
eaux de quelques lacs'de Tofcane. On l'a trouvé
dans les montagnes de la Tartarie, dans le Tibet,
dans les grottes des environs de Pouzzole. Quelques
chimiftes l’admettent dans plufieurs fucs ou
matériaux des végétaux. 11 eft contenu d'ans quelques
fubftances animales, furtout après qu'elles
ont fubi la putréfaction, 8c on peut même l’en lirer
alors avec avantage. Ç ’eft ainfi qu'on en obtient
de l’extrait d’urine putréfiée, à l’aide de la fubli-
mation.
Quelque fréquent que foit le muriate £ ammoniaque
dans la nature, on ne le trouve ni affez abondant
ni affez pur pour qu’il n’ait pas befoin de préparation
& de purification. On ne fe fert point de |
celui qui fe fublime dans les cratères des volcans,
parce qu’il eft mêlé d’arfenic, de foufre , Scc. On
l’extrait des matières animales par l’aCtion du feu.
C e n’èft que depuis l’année 1719, par une lettre j
de Lemère, conful au Caire, adreffée à l’Académie
des fciences de Paris, qu’on connoît le pro- !
cédé de fa préparation , pratiqué depuis long- j
tems en Égypte. On ramaffé dans le pays les ex- ■
crémens des chameaux , des boeufs Sc des animaux
en général qui mangent des plantes falées, chez
lefquels l’ ufage du muriate de foude contribue à
la formation du muriate a ammoniaque qu’on en retire
: on fait fécher ces excrémens en les appliquant
à la furface des murs, Sc on les brûle dans les.
foyers à défaut d’autres matières combuftibles.
C ’eft de la fuie provenant de ces matières brûlées,
qu’on extrait le muriate d'ammoniaque. Il y a au
grand Caire plufieurs ateliers dans lefquels on fait
cetteextraClion. On introduit la fuie dont on vient
de parler, dans de larges bouteilles de verre de
près d’ un demi-mètre de diamètre , terminées par
un col de quelques centimètres de hauteur, qu'on
en remplit jufqu’à quatre doigts près de leur col,
& qu’on place fur un fourneau ou efpèce de four
où ils peuvent être chauffés fortement. On donne
le feu par degrés pendant foixante-douze heures.
Le muriate £ ammoniaque fe fublime vert le fécond
jour & s’attache à la partie fupérieure des
bouteilles. Lorfque tout l’appareil eft bien refroidi,
on caffe les vafes Sc on en retire des pains
de fel qui font un peu moins du tiers de la fuie
ainfi chauffée. Ces pains , moulés fur les bouteilles
, font convexes vers le haut, portent un tubercule
dans leur milieu à caufe du col de ces vafes,
& préfentent une concavité plus ou moins
profonde dans leur partie inférieure/Leurs deux
furfaces font chargées de fuie ou d’une huile em-
pyreumatique charbonneufe. Co fel étoit tout
contenu dans la matière animale, Sc on ne fait que
le féparer par l’aCfion du feu. Il paroït fe former
dans les humeurs des animaux par la réaCtion
du phofphate d’ammoniaque & du muriate de
foude.
Pendant long-tems on,ne s’eft fervi que du muriate
d*ammoniaque de l’Égypte. Les auteurs parv
ient cependant d’un autre fel ammoniaque venant
de l’Inde par la voie de la Hollande, fous la
forme de cônes tronqués comme des pains de
fucre, & fublimé comme celui d’Égypte , ainfi
que l’indiquoient les différentes couches dont il
étoit formé , comme Geoffroi l’a fait voir en expliquant
le paffage de YHiJioire des drogues de Po-
met, où il en eft parlé. Mais depuis une quarantaine
d’années on a multiplié en Europe- les manufactures
de ce fel. On a fuivi différens procédés
par lefquels on le prépare de toutes pièces, au
lieu de l’extraire fim pie ment comme en Égypte.
Dans quelques lieux on a précipité le muriate calcaire
ou l’eau-mère des falines par l’alcali volatil
uni à l’acide carbonique retiré des matières animales.
Après le dépôc de la craie on évaporoit la
liqueur, & on en fublimoit le muriate £ ammo-
niaque.
Dans d’autres endroits, comme à Saint-Denis
près Paris, on réuniffoit, dans un vafte récipient
de plomb le gaz acide muriatique dégagé du muriate
de foude par l'acide fulfurique, avec l’ammoniaque
obtenue de la diftillation de matières
animales.
Enfin, on décompofe ailleurs le fulfate de
chaux natif à l’aide du carbonate d’ammoniaque
obtenu liquide de la diftillation des matières animales}
on évapore la leflive furnageant ce mélange
& contenant du fulfate d'ammoniaque ; on
traite enfuite ce dernier fel avec du muriate de
foude, dans des vaiffeaux fublimatoires. Il fe fait
alors une double décompofition Sc une. double
combinaison : tandis que l’acide fulfurique fe porte
fur la foude , l'ammoniaque s’unit à l’acide muriatique
, & ce muriate d’ammoniaque s’élève en
. vapeur & s’attache au haut des vafes. Tels font les
principaux procédés pratiqués pour obtenir artificiellement
le fel important qui fait le fujet de cet
article.
Le muriate d'ammoniaque, extrait par l’un ou
l’autre de ces procédés, eft plus ou moins impur,
couvert ou enduit d’une couche d’huile empyreu-
matique 8c charbonneufe qu’on recherche même
dans plufieurs ateliers où on l’emploie. Pour les
! ufages chimiques Sc médicinaux , il faut que ce-fel
foit plus pur. Pour cela on le fublime à un feu bien
ménagé, ou bien on le diffout dans l’eau chaude,
& on fait criftallifer cette diffolution; il diffère un
peu, fuivant l’une ou l’autre méthode de purification
j dans la fécondé il contient beaucoup plus
d’eau que dans la première.
Le muriate £ ammoniaque eft fufible 8c volatil :
fa volatilité eft même plus grande que fa fufibi-
lité, comme on le voit en jetant ce fel en poudre
fur dès charbons ardens. Au moment où il fe ramollit
, on le voit s’élever dans l’air en vapeur ou
plutôt en fumée blanche qui ne laiffe rien fur ies
charbons, & qui -répand une odeur fade particulière.
Si le feu eft très-ardent, on fent l’odeur de
l’acide muriatique & de l’ammoniaque, de forte
qu’à une haute température il paroït être fufeeptible
de décompofition. On profite de cette volatilité
du muriate d'ammoniaque pour le reélifier par
la ftiblimation. On le met dans un matras ou une
phiole qu’on en remplit à moitié; on plonge ces
vafes dans un bain de fable , jufqu’un peu au def-
fus du point où s’élève le fel $ on les bouche légèrement
avec un papier , on chauffe par degrés
jufqu’à ce que le fel fe fublime. Il fe raffemble en
prifmes aiguillés, ferrés les uns contre les autres,
Sc qui forment une maffe plus blanche Sc plus pure
que le premier fel. Il ne faut pas fublimer tour, fi
l’on veut avoir ce fel bien rectifié : on remarque
qu’il, faut donner un bon coup de feu pour vola-
tilifer le muriate £ ammoniaque.
- Le muriate a ammoniaque eft prefqu’inaltérable
à l’air} il ne s’y humecte que très-légérement
lorfque l’air contient beaucoup d’humidité ; mais
il ne s’y fond jamais, Sc fe defièche au contraire
dans l’air fèc.
Le muriate £ ammoniaque fe diffout dans trois
ou quatre fois fon poids d’eau a dix degrés; il
pro luit un froid très-vif pendant cette diffolution.
Ce froid eft encore plus grand avec la glace ;
aufii employoit-on autrefois cette efpèce de froid
artificiel pour plufieurs expériences. L’eau bouillante
-diffout prefque fon poids.de ce fel : il s’en
crillallife une partie à mefure que la liqueur refroidit.
Ordinairement ce mode de criftallifation
ne donne qu’une maffe compofée de petites aiguilles
d’un blanc légèrement bleuâtre à caufe des
vides remplis par l’eau de diffolution. L’évaporation
fpontanée de la diffolution expofée à i’air
'“donne des criftaux plus réguliers. Dans cet état,
il contient beaucoup plus d’eau que celui qui eft
reéhfié par la fublimation.
Ce fel eft décompofé, comme tous les muria-
tes , par l’acide fulfurique, qui en dégage l’acide
muriatique avec une forte effervefcence.; par l ’acide
nitrique, qui donne à l’acide muriatique le
caractère oxigéné, Sec. On fait un diffojvant de
l'ôr en fondant du muriate d’ammoniaque dans de
1-açide nitrique, à caufe de l ’acide muriatique
oxigéné, qui, en fe dégageant, laiffe de l’oxide
nitreux, comme on le fera voir à l’article de I’ or.
•G eft en décompofant le muriate d'ammoniaque par
l’acide fulfurique, Sc en examinant le réfidu de
cette opération, que Glauber a trouvé le fulfate
d’ammoniaque , qu’il nommoit fon fel ammoniacal
■ fecret. .
La baryte, la potaffe , la foude, la ftrontiane
& la chaux décompofent le muriate £ ammoniaque,
& en féparent l’ammoniaque en gaz par le feul
contaft Sc la trituration. Cette décompofition eft
beaucoup plus complète par l ’aétion du calorique.
La magnéfie même, qui ne décompofe qu’à moi-
tié-ce fel à froid, & qui forme-avec lui un fel
triple, en abforbe entièrement L’acide muriatique,
- & en dégage toute l’ammoniaque à l’aide d'une
température affez. élevée.
C ’eft avec la chaux qu’on décompofe le muriate
d'ammoniaque pour en obtenir ce qu’on nommoit
autrefois 1‘ efprit volatil de fel ammoniac , /’alcali
volatil caufkique ou fluor, 1‘ammoniaque proprement
dite. On préféré cetre terre parce qu’elle eft beaucoup
plus commune & beaucoup moins chère que
les alcalis fixes cauftiques. On fe conrentoit autrefois
de dittiller dans une cornue de grès un mélange
d’une partie de muriate d'ammoniaque Se de
trois parties de chaux vive, en adaptant à ce vaif-
feau un ou deux grands ballons. Souvent, malgré
la tubulure du dernier ballon qu’on laiffoit ouverte
, Sc qui donnoit ifliie à beaucoup de gaz
ammoniaque perdu dans l'atmofphère, l’appareil
fe brifoit avec fracas Sc danger pour le chimilte :
cet accident arrivoit furtout lorfqu’on employait
de la chaux bien vive & du fel ammoniaque fubii-
mé. Auffi, pour l’éviter, on avoit confeillé d'ajouter
un peu d’eau au mélange, Sc ce liquide vu*
latilile arrêtoit une partie du gaz ammoniaque ;
mais l’on n'avoit de produirliqüide que ce que l'eau
pouvoir en diffoüdre, Sc une grande portion de
l'ammoniaque-fe; dégagoiten gaz bien plus volatil
que l’eau. L’ingénieux appareil de Woulfe a remédié
à cet inconvénient, Sc rendu cette opération
une des plus faciles , des plus fimples 8c des
plus fûres de la chimie. Par fon moyen on préfente
au gaz ammoniaque dè l’eau froide qui l'arrête &
le condenfe , qui l’empêche de fe dégager , qui
s’oppofe à la fraéjture des-appareils, qui ne laiffe
rien perdre de ce produit, qui le donne très-pur,
Sc qui a même l’avantage d'offrir, par le mouvement
accéléré ou ralenti du gaz à travers l’eau des
bouteilles, l’état exact de l’opération Sc d’en régler
ainfi la conduite.' A une cornue de grès ou
de porcelaine, qui contient une partie de muriate
£ ammoniaque SC trois parties de chaux éteinte
^bien exaétement mêlées, on adapte un tube dont
: l’autre extrémité plonge dans un petit flacon contenant
un peu d’eau : du haut du premier flacon
part un fécond tube qui paffe dans un autre flacon
rempli d'une quantité d’eau diftillée, égale au poids
du muriate d'ammoniaque qu'on veut décompofer ;
Sc un troifième flacon , lié au précédent par un
dernier tube qui s’ouvre encore au fond de l’eau,
termine cet appareil auquel on joint d’ailleurs, dans
différens points, des tubes de fureté qui fouvent
font même partie ou fyftème des fyphoos placés
entre lesflucons deWoulfe, ou font foudés dans leur
partie horizontale, comme on le fait aujourd’hui
dans toutes les opérations de ce genre. On chauffe
le fond de la cornue par degrés Sc jufqu’à la faire
j rougir. L’ammoniaque qui fe dégage en gaz fature
d’abord le peu d’eau du premier flacon,.& y dé-
pofe les,impuretés qu’elle peut entraîner avec elle ;
cependant cette première eau étant promptement
faturée, le gaz arrive dans la grande quantité d’eait
pure du fécond flacon, Sc la fature en l’échauffant :
ce produit eft très-blanc, très-chargé Sc très-pur.
Il refte dans la cornue du muriate de chaux, qui,
s’il eft fortement chauffe, fe vitrifie, fe criftaliife