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L’or eft celui de tous les métaux qui a eu le
plus d’hiftoriens particuliers ou d'auteurs monographes.
Quoique le plus grand nombre des ouvrages
d’alchimie n’en aient préfenté que la fable,
on peut cependant les compter dans cette claffe
de Traités monographiques fur l’or. Parmi ceux
qui ont fourni le plus de faits utiles ou finguliers,
& qui, fans être entièrement débarraffés des idées
alchimiques, les ont données au moins avec quelque
fagefler, il faut furtout diltinguer d au b e r,
Clavéus, Dickinfon, Helvétius, Orfchall, Kunc-
lcel. Barba, Borrichius, Caftlus & Henckel. Boyle,
Mufchenbrcëck, Nollet, parmi les phyficiens,
ont raffemblé le plus de faits utiles lur les propriétés
phyfïques dë l’or. Vallerius , Lewis , Ef-
chenbach, Gellert, Salchow, Tillet, de Born,
Ferber, Sage, Ribaucourt, Vauquelin, font les
chimiftes qui ont le mieux écrit, foitfur les effais,
foit fur le traitement en grand, foit fur l’enfemble
des propriétés de ce métal précieux. Bergman &
Scheele, MM. Van-Marum & Berthollet -, ont
ajouté en dernier lieu des faits importans fur
l’oxidation, la diffolution, & fur plufieurs des
compofés que l’or eft fufceptible de former.
• Quoique, depuis la nainance & l’établiffement
de la dodtrine pneumatique, on n’ait point fait de
Recherches particulières & fuivies fur l’or, cette
do&rine a beaucoup avancé la connoiffance des
propriétés de ce précieux métal. C’eft à elle que
l ’on doit attribuer la notion précife de l’oxidabi-
lité de l’or, qui n’étoit pas comprife auparavant}
de fadiffolubilité dans quelques acides, & de fon
indiffolubilité dans d’autres 5 des divers phénomènes
de fes précipitations }des fels qu’il forme}
de fon peu d’attraélion pour l’oxigène, comparée
à celle des autres métaux pour ce principe} de fa
combinaifon fulminante avec l’ammoniaque; en
un mot, de toutes les propriétés qui le diftinguent
& qui le caraélérifent, comme les détails dans lesquels
je vais entrer le prouveront.
L ’or eft un des plus brillans & des plus beaux
des métaux : fa’couleur jaune particulière & fon
éclat remarquable attirent 8c réjouiflènt les yeux,
quoiqu’ ils foient moins vifs & moins agréables
peut-être que dans l’argent'} & il eft certain,
comme l’a remarqué Malouin par une expérience
familière & multipliée , qu’une grande furface d’or
bien bruni attire tous les regards , & excite dans
ceux qui la voient un fentiment d’hilarité, une
force de jouilTance dont il eft difficile de ne pas
faifir l’impreffion quand on regarde attentivement
les perfonnes qui l’éprouvent. Il n’tft pas douteux
que ce fentiment foit dans la nature , & qu’il indique
une jouilTance réelle. Sans doute le moral
des individus, affeété par le prix qu’ils attachent
à l’or, y contribue} mais il n’en faut pas moins
compter fur cette propriété de la couleur de l’or,
quoiqu’il ne foit pas permis de conclure de là que
ce métal ait une qualité alexitère & alexipharma-
que, comme on le faifoit encore il y a foixante
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ans en médecine. La couleur de l’or n’eft pas conf*
tante dans fon ton ou fa nuance : un grand nombre
de circonftances peuvent la faire varier : on en
diftingue de jaune-blanc, de jaune-pâle & comme
citrin, de jaune-vert & de jaune-rouge ; mais il
eft vraifemblable que cette différence, trop forte
pour être due à divers états phyfiques, provient
de quelques métaux qui lui font alliés. Newton
ayant trouvé qu’une feuille d’or très-mince, placée
entre l’oeil & la lumière, paroiffoit d’un bleu-
verdâtre, en a conclu que ce métal, en réfléchif-
fant des rayons jaunes, admettoit par réfra&ion
dans fon intérieur un peu de lumière bleue, qui,
après s’être réfléchie çà & là par les molécules
métalliques, étoit entièrement éteinte.
La denfité de l’or eft telle , qu’on l’a cru long-
tems le corps le plus pefant de la nature : on fait
aujourd’hui qu’ il ne tient que le fécond rang, &
qu’il cède la première place au platine. Cronftedt
& Vallerius ont indiqué le rapport de fa pefan-
teur à celle de l ’eau, comme 19,640 eft à 1,000;
Lewis l’eftimoit entre 19,3.00 & 19,400} Mufchen-
broëck l’a trouvée de 19,640, 19,52.1, 19,238:
on l’eftime le plus ordinairement à 19,258 : forgé,
il eft un peu plus lourd que fondu. Sa dureté n’eft
pas très-confidérable : fuivant M. Guyton , elle
ne tient que le cinquième rang parmi les métaux ;
il eft affez mou pour qu’on puiffe le ployer facilement
dans toutes fortes de fens, & pour qu’il
foit indifpenfable de le durcir par un alliage pour
l’employer. Son élafticité eft foible, ainlï que fa
propriété fonore, qu’on a coutume de défigner
fouvent par l ’épithète t fo b f c u r e .
La du&ilité de l ’or eft une de fes propriétés les
plus fîngulières, & qui excite le plus d’admiration
lorfqu’on la compare à celle des autres métaux
, & qu’en reconnoiffant fa fupériorité on
-confidère les phénomènes auxquels elle donne
naiftance. Suivant des calculs très-bien faits par
Vallerius, Réaumur, Lewis, Geoffroy, & c ., un
grain d’or peut fournir un fil de cinq cents pieds
de longueur. Boerhaave cite même, d’après Caf-
fius, un ouvrier d’Ausbourg affez adroit pour
avoir tiré effectivement un grain d’or en un fil de
cinq cents pieds. Une once de ce métal peut dorer
un fil d’argent de quatre cent quarante-quatre
lieueS} un grain d’or aplati en feuilles peut cou-,
vrir une aire de plus de quatorze cents pouces
carrés; il peut être tellement alongé ou aminci,
qu’il occupe foixante-cinq mille cinq cent quatre-
vingt-dix fois le premier efpace qu’il occupoit. Sa
ténacité eft auffi la plus confidérable connue. Un
fil d’or d’un dixième de pouce de diamètre fou-
tient un poids de cinq cents livres avant de fe
rompre. Réaumur remarque qu’une couche ou
feuille d’or couvrant I0oooo~^ d’un pouce de fil
d’argent forme un tube continu , opaque, qu’on
peut, fuivant l’expérience de Halley, obtenir entier
& féparé de l’argent, en diffolvant celui-ci
dans de l’acide nitrique. Cette étonnante duélilité
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de l’or s’ affoiblit & fait place à de la roideur &
de l'élafticité plus fortes quand l'or a été battu,
comprimé. paffé à la filière. On dip alors que 1 or
s'écrouit; mais on lui rend fa duftilné ?ccou' “
mée par le recuit, ou en le faifant rougir au feu
& ‘refroidir lentement. ,
l ’or eft bon conduéteur du calorique. On n a
pas déterminé exaftement cette propriété, non
plus que fa dilatabilité par l'aftion du feu, quo -
qu’on fâche en général qu'elle fuit de près la talion
de fa fufibilité. L or rougit quand il eft pénétré
d'une fuffifante quantité de calorique ; & quand,
il eft d'un rouge brillant comme un chai bon, il le
ramollit, fe fond 8c coule. La fufion de 1 or pur
eft affez facile. Mortimer l'eftimoit à 1 300 degres
du thermomètre de Fahrenheit. M. Guyton 1 a
déterminée à 31 degrés du pyromètre de Weedgwood,
tandis que, comme je 1 al d it, 11 dét®t
mine celle de ? argent à 28. On obferve dans les
ateliers des orfèvres, que de l'or en limaille ou en
grenaille fe fond plus difficilement que de 1 or en
lingots ou en gros morceaux i que les petits trag-
mens ont de la peine à ne faire qii une feule pièce
par la fufion, 8e qu'ils retient fouvent, comme
ceux de l'argent, en globules fepares : auffi, pour
- les réunir en une feule maffe homogène, ce qu ils
nomment affembUr lo r , ils jettent dans leur çreu-
fet un peu de nitre ou de borax, qui patoit en
détruire les petits corps étrangers , les poulheres
dont lës petits fragmens d'or 8c d'argent etoient
enduits, & qui les empêchoient de fe reunir. Une
autre obfetvation de pratique non moins tmporr
tante fur la fufion de I V , c’eft que, fi on ne lui
donnoit que le fimple degre de chaleur neceflaire
pour le fondre, il refteroit caftant apres fon re-
froidiffement : on-eft obligé de lelever a une
beaucoup plus haute température que celle qui
fuffit à fa fufion pour lui conferver
même inconvénient a lieu fi on le laiffe refroidir
trop fubirement, fl on le coule dans une hngo-
tière ou dans un moule froid : il faut donc bien
chauffer ces uftenfiles avant d y couler lor en
UEn augmentant la chaleur de l'or fondu , il
femble prendre une forme plus convexe a fa lurface,
tandis qu'il s'aplatit quand il fe fige. Lewi
attribue à cet effet le peu d’exaftrtude des formes
que l’or pur prend dans les moules. Si on le laifle
refroidir lentement, & fi. au moment ou U le
fige à fa furface , on fait écouler, en briiant la
croûte folide, la portion liquide qu’ elle recouvre,
il affeae', dans la cavité que laiffe cette portion
décantée, une forme criftalline 8c régulieie que
Mongez & Tillet ont obtenue & bien décrite :
ce font des pyramides quadrangulaires tres-pro-
noncées, ou des o&aèdres alongés. Il préfente la
même forme dans la nature. En continuant a le
chauffer lorfqu’ il eft en fufion parfaite, on le voit
s’agiter, tourner pour ainfi dire fur lui-même , 8c
crendre une e.fnère de mouvement d'ébullition,
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ainfi qu’une nuance verdâtre. Ce phénomène,
bien obferve au foyer de la lentille ardente de
l'Académie , pat Homberg & Macquer, 8c quon
peut voir toutes les fois qu'on en fond un petit
globule au chalumeau , fe termine par une véritable
volatillfation de IV ; & quoique cette lu-
blimation, cette évaporation , foient moins marquées
que celles de l'argent; quoique 1 o r foit
réellement moins volatil que celui-ci, fans doute
à raifon de fa denfité prefque double , il s elêve
cependant en vapeur. Macquer la vu , tous la
forme de fumée ! portée à cinq a fix pouces d é-
lévation, fe figeant 8c s'attachant a la furface
d’une lame d'argent, la dorer d'une maniéré fort
exaéte : auffi éprouve-t-on un léger dechet lur
l’argent 8c l'or qu'on tient long-tems fondus a ces
hautes températures qui les agitent & les redut-
fent en vapeurs. .
L'or n’a ni faveur ni odeur ; ce qu il doit au
rapprochement de fes molécules, à leur demite ;
& il ne préfente pas, au moins dune maniéré
auffi marquée, cette atmofphère qui enveloppe
ou entoure la plupart des autres matières métalliques,
fi bien cataaérifées par ces deux propriétés
qui les diftinguent ; cependant l'or eft tres-bon
conducteur du fiuide éleéfrique. . .
C’eft encore un problème en minéralogie o c en
chimie que de favoir fi l'or eft minéralifé dans le
globe, S c s'il n'eft pas au contraire Amplement
difféminé dans les mines,très-variées de nature 8c
de propriétés où il eft contenu & d ou on le te-
tire. Souvent il eft à l’état métallique & brillant ;
mais il y a tant de minéraux divers où on le montre&
d'où on l’extrait, que , pour prendre une
idée convenable de fon hiftoite naturelle, il eft
indifpenfable de traiter d'abord de 1 o r natif, en-
fuite de l'or caché dans les minerais aurifères , de
quelque nature que foient ces minéraux.
L'or natif, fi teconnoiffable par fa couleur, fon
brillant, fa.pefanteur, fe trouve fi fréquemment
à la furface 8c dans l'intérieur du globe, quoique
toujours peu abondamment en général, que Bergman
a penfé qu'après le fe r , ce méia, eto.t le plus
univerfellement répandu. Sous la forme de petites
maffes ifolées, de lames, de filets ou de grains,
il roule avec le fable dans les eaux des fleuves 8c
des rivières qui l'ont arrache aux montagnes dans
lefquelles ces eaux prennent leur fource, qu aux
terrains quelles parcourent. C'eft ainfi qu on la
! rencontre fouvent au Pérou, en Afrique, en
France , en Allemagne. En Afrique , cinq livres
de fable contiennent fouvent foixante-trois grains
d’or, tandis qu’en France il eft affez tare de trouver
du fable qui. fur cent livres, en tienne plus
de vingt à vingt-quatre grains ; cependant ce fable
peut être exploité avec avantage. On a même
propofé, à la vérité fans fuccès, de travailler un
fable de Hongrie, dont dix mille livres ne tiennent
que dix à douze grains A ’ o r . Le fable le plus
T '. . - A ___ a f t f/iiir r e i n u K r iin .