
de démontrer, comme nous l’avons déjà d it, que
les tendons font prefqu’entièrement deftitués de
fenfibilité ; & l’on eft parti de-là, pour dire que
leurs bleffures ne fauroient jamais être regardées
comme la caufe des maux qu’on leur a fouvent
attribués.
Il y a bien lieu de croire cependant, qu’en
différens cas, on a vu des caufes différentes oc-
cafionner la même fuite de fymptômes, & que
ces accidens ont pu devoir leur origine , tantôt
à la piquure d’un ne r f, & tantôt à celle d’un"
tendon. Telle eft décidément notre manière de
pcnfer à ce fujet, & nous croyons que toute personne
qui l’aura confidéré avec attention fera du
même avis. Et comme le même traitement convient
également à la maladie, dans l’une & l’autre
fuppofition,nous n’entrerons pas dans de plus grands
détails, pour déterminer dans chaque cas particulier
, à laquelle de ces caufes il faut la rapporter.
Nous avons déjà montré comment on peut
toujours, en faifant une Saignée , éviter de pareils
accidens ; nous allons^à préfent .expofer
les moyens les plus , propres à etnpêcher%que les
fymptômes n’arrivent à un grand degré de violence
, lorfqu’on a eu le malheur de donner lieu
à leur formation.
Lorsqu’au moment de l’opération le malade
le plaint d’une douleur très-vive, on peut toujours
être fûr qu’on a bleffé quelque partie qu’il
ne falloit pas toucher ; mais en prenant tout de
fuite les foins convenables , on a quelque chance
de prévenir les fymptômes qui ne manqueroient
pas de fe manifcfter, fi l’on tenoit une autre
conduite.
La premièrechofe à faire dans cette intention,
c’eft de tirer beaucoup de fang par l’ouverture de i
la veine : on aura foin enfuite, au moins pen- i
dam piufieurs jours, de laitier le membre bleffé j
dans le plus parfait repos, & de tenir tous les j
mufcles qui lui appartiennent dans l’état le plus
relâché ; on rafraîchira le malade; on lui fera
obferver une diète févère , & fi cela paroît né-
ceffaire, on lui fera prendre quelques laxatifs.
Par ce traitement seul, on peur fouvent empêcher
la fo macion des funeftes fymptômes dont
nous avons parlé ; & lorfqu’ils fe manifêftent dans
un cas où l on n’a pas pris ces précautions, on
peut les retarder comme étant pour le moins au-
tanr une fuite de cette négligence que comme tenant
à la nature même de la playe.
Mais, fi nonobfianr les moyens que nous avons
recommandés , la violence des fymptômes augmente
au lieu de diminuer, fi les bords de la
playe fe durciffent & s’enflamment ; fi la douleur
augmente, & fur-tout fi l’enflure commence à s’étendre,
il faut remer d’autres r.mèdes. Dans cet
état de la maladie , on adoucit fouvent les fymo-
tômes par une Saignée locale, que l’on fait en
appliquant des fangfues auifi près qu'il eft pofti-
fcie de l'ouverture ; & quand le pouls eft plein &
fréquent, il faut tirer encore .beaucoup de fangj
en ouvrant une veine en quelqu’autre partie.
Les topiques qu’on emploie ordinairement font
des cataplafmes & des fomentations émollientes.
Lorfqu’il y a dans d’autres parties quelque affection
de cette nature, nous ne connoiftons point d’application
qui promette plus de fuccès que celles-
là. Et , comme en général les fomentations chau-
des & les cataplafmes tendent puiffamment à Ta*
vorifer la formation; du pus; comme il fembla
aufti que, dans le cas dont il s’agit, rien ne
contribueroit davantage à abattre les fymptômes
qu’une bonne fuppuration, ôn avoit lieu de croire
qu’on ne les employeroit pas fans fuccès, pour
les accidens de cette efpèce. Mais l’expérience a
fait voir qu’il y avoir bien peu à attendre ici,
des remèdes de cette claffe -, & même en pou fiant
l’ufage de ces applications aufti loin qu’il étoit
poflibie , le fuccès a rarement répondu à l’attente
du Praticien. Les parties qui font ici particulièrement
affrétées, étant prefque entièrement mem-
braneufes , & incapables par conféquent de donner,
du pus , il eft très- probable que les cata-
plafmes chauds ne faifoient qu’aggraver les fymptômes
; ca r , lorfque ces topiques ne déterminent
pas une fuppuration convenable, la chaleur qu’ils
communiquent aux parties, agit continuellement
comme un flimulant, & doit plutôt tendre à augmenter
l’inflammation* Aufti voyons-nous que,
dans la maladie qui nous occupe, tous les remèdes
de cette nature font plus de mal que de
bien. La chaleur de la partie affeétée eft un des
fymptômes les plus pénibles, & les cataplafmes
chauds, au lieu d’y apporter du foulagement,
tendent plutôt à augmenter le tourment qu’elle
excite. Par la même Vaifon , ils augmentent la
dureté & le gonflement des lèvres, de la playe
qui font incapables de fournir une bonne fuppuration
; ils en rendent la douleur plus vive, &
font étendre plus rapidement l’enflure fur les
parties-voifines.
Ambroife Paré, Dionis 3 Heifler & d’autres,
au lieu d’émolliem ,prefcrivent d’aurres fubftances
de la même nature. Nous ne faurions affirmer
l’inefficacité de ces moyens, auxquels la plupart
des'Praticiens ont renoncé , dans la crainte de
l’irritation qu’ils pourroienr caufer, en vertu de
leur qualité Annulante. Mais, fur le témoignage
de Praticiens diftingués , nous pouvons afîurer
que, dans les cas de la nature de ceux, dont
nous parlons, les applications rafraîchiffantes &
aftringemes, foulagert bien plus les malades, &
en total ont des effets falutaires, bien plus marqués
que les topiques émoi lien s. De tous les remèdes
de cette daffe, aucun ne paroît en avoir d’avantage
que les préparations de plomb. Rien ne
réuflit mieux pour diminuer la chaleur & la
douleur de la partie affrétée, que de la couvrir
alternativement avec descomprtfles trempées dans
une folution de fucre de Saturne St avec des
elumaceaux enduits de cérat cîe Goulard.
F Lors donc qu’en pareil cas on aura mis , furies
parties principalement affectées , un nombre de
fangluts, .proportionné à la violence des fymptômes,
& tiré une quantité de fang fuffiiante,
on les couvrira*de comprefles de linge fin , trempées
dans la folution de fucre de Saturne, voye[
Plomb. On continuera, pendant quelques heures, .
à les humeéter avec cette même liqueur, & en-
fuite on les remplacera avec des plumaceaux enduits
de cérat. On couvrira de même alternativement
, avec l’un ou l’autre de ces topiques, toutes
les parties plus ou moins affrétées ; l’on n’en
difeontinuera pas l’ufage aufti long-tems qu’il y
reftera quelque enflure.
En même-tems qu’on emploie ces fecours extérieurs
, il faut parer aux fymptômes fébriles
par un régime rafraîchiffant, par une diète févère
, par l’ ufage des moyens propres à entretenir
la liberté du ventre-, &,. fuivant le befoin , par
de nouvelles Saignées.
Pour calmer les douleurs qui font quelquefois
exceflives, au point que le malade ne peut avoir
un inftant de femme i l , on lui donnera de l’opium;
ce médicament eft fur - tout néceffaire lorfqu’il
furvient des foubrefauts dans les tendons, &
dautres fymptômes convulfifs. Mais, pour obtenir
de ce remède l’effet qu’on en attend, il faut
le donner en fortes dofes; autrement, loin de
produire des effets falutaires, il tend plutôt à
aggraver les fymptômes, foit en augmentant la
chaleur & l’agitation , loir par une influence directe
fur le fyftême nerveux, qu’il rend évidemment
plus fucceptibles d’être affeété par la douleur
, par les autres fâcheux effets de la
bleflure.
Il arrive trop fouvent que les fymptômes de cette
cruelle maladie ayant été, ou tout-à-fait négligés,
ou mal foignés dans les commencement , on
n’obtient plus aucun fuccès , ni des anodins, ni
des autres remèdes ci-dtffus énoncés, lorfqu on
vient enfin à les employer. Alors la fièvre , lés
douleurs, l'enflure des parties sffeétées continuant,
il furvient enfin des convulfions dans.les mufeks,
& toutes les marques du danger le plus imminent.
Si, en pareilles circonftances, on n’a pas fur-ie-
champ recours à quelque moyen très - efficace, y
le malade ne tarde pas à fuccomber. Lé feul
moyen auquel on puiffe encore , dans cet
inftant, donner quelque confiance, eft une inci-
fion profonde & très - étendue des parties voifines
de l a piquure qui a oeça (Tonné tant de maux.
L ’expérience de tous les fiée les nous a appris que
ladivifion partielle d'un nerf, ou d’ un tendon,
caufe beaucoup plus de douleur & d’autres fâcheux
accidens, que ne feroit la divifion com-
plette de ces mêmes parties. Et le but de l’opé^
ration que nous recommandons i c i , eft de diviler
complètement le nerf ou le tendon que nous
fuppofons avoir été bleffé par la pointe de la
lancette, & avoir ainfi donné lieu à tous les
fymptômes qui fe font manifeftés.
Cette opération étant très-douloureufe, on ne
peut guères y avoir recours de bonne heure >
pour faire cefler des fymptômes dont il feroit
peut-être difficile de faire comprendre le danger
au malade ; & , avant que de la propofer , il
faut avoir ufé- de tous les feegurs recommandés
ci-deffus. Il faut pourtant prendre garde à ne
pas laiffer faire trop de progrès à la maladie,
avant que d’en venir à cefte dernière reffource
car, fi le malade étoit déjà très-affoibli par la
violence & la durée des fymptômes fébriles, oti
ne pourroit plus fonder d efpérance, ni fur cette
opération,, ni fur aucun autre moyen dont nous
ayons connoiffance. Lors donc qu’a près avoir fuivi
avec foin le traitement que nous avons preferit,
on s eft affuré que l’on ne peut compter fur fou
fuccès,. il faut fans perdre de tems, faire l’inci-
fion dont nous avons parlé. Voici comment fou-
doit y procéder.
Toutes les parties voifines de l’ouverture de la
veine étant très-enflées, & dans un état de violente
inflammation , il eft impofïible d’arriver au
nerf , ou au tendon bleffé, autrement que par
une incifion très-grande & très-profonde. O r ,
comme cela ne peut fe faire Tans courir le rifque
d ouvrir au moins quelques rameaux artériels aflèz-
confidérables, la première précaution à prendre,
eft de fe garanrir du danger de cet accident, par
l. compreftîon de l’artère principale, au moyen
d n tourniquet. Cette précaution eft néceffaire
non-feulement pour prévenir la perte du fang
qui réfulteroit de la feclion des groffes branches
artérielles, mais encore pour n’être pas interrompu
, comme on le feroit néceffairement, par l'écoulement
du'fang que fourniroient les petits vaif—
féaux pendant l’opération. Ceir particulièrement
dans cette dernière intention qu’on doit appliquer
Je tourniquet ; car , quoiqu’ il foif'Vrès- à-propos
de fe tenir fur fes gardes contre l’hémorrhagie'
que pourroit occafionner l’ouverture.'des gros
vaifl'eaux , avec un peu prudence , il eft facile
dans la plupart des «as de s’en garantir.
Lors donc qu’on aura placé , & ferré convenablement
le tourniquet, on fera, au moyen d’un
binouri ordinaire, une incifion tranfverfale dans
les parties malades, dont la direction croife à
.angle dro it, celle de l’ouverture faite à la-
veine.?
-. La témérité eft toujours blâmable lorfqu’ïl s a-
git de.faire une opération chirurgicale quelconque,
& il en eft fouvent réîulré les conféquenees
k s plus funeftes ; mais une trop grande circonf-
peôuon vieil! prefque toujours de ce que POpé-
rateur n a que des idées inexaéles & confufes de
l anatomie des parties, & elle engendre un degré
de timidité, plus capable de nuire au malade
que ne pourroit faire une trop grande hardieffe -
car on voit fouvent que, dans une opération où