiel dans
plufieurs autres maladies. On ne peut obferver
fon aélion générale fur le fyftême animal fans,
appercevoir qu’il irrite toutes les fibres fenfibles
St motrices; effet qui fe manifefte fur-tout par
fon influence fur les organes fécrétoires & fur Je
fyftêmefanguin qui, pendant un traitement mercuriel,
eft toujours dans un état qui fe rapproche
plus ou moins de celui qui accompagne une
maladie inflammatoire; il augmente la célérité
des battemens du coeur ; il .rend le pouls d u r ,
& le fang qu’on tire alors de la veine devient
couênneux. Il pareil encore avoir d’autres effets
furie principe vital, dont il eft capable de modifier
par-tout l ’énergie ; c’eft ainfi qu’il augmente fingu
fièrement le’pouvoir de l’éleftricité fur lecoYps ( i ) ,
qu’il réfout certains fpaftnes, & notamment le te ta -,
nos ( i ) ; qu’il agit,comme un puiflant réfolutif, fur
les tumeurs glandujeufes ; qu’il diftïpe 1 inflammation
du foie; qu’il change l’état de la peau dans
les maladies cutanées. La Médecine en a dé]à tiré
parti dans le traitement de ces diverfes affeélions,
& il 'n ’eft pas improbable quelle pourra rappliquer
avec fuccès à de nouveaux ufages. Mats
plus ce médicament a d’ aélivité , plus il don êtr»
manié avec circonfpeâion. Le préjugé que des
Praiiciens ontendifférens teins coqçu en fa faveur,
les a engagés quelquefois à infifter fur fon ulage
dans des cas où il faifoit évidemment du mal ;
c’eft ainfi qu’on l’a fréquemment admimftré dans
l’ intention de guérir le cancer, quoique perfonne
(i) Hunter on venereal.D.leal.
p. 366,
(a) Journal de Médecine, vol.
XLY , p,
K 4L