
fique ou apparente n'auroit pu guider les hommes
dans cette diftin&ion ; & la connoiflance des mines
feroit reftée dans l'état d'incertitude , d'erreur &
d’enfance où elle a langui li iong-tems avant les
recherches des chimiftes modernes.
53. On a d'abord eflayé les mines dans la vue
fimple de favoir le parti qu’ on pouvoit en tirer ,
la nature & la quantité des fubftances métalliques
qu’on pouvoit efpérer d’en obtenir, & pour guider
les mineurs dans les travaux qu’ils doivent entreprendre
ou confacrer à l’exploitation de chaque
genre de mines. Cette intention n’avoit pas pour
but, dans les premiers tems, de faire une ana-
lyfe exaéle des minerais, 8c de reconnoîcre avec
précifion leur nature ou l’ordre de leur compofi-
tion : les métaux qu’elles contenoient, leur prof>
ortion, la facilité ou la difficulté de les obtenir,
e calcul des déchets & des frais que leur exploitation
pourroit donner ou exiger, voilà les feules
vues qui ont d’abord animé les chimiftes, & juf-
que - là l’art docimaftique devoit être borné au
ftmple ufage des mineurs. Mais d’habiles chimiftes
ayant été fouvent conlultés fur cet art, & la multiplicité
des variétés qu'on obfervoit dans les hiver
fes modifications d’une mine, du même métal
ayant frappé ceux qui étoient chargés de les examiner
, la docimafie s’eft bientôt perfeélionnée ;
elle eft devenue une des branches les plus importantes
de la chimie ; fes réfultats n’ont plus été
bornés à connoître les feuls produits métalliques j,
ils fe font étendus-fur les différentes matières qui-
minéralifoient les métaux, fur leur proportion,
leurs adhérences , leurs actra&ions, leurs diverfes
modifications ou manières d’être.
54. Ainfi. l'art s’eft élevé à de nouvelles conceptions:
il s’eft lié avec les connoiflances minéralogiques
; il eft devenu une partie efientielle
de cette t ranche de i'hiftoire naturelle, qu’il a
portée à une grande perfection. Ainfi l’on a été
conduit à diftinguer deux parties dans la doci-
mafie ; l’une, qui s’attache uniquement à éclairer
la métallurgie, au, point qu’elle doit la précéder
8c la diriger dans fes procédés ; l’autre, q u i,
confidérant fon fujet dans une plus V 3 f te étendue,
ne fe contente pas de s’appliquer à la recherche
du métal 8c des moyens de l ’extraire le
plus facilement poffible, mais fe propofe de déterminer
avec exactitude les matériaux des mines,
de les comparer entr’elles 8c de fournir les moyens
de les rapprocher fyftématiquement. La première
n’a pour but que l’affurance des pratiques métallurgiques
; l’autre , en rempîifîant le même objet
, éclaire en même tems le minéralogifte qui
veut claffer les fofliles métallifères ,| &: le géolo-
gifte qui defire .connoître leur formation, leurs
altérations , leurs p.afifages 8c leurs rapports ref-
peétifs dans la nature. Le chimifte doit confidérer
la docimafie Ions ce double point de vue, pour
bien concevoir les propriétés des métaux.
Quoique les trayau* docimaftique^ puiffent !
> en général être confidérés comme réellement dif-
férens, fuivant les mines fur lefquelles on opère,
ils ont cependant tous une analogie ou une ref-
femblance qui doit les faire regarder comme
une opération à. peu près analogue pour tous les
minéraux , au moins lorfqu’on les envifage par
rapport à l’art du mineur. On choifit d’abord les
échantillons de la mine parmi les riches, les pau-
■ vres & les moyens : c’eft ce qu’on nomme lotir
ou arranger en lots. On les pulvérife, on les lave
dans une fébile de bois pour enlever la gangue
pierreufelégère, 8c rafifembler le minerai au fond
du vafe ; on les grille dans une écuelle de terre
recouverte d’un vafe fembl.able , pour éviter la
perte par la décrépitation : la matière volatile, ou
partie du minéralifateur, fe diffipe en vapeur dans
i’atmofphère , 8c la portion métallique s’oxide.
On tient la mine rouge de feu jufqu’a ce qu’elle
n’exhale plus de vapeur fenfible. Le poids qu’elle
a après le grillage fait connoître la proportion de
matière volatile qu’eile contient. La mine grillée
eft en fuite mêlée avec trois fois fon poids de
fiux noir, ou de tartre à moitié brûlé par le ni-
tre, 8c un peu de muriate de foude. Le carbone
du flux défoxide le métal ; l’alcali fait fondre la
gangue, 8c le fel marin recouvre la fubftance métallique,
dont il empêche l’oxidation. Quand la
fufion eft complète, on laiffe refroidir le mélange;
8c fi l’ opération a été bien faite, on trouve en-
fuite, fous une feorie bien fondue 8c bien homogène
, le métal raffemblé en un feul culot,
dont le poids 8c la nature indiquent ce qu’on peut
attendre du travail métallurgique. 6. L’effai fouffre fouvent quelques modifications
relatives à la nature diverfe de la mine.
Quelquefois il faut des fondans plus aétifs que
le flux noir, furtout pour les mines plus réfractaires
ou plus infufibles. Alors on prend le borax,
le verre pilé avec la potaffe j fouvent o»
ajoute de l’huile ou du fuif pour favorifer la réduction
des oxides métalliques. Quelquefois même
on emploie les attrapions électives pour déminé-
ralifer un métal, en chauffant la mine avec un autre
métal qui a une plus forte attraction pour le
foufre, que n’en a celui qui eft contenu dans la
mine. Mais il ëft rare, dans ce cas, qu'une portion
du métal employé ne fe combine point à celui
qu’on ajoute , 8c qu’il n’en altère pas la quantité
8c la qualité.
57. Rarement le métal obtenu par ce premier
procédé eft-il pur ; fouvent ^un métal difficile à
brûler, un métal parfak d’autrefois, contient
un métal très-oxidable t jadis nommé imparfait.
Alors, pour l’en priver, on grille une fécondé
fois le métal, en le chauffant & en l’agitant avec
le contaP de l'air; 8c, quoique ce procédé ne
foit pas d’une exaP:tude extrême, il fuffit cependant
pour les réfuitats qui conviennent aux mineurs.
Souvent cette manière d'eflayer eft encore
trop exaPe pour les befoins de la métallurgie; car
elle donne plus de produit métallique qu’on ne
peut en efpérer en grand, 8c elle induit en erreur,
outre qu’elle exige l’emploi 8c qu’elle reçoit
l’influence des fondans, dont on ne peut pas faire
ufage dans les travaux métallurgiques. C’eft pour
cela qu’en fe rapprochant plus de ceux-ci, on ef-
faie de fondre Amplement la mine à travers les
charbons.; 8c l'on fe contente d’en aider l’aPion
par les feories de fer ou le fiel de verre, matières
à Vil prix, 8c qu’on peut employer en grand.
58. Si cet eiïai peut fuffire pour lè mineur ou le
métallurgifte, ceux qui cultivent la minéralogie
8c la chimie ne s'en contentent pas, parce qu’il
ne fournit point les lumières dont ils ont befoin
pour bien connoître 8c claffer les minerais. Il
échappe une partie du métal en vapeur; il en refte
dans les feories : le métal )ui-mêrnë eft plus ou
moins impur; fon minerai fe diffipe 8c fe confond
dans les feoriesl II faut donc fubftituer à
cet effai irrégulier une analyfe exaPe par tous
les moyens que l ’art peut employer. Le grillage
imparfait du premier doit être remplacé par la
diltiliation régulière à la cornue, ou l’aPion du
feu dans des vaiflfeaux fermés de manière à recueillir
les produits folides , liquides ou aérifor-
mes que le calorique en dégage, à en reconnoître
la nature , 8c à en déterminer la quantité : on
eftime en même tems la fufibilité de la mine,
après avoir décrit avec foin auparavant fes formes,
fon tiffii, fa couleur, fa pefanteur fpécifique , 8c
même fa couleur 8c toutes fes propriétés phy-
fiques.
59. La méthode la plus févère 8c la plus utile
d’analyfer les mines ou d’en faire un effai chimique
complet, confifle furtout dans leur traitement
par les acides qui diffblvent les métaux fans
toucher aux minéralifateurs, furtout au foufre.
Pour cela, cependant, il faut employer les acides
fulfurique ou muriatique; car le nitrique, furtout
quand il eft trop fort, brûle le foufre, trompe
fur fa quantité, 8c change fouvent la nature de
la mine. On doit même, dans le plus grand nombre
des cas, fe fervir des acides fulfurique ou muriatique
aflroiblis. Les matières'non difloutes 8c
bien lavées indiquent la proportion du minéralifateur,
ainfi que fa nature. Le métal diflous eft
'précipité par des alcalis, des pruffiates, de l’eau
hydrofulfurée, 8c fouvent même par d'autres métaux
qui, ayant plus d’attraPion que lui pour l’ojti-
gène, le défoxident 8c le féparentdes acides, dans .
lefqueis ils prennent fa place. En général, il eft
aifé de voir que ce genre d1 analyfe., qui n’eft ici
indiqué que d’une manière générale, fuppofe 8c
exige une grande 8c entière connoiflance de l’action
de tous les corps fur les métaux divers; car
"tous les corps , bien connus une fois dans leur
a Pi on , peuvent devenir autant d’inftrumens très-
utiles pour analyfer les mines. On en verra des
preuves nombreufes dans I'hiftoire de'chaque métal
en particulier, 8c dans celle des propriétés
Ch i m i e . Tome V .
chimiques des métaux en général dont il fera traité
plus bas.
Des travaux en grand fur les mines , ou de la
Métallurgie.
60. Une fois affûté, par I’eflai docimaftique,
qu’une mine peut être exploitée avec avantage ,
on y procède par Es travaux métallurgiques, après
avoir ëxtrait cette mine à l’aide de tous les moyens
mécaniques que l’art poftède, 8c qui confiftent à
creufer des puits, à percer des galeries, à employer
diverfes machines pour tirer de l’eau , re-r
nouveler l’air , monter la mine , favorifer l’accès
des mineurs à l’aide d’échelles ou de cordages ,
prévenir les éboulemens des terres, 8cc.
61. Ces premiers procédés d’extraPion du mi-‘
nerai, éclairés par lés lumières de la géométrie ,
de la mécanique , de la minéralogie, de la géologie
, de la géométrie fouterraine , fondés auffi
fur la connoiflance des conftruPions de la charpente
, exigeant la réunion de beaucoup de talèns
divers, foutenus d’ailleurs par le courage, 1a patience
/ la confiance dans les entreprifes , confti-
tuènt un art très-important, qui demande de longues
8c férieufes études, l’application continuelle
de l’obfervation , de l ’expérience 8c de la pratique
aux plus profondes méditations théoriques : c’eft
celui de l'ingénieur des mines. Quoiqu’il paroiffe
étranger aux chimiftes, ils ne doivent pas ignorer
fes premières notions, qui précèdent nécelfaire-
- mène l’intelligence du traitement métallurgique
des mines. Voici les bafes de l’art de les extraire
de la terre.
61. En général, après avoir fondé un terrain
qui contient des mines, ou avoir réuni plufîeurs
indices fur leur exiftence , on creufe dans le terrain
un puits carré perpendiculaire , allez large
pour y placer des échelles droites , 8c fur lequel
on pofe des treuils deftinés à monter ou à def-
cendre des féaux ou des ronneaux ; il faut quelquefois
y mettre des pompes pour épuifer l’eau
qui s’ y raffemble. Si la mine eft trop profonde
pour qu’un feul puits conduife au fol du fiion ,
on pratique , au fond du premier puits , une galerie
horizontale , au bout de laquelle on creufe
un fécond puits, & ainfi de fuite jufqu’à ce que
l’on foit parvenu au fond de la mine.
63. Lorfque la roche qu’on entame ainfi eft
dure , folide 8c capable de fe foutenir d’elle-
même, le puits n’a pas befoin d’être étayé ; mais
fi elle eft tendre , friable, fi elle menace de s’ébouler
après le creufement, alors on étançonne
les puits 8c les galeries avec dès pièces de charpente
que l'on recouvre de planches dans tout le
pourtour , afin de foutenir les terres , 8c de retenir
les fragmens qui s’en détacheroient peu à
peu 8c pourroient blefler les ouvriers.
64. Une des parties les plus importantes de
l ’ait d’exploiter les mines a pour objet le re-
L