
celles déjà faites par MM. Howard & Vauquelin,
on y trouve la plus frappante analogie de nature ,
& il eft impoffible de ne pas reconnoître une identité
frappante de compofition entre ces pierres.
§. IV. Concluflon. Réflexions fur V origine des pierres
tombées de £atmofphére.
Voilà donc maintenant neuf pierres toutes bien
reconnues pour être tombées de l’atmofphère,
avec bruit, détonation, météores lumineux , toutes
recouvertes d’une croûte noire & fondue,
toutes grifes, grenues , métallifères dans leur intérieur
, donnant abfolument les mêmes produits
à l’analyfe, ne contenant point d'alumine v contenant
beaucoup de lilice, un peu demagnéfie, &
une combinaison fingulière de fer , de nickel &
de foufre ; toutes en un mot femblables entr’elles 3
& également différentes des minéraux connus fur
notre Globe.
On ne doit pas trouver étrange qu’une fi frappante
analogie phyfique & chimique ait fait pen-
ler que ces pierres ont toutes la même origine , &
que , comme elles forment un ordre dé compofés
différens de tout ce qu’on a vu jufqu’ici parmi les
minéraux3 quelques phyficiens en.aient conclu
qu’elles n’appartiennent point aux foffiles de notre
Globe. Aiiffi a-t-on imaginé3 depuis quelques
mois, plusieurs hypothèfes nouvelles pour expliquer
la formation de ces lînguliérs produits. Les
uns foutiennent que ce font des minéraux élevés
& projetés de la terre par des volcans} quelques
autres les. regardent comme des pierres de notre'
Globe, frappées & fondues à l'extérieur parle tonnerre.
Plufieurs chimiftes croient que les matériaux
terreux & métalliques de ces pierres 3 élevés
dans l’air , s’y font agglutinés & agglomérés pour
former les îmffes tombées.
Il eft des phyficiens qui penfent que ces pierres
font formées des élémens mêmes des terres &
des métaux, élémens qu’ ils fuppofent à l’état galeux
dans une grande hauteur de l’atmofphère, &
dont ils admettent le rapprochement & la con-
denfation par des caufes météoriques. Cette opinion
admet plufieurs hypothèfes trop éloignées de
ce qu’on fait encore , pour ne pas offrir des difficultés
infolubles dans l’état aâuel de nos connoif-
fances.. L’une eft le mélange de grains ferrugineux
& de fulfures à deux métaux-ifolés les uns des autres
, dans une pâte.à peu près homogène, eom-
pofëe de filice, de magnéfie, de fer & de nickel.
L’autre eft rëlative à l’identité de toutes ces pierres
3 qui fuppoferoit que la Nature, en ^admettant
dans fon vafte laboratoire atmofphérique que
des élémens de leurs matériaux conftituans, en
rejetteroit donc ceux de 1 alumine & de beaucoup
d’autres métaux, dont la formation ne doit pas
lui coûter plus que celle du fer & du nickel.
Ces difficultés qui exiftent auffi pour les hypo-
thëfes précédentes; en ont fait imaginer une dernière
moins invraifemblable qu’elles 3 quoique
peut-être plus extraordinaire encore.
C’eft celle de quelques.géomètres, qui regardent
ces pierres comme-projetées par les Volcans de h
lune hors delà fphère d’attra&ion3 & jufqu’aux
confins de celle de la Terre.
Si le premier énoncé de cette opinion femble
être repouffe par tout ce que nous avons appris &
penfé jufqu’ici 3 elle femble cependant répugner
moins à la raifon, que les quatre précédentes hypothèfes.
Au refte, dans une pareille matière, on
eft forcé de choifîr entre des idées -tout auffi in-
folites les unes que les autres } & ce n'eft qu’en
éliminant l’abfurde oui-impoffible, qu’on fe trouve
forcé d’adopter ce qui aureit d’abord paru pref-
qu’incroyable.
On trouvera toutes ces opinions nouvelles très-
clairement expofées & difcutées dans la Lithologie
atmofphérique de M. Izarn, premier recueil1 précieux
publié fur cette matière (i).
Mémoire fur les pierres dites tombées du ciel 3' lu a
rinflitut par M. Vauquelin.
« Tandis que dans l’Europe tout retentiffoit du
bruit des pierres tombées du. ciel ; tandis que les fa-
vans, partagés d’opinion à cet égard, formoient
des hypothèfes pour en expliquer l’originechacun
félon fa manière de voir , M. Edward Howard,
habile chimifte d’Angleterre, fui voit en
filence la feule route qui pouvoit conduire à la
folution du problème. Il raffembloit des pierres
tombées dans différens pays, recueilloit lesrenfei-
gnemens qui y étaient relatifs , comparoit ces
corps par leurs caractères phyfîques ou extérieurs;
il faifoit mieux encore, il les foumettoit à l’a-
nalyfe chimique par des moyens auffi ingénieux
qu’exaéts.
» Il eft rëfulté de fes recherches, que les pierres
tombées en Angleterre, en Italie, en Allemagne
, aux Indes orientales & autres lieux , fe ref-
femblent toutes fi parfaitement, qu’il eft prefque
impoffibîede lésdiftinguer les unes des autres; &,
ce qui rend encore la fimilitude plus parfaite, c’eft
qu’elles font compofées des mêmes principes , &
à très-peu près dans les mêmes proportions.
»Avant que les derniers réfultats du travail de
M. Howard ne fufTent connus en France, je
m’exerçois fur le même fujet, & j’ai vu avec plai-
fîr, dans fon Mémoire imprimé depuis, qu’ils
s’accordent en tout point avec ceux que j’avois
obtenus..
« Je me ferois abftenu de parler d’un objet fi
habilement traité par le chimifte anglais , fi, pen-
(ï) Lithologie atmofphérique , préfentant la marche &
l’état actuel de la fcience fur le phénomène des pierres de
foudre, pluies de pierre, pierres tombées du ciel, &c. par
Jofeph Izarn. Chez Delalain fils, libr'aire, quai des Augustins;
u°. 38; au coin de la rue Pàvée. •
dant fon féjour à Paris,.il ne m’y eût lui-même
engagé; fi les pierres que j’ai analyfées n’euffent
été d’un autre pays; fi enfin l’intérêt qu’infpire le
fujet, ne rendoit excufable cette répétition.
» C’eft donc pour rendre hommage à M. Howard,
pour donner,s’il eft poffible, plus de poids
à fes expériences, & attirer fur elles toute la confiance
des fava ns, plutôt que pour offrir quelque
chofe de neuf, que j’ai fait cette notice.
yo L’une des pierres que j’ai analyfées m’a été re-
mife par M. Saint-Amans ; elle tomba à Créon,, ]
paroifle de Julliar, le i l juillet 175)0 , vers les
neuf heures du foir. Cette pierre parut en l’air
fous la forme d’un globe de feu , qui fut vifible
dans prefque tout le midi de la France. On en
donna , à cette époque, une relation fort exaéte
dans le Journal d^Hiflaire naturelle de Bertholon ,
à laquelle on joignit le procès-verbal de la municipalité
du lieu , qui conftatoit la chute de cette
pierre,.-
» Une autre pierre m’a été donnée par M. Dar-
cet fils ; elle tomba en juillet 1785), àBarbotan,
près de Roquefort, dans les landes de Bordeaux.
Ce fut le frère de M. Darcet, curé des environs,
qui là lui envoya avec le procès-verbal qu’on
avoit dreffé d’un phénomène auffi extraordinaire.
M. Lomet, connu de plufieurs membres de l’Inf-
titut, fe trouvoit à Agen le jour où cette eipèce
de météore parut dans l’atmofphere. Voici ce
qu’il m’a raconté à ce fujet : « C ’étoit un globe
P de feu très-éclatant, d’une, lumière auffi pure
» que celle du foleil, -de la groffeur d’un aéroftat
» ordinaire , qui dura alfez long-tems pour jeter
» l’effroi parmi les habitans du pays, qui décrépita
» & difparut. »-
» Quelques jours après, des pay fans apportèrent
(des pierres qui provenoitnt , difoient-ils, de la
çhu'e du météore ; mais on fe moqua d’eux , on
. traita de fables tout ce qu’ils difoient ; on ne
voulut pas même prendre leurs pierres. Ils pourraient
peut-être aujourd’hui, avec plus de raifon,
fe. moquer à leur tour des favans. La troi-
fième efpèce de ces pierres eft celle de Bénarès,
dans les Indes orientales, qui tomba le 19 décembre
1798, en préfentant abfolument les mêmes
phénomènes que ceux obfervés en pareille cir-
conftance dans d’autres pays. Elle m’a été rendre
par MM. de Drée & de Saint-Amans, qui
l’avoient rapportée d’Angleterre.
».Toutes ces pierres préfentent unafpeét fembla-
hle : on croiroit volontiers qu’elles auroient été
détachées de la même maffe ; leur furface eft noirâtre
, liffe & comme verniffée par un commencement*
de fufion; leur intérieur eft d’un blanc-gris,
marqué de taches brupesou d’un gris plus foncé
que le refte de la mafle. Cependant celles’ de Bénarès
& d’Ÿorckshirefont un peu plus blanches
,a l’intérieur, que celles de France. On y remarqué
des, pyrites blanches, dont la caffuro
lameileufe ; des globules de. fer métallique &
duâile, dont le poids s'élève, dans quelques-uns,
jufqu'à trois grammes ; mais ce fer a une couleur
plus blanche & une dûreté plus coniîdérable
q.ue -celles du fer ordinaire. L'on verra plus bas à
quoi font dues ces différences.
» J'aurois defiré foumettre à l'analyfe chacun des
matériaux conftituans de ces pierres , fenfibles à
l’oeil, mais ils font fi exaâement mêlés, qu'il devient,
impoffible de les féparer parfaitement. Je
fuis cependant parvenu , avec de la patience, à
me procurer une fuffifante quantité,de globules de
fer & de pyrites pour en reconnoître la nature. »
Analyfe de la pierre de Bénarès.
" A. Cent parties de cette fubflance pulvérifée
dans un mortier de pierre dure, de paflee dans un
tamis de foie,fine pour en féparer les parties de
fer les plus groffières, ont été traitées.par l'acide
nitrique affoibli : il s'efl développé, dans cette
opération , une grande quantité de gaz nitreux ;
l'acide a pris une couleur verte-jaunâtre j lapouf-
fière pierreüfe a blanchi, & en fe divifant elle a
confidérablement augmenté, de volume, de ma-
nièfcfqu'elle reffembloit à de la filice gélatineufe.
Ôn a vu des parties de foufre nager à la furface de
la liqueur.
» B. Lorfque l’aflion de l’acide nitrique fut terminée,!
on ajouta de l’eau au mélange, on filtra
la liqueur ; on lava la matière nondifi'oute, donc
le poids, après la defiiccacion à l’air libre, n etoit
plus que de foixante-quatre parties.
» C. La matière ainfi traitée, étant encore légèrement
colorée, on la fit bouillir ayec de l’acide
muriatique, qui, comme on fait, s'unit plus facilement
au fer oxidé. Cet acide prit en effet une
couleur jaune-verdâtre , & la poufiière devint
beaucoup plus blanche. Après cette fécondé opération
, la pierre, lavée & calcinée dans un creufet
de platine, ne pefoit plus que quarante-fept parties.
» D. Les acides nitrique & muriatique, paffés
fucceflivement fur la pierre, commeon l’a vu plus
haut, furent enfemble précipités par l’ammoniaque
ajoutée en excès & chauffée avec pendant
quelque tèms. Le. précipité lavé .& calciné avoit
une couleur brune, & pefoit trente-huit parties..
” E. La liqueur ammoniacale avoit une légère
couleur bleue., tirant fur le violet : les carbonates
alcalins n'y produifoient aucun précipité : les alcalis
cauftiqùès ÿ formoient au contraire un dépôt
! blanc, alfez abondant, mais la liqueur ne perdoit
point, fa couleur violette. Ce précipité, lavé .&
. avoir une .nuance, yerdâtre ; il pefpit
dix-huit [parties qui furent réduites à treize
par la.calcinitioq. Cette,matière fe combina faci-
i îemept à llaqide fulfurique il en réfulta une dit-
folution qui.fqùtnit;, par l’évaporation fpontanée,
des criftàqx, prifmatiqlies, dont la forme & la fa’
veu'r refTembloientà celles dufulfatede magnéfiet